Texte intégral
Monsieur le ministre, cher André Vallini,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Notre rassemblement, aujourd'hui à Paris, est l'expression de la volonté commune qui nous anime : nous mobiliser davantage au profit du maintien de la paix des Nation Unies. Dans le contexte géopolitique incertain qui est le nôtre, c'est une responsabilité aussi exigeante que nécessaire.
Je tiens à saluer tout particulièrement l'implication exemplaire des quatre co-présidents de cette conférence : le Sénégal, le Bangladesh, le Canada et l'Allemagne. Elle témoigne de notre mobilisation collective et elle a permis d'assurer le succès de cette rencontre.
Les éléments de conclusion que je vous propose ne peuvent bien sûr prétendre à l'exhaustivité, tant vos débats ont été riches, hier au niveau des experts civils et militaires, comme aujourd'hui sur le plan politique. Mais je tiens à partager avec vous quelques réflexions nées.
Le maintien de la paix constitue l'un des piliers du multilatéralisme auquel nous sommes tous profondément attachés. C'est un instrument fondamental de défense de la paix et de la sécurité internationales. C'est pourquoi il nous faut tout mettre en uvre pour en accroître l'efficacité.
L'enjeu est majeur. Et notre conférence aura permis de préciser encore notre compréhension des défis que nous avons à relever : 7 des 16 opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations Unies actuellement en cours sont déployées dans un environnement francophone ; elles représentent plus de 60 % de l'ensemble des effectifs policiers et militaires de ces opérations, et plus de 55 % de leur budget global.
A ces chiffres s'ajoutent un constat partagé : les opérations de maintien de la paix dans l'espace francophone interviennent dans un contexte marqué par l'émergence de nouvelles formes de conflictualité, plus meurtrières qu'auparavant. Le Mali en est hélas une illustration cruelle ; la MINUSMA paie en effet un lourd tribut à la stabilisation de ce pays : elle compte déjà plus de 100 morts dans ses rangs. Je tiens, à cet instant, à rendre hommage à leur engagement au service de la sécurité et de la paix. Leur sacrifice nous oblige collectivement à nous mobiliser de façon résolue.
Dans l'espace francophone et pour répondre à ces nouveaux défis, des politiques et des solutions opérationnelles novatrices et efficaces sont mises en uvre. Nos travaux doivent en éclairer l'évolution, et nous permettre de tirer des leçons valables pour l'ensemble du maintien de la paix. C'est ainsi que nous serons le mieux à même d'accompagner les réformes en cours ; c'est ainsi que nous serons plus réactifs et mieux préparés.
Ces enjeux ne concernent d'ailleurs pas uniquement les zones francophones. Ils ont une portée globale : c'est une raison supplémentaire de nous mobiliser.
Ce sont donc quatre axes d'efforts que nous avons identifiés pour adapter les opérations de maintien de la paix au contexte spécifique des environnements francophones.
En premier lieu, concernant la formation des Casques bleus, nous constatons collectivement qu'il subsiste des lacunes en termes de formation, de capacités linguistiques comme de comportements. Tous ces aspects sont pourtant indispensables à la réussite du maintien de la paix. Comme d'autres partenaires, la France entend poursuivre ses efforts en la matière, par le soutien qu'elle apporte à de nombreux pays contributeurs de troupes. Nous devrions ainsi remplir notre engagement de former quelque 80.000 soldats, soit 20.000 par an. En 2015 nous avons en effet dépassé nos objectifs avec 29.000 soldats formés, dont plus de 13.000 pour le maintien de la paix.
Nous sommes aussi unanimes sur la nécessité de développer l'apprentissage du français au sein des pays non-francophones contributeurs : maîtriser le français, c'est un prérequis indispensable à l'engagement au sein d'une force qui sera amenée à interagir avec une population francophone.
L'Organisation internationale de la Francophonie, dont je salue la Secrétaire générale, Madame Jean, a depuis quelques années déjà mis en place des outils pédagogiques qui permettent de répondre à ce besoin.
Cette question dépasse d'ailleurs le seul aspect linguistique. Parce qu'elle impacte l'efficacité des opérations de maintien de la paix, je m'en suis rendu compte à de nombreuses reprises, il est absolument nécessaire que les pays contributeurs de troupes non-francophones s'en saisissent et se l'approprient.
Ensuite, c'est le deuxième axe d'effort, la génération de force doit impérativement intégrer la connaissance de la langue française, pour mieux interagir, dans une relation de confiance, avec les populations locales. Le constat de cette sous-représentation en personnel francophone dans les opérations de maintien de la paix doit nous amener à combler cette lacune.
Je sais que le Secrétariat des Nations Unies, Monsieur Ladsous en particulier, est pleinement impliqué dans cet exercice ; cela lui permettra de tirer des enseignements féconds et d'adapter le nouvel outil de génération de force au profit des opérations de maintien de la paix.
C'est de cette manière que nous répondrons aux enjeux spécifiques de chaque opération, y compris dans les pays francophones. Pour accompagner vos efforts en ce sens, nous vous avons d'ailleurs distribué un « Guide de la génération de force » en français ; il reprend largement celui des Nations unies, rédigé en anglais.
Le troisième axe d'effort concerne le domaine de l'équipement et des capacités. Des solutions ont là aussi été identifiées : je pense aux efforts nationaux d'équipement des troupes et de construction capacitaire. Je pense aussi, et c'est une évidence qu'il est parfois utile de rappeler, à la bonne exploitation de toutes les possibilités de remboursement offertes aux Etats par les Nations Unies, lorsqu'ils engagent des moyens humains et matériels dans les opérations de maintien de la paix.
Force est de constater que cela n'est pas encore suffisant. D'autres actions sont donc à mener, pour mobiliser les expertises de chacun et accompagner les États membres dans leur démarche de contribution auprès du Secrétariat des Nations Unies. Il nous faut également soutenir le Secrétariat des Nations Unies dans sa recherche de solutions innovantes pour équiper de façon adéquate les contingents de Casques bleus. Parallèlement, nous continuerons à uvrer pour convaincre les États disposant de capacités critiques de contribuer aux opérations de maintien de la paix. Il faut de la conviction et de la prise de conscience collective.
Il y a aujourd'hui une véritable urgence à ce que le Secrétariat des Nations Unies et les Missions revoient à la hausse leurs ambitions quant aux capacités opérationnelles à mobiliser lors de ces opérations. Face aux nouvelles formes de conflictualité, et compte tenu du niveau de risque auxquels sont exposés les Casques bleus un niveau de risque beaucoup plus important maintenant qu'hier, et donc il faut revoir les équipements et s'assurer en particulier de répondre aux besoins opérationnels urgents auxquels nous devons faire face.
La notion de besoin opérationnel urgent, il faut la mettre en uvre, je l'avais déjà dit à Londres et cela suppose deux transformations. D'une part, la mise en place de procédures d'urgence afin de pouvoir recourir à un État doté des capacités manquantes ou, par défaut, en externalisant.
D'autre part, des procédures internes simplifiées permettant, sur le théâtre, de mobiliser des moyens déjà à disposition, sans avoir à en passer par des démarches bureaucratiques excessives.
Pour cette raison, notre ambition commune est d'inscrire la réforme du soutien logistique des opérations de maintien de la paix à l'agenda du prochain Secrétaire général des Nations Unies. C'est une affaire grave, c'est une affaire exigeante mais qui est, à mon sens, indispensable.
Enfin, le quatrième axe d'effort porte sur la sortie de crise. Vous l'avez rappelé dans vos interventions, il revêt un caractère central dans la consolidation de la paix et le continuum sécurité-gouvernance-développement, qui guide les objectifs finaux du maintien de la paix.
J'insiste sur ce point : les conditions d'une sortie de crise durable nécessitent d'être planifiées dès le début du déploiement d'une opération de maintien de la paix. Et il est tout aussi essentiel que la reconstruction et la stratégie de sortie de crise s'appuient sur des programmes efficaces de réforme du secteur de sécurité (RSS) et de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).
Nous en avons tous conscience, c'est à nous les décideurs politiques qu'il appartient de garantir que le processus de stabilisation d'un pays en crise prenne en compte tous les acteurs nationaux. Toute sortie de crise réussie implique en effet, comme l'un de ses éléments décisifs, qu'ils deviennent des acteurs à part entière de ce processus.
Avant de clore cette conférence, je souhaite vous dire comment, en tant que ministre de la Défense de la République Française, je compte poursuivre l'engagement de la France au service des opérations de maintien de la paix. Bien sûr, ma responsabilité première est de crédibiliser l'outil militaire déployé dans ce cadre, et de m'assurer qu'il joue bien son rôle d'instrument de mise en uvre des mandats. Nous le savons tous ici, les objectifs politiques même légitimes, sont voués à rester lettre morte s'ils ne peuvent s'appuyer sur une capacité d'action militaire crédible, utilisée à des moments clefs du règlement d'une crise.
La France continuera à prendre toute sa part dans cet effort collectif.
Nous sommes le deuxième contributeur de troupes parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité. Nos forces armées participent à 8 des 16 opérations de maintien de la paix en cours, singulièrement dans la FINUL au Liban, cela vient d'être rappelé par la représentante du Liban. Comme je l'avais annoncé à Londres, le 8 septembre dernier, cet engagement mondial sera renforcé par le déploiement d'une unité de drones tactiques (SDTI) au sein de la MINUSCA en Centrafrique, avec un effectif supplémentaire de 85 hommes et femmes.
Au-delà de nos efforts de formation, dont j'ai déjà fait mention, nos opérations et dispositifs nationaux, par ailleurs, appuient quotidiennement les opérations de maintien de la paix au Mali, en République Centrafricaine ou en Côte d'Ivoire. A ce propos, je rappelle qu'au Mali et en Centrafrique, à ce jour, ce sont 45 764 militaires français qui ont été successivement engagés depuis 2013 dans nos opérations nationales qui concourent à la sécurité des opérations de maintien de la paix. C'est bien grâce à cet appui opérationnel que les opérations de maintien de la paix peuvent mettre en uvre leurs mandats.
L'évolution de l'outil militaire du maintien de la paix des Nations Unies est un phénomène constant. Le Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali en avait d'ailleurs pris la mesure dès 1992 en proposant un Agenda pour la Paix. Je veux vous dire que, pour lui rendre hommage et saluer son engagement ultérieur à la tête de l'Organisation Internationale de la Francophonie, nous avons souhaité prendre une initiative qui portera son nom. Nous avons souhaité, avec la Secrétaire générale de l'Organisation Internationale de la Francophonie et avec le soutien du Canada et de la Belgique pour l'instant, de créer à partir de cette rencontre un « Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix ».
Cet organisme aura pour vocation à la fois de fournir un forum aux Etats de l'espace francophone pour mieux s'approprier les questions onusiennes et servir de relais auprès du Secrétariat des Nations Unies. Cet organisme aura aussi pour objectif de mobiliser les unités francophones au profit de la génération de forces, cela sera un incitateur pour conférer davantage de profondeur au dialogue triangulaire entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les contributeurs de troupes. Il permettra enfin d'analyser et de débattre des évolutions de la conflictualité auxquelles font face les Casques bleus dans l'espace francophone et donc faire progresser ensemble la réflexion sur les adaptations nécessaires à l'outil militaire de maintien de la paix.
Je remercie beaucoup la Secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie de ce partenariat que nous lançons aujourd'hui.
Je conclurai en vous remerciant à nouveau de votre mobilisation et de votre engagement en faveur du maintien de la paix. Soyez assurés que la France continuera, comme elle l'a toujours fait, à s'impliquer, à vos côtés, en faveur de la paix et de la sécurité internationale.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 3 novembre 2016