Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à BFMTV le 22 septembre 2016, sur les effectifs des enseignants et la poursuite des réformes à l'école et au collège.

Prononcé le

Média : BFM TV

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous recevons ce matin Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre de l'Éducation nationale, bonjour...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Future directrice de campagne de François HOLLANDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, il n'en est pas question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Il n'en est pas question, non ? Parce que j'ai lu ça partout, mais alors on dit n'importe quoi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh ! Vous savez il s'écrit beaucoup de choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En revanche, vous pouvez clairement dire très impliquée dans la campagne présidentielle qui viendra, j'y compte bien oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, derrière François HOLLANDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je le souhaite, oui bien sûr je souhaite que François HOLLANDE soit candidat et qu'il soit surtout désigné.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et, là, vous allez vous impliquer derrière lui à fond ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, parce qu'honnêtement d'abord je pense que nous avons un bilan à défendre, vraiment un bilan de qualité sur tous les domaines et pas seulement le mien – on y reviendra...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça on va y revenir.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais surtout que la France a besoin de continuité dans les réformes engagées et que de fait c'est la gauche qui pourra la lui offrir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! On reviendra en fin d'interview sur les présidentielles, la primaire à gauche. Scolarité obligatoire pour les 3 à 18 ans, ce sera l'une des propositions-phares du candidat François HOLLANDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord ce n'est pas une proposition du candidat François HOLLANDE, c'est une proposition que j'ai mise en débat dans le débat public parce que je trouve ça intéressant de nous projeter un petit peu sur ce que doit être la politique éducative des prochaines années, donc déjà soyons clairs...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera l‘un des engagements des prochaines années, oui, pour vous la gauche.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc déjà soyons clairs, il ne s'agit pas d'une réforme qui a vocation à être faite avant la fin de ce quinquennat, c'est une réforme ambitieuse que je mets en projet, en débat, et c'est très intéressant de voir d'ores et déjà la façon dont les acteurs se situent par rapport à cette proposition. Qu'est-ce que c'est cette proposition ? C'est l'idée de dire : « on est dans un pays dont nous devons élever le niveau de qualification vraiment », pourquoi ? Parce que vous voyez bien les métiers qui nous attendent pour demain, la compétition internationale - tous les pays sont dans la course à l'élévation du niveau de qualification de leur population - et donc nous-mêmes on doit se poser la question de comment amener davantage de gens à être hautement qualifiés ? Si on laisse des gens décrochés en nombre, comme nous le faisons aujourd'hui à partir de l'âge de 16 ans, sans aucune qualification, sans aucun diplôme, c'est autant de possibilités en moins que nous avons d'être dans la compétition dont je vous parlais à l'instant. Vous regardez juste un chiffre, vous regardez sur ces 20 dernières années, vous avez – quand on regarde à quoi ressemblent les métiers – vous avez 20 % de métiers hautement qualifiés en plus qui sont apparus et vous avez 20 % de métiers moyennement qualifiés qui eux ont disparu ; devant ce type de phénomène, soit on se dit on va juste être éplorés à regarder ce qui a disparu, soit on s'adapte, et s'adapter c'est encore une fois augmenter le niveau de qualification, donc amener le maximum possible tous les jeunes de notre pays vers une qualification.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En fait l'idée c'est d'obliger l'État à trouver une solution à tous les élèves jusqu'à 18 ans quand ils n'ont pas accès au marché du travail, c'est ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui soyons clairs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Faute de qualification, c'est ça l'idée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui, Jean-Jacques BOURDIN vous avez raison d'être très clair là-dessus, l'idée ce n'est pas bien sûr pour des jeunes - qui mettons auraient un CAP ou un apprentissage en cours et qui donc peuvent entrer sur le marché du travail à partir de 16 ans - l'idée ce n'est pas de leur dire : « vous renoncez à rentrer sur le marché du travail pour revenir en cours », pas du tout, évidemment s'ils ont une solution tant mieux pour eux, c'est très bien, l'idée c'est les autres jeunes, ceux qui n'ont pas de solution sur le marché du travail, qui n'ont pas de qualification et qu'on ne peut pas laisser tomber à partir de 16 ans. Soyons clairs, pendant ce quinquennat, on ne les aura pas laissés tomber parce qu'on aura énormément fait dans la lutte contre le décrochage et sur le raccrochage. Mais qu'est-ce qui nous garantit à l'avenir qu'un autre gouvernement moins investi ferait le même travail, puisque finalement il peut très bien s'en laver les mains, en disant : « mais la scolarité obligatoire c'était jusqu'à 16 ans », eh bien moi j'estime que nous devons graver dans le marbre l'obligation faite pas tant à l'élève...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment graver cela dans le marbre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pas tant à l'élève qu'aux pouvoirs publics de trouver des solutions pour que les jeunes aillent jusqu'à 18 ans et jusqu'à une qualification.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à 18 ans, mais comment graver dans le marbre justement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ca passerait par une loi, si ça devait être un jour acté...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une loi.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Encore une fois c'est une proposition que je mets en débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, mais une loi avant la fin du quinquennat quand même ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah ! Non, non, pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas du tout.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, non, on parle encore une fois des prochaines années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce sera l'une des promesses, l'une des promesses majeures du candidat de la gauche, une loi obli...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh ! Je ne sais pas, honnêtement je ne sais pas.
JEAN-JACQU
ES BOURDIN
Mais si !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez-moi ! Je ne sais pas si ce sera la proposition de François HOLLANDE, je vous dis que c'est ma proposition...
JEAN-JACQUES BOURDIN
En tous les cas c'est la vôtre. Oui, mais alors...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et que, entre nous, ce n'est pas une proposition neuve, vous savez bien que c'est même un serpent de mer...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ca fait longtemps qu'elle est discutée dans un certain nombre d'organisations, d'associations...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, les syndicats la défendent.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais juste une chose Jean-Jacques BOURDIN, il y a 50 ans, quand on est passés de la scolarité obligatoire qui s'arrêtait à 14 ans à 16 ans, ça a provoqué les mêmes débats - et c'est très intéressant puisque quand on regarde tout ça avec du recul on se rend compte que ça a fait progresser notre pays de façon indéniable - donc aujourd'hui finalement c'est le même enjeu qui se pose à nous, il faut prendre le temps, vraiment il faut que la société s'approprie la question...
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'enjeu, l'enjeu est important.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qu'on en discute...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, que le débat...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je constate par exemple que s'agissant de faire commencer la scolarité obligatoire à l'âge de 3 ans au lieu de 6 ans, comme c'est le cas actuellement, fait plutôt consensus, c'est intéressant, ce n'était pas évident puisque ça n'avait pas été mis dans le débat public jusqu'alors, donc grâce à cette proposition on voit les uns et les autres réagir, on voit ce qui fait consensus, on voit les difficultés que ça peut créer...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, oui les difficultés c'est...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et, donc, il faudra travailler ce sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La difficulté c'est de créer des postes de professeurs supplémentaires, 5 à 7.000, ce sont les chiffres...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En fait il y a deux difficultés même, si on repasse de 16 à 18 ans, là ce sujet-là : d'abord il y a en effet la question des moyens, parce qu'aujourd'hui, si on essaye de chiffrer à peu près, on perd entre 16 et 18 ans à peu près 80.000 jeunes sans qualification qui sortent du système scolaire, donc il s'agirait de faire revenir, enfin plutôt de maintenir ces 80.000, ce qui signifie en termes de professeurs entre 5.000 et 7.000 créations de postes supplémentaires ; il y a un deuxième sujet qui est évident, qui est que oui il y a des élèves qui ne sont plus à l'aise du tout dans un système scolaire, derrière une table, assis sur table, etc., d'où l'idée d'en profiter bien sûr pour repenser ce qu'on leur offre à ce moment-là, c'est-à-dire diversifier les filières - il y a beaucoup à faire autour de la filière professionnelle, technologique, y compris pour la valoriser mieux...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et encourager la filière professionnelle ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah ! Oui, oui, oui, moi je crois beaucoup à la filière professionnelle et y compris à l‘apprentissage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y croyez beaucoup, mais nous ne sommes pas très efficaces, pardon Najat VALLAUD-BELKACEM. Vous avez vu comme moi l'enquête de l'OCDE, vous l'avez vu cette enquête, elle est très, très intéressante : « les jeunes diplômés de filières professionnelles ont plus de difficulté à trouver un travail que les diplômés des autres pays de l'Union européenne », on se demande vraiment pourquoi, alors que nous engageons plus de moyens que les autres, nous engageons plus de moyens mais les jeunes qui sortent de ces filières ont plus de difficulté. Et vous savez pourquoi ? Vous savez pourquoi ? Parce que ces jeunes qui sortent de ces filières manquent de culture générale ! Et les chefs d'entreprise le disent, quand il s'agit de rédiger un mail, quand il s'agit de... mais oui, mais oui...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais alors vraiment Jean-Jacques BOURDIN vous prêchez une convaincue, parce que moi vraiment la professionnelle...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, d'accord, mais enfin c'est une faiblesse, donc c'est une faiblesse...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais soyons clairs, d'abord on a un taux de chômage des jeunes qui est important – même s'il est en train fort heureusement d'être résorbé grâce à la politique du gouvernement – et donc ce taux de chômage on le retrouve y compris sur les jeunes qui sortent de filières professionnelles ; il faut savoir aussi qu'il y a parmi les jeunes qui sortent de filières professionnelles une aspiration de plus en plus grande à poursuivre des études, ce qui est une bonne chose, c'est bien de rentrer sur le marché du travail quand on s'en sent en capacité, mais de poursuivre ça vous donne aussi plus de qualification, là encore les métiers de la filière professionnelle eux aussi deviennent de plus en plus qualifiés ; troisième chose, vous avez raison de dire que les entrepreneurs en particulier ont jugé ces dernières années que les jeunes gens qu'ils recevaient, y compris en stage – ce qu'on appelle les périodes de formation e, milieu professionnel – n'étaient pas suffisamment matures, mais je suis d'accord, c'est parce qu'en fait par le passé on a fait des réformes du lycée professionnel qui n'ont pas été suffisamment pensées, quand je dis on ce n'est pas nous, c'est la précédente majorité...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça ne vient pas du lycée professionnel...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais si.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca vient des classes primaires...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais non, mais écoutez-moi, écoutez-moi, quand on a fait …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca vient des 20 % de jeunes qui arrivent en 6ème sans maîtriser...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais pardon, pardon mais ce sujet me tient à coeur...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est vrai ou faux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Quand le gouvernement précédent a fait passer d'un seul coup la scolarité en lycée professionnel qui durait quatre ans, il l'a réduite à trois ans – OK - et qu'il n'a même pas repensé les programmes de la scolarité qui allaient avec, c'est-à-dire qu'on demandait aux enseignants dans ces lycées professionnels de faire faire à leurs élèves en trois ans ce qu'auparavant ils faisaient en quatre ans, vous voyez bien que ça n'a pas été traité sérieusement et ça a provoqué beaucoup de dégâts ; Deuxièmement, du coup ça fait en effet des élèves plus jeunes, moins matures - pour revenir à cela – et qui arrivent par exemple, au moment de leur stage, sans avoir de connaissance de l'entreprise. Alors dans les réformes que nous avons entreprises, qui rentrent en vigueur cette année, vous verrez que désormais dans tous les lycées professionnels avant le premier stage il y a une semaine qui est organisée pour faire découvrir aux élèves les codes de l'entreprise, pour leur faire comprendre les règles de sécurité, d'hygiène, etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Najat VALLAUD-BELKACEM, beaucoup d'élèves ne maîtrisent même pas...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est-à-dire que, quand ils arrivent dans l'entreprise, ils soient aptes à être en stage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils sont aptes à être en stage mais ils ne sont pas tellement aptes à écrire, pardon, ou à éviter les fautes d'orthographe, ou à...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais moi je suis d'accord avec vous...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui ! Pourquoi ? Parce que l'apprentissage est insuffisant...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc, vous remontez en amont ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui je remonte en amont.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je suis d'accord avec vous, je pense que d'abord il y a un sujet niveau de nos élèves de manière générale – et c'est pour cela que nous faisons toutes les réformes que nous faisons – enfin Jean-Jacques BOURDIN moi je veux bien...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais réforme du collège oui, mais...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais moi je veux bien qu'on ne fasse jamais le lien entre...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment voulez-vous faire une réforme quand vous avez 36 élèves dans une classe de CE1 ou de CP ? Expliquez-moi !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais enfin, au cas...d'ailleurs j'étais venue aussi pour vous annoncer les chiffres au cas où ça vous aurait échappé, ce gouvernement aura durant ce quinquennat bel e bien créé les 60.000 postes qu'il s'est engagé à créer dans l'Education...
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Si on prend la seule Éducation nationale c'est 54.000 postes, le reste c'est dans l'enseignement supérieur et l'enseignement agricole...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, attendez, tous les métiers de l'Éducation nationale, ce ne sont pas que des enseignants, on est bien d'accord ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, oui, oui, parce qu'on a besoin...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attention !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah ! Oui, oui, oui, mais parce qu'on a besoin je vous le confirme on a besoin d'accompagnants en élèves en situation de handicap, de surveillants de CPE.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord, je suis d'accord, il y a les surveillants, il y a les accompagnants, on est bien d'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, attendez, je reviens à ce qu'on a fait pendant ce quinquennat. Pourquoi on a créé des postes ? Ce n'est pas pour le plaisir d'en créer ou de se faire je ne sais quelle clientèle ! Non, on a créé des postes...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Politiquement c'est mieux !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais regardez, ce n'est pas forcément très payant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Même si 10 %... j'ai vu que 10 % des enseignants votaient Front national.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà ! Donc on a créé des postes pour déjà réarmer, remuscler l'école primaire - parce que c'est à l'école primaire que l'essentiel se joue - et donc l'essentiel des postes qu'on a créés ils sont à l'école primaire, plus de 20.000 postes à l'école primaire. A quoi ça a servi ? Ca a servi déjà à réduire le nombre d'élèves par classe, à avoir les dispositifs qu'on connait maintenant qui s'appelle « plus de maîtres que de classes », c'est-à-dire dans les écoles primaires où il y a la plus de difficulté un enseignant supplémentaire qui passe de classe en classe pour faire retravailler en petit groupe les élèves avant que les difficultés ne s'installent véritablement, donc en amont, don ça c'est des choses quand même qui vont produire leurs effets – mais vous savez que l'Éducation est un temps long, il faut attendre quelques années pour constater les bénéfices de ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, dites-moi, tous les postes sont pourvus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les postes, les années 2013 - 2014 - soyons claire - ont été difficiles, 2013, 2014, à partir de 2015 ça va mieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de postes pourvus sur les... Combien, 60.000 exactement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui-là, à cette rentrée par exemple ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
60.000 là, exactement combien de postes pourvus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A cette rentrée tous les postes que nous avons ouverts pour l'année 2016 – 2017 c'est 93 % des concours qui ont été pourvus, donc c'est de mieux en mieux. Pour vous donner un autre ordre d'idée, regardez le nombre de personnes qui se présentent aux concours de l'Éducation nationale, par rapport à 2012 aujourd'hui on a une augmentation de 60%, il y a 60 % de plus de candidats aux concours de l'Éducation nationale qu'il n'y en avait en 2012, il n'y a pas de secret, c'est parce qu'avant 2012 par définition ce n'était pas une filière d'avenir l'enseignement puisqu'on voyait les postes être supprimés les uns après les autres. Mais je voudrais juste revenir, pardon, à la logique et le lien entre lycée professionnel et ce qu'on fait depuis le début du quinquennat. Donc on a remis des moyens dans l'école primaire, on a réformé le collège, y compris avec des moyens supplémentaires - là encore pour une meilleure pédagogie - et y compris permettre aux élèves d'y voir plus clair sur leur avenir et, quand ils arrivent en classe de 3ème, d'être capables de parler d'orientation sans se laisser subir en quelque sorte ; ensuite, quand ils arrivent en lycée ces élèves, alors c'est vrai qu'on n'a pas fait de réforme du lycée pendant ce quinquennat, pourquoi ? Parce qu'il se trouve qu'on a voulu commencer par la base et parce qu'il se trouve que le lycée avait été réformé par la droite en 2010 et que moi je n'appartiens pas à cette catégorie de gens qui disent : « dès que j'arrive, j'abroge, j'abroge, je ne regarde pas », non je regarde, en tire le bilan calment, on regarde comment ça se passe et donc on s'est donnés quelques années pour regarder. Il y aura des choses évidemment à améliorer au lycée, au lycée professionnel comme au lycée général...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ? Vous avez une mesure...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Une mesure que j'ai déjà prise, parce qu'il ne faudrait pas donner l'impression qu'on ne fait pas, au lycée professionnel - puisqu'on parlait de ça – pour lutter contre l'orientation subie, désormais à partir de cette rentrée, je le dis haut et fort, les élèves qui arrivent en seconde professionnelle s'ils ne se sentent pas à l'aise dans la voie dans laquelle ils sont-ils ont jusqu'aux vacances de la Toussaint pour demander à changer d'orientation, c'est-à-dire soit aller dans une autre voie dans le lycée pro, soit à retourner en lycée général...,
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et quelles mesures...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça c'est énorme Jean-Jacques BOURDIN...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, non mais...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça fait des décennies que ça pèse sur les jeunes et sur leurs familles cette expression d'orientation subie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'orientation subie, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, donc ça c'est une nouveauté. Après, pour l'avenir...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quelles mesures fortes fraudait-il prendre au lycée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien pour l'avenir quelles mesures fortes, justement pour retourner à votre discussion sur la scolarité jusqu'à 18 ans, faire en sorte que le lycée d'une part se diversifie davantage pour offrir davantage de modes de fonctionnement, par exemple il faut développer ce qu'on appelle les micro-lycées qui servent aux élèves les plus en difficulté parce qu'on va les prendre en tout petit groupe, il faut développer ça, on a une trentaine de structures comme celles-là en France - il en faut beaucoup plus - et puis, surtout, il faut un lycée qui soit plus en résonance avec l'enseignement supérieur. Aujourd'hui pourquoi va-t-on au lycée ? Parce qu'on se projette dans l'idée de faire de l'enseignement supérieur après. Est-ce que le lycée actuel prépare suffisamment bien les élèves à réussir leur licence dans l'enseignement supérieur ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le problème du bac qui est posé, le problème du bac est posé.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ca n'est pas évident, donc du coup la réflexion autour du lycée elle devra se faire vraiment dans la continuité entre...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une réforme du bac ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec la licence, avec la licence, le bac on en a besoin...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec la licence.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il faut qu'il y ait un bac, ce n'est pas le sujet, mais le sujet c'est est-ce que le lycée d'aujourd'hui prépare suffisamment bien à aller à l'université et à réussir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'on pourrait faire, comme vous l'avez fait, une transition entre l‘école primaire et le collège ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Exactement, donc une transition entre le lycée et l'enseignement supérieur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire on ferait sur trois années avec le bac au milieu, par exemple on pourrait faire sur trois années...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est ça, mieux penser...
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ça, trois années entre le lycée et l'université.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est ça, mieux penser la transition entre le lycée et l'enseignement supérieur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un enseignement commun sur trois années ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh ! Ça ne sera pas un enseignement commun, les lieux sont différents, mais en tout cas une meilleure appréhension par les élèves de ce qui les attend dans l'enseignement supérieur, c'est la meilleure façon de les faire réussir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le redoublement reste absolument exceptionnel, ce matin, vous avez vu dans les journaux, nous avons eu le cas d'une maman qui a un fils de 6,5 ans, qui malheureusement ne sait pas lire, ou lit très mal, elle est obligée tous les soirs – elle est obligée, elle doit – tous les soirs l'aider à apprendre. Elle aimerait que son fils redouble et elle dit « je ne peux, on ne peut pas, tout le monde me refuse le redoublement. »
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Écoutez, je vous avoue que je ne connais pas cette histoire individuelle, mais peut-être un propos général. D'abord sur la philosophie qui a conduit à limiter le redoublement. Il est avéré, vraiment, dans tous les pays qui sont passés par là, que le redoublement n'est pas efficace dans la lutte contre l'échec scolaire, vraiment, et qu'il faut plutôt adopter d'autres méthodes, dites alternatives, d'accompagnement, comme ce que je vous disais sur le plus de maîtres que de classes, en prévention, pendant l'année scolaire, ou en faisant revenir, pourquoi pas, les élèves pendant les vacances pour retravailler les difficultés qui sont les leurs, plutôt que le redoublement. Ça c'est la règle générale et c'est pour ça qu'on essaye de limiter. Après, dans les textes que nous avons adoptés, il y a quand même une marge de manoeuvre et moi j'appelle au dialogue éducatif avec les parents. Attention, moi je ne veux pas qu'on impose aux parents des choses lorsque les parents ont l'impression que leur enfant ira mieux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les parents n'aiment pas qu'on leur impose des choses, par exemple la mixité sociale, les parents ne…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais là, en l'occurrence, encore une fois sans connaître le cas précis du redoublement que vous évoquez, moi j'appelle vraiment à ce qu'il y ait un dialogue éducatif entre l'équipe pédagogique de l'établissement et les parents, pour qu'ils puissent faire entendre leur argument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous parlez des parents, la mixité sociale, les parents ne veulent pas en entendre parler, et on ne peut pas l'imposer la mixité sociale, vous êtes bien d'accord avec moi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, on ne peut pas l'imposer la mixité sociale, je suis d'accord avec vous, et donc, du coup, ce n'est pas une raison pour ne pas agir. Je crois que vous me connaissez suffisamment pour savoir qu'on ne se laisse pas arrêter par ça. Alors, la question c'est comment on fait plus de mixité sociale pour en finir avec un certain nombre de collèges, notamment, qui sont totalement ghettoïsés sur le territoire français. Pour résumer, par le passé il y a eu deux façons de procéder qui ont toutes les deux échoué. Une façon que je qualifierais de sarkozyste, puisque c'est ce qu'il a fait en 2007, qui consiste à dire, c'est simple, il faut faire voler en éclats la carte scolaire, il ne faut plus de carte scolaire, que chacun choisisse son établissement. Échec total, bien sûr, la Cour des comptes l'a rapidement démontré. Pourquoi ? Parce que les familles qui étaient en capacité de choisir leur établissement l'ont fait, les autres sont restés dans des établissements qui étaient encore plus ghettoïsés que par le passé. Deuxième façon de procéder, y compris défendue par la gauche il fut un temps, qui était de dire le contraire, eh bien non, il faut rigidifier la carte scolaire, quand on est dans tel territoire on va dans tel collège…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la vérité est entre les deux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et en fait ça, ça ne marche pas non plus, parce que du coup, quand on est dans un territoire pauvre on est acculé à aller dans un collège ghettoïsé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis les parents ne veulent pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc, la solution que nous apportons, c'est une tierce solution qui consiste à dire, tous les territoires ne se ressemblent pas, on va partir des territoires, en intelligence avec les départements, puisque c'est les départements qui ont la compétence des collèges, et territoire par territoire on va apporter une solution adaptée. Par exemple, dans un territoire urbain, on peut imaginer redécouper la carte scolaire en suivant le tracé des transports urbains, parce que l'autre collège sera seulement à 5 minutes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pour l'instant ça ne fonctionne pas bien.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais si.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez bien.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais non, enfin je sais que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne va pas entrer dans les détails parce que le temps…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais je sais que vous avez fait un sujet tout à l'heure, écoutez, Jean-Jacques BOURDIN, comme je crois que le sujet vous intéresse vraiment, je vous invite, dans quelques semaines, cet automne, je ferai une présentation publique de tous les départements avec lesquels nous avons déjà trouvé les solutions en question pour cette rentrée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a combien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y en a une douzaine, pour lesquels la solution entre en vigueur cette rentrée, et en tout il y en a 25 avec lesquels on travaille pour la rentrée suivante, donc je crois que, vous serez surpris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je voudrais vous parler, pour terminer, de sécurité. Des élèves fichés S, est-ce qu'il y en a dans les lycées français ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le ministère de l'Intérieur aujourd'hui, avec lequel nous coopérons très bien, nous passe toutes les informations utiles sur la dangerosité de nos élèves.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais est-ce qu'il y en a, est-ce qu'il y a des élèves, est-ce qu'il y a des enseignants fichés S ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Est-ce qu'il y a des élèves considérés comme dangereux ? Oui, et lorsque c'est le cas, d'ailleurs qu'ils soient repérés par le ministère de l'Intérieur, ou par nos services…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a combien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Par exemple, en nombre de signalements aux dernières données qui nous ont été remontées, on avait 600 signalements. Mais attention…
JEAN-JACQUES BOURDIN
600 signalements d'élèves.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attention, quand il y a des signalements, ça ne veut pas forcément dire que chacun de ces élèves est dangereux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
600 signalements d'élèves, et combien de signalements d'enseignants ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur les enseignants on a moins d'une dizaine… mais, encore une fois, ça ne veut pas dire que la dangerosité est avérée, c'est des propos qui ont pu être tenus, c'est des comportements qui semblent suspects. Et donc, à partir de là – non, mais je suis très prudente – à partir de là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, soyez très prudente, mais soyez très précise.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
À partir de là, s'enclenche ce qu'on appelle la cellule de suivi préfectorale de la radicalisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils n'enseignent plus, bien sûr.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, s'agissant des enseignants, oui, soyons clairs, de toute façon il y a suspension et puis procédure qui est enclenchée pour une exclusion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les élèves, qu'en faire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, s'agissant des élèves, là encore, je vous dis, il y a cette cellule de suivi, qui va permettre, mais c'est au niveau préfectoral que ça se joue, et ensuite ministère de l'Intérieur, ministère de la Justice, de remonter le fil, d'aller voir la famille, de vérifier l'état de l'enfant, enfin du jeune, et puis si la dangerosité est avérée, bien sûr de le retirer de l'école, de l'extraire de l'établissement scolaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est arrivé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous avez eu des cas récents dans la presse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est pour ça que je vous parle.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui sont d'ailleurs assez terrifiants. Oui, bien sûr, nous avons des mineurs qui ont pu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Rien que récemment vous avez au moins trois cas qui sont suivis en justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a eu d'autres ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y en a, oui, bien sûr. A chaque fois, encore une fois, qu'un jeune est considéré comme dangereux, nous faisons en sorte qu'il ne soit plus au contact de ses camarades, je crois que ça devrait être plutôt rassurant. Moi je voudrais juste vous dire une chose, c'est que ce n'était pas une évidence, dans la culture de l'Éducation nationale, que de se mettre, ainsi, à faire remonter toutes ces informations, à tout signaler, parce que longtemps les professeurs ont considéré qu'ils n'avaient pas à être les substituts de la police. Cette culture a totalement évolué depuis janvier 2015, et sous la pression, évidemment, des instructions que nous avons données, et aujourd'hui je crois qu'il n'y a rien qui soit mis sous le tapis, en tout cas c'est les instructions que nous donnons, et les personnels de l'Éducation nationale jouent totalement le jeu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2016