Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je remercie l'Autorité des marchés financiers d'avoir pris l'initiative d'organiser ces entretiens sur un thème d'actualité particulièrement stratégique : le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, résultant du référendum du 23 juin dernier et ses effets sur les services financiers.
Je débuterai par un message d'optimisme relatif : au vu des dernières informations conjoncturelles, l'effet du Brexit à court terme sur notre économie et celle de l'UE devrait rester modéré. Malgré un troisième trimestre moins dynamique qu'attendu en raison de facteurs temporaires, nous percevons des signaux positifs en matière de croissance de l'économie française, qui offrent aux acteurs économiques des perspectives encourageantes.
Après trois années de croissance faible entre 2012 et 2014, l'économie française connaît une dynamique de nette reprise depuis deux ans. La croissance a en effet atteint +1,3% en 2015, après +0,5% en moyenne entre 2012 et 2014. En zone euro, la Commission européenne vient de revoir à la hausse ses prévisions : l'activité devrait progresser au rythme de +1,7% en 2016, puis +1,5% en 2017. Enfin, malgré les turbulences qui ont frappé les marchés au premier semestre 2016, le système financier mondial, et notamment français, a montré sa résilience.
Pourtant, de toute évidence, le Brexit ne constitue pas, de notre point de vue, une bonne nouvelle, bien au contraire. La sortie d'un État membre aussi important que le Royaume-Uni de l'UE implique un affaiblissement certain du projet politique européen et des moyens d'action de l'UE. D'un point de vue économique, cela vient amoindrir les gains tirés du marché unique, tant en interne par un amoindrissement des échanges, que vis-à-vis de nos partenaires commerciaux extérieurs.
Du point de vue des marchés financiers, cela modifie profondément le projet d'union des marchés de capitaux, engagé en 2015 par la Commission européenne, étant donné la place du Royaume-Uni dans ce secteur. Ce projet reste toutefois essentiel pour apporter à nos entreprises des marchés plus profonds, des financements diversifiés et innovants. Il doit être l'occasion d'affirmer clairement la maîtrise de l'UE à 27 sur les activités les plus vitales pour le bon fonctionnement de nos marchés financiers et, plus généralement, de nos économies.
C'est à la lumière de la décision du peuple britannique et de notre ambition pour l'UE que nous devons nous préparer pour les négociations à venir.
Avant d'évoquer ces négociations, permettez-moi de revenir un instant sur l'organisation et le calendrier des prochains travaux.
Le résultat du referendum du 23 juin 2016 a marqué le début d'une période d'attente et donc d'incertitudes. Vous le savez, tant que le Gouvernement britannique n'a pas officiellement invoqué l'article 50 du Traité sur l'Union européenne et, ainsi, notifié formellement au Conseil européen l'intention du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne, les négociations ne peuvent débuter. Comme la Première ministre britannique l'a indiqué, cette notification devrait intervenir d'ici fin mars 2017. Les procédures juridiques en cours au Royaume-Uni pourraient cependant compromettre ce calendrier et les modalités d'association du Parlement demeurent incertaines. L'avis que rendra la Cour Suprême du Royaume-Uni dans les prochaines semaines sera à cet égard déterminant.
Quoi qu'il en soit, cet horizon est proche, et nous ne doutons pas que les négociations sur l'accord de retrait commenceront rapidement et s'accéléreront très vite, en raison de la période de deux années prévue par l'article 50 TUE, à l'issue de laquelle, sauf accord unanime des 28 pour une prolongation des négociations, le Royaume-Uni quittera automatiquement l'UE.
Nous devons réfléchir à la manière dont nous continuons à travailler au niveau européen dans la période complexe qui va s'ouvrir. Car, s'il faut assurer la bonne fin de ce processus de séparation souhaité en juin dernier par le peuple britannique, il s'agit aussi de préserver les intérêts de l'Union européenne et sa capacité à avancer collectivement, à faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. À cet égard, l'incertitude existante sur la future application des règles européennes par le Royaume-Uni conduit à s'interroger sur le rôle que ce dernier doit désormais tenir dans leur élaboration.
Nous avons entamé des travaux pour préparer notre position de négociation à la fois pour l'accord de retrait et pour l'accord qui régira les relations entre l'Union à 27 et le Royaume-Uni après son retrait. Je souhaite que vous soyez pleinement associés à nos réflexions. Je me félicite à cet égard de votre participation aux groupes de travail et aux consultations lancées par la direction générale du Trésor. Je remercie également Europlace d'avoir engagé un travail de fond pour analyser l'impact du Brexit secteur par secteur. Je vous encourage à poursuivre dans un esprit collectif et de façon coordonnée cette réflexion qui constitue un défi sans précédent par la complexité de ses enjeux, tant juridique qu'économique, et qui nécessite donc notre pleine mobilisation.
Je reviens à présent sur les enjeux les plus significatifs de nos travaux à venir : la négociation d'un accord de retrait, puis d'un accord fixant un nouveau cadre pour nos relations économiques avec le Royaume-Uni.
L'accord de retrait, qui devra régler des questions épineuses, notamment liées au budget européen ou au statut des accords commerciaux tissés par l'UE et incluant le Royaume-Uni en son sein, ne devrait traiter que résiduellement de questions sectorielles, mais certains points auront toutefois une incidence sur le secteur financier. Il devra également traiter de la localisation des sièges des agences européennes actuellement présentes au Royaume-Uni. Je pense notamment à l'Agence bancaire européenne.
L'accord futur, pour sa part, organisera les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cet accord, quelle que soit la forme juridique retenue, sera lourd de conséquences pour le secteur financier.
En effet, l'accès au marché intérieur est indissociablement lié au respect des quatre libertés, d'une part, et à l'application de la réglementation européenne sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, d'autre part.
Ma compréhension est que ces règles ne seraient pas compatibles avec les souhaits de notre partenaire britannique. Il faut être clair : dans ce cas-là, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers avec lequel nos relations seront régies par un accord dans le cadre du droit de l'OMC et, le cas échéant, des régimes d'équivalence réglementaire.
Dans ce cas de figure, les acteurs économiques perdraient la possibilité automatique d'offrir des services en libre prestation dans tous les États membres depuis leur État membre d'origine qu'il s'agisse des services financiers ou d'autres types de services. Liberté d'établissement et libre prestation de service sont en effet rendues possibles par le mécanisme du "passeport européen", qui repose sur l'application de règles d'agrément harmonisées et sur la reconnaissance de l'agrément du pays d'origine par les autres États membres.
Mais le bénéfice du passeport nécessite que les règles appliquées soient les mêmes.
Vous l'avez compris : le Brexit pourrait conduire à des changements importants pour le secteur financier.
Si la position du Gouvernement britannique n'est pas formellement connue, nous notons que plusieurs acteurs éminents de la City revendiquent le maintien du passeport, mais aussi une forme d'autonomie réglementaire et de supervision.
De telles demandes me semblent nier la cohérence du projet européen, qui associe l'accès au marché intérieur au respect de règles communes, non seulement dans les textes mais aussi dans leur application effective.
Il s'agit non seulement de veiller à éviter toute moins-disance réglementaire, mais aussi toute moins-disance en matière de supervision, dès lors que cela peut avoir des effets sur la stabilité financière de l'Europe. Les derniers propos du régulateur britannique ont de ce point de vue été plutôt rassurants.
En définitive, dans les négociations, nous serons mus par plusieurs objectifs : non seulement l'intérêt économique de notre pays, mais aussi le maintien de l'intégrité du marché intérieur européen et les impératifs de stabilité et de souveraineté financières, qui impliquent que l'UE dispose d'un contrôle adéquat des activités financières, dès lors que celles-ci présentent des risques ou peuvent avoir un impact systémique telles que, par exemple, la compensation.
Nous allons évoluer vers un secteur financier européen plus diversifié et plus décentralisé : Londres continuera certainement d'y jouer un rôle important mais un rééquilibrage est probable, et il est important que celui-ci s'opère dans une logique de partenariat entre places financières.
Nous savons que certains acteurs s'interrogent légitimement sur leur stratégie et sur l'opportunité d'une réimplantation. Lors des récents déplacements que j'ai pu effectuer, notamment aux Etats-Unis, j'ai pu remarquer que le discours des acteurs financiers avait beaucoup évolué depuis cet été : la question n'est plus de savoir si des relocalisations d'activités vont se produire, mais quand et comment.
Afin de renforcer l'attractivité de la Place de Paris, des annonces visant à renforcer l'attractivité fiscale de notre pays ont été effectuées début juillet par le Premier ministre et sont actuellement mises en oeuvre au travers du vote du projet de loi de finances pour 2017.
Ces mesures sont ambitieuses et permettront, dans le cas particulier du régime des impatriés par exemple, d'offrir clairement le meilleur régime d'Europe, en allongeant la durée du dispositif de 5 à 8 ans et en prévoyant l'exonération de taxe pour les salaires pour la prime d'impatriation.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement s'est engagé à une réduction graduelle de son taux dès 2017 et jusqu'à 28% en 2020 pour se rapprocher de la moyenne européenne. C'est une mesure essentielle pour notre attractivité à laquelle je tiens tout particulièrement. Elle s'inscrit dans la continuité des efforts engagés par le Gouvernement pour réduire le coût du travail en France avec la mise en place du Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi et du Pacte de responsabilité. Au total, l'engagement de 40 Md de mesures en 2017 pour les entreprises aura été tenu, avec notamment pour 2016, je le rappelle, un allègement supplémentaire de cotisations patronales à hauteur de 9 Md.
Je rappelle que nous conduisons en parallèle des réformes structurelles ambitieuses, notamment en matière de droit du travail. La situation est fréquemment décrite plus négativement qu'elle n'est en réalité. L'OCDE calcule ainsi un indicateur de flexibilité du marché du travail qui révèle que la flexibilité du marché du travail en France est plus grande qu'en Allemagne, qu'aux Pays-Bas ou qu'en Belgique et à peine moindre qu'au Luxembourg. Cela est le résultat des réformes engagées depuis plusieurs années et, en particulier, depuis le début du quinquennat avec la mise en oeuvre de l'Accord National Interprofessionnel en 2013, mouvement qui s'est poursuivi encore très récemment avec la loi El KHOMRI Ce mouvement continu démontre l'engagement déterminé du Gouvernement dans un effort d'assouplissement intelligent du droit du travail, qui n'est pas contradictoire avec les engagements sociaux du Gouvernement. Il existe certainement encore des marges de progrès en matière de prévisibilité et d'application des règles.
Mais le premier atout français du point de vue du secteur financier, c'est la place de Paris elle-même : une place financière de premier rang, au service du financement des entreprises. En premier lieu, parce qu'elle est au service d'une base de clients très solide. Nous accueillons de grands groupes industriels qui comptent parmi les plus importants émetteurs de titres financiers dans le monde. Nous sommes également le deuxième acteur de l'assurance européen. La France dispose de 4 banques et d'1 assureur systémiques mondiaux, ainsi qu'un des premiers réassureurs au monde. Euronext est la deuxième place de cotation européenne. La place parisienne dispose de spécialités reconnues, par exemple sur le marché obligataire et des dérivés actions. Elle représente 20% de la gestion d'actifs européenne. Le marché des titres de court terme des entreprises représente 310 milliards d'euros. Notre Place réunit un écosystème riche de tous les métiers et toutes les expertises de la finance.
Paris est enfin en passe de devenir la Place de référence en matière de finance verte, de finance durable et joue également un rôle pionnier en matière d'obligations vertes.
Dans ce contexte, nous devons améliorer la visibilité de notre Place et valoriser ses atouts, en facilitant l'implantation à Paris de ceux qui souhaiteraient se relocaliser :
- c'est dans ce cadre qu'un Guichet Unique, dont l'ambassadeur a été nommé en la personne de Ross McINNES, a été inauguré il y a dix jours, afin de constituer un point d'entrée unique pour les acteurs, permettant de répondre à l'ensemble de leurs interrogations et de les appuyer dans leurs démarches auprès des différentes administrations ;
- l'AMF et l'ACPR, dont la qualité est reconnue unanimement au niveau international et qui constituent un atout essentiel en matière d'attractivité, ont d'ores et déjà mis en place un point d'accès facilité et ont annoncé la simplification et l'accélération des procédures d'agrément.
Le secteur financier en France et en Europe se situe plus que jamais à un tournant. Je puis vous assurer que notre mobilisation est entière, dans cette période d'incertitude, pour soutenir la croissance économique et veiller à la solidité du secteur financier en France et en Europe. Je sais pouvoir également compter sur vous. C'est ensemble que nous pourrons démontrer la qualité et le dynamisme de l'industrie financière française.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 15 novembre 2016
Mesdames, Messieurs,
Je remercie l'Autorité des marchés financiers d'avoir pris l'initiative d'organiser ces entretiens sur un thème d'actualité particulièrement stratégique : le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, résultant du référendum du 23 juin dernier et ses effets sur les services financiers.
Je débuterai par un message d'optimisme relatif : au vu des dernières informations conjoncturelles, l'effet du Brexit à court terme sur notre économie et celle de l'UE devrait rester modéré. Malgré un troisième trimestre moins dynamique qu'attendu en raison de facteurs temporaires, nous percevons des signaux positifs en matière de croissance de l'économie française, qui offrent aux acteurs économiques des perspectives encourageantes.
Après trois années de croissance faible entre 2012 et 2014, l'économie française connaît une dynamique de nette reprise depuis deux ans. La croissance a en effet atteint +1,3% en 2015, après +0,5% en moyenne entre 2012 et 2014. En zone euro, la Commission européenne vient de revoir à la hausse ses prévisions : l'activité devrait progresser au rythme de +1,7% en 2016, puis +1,5% en 2017. Enfin, malgré les turbulences qui ont frappé les marchés au premier semestre 2016, le système financier mondial, et notamment français, a montré sa résilience.
Pourtant, de toute évidence, le Brexit ne constitue pas, de notre point de vue, une bonne nouvelle, bien au contraire. La sortie d'un État membre aussi important que le Royaume-Uni de l'UE implique un affaiblissement certain du projet politique européen et des moyens d'action de l'UE. D'un point de vue économique, cela vient amoindrir les gains tirés du marché unique, tant en interne par un amoindrissement des échanges, que vis-à-vis de nos partenaires commerciaux extérieurs.
Du point de vue des marchés financiers, cela modifie profondément le projet d'union des marchés de capitaux, engagé en 2015 par la Commission européenne, étant donné la place du Royaume-Uni dans ce secteur. Ce projet reste toutefois essentiel pour apporter à nos entreprises des marchés plus profonds, des financements diversifiés et innovants. Il doit être l'occasion d'affirmer clairement la maîtrise de l'UE à 27 sur les activités les plus vitales pour le bon fonctionnement de nos marchés financiers et, plus généralement, de nos économies.
C'est à la lumière de la décision du peuple britannique et de notre ambition pour l'UE que nous devons nous préparer pour les négociations à venir.
Avant d'évoquer ces négociations, permettez-moi de revenir un instant sur l'organisation et le calendrier des prochains travaux.
Le résultat du referendum du 23 juin 2016 a marqué le début d'une période d'attente et donc d'incertitudes. Vous le savez, tant que le Gouvernement britannique n'a pas officiellement invoqué l'article 50 du Traité sur l'Union européenne et, ainsi, notifié formellement au Conseil européen l'intention du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne, les négociations ne peuvent débuter. Comme la Première ministre britannique l'a indiqué, cette notification devrait intervenir d'ici fin mars 2017. Les procédures juridiques en cours au Royaume-Uni pourraient cependant compromettre ce calendrier et les modalités d'association du Parlement demeurent incertaines. L'avis que rendra la Cour Suprême du Royaume-Uni dans les prochaines semaines sera à cet égard déterminant.
Quoi qu'il en soit, cet horizon est proche, et nous ne doutons pas que les négociations sur l'accord de retrait commenceront rapidement et s'accéléreront très vite, en raison de la période de deux années prévue par l'article 50 TUE, à l'issue de laquelle, sauf accord unanime des 28 pour une prolongation des négociations, le Royaume-Uni quittera automatiquement l'UE.
Nous devons réfléchir à la manière dont nous continuons à travailler au niveau européen dans la période complexe qui va s'ouvrir. Car, s'il faut assurer la bonne fin de ce processus de séparation souhaité en juin dernier par le peuple britannique, il s'agit aussi de préserver les intérêts de l'Union européenne et sa capacité à avancer collectivement, à faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. À cet égard, l'incertitude existante sur la future application des règles européennes par le Royaume-Uni conduit à s'interroger sur le rôle que ce dernier doit désormais tenir dans leur élaboration.
Nous avons entamé des travaux pour préparer notre position de négociation à la fois pour l'accord de retrait et pour l'accord qui régira les relations entre l'Union à 27 et le Royaume-Uni après son retrait. Je souhaite que vous soyez pleinement associés à nos réflexions. Je me félicite à cet égard de votre participation aux groupes de travail et aux consultations lancées par la direction générale du Trésor. Je remercie également Europlace d'avoir engagé un travail de fond pour analyser l'impact du Brexit secteur par secteur. Je vous encourage à poursuivre dans un esprit collectif et de façon coordonnée cette réflexion qui constitue un défi sans précédent par la complexité de ses enjeux, tant juridique qu'économique, et qui nécessite donc notre pleine mobilisation.
Je reviens à présent sur les enjeux les plus significatifs de nos travaux à venir : la négociation d'un accord de retrait, puis d'un accord fixant un nouveau cadre pour nos relations économiques avec le Royaume-Uni.
L'accord de retrait, qui devra régler des questions épineuses, notamment liées au budget européen ou au statut des accords commerciaux tissés par l'UE et incluant le Royaume-Uni en son sein, ne devrait traiter que résiduellement de questions sectorielles, mais certains points auront toutefois une incidence sur le secteur financier. Il devra également traiter de la localisation des sièges des agences européennes actuellement présentes au Royaume-Uni. Je pense notamment à l'Agence bancaire européenne.
L'accord futur, pour sa part, organisera les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cet accord, quelle que soit la forme juridique retenue, sera lourd de conséquences pour le secteur financier.
En effet, l'accès au marché intérieur est indissociablement lié au respect des quatre libertés, d'une part, et à l'application de la réglementation européenne sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, d'autre part.
Ma compréhension est que ces règles ne seraient pas compatibles avec les souhaits de notre partenaire britannique. Il faut être clair : dans ce cas-là, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers avec lequel nos relations seront régies par un accord dans le cadre du droit de l'OMC et, le cas échéant, des régimes d'équivalence réglementaire.
Dans ce cas de figure, les acteurs économiques perdraient la possibilité automatique d'offrir des services en libre prestation dans tous les États membres depuis leur État membre d'origine qu'il s'agisse des services financiers ou d'autres types de services. Liberté d'établissement et libre prestation de service sont en effet rendues possibles par le mécanisme du "passeport européen", qui repose sur l'application de règles d'agrément harmonisées et sur la reconnaissance de l'agrément du pays d'origine par les autres États membres.
Mais le bénéfice du passeport nécessite que les règles appliquées soient les mêmes.
Vous l'avez compris : le Brexit pourrait conduire à des changements importants pour le secteur financier.
Si la position du Gouvernement britannique n'est pas formellement connue, nous notons que plusieurs acteurs éminents de la City revendiquent le maintien du passeport, mais aussi une forme d'autonomie réglementaire et de supervision.
De telles demandes me semblent nier la cohérence du projet européen, qui associe l'accès au marché intérieur au respect de règles communes, non seulement dans les textes mais aussi dans leur application effective.
Il s'agit non seulement de veiller à éviter toute moins-disance réglementaire, mais aussi toute moins-disance en matière de supervision, dès lors que cela peut avoir des effets sur la stabilité financière de l'Europe. Les derniers propos du régulateur britannique ont de ce point de vue été plutôt rassurants.
En définitive, dans les négociations, nous serons mus par plusieurs objectifs : non seulement l'intérêt économique de notre pays, mais aussi le maintien de l'intégrité du marché intérieur européen et les impératifs de stabilité et de souveraineté financières, qui impliquent que l'UE dispose d'un contrôle adéquat des activités financières, dès lors que celles-ci présentent des risques ou peuvent avoir un impact systémique telles que, par exemple, la compensation.
Nous allons évoluer vers un secteur financier européen plus diversifié et plus décentralisé : Londres continuera certainement d'y jouer un rôle important mais un rééquilibrage est probable, et il est important que celui-ci s'opère dans une logique de partenariat entre places financières.
Nous savons que certains acteurs s'interrogent légitimement sur leur stratégie et sur l'opportunité d'une réimplantation. Lors des récents déplacements que j'ai pu effectuer, notamment aux Etats-Unis, j'ai pu remarquer que le discours des acteurs financiers avait beaucoup évolué depuis cet été : la question n'est plus de savoir si des relocalisations d'activités vont se produire, mais quand et comment.
Afin de renforcer l'attractivité de la Place de Paris, des annonces visant à renforcer l'attractivité fiscale de notre pays ont été effectuées début juillet par le Premier ministre et sont actuellement mises en oeuvre au travers du vote du projet de loi de finances pour 2017.
Ces mesures sont ambitieuses et permettront, dans le cas particulier du régime des impatriés par exemple, d'offrir clairement le meilleur régime d'Europe, en allongeant la durée du dispositif de 5 à 8 ans et en prévoyant l'exonération de taxe pour les salaires pour la prime d'impatriation.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement s'est engagé à une réduction graduelle de son taux dès 2017 et jusqu'à 28% en 2020 pour se rapprocher de la moyenne européenne. C'est une mesure essentielle pour notre attractivité à laquelle je tiens tout particulièrement. Elle s'inscrit dans la continuité des efforts engagés par le Gouvernement pour réduire le coût du travail en France avec la mise en place du Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi et du Pacte de responsabilité. Au total, l'engagement de 40 Md de mesures en 2017 pour les entreprises aura été tenu, avec notamment pour 2016, je le rappelle, un allègement supplémentaire de cotisations patronales à hauteur de 9 Md.
Je rappelle que nous conduisons en parallèle des réformes structurelles ambitieuses, notamment en matière de droit du travail. La situation est fréquemment décrite plus négativement qu'elle n'est en réalité. L'OCDE calcule ainsi un indicateur de flexibilité du marché du travail qui révèle que la flexibilité du marché du travail en France est plus grande qu'en Allemagne, qu'aux Pays-Bas ou qu'en Belgique et à peine moindre qu'au Luxembourg. Cela est le résultat des réformes engagées depuis plusieurs années et, en particulier, depuis le début du quinquennat avec la mise en oeuvre de l'Accord National Interprofessionnel en 2013, mouvement qui s'est poursuivi encore très récemment avec la loi El KHOMRI Ce mouvement continu démontre l'engagement déterminé du Gouvernement dans un effort d'assouplissement intelligent du droit du travail, qui n'est pas contradictoire avec les engagements sociaux du Gouvernement. Il existe certainement encore des marges de progrès en matière de prévisibilité et d'application des règles.
Mais le premier atout français du point de vue du secteur financier, c'est la place de Paris elle-même : une place financière de premier rang, au service du financement des entreprises. En premier lieu, parce qu'elle est au service d'une base de clients très solide. Nous accueillons de grands groupes industriels qui comptent parmi les plus importants émetteurs de titres financiers dans le monde. Nous sommes également le deuxième acteur de l'assurance européen. La France dispose de 4 banques et d'1 assureur systémiques mondiaux, ainsi qu'un des premiers réassureurs au monde. Euronext est la deuxième place de cotation européenne. La place parisienne dispose de spécialités reconnues, par exemple sur le marché obligataire et des dérivés actions. Elle représente 20% de la gestion d'actifs européenne. Le marché des titres de court terme des entreprises représente 310 milliards d'euros. Notre Place réunit un écosystème riche de tous les métiers et toutes les expertises de la finance.
Paris est enfin en passe de devenir la Place de référence en matière de finance verte, de finance durable et joue également un rôle pionnier en matière d'obligations vertes.
Dans ce contexte, nous devons améliorer la visibilité de notre Place et valoriser ses atouts, en facilitant l'implantation à Paris de ceux qui souhaiteraient se relocaliser :
- c'est dans ce cadre qu'un Guichet Unique, dont l'ambassadeur a été nommé en la personne de Ross McINNES, a été inauguré il y a dix jours, afin de constituer un point d'entrée unique pour les acteurs, permettant de répondre à l'ensemble de leurs interrogations et de les appuyer dans leurs démarches auprès des différentes administrations ;
- l'AMF et l'ACPR, dont la qualité est reconnue unanimement au niveau international et qui constituent un atout essentiel en matière d'attractivité, ont d'ores et déjà mis en place un point d'accès facilité et ont annoncé la simplification et l'accélération des procédures d'agrément.
Le secteur financier en France et en Europe se situe plus que jamais à un tournant. Je puis vous assurer que notre mobilisation est entière, dans cette période d'incertitude, pour soutenir la croissance économique et veiller à la solidité du secteur financier en France et en Europe. Je sais pouvoir également compter sur vous. C'est ensemble que nous pourrons démontrer la qualité et le dynamisme de l'industrie financière française.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 15 novembre 2016