Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l'attractivité économique du Grand Paris, à Paris le 9 novembre 2016.

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Circonstance : Forum annuel de l'association "Paris Ile-de-France Capitale économique", à Paris le 9 novembre 2016

Texte intégral


Merci Monsieur le Président de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France, Jean-Paul Vermès, de nous accueillir ici dans ces magnifiques locaux,
Merci Monsieur le Président de l'association «Paris Île-de-France, capitale économique», Cher Christian Nibourel,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Avant de partir dans quelques instants pour le Sénégal et la Guinée, je tenais à venir m'exprimer devant vous, à l'occasion de ce dixième forum dédié à la recherche et à l'innovation. En tant que Premier ministre, j'avais d'ailleurs participé à une précédente édition, et c'est donc tout naturellement que j'ai accepté d'être devant vous ce soir. Merci pour cette invitation.
L'association «Paris Île-de-France capitale économique» joue un rôle essentiel, aux côtés des pouvoirs publics et de leurs opérateurs, je pense à Business France, pour promouvoir ce qui est essentiel, l'attractivité du Grand Paris.
Vous avez bien voulu rappelé que, lorsque j'ai pris mes fonctions de Premier ministre en 2012, j'ai tout de suite considéré que ce dossier métropolitain était prioritaire pour la France. Il fallait réunir toutes les conditions pour le redynamiser, pour le rendre performant sur tous les plans. Il fallait le rendre plus fonctionnel en termes de déplacements, le rendre plus facile d'accès pour ceux qui travaillent et qui cherchent un logement, améliorer la qualité de vie. Bref, faire de Paris-Île-de-France une véritable métropole mondiale.
Vous avez rappelé les enjeux et je vais y revenir, mais la question de l'innovation, celle qui est au coeur de ce forum, que l'on appelle le «smart manufacturing» ou la fabrication 4.0, c'est-à-dire l'industrie du futur, c'est un thème essentiel qui participe à cette métropolisation mondiale de Paris Île-de-France. Cette révolution touche tous les secteurs, tous les types d'entreprises, depuis la startup jusqu'au grand groupe. À l'évidence, le numérique est synonyme de progrès technologique, il peut être aussi synonyme de progrès social ou politique. Mais cela ne fonctionne pas tout seul, il faut aborder toutes les questions et tous les aspects. Ce sera d'ailleurs l'enjeu du sommet du «partenariat pour un gouvernement ouvert» qui réunit au début du mois de décembre à Paris de nombreux chefs d'État et de gouvernement et de très nombreux acteurs de la société civile. Ce sera l'illustration de cette réflexion, et de cette mobilisation nécessaire. Notre ambition est de faire de ce sommet, cela peut vous paraître très ambitieux mais il faut avoir de l'ambition, une COP22 de la transparence dans la vie publique et économique. Les questions nouvelles que posent le numérique exigent que, sur ce terrain nous soyons offensifs.
Le numérique, c'est d'abord une opportunité pour la croissance économique, qui peut devenir une opportunité manquée, si nous ne comprenons pas que le monde issu de la révolution numérique est aussi, et vous l'avez rappelé, un monde concurrentiel. C'est un monde de concurrence entre les territoires car, contrairement à une idée reçue, le numérique n'abolit pas la pertinence des territoires, la logique de déterritorialisation qui est à l'oeuvre, par exemple dans le commerce en ligne, n'est aucunement exclusive d'un ancrage territorial. Il faut des hubs de distribution, des centres de décision et des territoires pour porter ces décisions, même si tout cela provoque des mutations qu'il faut savoir maîtriser.
La même logique existe pour l'industrie. L'internet des objets ne pourra se développer qu'à partir de territoires innovants et hautement productifs. La compétition entre les grandes métropoles mondiales a déjà commencé, nous le savons, et ces métropoles rivalisent d'inventivité, on le voit partout dans le monde, pour accueillir les talents et convaincre les décideurs qu'elles offrent les meilleurs opportunités et les meilleures écosystèmes. C'est bien sûr tout l'enjeu, autour de Paris et de l'Île-de-France.
Il faut bien le dire, vous avez eu raison, il ne faut pas toujours être dans l'auto-bashing, les atouts sont nombreux mais ils ne sont pas assez connus des décideurs mondiaux il faut le reconnaître. Il y a un comité stratégique de l'attractivité économique qui existe à l'échelle de la France, que nous avons mis en place et qui va se réunir prochainement. Mais il est important, comme vous le faites ici, de mettre tous les atouts de votre côté pour le faire connaître. J'étais récemment en Chine et j'irai bientôt en Inde, vous l'avez rappelé, à l'invitation du gouvernement indien en janvier ; ce sera le même enjeu. J'ai eu l'occasion d'évoquer les perspectives d'investissements dans le Grand Paris justement. J'ai organisé un dîner avec quelques investisseurs chinois, volontairement en nombre restreint, dont M. Wang Jinalin qui est le président du groupe Dalian Wanda, un très grand groupe chinois qui a des projets d'investissements dans Paris métropole Île-de-France, et notamment dans le Triangle de Gonesse. J'ai profité de cette occasion, comme je le disais tout à l'heure, pour lui dire qu'il y avait d'autres investissements, notamment le financement du Grand Paris express qui est un projet que nous souhaitons voir financer par des partenaires privés, et j'ai senti que cela provoquait un intérêt. Ce qui provoquait l'intérêt, c'est l'amélioration de la fonctionnalité de la métropole mondiale Paris Île-de-France. C'est ce qui était intéressant de constater.
Sur un autre thème, j'ai pu le vérifier en rencontrant des professionnels du tourisme en Chine, et notamment la presse chinoise spécialisée dans le domaine du tourisme, qui m'ont posé de nombreuses questions concrètes, dont bien sûr, la question de la sécurité. C'est normal avec le terrorisme, il y a la sécurité des personnes par exemple, sur laquelle il faut agir, et nous avons décidé hier de renforcer nos moyens. Ils m'ont aussi parlé de la fonctionnalité : comment se déplace-t-on ? Comment accéder à tel ou tel pôle etc. Ce sont des questions pratiques, des questions concrètes qui se posent dès l'arrivée à l'aéroport. Ce qui vaut pour les touristes vaut pour tous les autres professionnels. Il est donc important d'écouter, de comprendre.
Nous avons une chance formidable à saisir à partir de tous nos atouts pour faire de cette métropole mondiale, une métropole puissante, attractive et qualitative. C'est ce que j'évoquerai en Inde comme je l'ai fait pour la Chine.
Il y a également l'opportunité, sans polémiquer bien évidemment, mais la décision prise par les Britanniques nous offre une possibilité de renforcer encore les atouts de notre attractivité, d'être au coeur-même de l'Europe, un pôle de référence. Il faut donc continuer la mobilisation avec ardeur et conviction. Cela va marcher, les choses fonctionnent déjà en partie mais cela peut être beaucoup mieux. L'État joue un rôle primordial évidemment dans cette démarche de promotion, celle de nos grandes métropoles. On fait la promotion de Paris Île-de-France mais il y a aussi en France des métropoles qui ont d'ailleurs ce statut maintenant, qui leur donnent des atouts et une lisibilité plus grande, en complétant notre dispositif français qu'il faut faire connaître à l'échelle internationale.
Le gouvernement soutient l'évolution de notre tissu économique à travers le plan «Nouvelle France industrielle» et au travers du programme des investissements d'avenir , ce sera la troisième édition. C'est quelque chose qui fonctionne, il faut s'en saisir à fond.
Il est également important de mieux communiquer sur nos atouts et nos talents. Nos ambassadeurs consacrent désormais 40% de leur temps à la promotion économique du pays, à l'accueil des entreprises dans leurs déplacements pour l'export. Ils vont continuer de valoriser les atouts incomparables de nos métropoles, à commencer par le Grand Paris. C'est le sens d'initiatives telles que le «mois de l'investissement», qui s'achèvera dans quelques jours et qui a permis de promouvoir notre économie auprès de plusieurs milliers d'investisseurs et faiseurs d'opinions dans plus de 70 pays.
C'est aussi l'objet de la campagne «Créative France» qui valorise le potentiel créatif de nos entreprises.
Cette action de promotion, je n'ai pas besoin de vous le dire, elle est nécessaire. Trop souvent nous avons tendance à cacher nos atouts sous un discours pessimiste auquel nous faisions allusion. Je voudrais citer John Chambers qui est le patron de Cisco, qui, encore ces derniers jours et il ne cesse de le répéter, dit que la France peut être le pays numéro 1 de la création de startups. Il ne dit pas cela pour nous faire plaisir, il a même employé une expression encore plus sympathique, disant que nous pouvons être la Silicon Valley de l'Europe. Ce qui est sûr, c'est qu'il partait d'une réalité et ce n'est pas quelque chose de complaisant à notre égard, c'était très réaliste, d'une certaine façon très réconfortant, mais surtout un peu provocateur, pour nous stimuler et pour que nous soyons plus confiants dans nos capacités. Certaines entreprises françaises du numérique que l'on appelle les licornes et qui sont connues partout dans le monde, comme Blablacar ou Criteo, atteignent des valorisations records à plus d'un milliard d'euros. Depuis maintenant dix ans, les investissements étrangers recensés dans les centres R&D sont en progression constante. Des géants tels que Facebook choisissent la France, attirés par notre haut niveau de compétences, par notre environnement fiscal et nos infrastructures publiques. Je pense au crédit d'impôt recherche (CIR) qui est certes une originalité française, mais qui est un avantage compétitif remarquable que nous avons voulu maintenir, et c'est essentiel. Nos pools de compétitivité, nos incubateurs sont parmi les meilleurs au monde et bientôt, au Freyssinet, sera ouvert le plus grand incubateur du monde. Je l'ai dit en Chine, personne ne le savait, c'était donc important de le dire.
Je voudrais d'ailleurs saluer le président et le délégué général de «Systematic Paris Region» qui font beaucoup pour donner au plateau de Saclay sa réputation de Silicon Valley de l'Europe.
En matière de formation, la France bénéficie des meilleures écoles et universités françaises. Elle est le quatrième pays au monde d'accueil d'étudiants étrangers et elle peut être fière de ses établissements de recherche de premier rang, notamment dans les domaines des mathématiques, des télécommunications ou de l'intelligence artificielle. Ces établissements sont souvent associés à des clusters de renom : j'ai déjà cité Systematic, je pense également à Moveo ou encore Advancity.
Le projet du Grand Paris, avec ses 200 kilomètres de nouvelles lignes, 68 nouvelles gares, 140 km2 à aménager va donner une nouvelle impulsion à la France du futur. À cet égard, un concours international inventant la métropole du Grand Paris offrira l'opportunité aux talents français et internationaux de concevoir des quartiers entiers de cette métropole, avec 61 sites qui viennent d'être dévoilés. Ils vont bénéficier de cet appel à projet pour dessiner les contours d'une smart-métropole.
Je ne souhaite pas être que positif, je ne sous-estime pas l'importance du chemin qui reste à accomplir, - si vous êtes là c'est que vous tenez à y travailler-, pour installer durablement Paris et sa région sur le podium de ces cités les plus smart et les plus intelligentes.
Tout cela est vrai, mais il faudra accompagner les secteurs plus traditionnels de notre économie qu'il ne faut pas oublier dans leur transition numérique. Nous aurions tort de ne pas y prêter plus d'attention, car si nous laissons de côté ces secteurs en transition, il vont en souffrir, nous aurons de la souffrance sociale et cela freinera l'ensemble. Je crois que c'est très important et il y a des leçons à tirer de beaucoup de choses. Il y a les gagnants et les perdants, faisons en sorte que les gagnants entraînent les perdants pour qu'ils réussissent eux aussi et qu'on leur donne de l'espoir et de la confiance.
S'il y a des leçons politiques à tirer de telle ou telle élection, ou de telle montée de mouvements populistes, soyons attentifs. C'est l'intérêt général qui nous commande d'être exigeants. Je parle des hommes et des femmes politiques, mais vous êtes des citoyens, cela vous concerne, et vous êtes concernés, je le sais.
Ce qui est frappant, c'est que même les métiers dont nous pensions qu'ils étaient à l'écart de cette mue sont désormais touchés par la transition numérique. J'ai évoqué le secteur du tourisme, c'est une très belle illustration, et ce secteur, loin de se replier, malgré les difficultés conjoncturelles, relève le défi avec enthousiasme et multiplie les projets de services et d'applications numériques, pour rendre nos villes et nos territoires plus accueillants.
Je le répète, je sais que mes mots s'adressent à des personnes convaincues de l'attractivité de notre territoire. Quand on le compare, et nous avons fait beaucoup d'enquêtes à ce sujet, Paris n'a rien à envier à ses rivales allemandes, suisses ou asiatiques. L'étude du cabinet PricewaterhouseCoopers va nous livrer un éclairage précis sur tous ces points dont nous disposons désormais.
Je crois vraiment que l'on peut réussir, je compte vraiment sur l'engagement général et je pense que la France doit avoir confiance dans l'avenir. Lorsque j'étais en Chine, puisque j'ai évoqué ce voyage, mais je suis sûr qu'en Inde j'aurai le même accueil aussi chaleureux et la même attention, j'ai été frappé quand j'ai présenté le projet de «Paris Île-de-France, capitale économique» les gens s'intéressaient, cela faisait vibrer et cela montrait qu'il y avait une cohérence. Parce que, quand il n'y a pas de cohérence, s'il n'y a pas de projet global, avec des perspectives et même si tout ne se construit pas en un jour, on sait où l'on va et on s'intéresse en se disant que cela vaut peut-être la peine d'investir en France. Ensuite, on peut regarder plus loin, on regarde la qualité de vie, la sécurité, les infrastructures, les centres de formations et de recherches et les qualités environnementales. On regardera certainement la fiscalité, ce qui va et ce qui ne va pas, mais on verra un ensemble d'atouts qui crée de la confiance. Cela vaut pour l'Europe et cela vaut pour le reste du monde.
Mesdames et Messieurs, vous avez devant vous un immense chantier, vous y êtes déjà profondément engagés, je vous en remercie vraiment et vous souhaite une belle réussite et de bons travaux.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 novembre 2016