Texte intégral
Monsieur le Gouverneur militaire de Paris, mon général,
Monsieur le Gouverneur des Invalides, mon général,
Monsieur le président de l'UNADIF-FNDIR,
Je salue également l'épouse et les filles de François Perrot,
Mesdames et messieurs,
J'étais à Nice samedi dernier avec le Président de la République pour rendre hommage aux victimes de l'attentat du 14 juillet dernier. Aux victimes du terrorisme et de la barbarie. Aux victimes des négateurs de la Liberté, de la République.
Ce contexte particulièrement tragique dans lequel la France est plongée depuis plusieurs mois donne un sens profond et singulier à l'hommage rendu aux résistants, ceux qui ont fait il y a 70 ans l'honneur de la France.
Un hommage sans précédent a été rendu en 2014 et 2015 à toute une génération de la guerre qui a vu s'éteindre quelques derniers symboles de courage et d'esprit républicain : Robert Chambeiron, pour ne citer que lui, recevait le 8 janvier 2015, au lendemain des attaques terroristes contre Charlie Hebdo, ici même, aux Invalides, l'hommage de la Nation.
Ce jour-là, le Président de la République salua tout particulièrement son grand esprit de Résistance. Car ici en France continua de souffler, alors que certains cherchèrent à l'éteindre, l'esprit de Résistance, l'esprit de Liberté.
L'esprit de Résistance est aussi celui qui guida François Perrot en temps de guerre. Un nom, un itinéraire, une mémoire autour desquels nous sommes réunis aujourd'hui.
Une histoire que nous nous devons de transmettre, comme aujourd'hui en présence de son épouse et de sa famille.
Réfugié à Laburgade, petit village du Lot, dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, François Perrot entend par hasard le 18 juin 1940 l'appel du général de Gaulle.
Le jeune lycéen décide alors de s'engager activement dans la Résistance, dont le premier acte consistera en la rédaction, avec quelques camarades, de papillons en prévision du 11 novembre 1940. Il n'a pas encore 20 ans.
Quand on a la République chevillée au corps, on ne peut pas tolérer qu'elle soit malmenée, trahie, piétinée. « Non à la résignation ! Oui à l'espérance ! Mon choix fut instinctif et instantané », expliquera-t-il dans son autobiographie.
Oui, le choix était instinctif pour ce jeune Franc-comtois né à Strasbourg, dans cette Alsace où la défense de la France et de la République a un sens si particulier.
Alors qu'il tente de rejoindre les Forces Françaises Libres, François Perrot est arrêté une première fois par la police française à Marseille en mars 1941.
Expulsé du lycée de Gap et de retour à Paris auprès de sa famille, il entre finalement dans la Résistance intérieure en 1942.
François Perrot prend contact avec le Front national étudiant et transforme l'appartement familial parisien en repaire pour résistants et réfractaires au STO.
Il est arrêté par la Gestapo en mars 1943 avec sa sur Jeanne et quelques camarades, interné à Fresnes puis à Compiègne avant d'emprunter ce chemin macabre de la déportation jusqu'à Buchenwald où il restera 18 mois.
18 mois au cur d'une entreprise de déshumanisation dans laquelle il nouera pourtant une grande amitié avec Auguste Vercey, dit « Gugu ». Une amitié sans laquelle il n'aurait peut-être pas pu revenir. François Perrot l'écrivit en ces termes : « Sans solidarité, il y avait peu de chance de sortir vivant de cet enfer ».
Le 6 avril 1945, il quitte Buchenwald. Aux kilomètres parcourus entassés dans des wagons de marchandises succèdent 3 jours interminables de marche jusqu'à Tachov, durant lesquels nombreux de ses camarades, épuisés, s'abandonnent à la mort.
Une deuxième marche de la mort doit le conduire jusqu'à Flossenbürg. C'est là, sur cette route parsemée de cadavres, que son camarade Gugu et lui sont repérés par les Alliés et conduits dans un hôpital américain où ils séjourneront jusqu'au 15 mai 1945, avant d'être reconduits vers l'Ouest. Il restera fidèle à Gugu jusqu'à ce que la vie l'emporte en 2013. C'était un 18 juin, tout un symbole.
Arrivé en gare de Metz, François Perrot rejoint le 17 mai Bar-le-Duc où il retrouve son père dont le premier regard est celui adressé à un étranger. Il lui faut quelques minutes pour le reconnaître.
Mesdames et messieurs, nous honorons aujourd'hui un résistant, un défenseur de la France. Nous saluons la mémoire d'une victime de la barbarie nazie. Mais nous honorons aussi un infatigable militant de la mémoire.
Dès le lendemain de la guerre, François Perrot est conscient de la mission que son histoire lui confie : celle de transmettre.
Il restera fidèle à cette mission jusqu'au dernier jour de sa vie, notamment en s'engageant dans la vie associative. Président de la Fédération Nationale des Déportés, Internés et Résistants, vice-président de l'Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus et vice-président de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, François Perrot s'est engagé en temps de paix pour la préservation du souvenir du sort de ses camarades en temps de guerre.
Ancien vice-Président du conseil d'administration de l'Office national des Anciens combattants et victimes de guerre, il n'a eu de cesse de se battre pour faire valoir les droits de ses camarades et pour que le souvenir de leur engagement rejoigne la mémoire nationale.
Beaucoup d'entre vous l'ont connu, rencontré, côtoyé. Tous retiennent sa simplicité, son humilité, son humanisme.
Un humanisme dont il fit preuve aussi à l'égard de l'Allemagne envers laquelle il n'entretint jamais aucune rancur. Il envoie d'ailleurs ses filles Outre-Rhin se perfectionner en langue.
François Perrot s'est éteint la semaine dernière à l'âge de 95 ans. La France perd plus que l'un de ses fils. Elle perd un symbole.
François Perrot nous livre en ultime cadeau le témoignage de sa vie, uvre de transmission. Car celui qui lit ou entend son témoignage, devient témoin à son tour, avec ce besoin impérieux de raconter et de transmettre.
Merci François Perrot.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 4 novembre 2016