Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Je suis ravi de vous retrouver, c'est Najat VALLAUD BELKACEM ministre de l'Éducation nationale avec un budget record, 92 milliards, qui sera notre invitée donc dans un instant, juste après Les coulisses du pouvoir de Guillaume TABARD, je vous rappelle que le PSG l'a emporté 3 1 hier, donc lors du match comptant pour la Ligue des champions face à une équipe bulgare, d'obscurs Bulgares, dont deux buts de CAVANI.
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GUILLAUME DURAND
Premier budget de la Nation, donc on va en parler dans un instant, la politique éducative est au centre évidemment de la passion des Français pour leur école et pour la politique. Je voudrais vous poser une petite question à caractère audiovisuel, vous avez vu Patrick BUISSON hier soir peut-être sur FRANCETELEVISIONS, est-ce que ça vous parait normal qu'une chaîne publique lui donne tellement d'importance alors que madame ERNOTTE avait dit : « nous allons prendre des distances, nous allons décrypter, nous allons prendre du recul par rapport à l'actualité », est-ce que c'est normal de recevoir...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Pardon, mais très franchement je ne sais pas ce qu'il a fait sur FRANCETELEVISIONS.
GUILLAUME DURAND
Non, mais il a été l'invité du journal comme s'il était...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
OK, l'invité du journal, OK. Je crois que FRANCETELEVISIONS a sa liberté éditoriale, personnellement ce n'est pas Patrick BUISSON que j'aurais eu hâte d'inviter, mais en tout cas il y a une liberté éditoriale de leur J.T comme ailleurs d'ailleurs...
GUILLAUME DURAND
Mais enfin d'un côté ils ne retransmettent pas sur la chaîne d'informations CLINTON / TRUMP et, de l'autre côté, ils invitent Patrick BUISSON, donc au fond... ce n'est pas un geste politique ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, je crois que... Non, non, non, enfin je ne veux pas porter de jugement, en tout cas à titre personnel je suis d'accord avec vous.
GUILLAUME DURAND
C'est un réveil un peu brutal, mais...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, oui. D''abord je suis d'accord avec vous, personnellement comme téléspectatrice je préfèrerais avoir des extraits du débat TRUMP / CLINTON, mais maintenant non je pense qu'il ne faut pas voir non plus de malveillance dans tout ce qui est télé.
GUILLAUME DURAND
Non, mais si je vous pose cette question c'est que dans les journaux de ce matin on parle d'un livre d'Aquilino MORELLE - il y a déjà eu celui de TRIERWEILER donc, au fond, il y a tous ceux qui font une forme de commerce d'avoir vécu de l'intérieur un pouvoir. Vous imaginez Aquilino MORELLE, donc qui a été l'un des conseillers que vous connaissez bien de François HOLLANDE, aller à la télévision expliquer que ce jour-ci sa cravate était de travers, le lendemain il a fait n'importe quoi ? Parce que c'est maintenant la politique aussi !
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Oui ! Oui, oui, enfin moi là encore je ne sais pas qu'il y aura dans le livre d'Aquilino MORELLE, donc c'est difficile de porter un jugement. Si c'est un récit pour décrire d'une certaine façon les coulisses du pouvoir, pour aussi d'ailleurs mettre davantage à portée des Français la façon dont les décisions sont prises, etc., ça peut être utile.
GUILLAUME DURAND
Frédéric MITTERRAND, Valérie PECRESSE, Bruno LE MAIRE, tous ceux-là lont fait.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Voilà. La question c'est finalement aujourd'hui, dans un contexte où le pouvoir politique est déjà suffisamment discrédité, délégitimé aux yeux des Français, est-ce qu'on ne pourrait pas chacun prendre un peu sa part de la nécessité d'en redorer le blason, c'est-à-dire de se concentrer sur les choses sérieuses et pas en effet les petites anecdotes, les petites polémiques, les petites phrases ? Voilà ! En tout cas, moi, c'est ma façon d'être.
GUILLAUME DURAND
J'en termine avec la télévision, parce que c'est aussi une manière d'éducation. Il y a eu une grande bataille à l'intérieur de FRANCETELEVISIONS sur Bygmalion, le reportage passe ce soir, est-ce que vous avez l'impression que c'est devenu une machine à déglinguer Nicolas SARKOZY, FRANCETELEVISIONS avec une présidente qui a été quand même nommée par la gauche en gros, pour simplifier ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Ah ! D'accord, vous avez une chose bien précise en tête en fait.
GUILLAUME DURAND
Non, mais je vous pose la question.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Mais enfin vous me posez la question... d'abord, pardon, mais il y a une différence entre la gauche et la droite qu'il faut sans cesse rappeler à vos auditeurs c'est qu'auparavant Nicolas SARKOZY nommait directement les présidents de chaîne de télévision et que ce que nous avons changé c'est précisément que ce n'est plus le pouvoir politique qui intervient pour nommer les présidents de chaîne de télévision désormais...
GUILLAUME DURAND
Plus directement, mais enfin bon.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, ça se fait par une instance indépendante.
GUILLAUME DURAND
Le enfin bon vous ne le retenez pas ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, attendez, les nominations se font aujourd'hui par une instance indépendante qui est le CSA, donc la façon de procéder est quand même très différente, il n'y a plus d'intervention... d'ailleurs vous le disiez tout à l'heure, vous me demandiez si ça me déplaisait que Patrick BUISSON puisse intervenir à la télé, oui j'ai envie de vous dire que c'est vrai c'est un peu du temps de pris sur sans doute des programmes qui auraient pu être plus utiles et instructifs, il n'en reste pas moins que je ne m'immisce pas dans cette liberté éditoriale de FRANCETELEVISIONS et, donc, le pouvoir politique ne s'immisce aucunement aujourdhui ça pu être le cas par le passé dans le fonctionnement de la télévision publique.
GUILLAUME DURAND
Evidemment on va beaucoup parler de ce budget de l'Education nationale et de la politique éducative, est-ce que vous considérez, parce que beaucoup de gens réfléchissent évidemment vous êtes proche de François HOLLANDE à la rapidité ou au contraire la lenteur, ou au contraire la réflexion avec laquelle il doit annoncer sa candidature, quel est votre sentiment, il doit le faire, il doit attendre le premier tour des primaires ou est-ce qu'il serait temps qu'il accélère s'il ne veut pas être coincé par MELENCHON et MACRON ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
D'abord François HOLLANDE est président de la République, je pense que ça le met dans une situation, une position qui est très différente de tous les autres candidats à la primaire que l'on parle de la primaire de droite ou de celle de gauche je pense que président de la République il a d'abord comme priorité de gouverner la France et que c'est très important, surtout dans un moment où encore une fois la France est traversée par des inquiétudes, du repli sur soi, le terrorisme, les attentats, etc., qu'on ait un patron à bord qui tienne la barre de façon solide et ferme, et qui ne se disperse pas en quelque sorte, et qu'une entrée trop rapide en campagne ça peut être vu aussi comme une dispersion. Donc, moi je comprends...
GUILLAUME DURAND
Et vous en avez fait des campagnes, donc vous savez que c'est aussi une dynamique, faire la tortue quand vous avez deux lièvres qui sont MONTEBOURG et MACRON ça peut être dangereux parce qu'à un moment ils vont occuper tout l'espace ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Enfin moi j'ai tendance toujours à faire confiance aux Français, donc je pense que les Français comprennent très bien, d'une part quel est leur intérêt - leur intérêt c'est d'avoir quelqu'un qui tienne le gouvernail le plus longtemps possible et dans de bonnes conditions et puis, d'autre part, je pense que... enfin je veux dire il n'y a pas de comparaison possible, en tout cas pour moi, entre un François HOLLANDE qui a déjà montré sa capacité à gérer un pays et à bien le gérer - on y reviendra sans doute et des candidats, voilà, qui ont envie de se compter...
GUILLAUME DURAND
On a l'impression que vous n'osez même pas prononcer leur nom ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non. Mais qui sont là pour se compter, on peut le comprendre...
GUILLAUME DURAND
Vous les connaissez, ils étaient assis à côté de vous au conseil des ministres ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Bien sûr, mais précisément ils ne sont pas restés longtemps au sein du gouvernement, donc eux n'ont pas fait la preuve de leur capacité à gérer un pays, ils n'ont pas fait la preuve de leur capacité à rester au sein d'un collectif...
GUILLAUME DURAND
Vous trouvez ça indécent qu'ils se présentent ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
A être solidaires de ce collectif, à tenir bon dans la tourmente face à une opposition de droite qui a toujours considéré que la gauche au pouvoir était illégitime, donc oui ces candidats qu'on retrouve dans la primaire de gauche honnêtement ils n'ont pas fait la preuve de leur capacité à gérer un pays, le président sortant lui oui
GUILLAUME DURAND
Le Canard enchaîné « quand MACRON traite HOLLANDE de tarte molle », c'est le petit bout de la lorgnette - mais bon c'est la une des journaux - vous avez par exemple ce matin L'Opinion « HOLLANDE et SARKOZY, le duo perdant », donc vous voyez que la presse est un peu acharnée ; L'héritage de François HOLLANDE il est déjà enterré d'une certaine manière par Les Echos considérant qu'en matière budgétaire tout ça est insincère, etc., etc., il y a quand même une grande interrogation ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, mais juste sur ce dernier point, excusez-moi l'insincérité du budget, enfin moi ça me fait doucement rire, je veux dire ça fait un quinquennat quasiment entier que nous n'avons cessé de réduire le déficit budgétaire, est-ce que c'était le cas avant 2012 ? Non ! Donc, on peut au moins reconnaître à la gauche, soyons un peu de bonne foi, d'avoir bien su gérer, bien su gérer les finances de ce pays et, quand je dis réduire les déficits, je pense aussi bien à la loi de finance qu'à la loi de financement de la Sécurité sociale...
GUILLAUME DURAND
Il avait dit zéro déficit 2017, alors on est effectivement sous les 3 %, mais enfin il avait promis zéro déficit ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Oui, mais enfin, non mais les prévisions ont été revues vous le savez bien, adaptées à la situation aussi des crises économiques qu'on a traversées, mais en tout cas arriver à 2,7 % à la fin d'un quinquennat c'est un très beau résultat - on est en dessous des 3 % demandé par l'Europe et s'agissant de la Sécurité sociale Marisol TOURAINE a eu l'occasion de le préciser récemment, passer de quelque 17 milliards à l'équilibre, 17 milliards de déficit à l'équilibre, c'est quand même pas rien. Alors moi, honnêtement, ça m'amuse beaucoup de voir tous les gros titres très suspicieux sur : « Oui, mais vous avez oublié de comptabiliser ceci et cela », mais, quand je me souviens vraiment de la situation des finances publiques telle qu'on l'a trouvée en 2012, franchement il faut avoir la mémoire courte. Je vais vous parler dun domaine que je connais bien, comme cela ça ira plus vite, qui est par exemple l'enseignement supérieur et la recherche, on avait entendu beaucoup de belles choses dans la bouche de Valérie PECRESSE, de Laurent WAUQUIEZ qui lui a succédé dans ce ministère, quand on est arrivés aux responsabilités ce qu'on a trouvé c'est que tout ce qui avait été annoncé par exemple le financement d'un dixième mois de bourse, etc., aux étudiants, n'avait jamais été budgété...
GUILLAUME DURAND
Il y a quand même eu une réforme des universités ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Tout était insincère.
GUILLAUME DURAND
Il y a eu une réforme des universités ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Ah ! Oui, il y a eu une réforme des universités.
GUILLAUME DURAND
Ce n'est quand même pas n'importe quoi ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Oui, oui, enfin tendant à leur donner de l'autonomie, ce qui n'est pas une mauvaise chose - d'ailleurs vous remarquerez qu'on ne l'a pas remise en question sauf qu'elle s'est faite de façon tellement erratique cette réforme des universités que si vous vous souvenez bien à la fin du quinquennat précédent vous aviez 22 universités qui étaient en situation de faillite parce que leur donner de l'autonomie mais ne les accompagner suffisamment pour faire en sorte que ça marche dans la gouvernance, dans la gestion des finances, eh bien c'était voilà plus d'une vingtaine d'universités qui était en faillite. Nous, nous sommes arrivés au pouvoir...
GUILLAUME DURAND
J'ai plein de questions !
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Nous avons continué la dynamique de l'autonomie, parce que nous estimons qu'elle est nécessaire, mais en même temps nous les avons accompagnées, les universités aujourd'hui vont beaucoup mieux.
GUILLAUME DURAND
Vous voyez que vous êtes enfin c'est un peu à cause de mes questions mais vous êtes d'une certaine manière en campagne en justifiant effectivement cette politique, ce qui de votre point de vue est tout à fait normal, donc c'est pour ça que je vous repose la question ce matin : est-ce qu'il faut que François HOLLANDE se présente ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Ah ! Oui, non mais...
GUILLAUME DURAND
De votre point de vue ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Ah ! Oui, pardon, que François HOLLANDE doive se présenter, mais bien entendu puisque moi je souhaite qu'il soit le candidat, qu'il soit désigné par la primaire de la gauche et qu'il reporte l'élection présidentielle, votre question c'était celle du calendrier et le calendrier...
GUILLAUME DURAND
Oui, mais maintenant je...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Moi le calendrier je ne fais partie de ceux qui mettent la pression à François HOLLANDE sur le mode : « maintenant il faut se présenter vite pour griller la politesse aux autres »...
GUILLAUME DURAND
C'est ce qu'avait dit Bruno LE ROUX ici même d'ailleurs.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
D'accord, mais enfin je peux comprendre, je veux dire on peut avoir des divergences. Moi, en l'occurrence, je trouve que ça a son intérêt en effet de donner ce sentiment de stabilité à la tête du pouvoir et encore une fois dans la gestion du pays le plus tard possible, après ça n'empêche pas les autres c'est-à-dire ceux qui entourent François HOLLANDE - moi par exemple ou d'autres de faire campagne bien sûr, et nous le faisons, enfin moi je suis très régulièrement sur le terrain...
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous seriez sa porte-parole, vous avez déjà répondu non, alors les gens se disent : mais pourquoi finalement refuse-t-elle ce rôle d'être le porte-parole de François HOLLANDE pour cette campagne, s'il est vient ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non ! Mais, attendez, moi je ne refuse aucun rôle - soyons clair - je dis simplement qu'il a été question à un moment donné, j'ai vu dans les récits médiatiques de direction de campagne, etc., je dis une chose très simple c'est que je pense que pour bien faire les choses il faut quelqu'un qui s'y consacre totalement, donc...
GUILLAUME DURAND
Donc, ça ne peut pas être vous ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Que ceux qui sont ministres doivent, eux, se consacrer aussi totalement à leur ministère parce que tout simplement il y a encore beaucoup de choses à accomplir. Prenez mon ministère par exemple, je sais que ça n'a l'air de rien vu de l'extérieur peut-être, mais, quand on est dedans, on se rend compte que... sur la partie éducation nationale je suis en train de finaliser la plus vaste réforme tendant à revaloriser les salaires des enseignants, à repenser leur parcours de carrière, leur évaluation, etc., qui a été faite depuis des décennies, c'est quand même énorme...
GUILLAUME DURAND
C'est normal ils votent à gauche, une majorité d'entre eux...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Sur la partie enseignement supérieur je suis en train... Non, mais je vous parle déjà du fait de mener ces réformes...
GUILLAUME DURAND
Même s'il y en a beaucoup maintenant qui rejoignent le Front national.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Sur la partie, on y reviendra, sur la partie enseignement supérieur je suis en train d'essayer de faire aboutir une réforme du master, enfin je veux dire ce n'est pas rien tout ça, ce n'est pas simplement de la gestion quotidienne du ministère, c'est des vrais chantiers et, donc, il faut pouvoir les conduire jusqu'à...
GUILLAUME DURAND
Grande question concernant... parce que vous le savez depuis maintenant des mois que la politique éducative, ça toujours été le cas en France, c'est la bataille rangée, les intellectuels, les ministres, les syndicats et évidemment les profs, parce que c'est quand même très important les profs en France, est-ce qu'il est vraiment j'ai été un petit peu prof moi aussi est-ce qu'il est vraiment sérieux de garder les enfants 18 ans à l'école s'ils sont très mauvais, parce que c'est une question qu'il est légitime de se poser, vous souhaitez qu'ils soient scolarisés jusqu'à 18 ans, mais pour prendre une expression directe et puis après on enchaînera sur la deuxième partie, au fond pourquoi garder un nul s'il est nul ou une nulle si elle est nulle ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Vous avez été professeur de quoi ?
GUILLAUME DURAND
Histoire.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
En collège ?
GUILLAUME DURAND
Oui.
NAJAT VALLAUD BELKACEM
En lycée ? D'accord. Déjà soyons clairs, l'idée d'avoir une scolarité qui s'étende...
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas une stigmatisation de ma part, c'est justement une question...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, non, non, j'ai bien compris.
GUILLAUME DURAND
S'ils ne sont pas très bons à 14 ans...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
J'ai bien compris et, en plus, honnêtement c'est la question qui revient le plus souvent, donc c'est bien que vous la posiez. L'idée d'avoir une scolarité qui s'étende non pas jusqu'à 16 ans, comme c'est le cas aujourd'hui, mais jusqu'à 18 ans pour beaucoup d'élèves vous me direz mais en fait ça n'a pas d'intérêt puisque dans la réalité c'est déjà le cas, je veux dire de très, très nombreux élèves vont évidemment bien au-delà de 18 ans et c'est tant mieux, la question pour ceux qui n'y vont, ceux qui s'arrêtent en gros à partir de 16 ans. Regardons notre pays et ce que ça provoque comme situation ces arrêts précoces de la scolarité, sans qualification, ça provoque des situations où les jeunes en question vont mettre plusieurs années avant de trouver enfin un job sur le marché du travail, ils vont se traîner comme un boulet pendant des années et des années cette non qualification et ils vont coûter cher à la Nation...
GUILLAUME DURAND
Ah ! S'ils restent jusqu'à 18 ans, ils vont aussi coûter cher à la Nation ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Non, justement ils coûtent plus cher quand ils ne sont pas qualifiés que quand on fait l'effort de les qualifier.
GUILLAUME DURAND
Par quel miracle ?
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Parce que quand ils ne sont pas qualifiés, d'abord ne trouvant pas de boulot ils pèsent sur j'allais dire sur notre système social parce qu'on va les aider, etc., mais surtout quand vous avez une politique volontariste comme celle qu'on conduit pendant ce quinquennat, qui consiste à dire : « on va aller les rechercher pour les raccrocher pour leur donner une deuxième chance, etc. », donc les écoles de la seconde chance et tout, ça coûte beaucoup plus cher - vraiment ça coûte beaucoup plus cher - que si on les avait maintenus. Maintenant les maintenir, parce que du coup c'est ça que les parents se demandent : « si mon jeune il se sent déjà mal à l'école à 16 ans, vous n'allez pas me le forcer jusqu'à 18 », bien sûr les maintenir ça doit être dans des cadres différents, enfin dans des cadres disons repensés, pour faire en sorte de leur offrir cette qualification en les accompagnant différemment, par exemple ce qu'appelle les micro-lycées...
GUILLAUME DURAND
On termine ! Parce qu'on va se retrouver juste après la pub tout à l'heure et la revue de presse, mais...
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Alors, juste un mot...
GUILLAUME DURAND
Voilà !
NAJAT VALLAUD BELKACEM
Juste d'un mot, par exemple il y a un dispositif qui s'appelle les micro-lycées qui permet, justement les jeunes qui ont décroché, etc., de les accueillir en petits groupes, de les accompagner de façon vraiment plus fine, ce type de structures aujourd'hui il y en a très peu en France, l'idée c'est qu'en imposant cette obligation aux pouvoirs publics d'accompagner les jeunes jusqu'à 18 ans on crée l'obligation de multiplier ce type de structures, c'est ça en fait, c'est une obligation qui pèse sur les pouvoirs publics de ne pas abandonner les jeunes plus que sur les jeunes eux-mêmes. Mais les jeunes, si à partir de 16 ans ils ont par exemple une solution de vie active - parce qu'ils ont passé un diplôme qui leur permet de travailler - eux on ne va pas les obliger à revenir en classe, c'est...
GUILLAUME DURAND
Il est 8 h 33, nous avons un petit peu de retard, nous sommes avec Najat VALLAUD BELKACEM, mais nous allons continuer à parler donc de cette passion française qui est l'école, l'éducation nationale o combien évidemment importante.
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GUILLAUME DURAND
Nous allons revenir, évidemment, avec la bataille qui vous a opposée à un moment avec les intellectuels, tout à l'heure Michel citait Luc FERRY, mais j'en reviens 5 secondes sur le cas MACRON, il faut le ramener dans le droit chemin ou il faut le flinguer, comme le souhaite VALLS ? Je vous offre même Challenges. Soyons francs. Vous faites « pfff », quand vous voyez la photo de MACRON.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais enfin, je veux dire, c'est la question, je crois, pardonnez-moi, qui m'inspire cela, c'est-à-dire que je pense qu'il faut que chacun se concentre sur les combats que l'on estime utiles. Moi, le combat utile aujourd'hui, c'est le combat contre la droite. Voilà. Donc il faut qu'on se concentre sur le combat contre la droite. Il y a plein de gens qui cherchent à nous disperser, c'est clair, y compris dans notre propre camp...
GUILLAUME DURAND
Mais vous, maintenant.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et Emmanuel MACRON en fait partie, c'est triste.
GUILLAUME DURAND
Vous-même vous n'êtes plus la débutante qui a démarré une carrière politique avec monsieur COLLOMB, et puis qui s'est occupée de la campagne de Ségolène ROYAL, vous êtes ministre même de l'Éducation nationale, donc c'est un problème politique. MACRON est un problème politique pour François HOLLANDE.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah oui, enfin, oui, évidemment que c'est un problème, mais, vous ne m'avez jamais entendu dire le contraire.
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais un combat contre la droite, maintenant il y a un problème MACRON pour vous.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais je pense que nos coups, pour le dire autrement, il faut qu'on les réserve à la droite. MACRON, il fera ce qu'il veut, moi je n'y crois pas du tout à cette aventure, bon, il fait ce qu'il veut, il a démontré que malheureusement il avait été incapable de loyauté, bon, voilà, moi j'ai tiré un trait sur MACRON, c'est une affaire qui ne doit pas nous mobiliser, notre énergie nous devons totalement à consacrer à nous battre contre la droite, parce que pendant ce temps-là, elle, elle prend du champ, et donc moi je pense qu'il faut le laisser vivre son aventure, qu'elle n'ira pas bien loin, que pour pouvoir se présenter à une campagne présidentielle, il faut quand même pouvoir s'appuyer sur un parti politique, c'est comme ça que ça fonctionne en France, donc c'est à nous aujourd'hui...
GUILLAUME DURAND
Donc il est normal de lui refuser tous les parrainages qui pourraient être possibles, comme le souhaite finalement Manuel VALLS, c'est ce qu'on écrit dans les journaux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je crois que l'on écrit beaucoup de choses dans les journaux qui ne correspondent à rien, donc je crois que Manuel VALLS a beaucoup d'autres choses à faire que de s'occuper de ces choses-là.
GUILLAUME DURAND
Question, elle est importante, tout à l'heure...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et juste, pardon, je voudrais juste revenir quand même sur cette Revue de presse...
GUILLAUME DURAND
Non, mais on va y revenir justement...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, d'accord.
GUILLAUME DURAND
... parce que depuis votre arrivée, justement, rue de Grenelle, les intellectuels, à propos de la réforme du collège, sont partis un peu en guerre contre vous, j'en cite, Luc FERRY, on vient d'en parler, FINKIELKRAUT, Jacques JULLIARD, qui est plutôt à gauche, BRUCKNER qui était plutôt à gauche, en tout cas au début de sa carrière, etc. etc.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, il y a longtemps longtemps.
GUILLAUME DURAND
Et vous avez même, dans un autre registre, les politiques à droite qui ont dit, je me souviens de l'ancien président de la République, « finalement, plus médiocre que madame TAUBIRA, il y a encore Najat VALLAUD-BELKACEM ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'était charmant ça aussi.
GUILLAUME DURAND
Donc il y a une sorte de procès es-qualité qui vous est fait depuis le début.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, d'abord, je vais revenir sur Luc FERRY, parce que, enfin, je trouve ça assez fascinant de voir l'écho médiatique que l'on donne à cette tribune...
GUILLAUME DURAND
Il n'est pas là, vous pouvez me regarder...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non non, mais c'est très bien...
GUILLAUME DURAND
C'est l'homme invisible.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Juste, ce qui manquait dans le texte de Michel GROSSIORD, si mes souvenirs sont bons, à la fin de la présentation de la tribune de Luc FERRY, Michel GROSSIORD rappelait que Luc FERRY a occupé le ministère de l'Éducation nationale. Alors, je vais compléter cette phrase. Le ministère de l'Éducation nationale qu'il occupa, très peu de temps avant de le quitter sous les insultes, après avoir fait « ... rien ». Preuve de sa grande compétence à parler d'éducation. Donc ça suffit. Moi je suis désolée, je ne supporte plus cela. Ceux qui sont passés à la tête de ce ministère...
GUILLAUME DURAND
Il a souvent dit, comme CHIRAC l'avait fait avec VILLEPIN et le CPE, que Jacques CHIRAC l'avait empêché...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui oui, bon mais bien sûr, voilà, on peut toujours trouver des prétextes à ne pas agir.
GUILLAUME DURAND
J'essaie d'être précis et d'avoir un peu de mémoire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, d'accord. Allez-y allez-y.
GUILLAUME DURAND
C'est l'avantage d'être vieux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Allez-y, donc ce serait de la faute de CHIRAC et de VILLEPIN qu'il n'ait rien fait.
GUILLAUME DURAND
Par exemple la réforme du baccalauréat... non, non, pas du tout, pas du tout, je redis, mais quand par exemple VILLEPIN a proposé le CPE, CHIRAC l'a promulgué mais lui a demandé de ne signer aucun contrat et Luc FERRY avait une réforme du bac qui était prévue et CHIRAC lui a dit « on va attendre un petit peu ». Vous, vous avez le soutien de François HOLLANDE, c'est vrai que lui, il n'avait pas le soutien forcément de Jacques CHIRAC, ce sont deux cas différents. Vous dites « il n'avait rien fait », mais...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que chacun prenne ses responsabilités. Ok, peut-être qu'il avait des prétextes, enfin, c'est quand même démontrer une sacrée faiblesse que d'être à la tête d'un ministère comme celui-là et de ne pas réussir à agir et de devoir en plus quitter les lieux, j'allais dire, sous la pression populaire. C'est que vraiment, non seulement on a été incapable d'agir, donc incompétent en tant que tel, mais en plus, pas plus apprécié pour cela, alors que, a priori, ne pas agir c'est la meilleure façon d'être apprécié. Donc, vraiment, Luc FERRY, il n'a aucune, aucune leçon à donner à la ministre de l'Education de que je suis.
GUILLAUME DURAND
Mais il n'est pas seul, JULLIARD, BRUCKNER, FINKIELKRAUT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non mais écoutez-moi un instant. Moi je suis une ministre...
GUILLAUME DURAND
Oui, je vous pose des questions, quand même, c'est mon boulot.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... qui agit. Je suis une ministre qui agit. A la fin de ce quinquennat, je pourrai me regarder en face, dans un miroir, en me disant les points sur lesquels je jugeais que le système scolaire devait absolument être réformé, je les aurais réformés. J'aurais réformé le système scolaire, pour être plus exigeant, pour donner plus de moyens à ceux qui aujourd'hui réussissent le moins, parce que c'est ceux là qu'il faut qu'on aide le plus, pour être donc plus juste, pour répondre à tous les classements internationaux qui nous disent que notre pays va mal. Alors, monsieur FERRY n'aime pas la scolarisation poussée jusqu'à 18 ans, mais dites-lui un jour, puisque moi je n'ai pas l'occasion de le croiser et je ne le cherche pas particulièrement, dites-lui qu'il y a quelques décennies de cela, dans les années 60, quand le Général de GAULLE, avait décidé, en à peine une décennie, de multiplier par je ne sais plus combien de millions le nombre d'étudiants que notre pays produisait chaque année, eh bien je ne me souviens pas que ça ait provoqué ce type de débat et de polémique idiote. Oui, élever le niveau de qualifications d'un pays, c'est une ambition positive. Lui, préfère sans doute soutenir les projets de Bruno LE MAIRE qui demande à ce que la scolarité s'arrête à 14 ans, pour que des élèves puissent partir vite en apprentissage et être sortis de la scolarité obligatoire. Oui, eh bien on a deux projets de société totalement différents, mais qu'il ne porte de pas de jugement sur ma compétence.
GUILLAUME DURAND
Oui mais, madame, pendant un certain temps, des gens comme JUPPE, BAYROU, CHEVENEMENT, qui étaient des gens qui avaient des origines sociales modestes, ont fait partie d'une élite républicaine, ils avaient des origines sociales modestes, et ils sont passés par les concours, les grandes écoles, et disons une école républicaine classique, on ne leur a pas fait des... on ne leur a pas fait une sorte de parcours particulier, parce que socialement ils étaient défavorisés.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non mais, Guillaume DURAND, il faut que vous sachiez une chose...
GUILLAUME DURAND
Non, parce que vous savez bien que le débat il est là, au fond, le débat il est là. Par exemple madame Theresa MAY, qui est la nouvelle Première ministre en Grande-Bretagne, elle a arrêté donc les écoles justement qui ressemblent à nos Zones d'éducation prioritaire, en disant : maintenant, le lycée, c'est examens pour tout le monde, quoi qu'il arrive et quelles que soit les origines sociales. Donc il y a deux visions des choses. C'est clair.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non mais attendez, parce que déjà de quoi parle-t-on ? Parce que vous, vous me racontez une période, en parlant de la scolarité de ceux que vous avez évoqués, qui appartient au passé. Ce qu'il faut que vous compreniez vraiment, c'est que dans...
GUILLAUME DURAND
Mais j'ai compris.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... notre pays, alors même que l'école était vraiment d'un très bon niveau, pendant longtemps l'école était d'un très bon niveau en France, et reconnue comme telle. Dans les années 2000, pendant un peu plus d'une décennie, on a cassé l'école, on l'a laminée, on l'a sacrifiée, on a cessé de détruire les postes qu'elle contenait, de détruire la formation des enseignants, etc., ce qui fait que dans tous les classements internationaux nous nous sommes effondrés. Il faut le comprendre. Entre le début des années 2000 et 2012, nous nous sommes effondrés, donc tout ce que vous me racontez sur « oui, on pouvait autrefois, venant de familles de couches populaires...
GUILLAUME DURAND
Je ne vous raconte pas, je pose la question.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... monter dans les grandes écoles », mais c'est faux tout ça. Aujourd'hui, regardez la composition sociale des grandes écoles, vous avez 3 % d'enfants d'ouvriers...
GUILLAUME DURAND
Mais ça n'a pas changé, je n'ai pas dit le contraire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien elle était meilleure il y a des décennies de cela, c'est pas possible, ça veut dire que ça s'est dégradé. Donc, depuis 2012, nous prenons au sérieux ce sujet.
GUILLAUME DURAND
Oui, mais ce qu'ils veulent dire, c'est qu'au fond la question sociale leur est moins importante que la question de la sélection, c'est ça...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais non, non, ce qu'ils veulent dire surtout c'est qu'ils ne regardent pas ce diagnostic que je vous pose, vraiment, que tout le monde pose, sereinement, qui est catastrophique pour la France et qui appelait des réponses urgentes que nous avons apportées. Les réponses urgentes, elles passent à la fois par, oui, l'éducation prioritaire, aider plus les établissements scolaires qui concentrent les difficultés sociales, nous l'avons fait, nous le faisons, il faut continuer, il faut aller plus loin, mais aussi, par tout le système scolaire, repenser tout le système scolaire, pour veiller à ce que dans tout le système scolaire on accompagne bien chaque élève, parce qu'on considère bien, c'est la phrase importante, que chaque élève est éducable. Moi je pense que chaque élève de France est éducable. La droite considère qu'il y a les éducables et les non éducables. C'est ça la différence entre non.
GUILLAUME DURAND
Voilà, Normale, Polytechnique.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et que les non éducables il faut les sortir très vite du système pour pas qu'ils embêtent les autres.
GUILLAUME DURAND
Mais madame, le problème, c'est le système des grandes écoles. Je comprends votre point de vue...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien merci, et comme ancien prof, j'espère que vous me comprenez, parce sinon ça m'embêterait...
GUILLAUME DURAND
Non mais d'accord, mais à ce moment-là vous avez un autre système en France, qui s'appelle HEC, Polytechnique, Normale Sup, ce que vous voulez.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, mais après, oui, bien sûr, donc les systèmes sélectifs existent en France.
GUILLAUME DURAND
Qui est un système archi sélectif.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà. Est-ce qu'on l'a remis en question ?
GUILLAUME DURAND
Et qui trouve du boulot ? Ceux-là. Qui part à l'étranger pour aller au King's Collège à Londres, à UCL etc., ceux qui veulent échapper à un système français où justement on va amener 25 % d'une classe d'âge aux masters parce qu'ils en veulent pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, Guillaume DURAND, vous venez de dire un truc très important, vous voyez, contrairement à l'image qui est donnée de nous et au fantasme d'une gauche qui voudrait couper des têtes, etc., est-ce qu'on a remis en cause le système des grandes écoles, qui en effet...
GUILLAUME DURAND
Mais ce serait un scandale si vous le faisiez...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... qui en effet est sélectif ? Non, c'est bien que perdure ce système sélectif, c'est bien aussi qu'on ait une université qui fonctionne sur un autre mode, parce que sinon ça veut dire que d'une certaine façon, à ceux qui ne seraient pas sélectionnés, vous n'offrez aucune possibilité de poursuivre des études ? Mais enfin, dans un système où vous ne pouvez pas trouver de travail aujourd'hui si vous n'avez pas de diplôme en poche, vous sacrifieriez toute une partie de notre jeunesse, parce que vous auriez tellement sélectionné, trié de façon malthusienne, qu'elle n'aurait eu aucune possibilité d'aller obtenir un diplôme ? Mais réfléchissons, prenons de la distance...
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'il faut amener 25 % d'une génération, justement, à un Master pratiquement... parce que ça vous oppose un petit peu à Thierry MANDON cette affaire-là, sur l'histoire du Master.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais pas du tout, on n'est absolument pas opposé, on est tout à fait d'accord en ligne, et on est en train d'obtenir un accord, qui va être un accord historique sur cette question.
GUILLAUME DURAND
Donc il y aura une sélection pour le Master.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y aura, ce que j'appelle précisément un recrutement, c'est-à-dire que les masters pourront recruter leurs élèves et prendre les meilleurs, en gros, ceux qui sont plus motivés, qui ont de meilleurs dossiers, etc. Mais parallèlement à cela, les étudiants qui ont une licence en poche, qui souhaitent poursuivre en Master, auront un droit à la poursuite d'études. Donc s'ils ne sont pas pris par exemple dans le Master dans lequel ils ont candidaté en voeu 1, ils ont d'autres voeux possibles. Pourquoi c'est important ? Et vous me dites 25 % de Masters est-ce que c'est pas trop pour notre pays ? Mais vous qui passez votre temps à faire des comparaisons avec l'Allemagne, vous savez que l'Allemagne a beaucoup plus de Masters et de doctorants que nous en avons en France ? C'est un problème. Mais c'est un problème, donc ça veut dire que nous n'en avons pas assez, donc il faut aller plus loin, donc c'est sûrement pas avec des systèmes sélectifs malthusiens comme ceux que propose la droite, qu'on va arriver à avoir plus de diplômés de Masters.
GUILLAUME DURAND
Je voudrais qu'on écoute quelqu'un que vous connaissez, on va déborder un tout petit peu, c'est Christine MASSON (sic), qui considère, parce que j'ai reçu beaucoup de mails ce matin avant que vous ne veniez, par exemple une professeure qui dit : « Un grand nombre de lycées d'Ile-de-France, relevant de l'Education prioritaire ZEP, sont en grève aujourd'hui et une manifestation devant le ministère est prévue à 14h00 ». Ce système, dit madame MASSON (sic), donc après une enquête, ne fonctionne pas, on l'écoute, et vous répondrez, bien évidemment.
NATHALIE MONS
On a une politique, vraiment qui dure depuis 35 ans, sans aucune évaluation positive, sans qu'on se soit soucié de bouger. Par exemple, évidemment, dans les années 80, on lance aussi des politiques d'éducation prioritaire, en Angleterre, mais depuis on a changé, on s'est rendu compte que ça ne fonctionnait pas, que ça avait énormément d'effets pervers, et donc on a évolué vers d'autres façons d'aider les enfants défavorisés. Nous on est resté finalement vraiment fidèles à une politique qui ne montrait pas d'effets. Par exemple, si on regarde l'ensemble des relances successives du collège, chaque septennat a sa relance, ou chaque quinquennat a sa relance, on a toujours les mêmes dispositifs.
GUILLAUME DURAND
Voilà c'est Nathalie MONS, et non pas MASSON, et le mail que j'évoquais, c'était une professeure du lycée Joliot Curie de Nanterre, pardonnez-moi de vous demander de répondre brièvement, car nous arrivons au terme, vous lui répondriez quoi ? Ça ne marche pas, dit-elle.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elle a raison de dire que malheureusement depuis 30 ans, l'éducation prioritaire a montré ses limites, dans le sens où comme on a fait beaucoup de saupoudrage, eh bien on ne s'est pas suffisamment concentré pour aider justement les établissements qui ont le plus de difficultés. Mais ce qu'elle oublie de préciser, et il faut le faire, c'est que depuis la rentrée 2015, une réforme de l'éducation prioritaire a vu le jour, qui justement part sur complètement d'autres pistes, puisque concrètement on a mis beaucoup plus d'argent sur un nombre limité d'établissements, et que dans ces établissements on ne s'est pas contenté de mettre de l'argent sans regarder, d'abord il y a une évaluation précise qui est faite, tous les 4 ans, pour aller voir comment, quels résultats ça produit sur les élèves. Deuxièmement, les professeurs ils sont mieux rémunérés pour les stabiliser, par exemple avant c'est vrai que l'éducation prioritaire on disait qu'on mettait de l'argent, mais on ne faisait rien pour les professeurs, du coup les professeurs tournaient en permanence, ils ne se stabilisaient pas et c'est ce qu'il y a de pire. Donc là, ils sont mieux rémunérés pour être stabilisés et ça produit des effets. Ils ont du temps qui est libéré pour être plus formés que leurs collègues, parce qu'on a besoin de profs encore meilleurs en éducation prioritaire, donc Nathalie MONS, en gros, le diagnostic qu'elle pose sur l'éducation prioritaire des dernières décennies est juste, mais elle n'a pas encore suffisamment de recul comme chercheuse, et elle le sait parfaitement bien, parce qu'elle sait ce qu'est le travail de recherche, pour juger de la politique qui est mise en oeuvre depuis 2015, après la réforme de l'éducation prioritaire.
GUILLAUME DURAND
Je vous retire MACRON et je reviens à SARKOZY.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vous le laisse.
GUILLAUME DURAND
Il vous traitait de médiocre, TAUBIRA de médiocre, le sommet, tout à l'heure, je vous ai vu, parce que ça vous a crispée, ce qui est normal d'ailleurs, mais c'est quand même violent la campagne qui s'annonce.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, enfin c'est pas comme si on était surpris. Ça fait longtemps que ça dure, il y a une course à l'échalote à droite, à qui sera le plus outrancier, voilà, Nicolas SARKOZY, a déjà fait preuve de ses compétences en la matière, donc, moi je ne suis pas étonnée.
GUILLAUME DURAND
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM d'être notre invitée ce matin...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci beaucoup.
GUILLAUME DURAND
... sur l'antenne de Radio Classique, pour parler de la politique d'éducation de la France, c'est le premier budget de la Nation, 92 milliards, et un milliard, donc, pour les tablettes, qui seront bien utiles dans les classes. Bonne journée à vous, donc.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci
source : Service d'information du Gouvernement, le 6 octobre 2016