Texte intégral
YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez ce matin la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol TOURAINE.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être avec nous dans ce studio. Vous êtes un pilier du gouvernement, notamment sur les questions politiques, par seulement ministre de la Santé et des Affaires sociales. Enfin une bonne nouvelle hier pour ce gouvernement sur le front du chômage, baisse de 63 000, François LENGLET l'analysait à l'instant. Ça fait du bien, après la forte hausse d'août et après les dégâts du livre de confidences de François HOLLANDE.
MARISOL TOURAINE
C'est évidemment une bonne nouvelle, Elizabeth MARTICHOUX, et c'est d'abord une bonne nouvelle pour les 63 000 personnes qui ont trouvé, retrouvé un emploi. Moi je pense à ces femmes et à ces hommes, et en même temps je ne vais pas fanfaronner. Je crois que ce serait malséant. Nous devons poursuivre, avec détermination, le travail qui a été engagé. Parce que cette bonne nouvelle, elle montre que c'est la ténacité qui produit des résultats, c'est une politique qui est suivie, de manière cohérente, qui produit des résultats, et c'est cela que nous devons faire valoir.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne conseillez pas au président de ressortir son « ça va mieux », ce serait comme vous le dites, malséant.
MARISOL TOURAINE
Non, écoutez, 63 000 chômeurs de moins, c'est quand même une bonne nouvelle. Et le mois dernier, lorsque les chiffres étaient moins bons, c'est vrai que c'était plus difficile, plus désagréable, à annoncer, même si...
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est ce yoyo qui vous incite quand même à la prudence.
MARISOL TOURAINE
C'est pas simplement de la prudence, c'est tout simplement de rappeler que ce qui compte, c'est moins les résultats mois après mois, que des tendances. Et les tendances, la tendance, elle est positive, elle est favorable, elle va dans le bon sens. Il faut poursuivre, amplifier le travail qui a été engagé, parce que...
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça va dans le bon sens, mais c'est vrai que ça se percute à une période de doute, vous le savez bien, au sein de la majorité. Notre sondage le montre, à quel point François HOLLANDE est faible, 9 % d'intentions de vote selon KANTAR SOFRES, au premier tour de la présidentielle, il se fait systématiquement dépasser par Emmanuel MACRON, s'il était candidat, et Jean-Luc MELENCHON qui l'est. La messe est dite pour les Français, à ce stade.
MARISOL TOURAINE
Vous savez, tant que les personnages de la campagne électorale ne sont pas campés...
ELIZABETH MARTICHOUX
Bien sûr. A ce stade, à ce stade la messe est dite.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais tout cela reste assez flou, et moi je ne doute pas que le jour où la gauche aura son candidat, les dynamiques s'enclencheront, la campagne commencera et on confrontera les projets les uns aux autres. Parce qu'il y a.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites : ça n'arrive pas trop tard. Vous dites : l'amélioration du chômage, ça n'arrive pas trop tard.
MARISOL TOURAINE
Non mais l'amélioration du chômage, c'est un élément parmi d'autres...
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour le chef de l'Etat.
MARISOL TOURAINE
C'est un élément parmi d'autres, d'un bilan qu'il faut défendre, parce qu'il mérite d'être défendu. Je suis actuellement à l'Assemblée nationale pour porter le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat. C'est un projet de loi qui est positif, parce qu'il porte des avancées sociales, on en parlera sans doute, mais il marque le rétablissement très spectaculaire des comptes de la Sécurité sociale, avec des chiffres comme on n'en avait pas connus depuis 2001. Le régime général, ce qu'on appelle le régime général de la Sécurité sociale, sera proche de l'équilibre l'année prochaine.
ELIZABETH MARTICHOUX
On y reviendra, vous avez raison. Mais, ce que j'entends, c'est quand même...
MARISOL TOURAINE
... et donc c'est tout cela qu'il va falloir mettre en place, en musique si j'ose dire, faire valoir un bilan, pour évidemment aussi proposer un projet.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous, j'entends votre prudence, mais au-delà, vous ne vous posez pas même des questions, Claude BARTOLONE, si, il s'en pose, même à haute voix, en disant hier : on a un problème d'incarnation. Il y a une distance qui s'est créée entre la gauche et les Français, entre le président et les Français.
MARISOL TOURAINE
Ecoutez, des questions, tout le monde peut s'en poser...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous vous en posez, vous ?
MARISOL TOURAINE
La seule question qui compte, c'est de donner toutes les forces, de savoir comment on donne toutes les forces...
ELIZABETH MARTICHOUX
A qui ?
MARISOL TOURAINE
A celui qui sera notre candidat...
ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien, qui est le meilleur candidat aujourd'hui ?
MARISOL TOURAINE
... parce que la gauche de gouvernement, comme on dit, doit avoir son candidat. Par principe...
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui est le meilleur candidat ?
MARISOL TOURAINE
Par principe, le président de la République sortant est celui qui est légitime pour porter les couleurs de son camp. La décision, aujourd'hui, est entre les mains du président de la République, et donc...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le souhaitez ? Est-ce que vous le souhaitez ? Vous dites « par principe », c'est assez peu affectif, comme formulation, si je puis dire.
MARISOL TOURAINE
Moi, je suis loyale. Je suis loyale et j'attends sa décision. Je comprends que dans l'attente, certains se préparent, s'organisent, pour le cas où. Mais, au fond...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous parlez de Manuel VALLS.
MARISOL TOURAINE
Ben, y compris d'autres.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce serait un manque de sérieux, même, politique, de ne pas se préparer à cette éventualité, il doit le faire.
MARISOL TOURAINE
Oui, absolument, comprend parfaitement qu'il faille se préparer à toutes les éventualités, tant que le président de la République n'a pas annoncé sa décision. Mais c'est cette décision-là qui sera l'élément déterminant et c'est encore une fois le président de la République qui doit porter un projet pour les Français, annoncer sa décision aux Français, et je le dis aujourd'hui, la balle est dans le camp du président de la République.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire ?
MARISOL TOURAINE
C'est à lui d'annoncer sa décision.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il doit accélérer ? Est-ce qu'il doit s'adresser aux Français ? On entend les deux propositions de la majorité.
MARISOL TOURAINE
A l'évidence, le président de la République entend respecter le calendrier qu'il s'est fixé, ça n'est un mystère pour personne, j'ai déjà eu l'occasion de dire que, personnellement, j'aurais souhaité qu'il accélère le tempo, si j'ose dire, mais enfin, c'est lui qui est le maître des horloges, c'est lui qui décide du calendrier, en tout cas, il doit évidemment s'adresser aux Français, il doit s'adresser à ceux qui l'ont soutenu, pour exprimer...
ELIZABETH MARTICHOUX
Comment s'adresser aux Français ?
MARISOL TOURAINE
Le choix de...
ELIZABETH MARTICHOUX
De la forme.
MARISOL TOURAINE
La forme lui appartient, mais je ne doute pas qu'il recherchera les moyens d'engager le dialogue, directement avec les Français.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour conclure cette partie, vous souhaitez une clarification le plus vite possible, qu'on sorte de cette espèce d'incertitude qui, à votre avis, est négative pour
MARISOL TOURAINE
Vous savez, l'incertitude, le mieux est de l'ignorer. Dans la mesure où la décision appartient au président de la République, tant que le président de la République ne s'est pas prononcé, le plus sûr, le plus solide, c'est de continuer à travailler, c'est ce que je fais avec le budget de la Sécurité sociale à l'Assemblée nationale, c'est ce que nous faisons au gouvernement, il vaut mieux éviter la dispersion, parce que la dispersion c'est lourd à porter ensuite.
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui apporte la dispersion, qui l'incarne ?
MARISOL TOURAINE
Je crois que personne en particulier n'incarne la dispersion. Attendons la décision du président de la République, ne nous affolons pas...
ELIZABETH MARTICHOUX
Le plus vite possible.
MARISOL TOURAINE
Ne nous affolons pas, c'est en ne nous dispersant pas et en ne nous affolant pas, que le moment venu nous saurons nous rassembler.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, message, donc, adressé au président, le plus vite possible sera le mieux. Sur la table de votre ministre de la Santé, il y a cette question des déserts médicaux, la lutte contre les déserts médicaux, on en a parlé hier sur RTL à 08h20 avec Yves CALVI, pour réduire l'inégalité aux soins, finalement. Il y a un amendement de députés qui prévoit de dissuader les médecins de s'installer dans une zone où exercent déjà de nombreux confrères...
MARISOL TOURAINE
Oui, de leur interdire, même.
ELIZABETH MARTICHOUX
... à moins qu'un autre ne s'en aille. Vous confirmez votre hostilité absolue à cette proposition ?
MARISOL TOURAINE
Oui, je ne suis pas favorable à cette mesure, et je vais vous dire en quelques phrases pourquoi. Je suis évidemment très sensible à l'inquiétude qui existe, quant aux difficultés qu'il peut y avoir dans certains territoires, de trouver un médecin à proximité de chez soi. Pour que des jeunes médecins s'installent dans des zones rurales ou dans certains quartiers urbains, il faut leur proposer des conditions de travail qui correspondent à leurs besoins. C'est pour cela que depuis quatre ans j'ai mis en place des politiques incitatives. Je vous donne quelques exemples. Les maisons de santé qui sont plébiscitées par les jeunes médecins, il y en avait 150, il y en aura 1 200 l'année prochaine. Ça c'est une manière d'attirer des médecins. Et j'ai pris toute une série de mesures qui donnent des résultats. Pourquoi je ne suis pas favorable à ce qu'on appelle le déconventionnement ? Le déconventionnement, ça veut dire quoi ? C'est qu'on va dire aux médecins : si vous vous installez là où vous n'avez pas le droit de le faire, vous ne pourrez pas être conventionné, et derrière ce mot un peu technique, ça veut dire que les patients ne seront pas remboursés par la Sécurité sociale. Et pour moi c'est le début d'une médecine à deux vitesses, avec des médecins qui s'installeront dans des quartiers aisés, sans que leurs patients soient remboursés, pendant que ça ne changera rien dans les secteurs où il n'y en a pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est compris la philosophie. C'est vrai que les médecins sont très très attachés à la liberté d'installation, qui est pour elle essentielle. L'UFC Que Choisir demande aux députés de ne pas céder aux lobbies médicaux, en justement, en approuvant cette mesure.
MARISOL TOURAINE
Mais il n'y a pas...
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous cédez aux lobbies médicaux, est-ce qu'à quelques mois de la présidentielle, finalement, comme vous avez déjà à dos beaucoup de médecins...
MARISOL TOURAINE
J'ai porté des mesures vis à vis des médecins, et donc je n'ai pas le sentiment de céder à quelques lobbies que ce soit. Ma préoccupation, c'est pas de faire plaisir à Pierre, Paul ou Jacques, c'est de mettre en oeuvre des mesures qui marchent. Et annoncer qu'il y aura des médecins, demain, en France, qui auront des patients qui ne seront pas remboursés par la Sécurité sociale, je ne trouve pas que ce soit une mesure de gauche, une mesure de progrès...
ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc c'est pas...
MARISOL TOURAINE
... et ça ne permettra pas davantage à des médecins, d'aller s'installer dans une zone rurale...
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est compris.
MARISOL TOURAINE
... la meilleure façon pour faire venir des médecins dans les zones rurales, c'est de leur proposer des conditions d'exercice, attractives, intéressantes. Des mesures ont été prises, d'autres seront proposées dans quelques jours à l'Assemblée...
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est compris Marisol TOURAINE. Il y a une autre question.
MARISOL TOURAINE
... et moi je tiens à cette dynamique incitative.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a une autre question que je voulais vous poser, c'est la Haute autorité de santé qui a demandé le déremboursement de quatre médecins pour lutter... de quatre médicaments, pardon, pour lutter contre Alzheimer, ce sont des vieux médicaments. Est-ce que vous suivrez cette décision de la Haute autorité de santé ?
MARISOL TOURAINE
Il n'y aura pas de déremboursement dans l'état actuel des choses. De quoi s'agit-il exactement ? Il y a quatre médicaments, dont la Haute autorité de santé, qui est indépendante, considère qu'ils ne sont pas très efficaces sur le plan médical, voire pas efficaces du tout. Et donc on peut s'interroger, on doit s'interroger sur le déremboursement. Mais, moi je suis sensible au fait que les malades, aujourd'hui, n'ont pas de dispositif de prise en charge, et donc ce que je veux, c'est mettre en place un parcours de soins, un protocole de soins, élaboré par les scientifiques, en lien avec les associations de patients, et tant que ce protocole de soins ne sera pas non seulement élaboré mais mis en oeuvre, la question du déremboursement ne peut pas et ne doit pas se poser.
ELIZABETH MARTICHOUX
On a la réponse à la question. Je voudrais votre avis sur un autre amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, au bénéfice des retraités modestes. Il y a 430 000, je crois, retraités, qui doivent bénéficier d'une exonération totale de la CSG, des députés souhaiteraient que d'autres, 400 000 environ, bénéficient d'une réduction de cette CSG, pas exonération mais réduction. En tout ça ferait presque un million de retraités modestes qui bénéficieraient finalement d'un coup de pouce. Vous y êtes favorable ?
MARISOL TOURAINE
Nous travaillons avec les parlementaires pour proposer de nouvelles mesures de pouvoir d'achat pour les retraités modestes. Des mesures ont déjà été prises dans le passé, je ne vais pas les rappeler. Il y a un accord, je crois que nous travaillons à une mesure qui devrait permettre à un peu plus de 500 000 retraités modestes, c'est-à-dire des retraités dont le revenu est modeste, mais qui paient de la CSG. Nous allons leur permettre de ne plus en payer ou d'en payer moins, cela représentera un gain de pouvoir d'achat d'environ 45 .
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous étendez la mesure ? C'est ma question.
MARISOL TOURAINE
Elle a été, elle sera je pense un peu étendue par rapport au projet initial, je viens de vous l'annoncer, le nombre de bénéficiaires devrait être légèrement supérieur à 500 000 personnes en France, 500 000 personnes de plus qui ne paieront pas de CSG ou en paieront moins, environ un gain de pouvoir d'achat de 45 par mois.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Marisol TOURAINE d'avoir été notre invitée ce matin sur RTL.
MARISOL TOURAINE
Merci. ELIZABETH MARTICHOUX
Sur les chiffres du chômage, « une bonne nouvelle, mais je ne vais pas fanfaronner avec ces chiffres », vient de nous dire la ministre Marisol TOURAINE, qui évoque des chiffres par ailleurs spectaculaires de rétablissement du régime général de la Sécurité sociale, et espère que le président de la République va nous tenir informés rapidement de ses intentions. Merci à toutes les deux. L'entretien est bien entendu comme chaque jour à retrouver sur le site RTL.FR.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2016