Interview de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à France 2 le 21 septembre 2016, sur la baisse du chômage en 2016 et les prévisions de croissance pour 2017.

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Média : France 2

Texte intégral


William LEYMERGIE
L'heure des « 4 vérités ». Ce matin, Caroline ROUX reçoit Myriam El KHOMRI, la ministre du Travail et de l'Emploi.
Caroline ROUX
Bonjour Myriam El KHOMRI.
Myriam El KHOMRI
Bonjour.
Caroline ROUX
Alors, il y a des jours avec et il y a des jours sans. Les prévisions de l'UNEDIC sont venues doucher vos espoirs. Baisse du chômage en 2016, certes, mais nouvelle hausse prévue en 2017. Alors, l'inversion de l'inversion de la courbe, ça ce n'était pas dans vos scénarios.
Myriam El KHOMRI
No, mais les prévisions de l'UNEDIC sont un peu pessimiste, en effet, il y a une marge d'incertitudes, elles se basent sur les prévisions de croissance de 1,2 %. Hier, le gouverneur de la Banque de France, tablait sur 1,5 %, autant que Michel SAPIN. Donc on voit bien que dans ce que prévoit l'UNEDIC, avec ces prévisions un peu pessimistes, en effet, le chômage redémarre en 2017, et ça va à l'encontre de toutes les prévisions faites par les autres organismes. Donc, nous sommes...
Caroline ROUX
Y compris par vous ?
Myriam El KHOMRI
Oui, parce que, hier, Michel SAPIN a justement, sur les... la prévision de croissance pour 2017, c'est 1,5 %. Donc, nous sommes confiants pourquoi ? Parce que nous avons depuis le début de l'année, eu 74 000 demandeurs d'emploi en moins en catégorie A. Et puis par ailleurs, nous avons fait un investissement massif sur la formation des demandeurs d'emploi, pas pour qu'il y ait une bascule d'une catégorie à une autre, mais parce que justement, par un manque de qualifications, on a des difficultés aujourd'hui à recruter certains postes. Et donc ça c'est un enjeu essentiel pour que les demandeurs d'emploi puissent retrouver un emploi.
Caroline ROUX
Donc, vous nous dites ce matin : le chômage continuera de baisser en 2017.
Myriam El KHOMRI
Ecoutez, en tout cas tous les jours, toute mon énergie, toute ma détermination est faite pour que nous mettons en place les outils nécessaires et la question de la qualification, permettez-moi, de la formation, est un point central. Parce que depuis 30 ans nous avons une difficulté dans le pays autour de la formation, elle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, or, nous avons des métiers non pourvus dans notre pays. Et donc tout l'enjeu aujourd'hui, et c'est ce que nous avons fait avec les régions, c'est de regarder quels sont les besoins en compétences, des entreprises, et essayer de proposer des formations aux demandeurs d'emploi, c'est un milliard d'euros que l'Etat a mis sur la table, cette année, justement, dans ce cadre là.
Caroline ROUX
Tout ce qui devait être fait, a été fait pour faire baisser le chômage en 2017. Est-ce qu'il reste des leviers sur lesquels vous pouvez jouer ?
Myriam El KHOMRI
Il y a bien sûr toujours des leviers. Je vois par exemple, nous avons lancé en janvier dernier à la fois le plan formation, et nous avons lancé aussi l'aide embauche PME, donc nous voyons bien que l'aide embauche pour les petites entreprises, a permis, il y a eu près de 650 000 demandes depuis janvier, donc ça a permis de recruter des personnes, non pas sur des contrats très courts, mais des CDD de plus de six mois ou des CDI. Donc on voit bien que cette aide, pourquoi elle est beaucoup mobilisée ? C'est parce qu'on est dans le cadre d'une reprise de l'activité économique. Ça c'est essentiel. Après, il y a encore d'autres dispositions qui sont mises en oeuvre, notamment sur certains publics, je pense notamment au public qui est parfois discriminé, où nous ciblons, en direction des femmes issues des quartiers de la politique de la ville, des personnes en situation de handicap, certains contrats aidés, pour améliorer et accélérer le retour à l'emploi.
Caroline ROUX
Si l'UNEDIC est pessimiste pour l'année 2017, est-ce que vous, vous êtes optimiste sur l'emploi pour l'année 2017 ?
Myriam El KHOMRI
Oui, je suis optimiste.
Caroline ROUX
Oui ?
Myriam El KHOMRI
Les prévisions de l'UNEDIC se font aussi sur des incertitudes liées au Brexit, donc voilà, il y a une réalité, c'est que la situation aujourd'hui est un petit peu incertaine de ce point de vue là, mais je rappelle que la Banque de France et Michel SAPIN, encore hier, ont eu, eux, des prévisions de croissance à 1,5 %.
Caroline ROUX
Alors, il y a un dossier très délicat, le chômage en est un, mais un autre, très délicat, sur votre bureau, celui de la discrimination à l'embauche. Le rapport du défenseur des droits est accablant, le fait d'être perçu de confession musulmane augmente nettement la fréquence des discriminations, on ne le découvre pas, mais ça ne s'arrange pas. Est-ce que votre gouvernement de gauche, a suffisamment fait sur ce sujet-là depuis le début du quinquennat, Myriam El KHOMRI ?
Myriam El KHOMRI
Oui, nous avons fait beaucoup de choses, en ciblant de nombreux dispositifs, en direction de ceux qui avaient moins.
Caroline ROUX
Ça ne s'est pas amélioré.
Myriam El KHOMRI
Néanmoins, et ce n'est pas... je pense qu'il faut qu'il y ait une prise de conscience générale dans la société. J'ai fait une campagne qui s'appelait « Les compétences d'abord », au printemps dernier, parce qu'on ne discrimine pas, de façon volontaire, bien souvent, mais on voit bien qu'il y a des pratiques discriminatoires dans notre pays. Hier, France Stratégie m'a remis un rapport sur le coût économique des discriminions. Je pense que c'est important pour interpeler la société française, de dire bien sûr que les discriminions c'est une faute morale, une injustice sociale, mais c'est aussi une aberration économique. France Stratégie, notamment les discriminations que subissent les femmes, ou les personnes originaires d'Afrique ou de l'Outremer, quelque par ça coûte à la collectivité près de 150 milliards, voilà ce qu'a indiqué hier France Stratégie.
Caroline ROUX
Ça veut dire que c'est plus facile de faire bouger les lignes en disant que c'est un problème économique, qu'en assumant le problème moral.
Myriam El KHOMRI
Eh bien je pense qu'il faut tous les arguments aujourd'hui, parce que l'enjeu c'est de changer les pratiques. Donc, vous me dites : qu'est-ce que vous avez fait ? Nous avons ciblé, nous avons parrainé des jeunes notamment, issus des quartiers populaires, nous avons ciblé, nous avons fait aussi une loi sur l'égalité salariale, développé la négociation collective, parce qu'il y a aussi la situation des femmes et les écarts de salaires, donc nous avons fait des choses de ce point de vue là, et surtout, j'ai lancé au printemps dernier une campagne de testing, c'est la première fois que les pouvoirs publics demandent un rapport sur le coût et surtout lancent une campagne de testing, justement pour avoir un échange avec ces entreprises-là, qui ont des pratiques discriminatoires, elles auront quelques mois pour se mettre en ordre de marche, autrement...
Caroline ROUX
Sinon, sinon, sinon quoi ?
Myriam El KHOMRI
Autrement, eh bien on désignera les mauvais élèves.
Caroline ROUX
Et puis ?
Myriam El KHOMRI
Et puis elles devront bien sûr s'engager dans ce cadre-là.
Caroline ROUX
Il y aura des sanctions pour les entreprises ?
Myriam El KHOMRI
C'est tout l'enjeu justement de cette campagne, soyez un petit peu patiente...
Caroline ROUX
Je vais essayer.
Myriam El KHOMRI
Tout ceci serait fait en octobre, mais c'est pas une question que des pouvoirs publics, enfin, permettez-moi d'insister, je ne le fais pas non plus contre les entreprises, le testing nous l'avons fait dans la Fonction publique et il y a également des choses. Ce n'est pas, ce n'est ni contre les entreprises et ce n'est pas qu'une question des pouvoirs publics. A un moment, je crois qu'il y a aussi une forme parfois de raccourci, de populisme aussi et de manque de responsabilités parfois des politiques, qui font que cela entraine aussi, très concrètement, des discriminations.
Caroline ROUX
Vous allez présenter bientôt un guide du fait religieux dans l'entreprise, pour éclairer les employeurs. Ça veut dire que c'est l'entreprise qui doit s'adapter. Est-ce que ça veut dire que la laïcité s'arrête aux portes de l'entreprise ?
Myriam El KHOMRI
Aujourd'hui, quelle est la situation en France ? La neutralité ne s'applique pas à l'entreprise, elle s'applique au service public. Avec la loi travail, pour la première fois, un employeur, à travers un règlement intérieur, pourra mettre en oeuvre la neutralité au sein de son entreprise. Donc c'est une avancée, parce qu'il y a en effet des fois des situations, quand un homme ne veut pas serrer la main à une femme, des situations qui sont intolérables. Par ailleurs, suite aux attentats du 13 novembre dernier j'ai rencontré les partenaires sociaux et là, beaucoup m'ont dit qu'ils étaient démunis, sur certaines questions qui pouvaient être posées, sur une fête religieuse. Donc nous avons fait un travail avec les organisations syndicales et patronales, de lister toutes les questions, du côté de l'employeur, du côté des salariés, pour dire tout simplement le droit. Donc beaucoup de situations...
Caroline ROUX
Et après, vous leur dites : débrouillez-vous.
Myriam El KHOMRI
Non, mais... Pour la première fois, dans la loi travail, je vous dis, un employeur pourra imposer la question de la neutralité, qui n'existe pas aujourd'hui dans l'entreprise, elle n'existe que dans les services publics. Après, beaucoup de situations se règlent par le dialogue et par la connaissance du droit. C'est pour cela que cet outil, qui sera mis en oeuvre autour du 20 octobre, permettra de donner des réponses très pratiques, du point de vue salarié, du point de vue de l'employeur. Je pense que c'est important, c'est une avancée.
Caroline ROUX
Merci beaucoup Myriam El KHOMRI.
Myriam El KHOMRI
Merci à vous.
Caroline ROUX
C'est à vous William.
William LEYMERGIE
Merci mesdames. Caroline, à demain.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 septembre 2016