Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-chypriotes, la réunification de Chypre et sur la lutte contre le groupe terroriste Daech, à Nicosie le 25 octobre 2016.

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Circonstance : Déplacement en Turquie, en Grèce et à Chypre, les 24 et 25 octobre 2016

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Cher Ioannis,
Oui, je sais, je suis le bienvenu. Merci encore pour votre accueil. J'ai eu le plaisir de vous recevoir à Paris et de vous rencontrer souvent. C'est pour moi une visite très importante ici à Nicosie, pour deux raisons :
D'abord, pour l'exceptionnelle qualité de nos relations bilatérales et de notre dialogue politique, qui se renforcent d'années en années,
et puis l'autre tient au caractère historique de ce que le président Anastasiades a entrepris, avec son partenaire chypriote-turc, pour travailler à la réunification de l'île et mettre fin à une division qui n'a que trop duré.
Je le disais, la relation avec Chypre est très importante pour la France. Notre réunion bilatérale a encore prouvé la densité et la diversité des relations entre nos deux pays, démontrée par les signatures que nous venons d'effectuer :
la première concerne l'agenda stratégique qui donne une nouvelle impulsion au dialogue que nos pays entretiennent au niveau politique, en matière de défense - et je vous remercie encore de votre aide pour l'accueil du porte-avions le Charles de Gaulle il y a quelques jours - et puis en matière de coopération scientifique, culturelle, universitaire, et sur le plan économique ;
j'ai signé avec Costa Kadis, le ministre chypriote de la culture et de l'éducation, il y a quelques instants une déclaration d'intention en matière éducative. Nous voulons renforcer notre coopération dans ce domaine ;
les directeurs généraux des sécurités civiles françaises et chypriotes ont signé la lettre d'intention en matière de sécurité civile, pour poursuivre notre coopération. Elle est importante, depuis les incendies de juin dernier et l'intervention des Canadairs français.
Bien sûr, nous avons parlé de toutes les crises qui menacent la paix et la sécurité. D'abord nous avons parlé du conflit syrien, qui concerne bien sûr le peuple syrien mais qui nous concerne aussi. Nous avons la même conviction : les bombardements massifs du régime soutenus par la Russie, notamment sur Alep, doivent cesser. C'est la meilleure façon de permettre à l'aide humanitaire d'accéder aux populations civiles. C'est la seule manière aussi de rendre possible la reprise des négociations qui est la seule voie pour permettre de réussir cette transition politique qui est basée sur une résolution du conseil de sécurité, la résolution 2254. Pour nous, il n'y aura pas de paix durable en dehors d'une solution politique et nous partageons cela avec beaucoup de conviction - et nous le disons en particulier aux Russes. Nous parlons avec les Russes et vous-mêmes vous vous rendrez à Moscou, avant de prendre la responsabilité de la présidence du Conseil de l'Europe. Donc les uns et les autres, nous voulons convaincre.
Concernant l'avenir de l'Union européenne, après la décision britannique du Brexit, nous avons partagé le même constat sur la nécessité de relancer l'Union européenne sur des priorités, pour la rendre plus populaire auprès de nos concitoyens et, de ce point de vue, les échanges entre chefs d'État et de gouvernement à Bratislava étaient constructifs. C'est une bonne base de départ.
Concernant la question chypriote, comme vous l'avez dit, j'aurai l'occasion de réitérer auprès du président Anastasiades le plein soutien de la France à la réunification de l'île. Nous nous réjouissons de la détermination dont il fait preuve, avec Mustafa Akinci, pour mener ces négociations - nous l'espérons avec un résultat positif - presque chaque jour, ou en tout cas plusieurs fois par semaine. Nous, nous souhaitons vraiment, d'abord pour les Chypriotes, pour les Européens et pour la région, que la question chypriote soit résolue, dans le plein respect des règles européennes et du droit international.
Nous sommes aujourd'hui plus que jamais dans un monde troublé, incertain, menacé par des fractures dans nos sociétés mais aussi par la montée des discours de méfiance voire de haine de l'un contre l'autre. Alors, nous avons besoin de faire la démonstration que nous sommes capables de surmonter des conflits anciens et de parvenir à la réconciliation.
Chypre réunifiée sera un formidable message d'espoir pour la région. La France, membre permanent du conseil de sécurité et membre de l'UE, soutient ces pourparlers et espère que cette division anachronique ne sera bientôt plus qu'une page d'histoire que les Chypriotes auront eu le courage de tourner.
Q - Monsieur le Ministre, vous allez avoir tout à l'heure un entretien avec le président de la République et M. Akinci. Une question sur des idées ou des propositions au nom de la France sur la question des puissances garantes. Est-ce que vous accepteriez qu'un pays membre de l'UE jouisse d'un régime de puissance garante par des parties tierces ?
R - Tout d'abord, l'Union européenne n'est pas une puissance garante. Donc la France qui est membre de l'Union européenne n'a pas à jouer un rôle spécifique. Quelle est la priorité ? La priorité, c'est la poursuite de la négociation inter-chypriote qui est engagée. Engagée, je l'ai dit, courageusement, avec détermination et qui a la garantie de la [inaudible]. Nous souhaitons la poursuite de ces négociations. Nous souhaitons leurs succès, mais bien sûr sous l'égide des Nations unies, et la France est membre permanent du conseil de sécurité. Les bases de cette négociation ont été fixées par le conseil de sécurité. Donc si vous me posez la question de ce que peut faire la France, la France parle en permanence avec les autres membres permanents du conseil de sécurité, donc elle prend ses responsabilités.
Quant à l'Union européenne, elle joue un rôle, c'est évident, que les parties lui demandent de jouer pour accompagner la mise en oeuvre de l'accord. Et cet accord, nous le souhaitons. Nous le souhaitons avec le coeur et la raison.
Q - Jusqu'à présent c'est la fin de l'année 2016 qui a été posée comme date d'échéance pour parvenir à un accord. Nous sommes aujourd'hui fin octobre. Dans le cadre de votre visite et des entretiens que vous avez pu avoir, cette date de la fin 2016 vous semble-t-elle encore d'actualité pour parvenir à un texte commun ?
R - La question n'est pas adressée qu'à moi. Elle est adressée j'imagine aux deux ministres.
Nous en avons parlé ensemble. Je crois que la qualité des négociations engagées, la sincérité de ceux qui négocient est très prometteuse. Nous souhaitons, je souhaite en tout cas que ce qui avait été envisagé comme calendrier soit tenu. Je suis venu ici pour parler avec le président de la République de Chypre. J'irai aussi tout à l'heure parler avec le dirigeant de la communauté chypriote-turque, M. Akinci, pour faire passer un message d'encouragement, pour que ce processus soit mené à son terme.
Mais je voudrais ajouter quelque chose : il revient aux Chypriotes de mener les négociations. Nous respectons leurs décisions, leur souveraineté, c'est très important, et nous avons confiance.
Q - Pensez-vous que la libération de Mossoul est une question de temps ? Est-ce que vous croyez qu'il y aura un nouveau mouvement de déplacement des djihadistes qui pourrait accentuer le risque et les menaces d'attaques terroristes contre l'Europe et en particulier en France ?
R - Nous menons un combat déterminé contre le terrorisme, celui de Daech en Irak. Nous combattons al-Qaïda aussi et Boko Haram en Afrique. Il faut vaincre ce fléau. Mossoul, c'était la capitale autoproclamée de Daech en Irak. Il était de la responsabilité du gouvernement irakien, des forces militaires irakiennes, que la coalition contribue à cette bataille, à faire tomber Daech à Mossoul. C'est une bataille difficile et elle va être gagnée. Mais bien sûr, il faut veiller à protéger les populations civiles et les éventuels réfugiés et ceci avec les Nations unies, avec les organisations non-gouvernementales, c'est très important. Il faut aussi veiller à continuer à poursuivre les combattants de Daech qui seraient tentés de s'échapper et qui pourraient se retrouver à Raqqa.
D'où l'importance d'avoir une vision stratégique, complète, dans le cadre de la coalition internationale contre Daech et donc se préoccuper de ce qui va se passer ensuite à Raqqa. Car nous savons que Raqqa est, comme Mossoul, une autre capitale pour Daech, pour l'organisation des attentats au Moyen-Orient mais aussi en Europe, et donc évidemment en France. Cette bataille, il faut la gagner.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 novembre 2016