Déclaration de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les relations école entreprise, Paris le 22 novembre 2016.

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Permettez-moi d'abord de vous remercier de prendre de votre temps, que je sais précieux, pour participer à cette cérémonie.
J'en suis très touchée, et vous allez voir, ce matin, que nous avons beaucoup de choses à vous dire et à vous présenter dans le cadre de cette semaine Ecole-entreprise consacrée, cette année, au "monde connecté".
Quand on parle de monde connecté, les images qui nous viennent à l'esprit sont généralement celles de la révolution numérique et des nouvelles technologies.
Mais il y a des connexions plus nombreuses encore à établir et à renforcer, et notamment les nôtres, entre l'école et les entreprises. Il y a des liens multiples à tisser, et ceux qui unissent l'Ecole au monde professionnel et aux entreprises ne sont pas les moins précieux, bien au contraire.
En regardant les personnes présentes ici, je vois s'incarner l'importance de la relation qui unit l'Ecole aux entreprises, et je veux en profiter pour vous remercier pour votre engagement à nos côtés.
Aborder la relation entre l'Ecole et les Entreprises, c'est revenir à cette question fondamentale : quel est l'horizon de l'Ecole ? Quel est son objectif ?
Sur un tel sujet, on ne peut se réfugier dans les oppositions simplistes entre une Ecole adéquationniste, soumise aux seuls enjeux à court terme de l'économie, et une Ecole qui serait déconnectée du monde professionnel.
Chacun sent bien qu'une telle opposition ne tient pas : la réalité du terrain est infiniment plus complexe.
L'objectif de l'Ecole est de former un citoyen instruit, éduqué, autonome. Cette autonomie se forge par les savoirs, par la culture, mais aussi par les compétences permettant à un élève de se construire un avenir dans le monde d'aujourd'hui.
C'est cet équilibre que l'on retrouve dans l'article premier de notre code de l'éducation, qui rappelle que l'insertion dans la vie sociale et professionnelle fait aussi partie du droit à l'éducation.
Oui, l'Ecole doit aussi conduire vers le monde professionnel : nous avons conscience de notre responsabilité dans ce domaine, nous l'assumons pleinement, et jamais l'Ecole n'a autant fait, depuis 5 ans, pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes.
Ce matin, je voudrais à la fois vous remercier, mais aussi vous informer sur les nouveautés mises en place par l'Education Nationale pour renforcer les liens avec le monde professionnel.
Au-delà des seuls partenariats entre l'Ecole et l'entreprise, je voudrais donc profiter de ce temps précieux que nous avons ensemble pour rappeler tout ce que fait l'Education Nationale sur l'orientation, sur l'insertion professionnelle, et vous montrer le rôle déterminant que vous jouez dans ce domaine.
L'École change, l'École évolue. Ce sont des changements lents, discrets, mais profonds. Ils sont intervenus aussi bien dans les mentalités que dans les faits, dans les enseignements que dans l'orientation.
On reprochait à l'Ecole de ne pas suffisamment parler des métiers, de le faire trop tard dans la scolarité, au moment de la troisième ?
Eh bien, en mettant en place, depuis deux ans, le Parcours Avenir de la 6ème à la terminale, nous accompagnons nos élèves dans une découverte progressive des métiers.
Le parcours Avenir, c'est, au collège, obligatoirement « une rencontre, une visite, un projet, un stage » : c'est-à-dire une rencontre avec un professionnel, une visite d'entreprise, un projet tourné vers le monde professionnel (par exemple une mini-entreprise), et le stage de 3ème.
Ce sont aussi des enseignements qui abordent la relation avec le monde du travail. On peut, ainsi, en Anglais, mener une discussion en imaginant une mise en situation professionnelle avec une entreprise étrangère.
On pensait que l'Education Nationale ne parlait pas ou peu d'apprentissage à ses élèves ?
Dans le Parcours Avenir, nous parlons désormais systématiquement de l'apprentissage. Mais d'une part, les jeunes et leur famille reste maîtres de leur choix ; d'autre part, nous sommes dépendants, avant tout, de la conjoncture économique et du fait que des entreprises acceptent de prendre des jeunes en contrat d'apprentissage.
Vous le voyez, ici encore, nous devons agir ensemble. Nous avons d'ailleurs ouvert l'apprentissage aux titres du ministère du travail, et pas seulement aux diplômes de l'Education Nationale. C'était une demande des entreprises, et nous l'avons entendue.
J'ai aussi créé un enseignement pratique interdisciplinaire au collège, consacré au monde professionnel.
J'étais ce matin au collège Octave GRÉARD, et nous en avons vu un exemple très concret, avec Engie, L'Oréal, Air France et les compagnons du Devoir, autour de projets concrets et de séances de speed-dating pendant lesquelles les élèves peuvent poser des questions à des professionnels sur leur métier.
Vous le voyez, nous sommes bien loin d'une Ecole repliée sur elle-même : nous sommes devant une Ecole consciente de l'importance des liens qu'elle entretient avec le monde professionnel, avec vous, et tout cela concourt à une orientation qui se déploie sur le long terme.
On reprochait également à l'Education Nationale de faire subir l'orientation aux élèves ?
Nous avons introduit plus de souplesse, en particulier pour les élèves qui choisissent de se spécialiser très jeunes, en lycée professionnel, et qui sont pour beaucoup vos futurs salariés.
J'ai instauré, en cette rentrée 2016, l'orientation réversible jusqu'aux vacances de la Toussaint pour les élèves de seconde professionnelle.
Je suis heureuse de pouvoir vous dire aujourd'hui que sur les 186 000 jeunes en seconde pro, alors même que la mesure vient d'entrer en vigueur et qu'elle est donc encore méconnue, 2 950 élèves ont demandé à être réorientés avant les vacances de la Toussaint.
Au final, nous avons 77 % d'élèves satisfaits à l'issue de cette phase de réorientation.
Cela prouve qu'il y avait un réel besoin, et en offrant cette possibilité de se réorienter, nous agissons aussi contre le décrochage et les effets pervers des orientations subies.
Pour améliorer l'orientation pour tous les élèves, j'ai renforcé les missions des conseillers d'orientation psychologues et des psychologues scolaires. Pour tous les élèves, nous expérimentons une place renforcée des parents dans le choix de la filière d'orientation en fin de 3ème, avec des premiers résultats positifs.
Et bien au-delà, j'ai demandé aux recteurs de lutter contre les inégalités de destins scolaires entre les académies et d'harmoniser les critères d'affectation des élèves, au moment de l'orientation de 3ème.
C'est essentiel, parce que c'est là que se joue beaucoup de la reproduction sociale dans notre pays, au moment de l'affectation.
Le ministère de l'Education Nationale, sur l'orientation, c'est aussi l'ONISEP, son opérateur direct sur le sujet : à travers son site internet qui reçoit des millions de visite par jour, c'est l'Education Nationale qui agit pour mieux informer sur les métiers.
Je pense aussi aux Centres d'information et d'orientation qui jouent un rôle essentiel, d'information et de conseil. Ils développent des liens entre l'école, la famille, l'élève, et les entreprises et les filières d'un territoire.
Consciente de leur importance, et tenant compte du désengagement des conseils départementaux, j'ai donc conforté le réseau des CIO en assurant un maillage sur tout le territoire.
Mais l'orientation ne dépend pas uniquement de l'Ecole. Elle s'appuie sur l'expertise d'autres acteurs.
Vous pouvez nous aider, entreprises et branches professionnelles, en travaillant également à rendre certains des métiers plus attractifs pour les jeunes.
Vous le voyez, sur l'orientation, des évolutions importantes ont eu lieu ces dernières années pour œuvrer à une orientation réellement choisie par les élèves, gage de leur insertion professionnelle future et de leur épanouissement.
Pour que ce choix se fasse en connaissance de cause, cela nous demande un travail particulier sur les stages en entreprise – en particulier sur le stage de 3ème.
C'est essentiel que nous en parlions ce matin, car on ne peut pas demander aux jeunes de mieux s'adapter au monde professionnel et dans le même temps ne pas les accueillir en stage. Et je vous remercie à nouveau, car toutes les entreprises présentes ici le sont parce qu'elles nous aident, justement, à accueillir des jeunes en stage 3ème.
Le stage 3ème, c'est un dispositif emblématique de la relation au monde professionnel. C'est un moment souvent attendu, mais parfois mal compris : alors, certes, ce stage contribue à l'orientation, il peut permettre de valider une idée, mais ce n'est pas sa fonction première.
Il constitue avant tout une première expérience hors de l'Ecole, une opportunité pour l'élève de rencontrer des interlocuteurs différents, des adultes qui ne sont ni ses parents, ni ses enseignants.
C'est donc un moment important, et l'on apprend autant au sein d'une grande entreprise reconnue qu'en allant faire un stage dans la fonction publique ou chez un artisan.
Moment attendu donc, que celui du stage, mais quelquefois redouté. Vous avez d'un côté des élèves dont les parents ont un réseau professionnel solides, et de l'autre ceux qui n'en ont pas.
C'est pour être le réseau de ceux qui n'en ont pas, que j'ai instauré et développé l'accès aux pôles de stage sur l'ensemble du territoire.
À mon arrivée, il y en avait 0. Aujourd'hui il y en 330, un par bassin d'emploi. Ces stages, nous savons qu'ils demandent aux entreprises de s'organiser pour accueillir au mieux les stagiaires.
Trop souvent, vous vous retrouvez avec des demandes de stages concentrées sur un seul moment de l'année. J'ai entendu vos remarques à ce sujet, et j'ai donc demandé aux établissements de davantage étaler les départs en stages au cours de l'année scolaire.
Pour faire du stage une chance pour l'élève, pour l'Ecole et pour l'entreprise, je lancerai aujourd'hui, en votre compagnie, « le tuto des stages », un site web consacré aux stages de 3ème et de lycée professionnel. Et je remercie les personnes présentes qui ont accepté d'être filmées pour les vidéos tutorielles de ce site.
Il est destiné à aider les élèves, leur famille, les enseignants qui évaluent les stages et les employeurs qui les accueillent.
Les élèves y trouveront des modèles de CV et de lettres de motivation, la cartographie des pôles de stages à disposition de leur établissement, ou des conseils pour réussir leur première journée de stage.
Les enseignants pourront accéder à des références et des outils pédagogiques pour préparer et évaluer les stages.
Les employeurs, qu'il s'agisse des entreprises, de la fonction publique ou des associations, trouveront des tutoriels sous forme de vidéos leur donnant des idées pour préparer l'arrivée des stagiaires avec leur équipe et organiser le stage.
Avec « le tuto des stages », nous sommes donc au cœur du thème de la semaine Ecole/entreprises de cette année : « vers un monde connecté ». C'est pour renforcer cette connexion que j'ai rétabli de manière obligatoire des stages pour les chefs d'établissement et les inspecteurs qui entrent en formation.
En donnant aux personnels de direction et d'encadrement de l'Education Nationale une meilleure connaissance du monde de l'entreprise, nous contribuons à renforcer les liens entre l'Ecole et les entreprises de manière très concrète.
Ces liens sont particulièrement forts quand on aborde la question de l'enseignement professionnel.
Nous aurons l'occasion de le voir ce matin, avec les interventions de l'entreprise SAFRAN et d'un chef d'établissement : les équipes pédagogiques des 1600 lycées professionnels sont en contact quotidien avec les entreprises pour former leurs élèves aux métiers professionnels de l'industrie et du tertiaire.
L'enseignement professionnel, ce sont 22 semaines de formation en alternance sur 3 ans.
Pourtant, les lycées professionnels restent encore aujourd'hui méconnus. On en parle rarement, alors qu'ils forment 9 jeunes sur 10 qui passent le bac pro.
Ces lycées professionnels sont un bel outil pour notre pays : ils sont à la fois capables d'offrir une formation exigeante et de conduire à la réussite les élèves qui ont une vraie vocation, et dans le même temps, il faut assumer de le dire, ces établissements jouent aussi un rôle de « filet de sécurité scolaire » en accueillant des jeunes qui, sans cela, ne poursuivraient pas forcément leur scolarité.
Alors quand j'entends que certains veulent fusionner ces lycées avec les centres de formation d'apprentis, souvent privés, je ne peux pas être d'accord avec eux : parce que les lycées professionnels, c'est l'exemple même du service public de l'éducation.
La voie professionnelle est une voie importante, et je n'ai cessé de la revaloriser ces dernières années.
En septembre dernier, outre l'orientation réversible, de nouvelles mesures spécifiques sont entrées en vigueur : la généralisation de la journée d'accueil et d'intégration ; les jumelages entre les collèges, les lycées professionnels et les CFA pour permettre aux collégiens et à leurs familles de comprendre ce qu'est un lycée professionnel, loin des clichés et des préjugé ; ou bien à la suppression de l'évaluation certificative en seconde professionnelle.
Oui, la voie professionnelle doit être reconnue à sa juste valeur, et nous tenons compte de sa spécificité.
Ces lycées sont ancrés dans le tissu économique et social qui les environne. Nous devons donc veiller à ce que les formations correspondent aux besoins du monde économique, en donnant à chaque jeune une perspective claire.
En ce moment même, avec les régions, je suis en train de restructurer la carte des formations d'enseignement professionnel, parce que la lutte contre le chômage commence là, en proposant des formations qui débouchent sur l'emploi, et correspondent aux besoins économiques du pays autant qu'aux aspirations des jeunes.
Nous avons désormais, pour l'enseignement professionnel, une stratégie, une vision plus vaste, plus cohérente : ce sont les 500 formations nouvelles que je suis en train de mettre en place pour la rentrée 2017 puisque vous savez qu'à l'Education Nationale, on finit toujours de préparer une rentrée le mois de décembre précédent.
Ce sont aussi les 51 Campus des métiers et qualifications, que nous avons créés depuis 2013. Nous construisons, au cœur de nos territoires, des réseaux de formation ciblés sur les besoins en recrutement d'un secteur économique donné.
Et derrière ces réseaux et ces liens qui se renforcent, il y a ce travail essentiel que nous menons avec vous pour élaborer et rénover chaque année des diplômes au plus près des réalités du monde du travail, toujours en lien avec les branches professionnelles.
Vous en aurez une illustration ce matin avec les acteurs de la filière du gaz, présents aujourd'hui, avec lesquels nous sommes en train de créer un bac pro technicien-réseau gaz.
Oui, nos liens entre l'Ecole et le monde professionnel sont multiples. C'est pour le rappeler que j'ai voulu que soit consacré à la relation entre l'Ecole et les Entreprises cet événement spécifique.
Alors j'entends déjà venir la question : « Ecole et entreprises », c'est bien, mais et l'enseignement supérieur ? Et les universités, et les grandes écoles ? Je vous rassure, le supérieur est lui aussi pleinement mobilisé. Mais aujourd'hui, le temps d'une matinée, c'est sur l'enseignement scolaire que je mets l'accent.
Le dynamisme de l'action de l'Education Nationale pour renforcer les liens avec le monde professionnel s'illustre à la fois par les travaux très concrets et opérationnels qui ressortent du Conseil National Education Economie et par les nombreuses entreprises qui sont présentes aujourd'hui.
Il y a, parmi vous, des entreprises ou des branches professionnelles qui sont déjà nos partenaires, et je les en remercie ; il y aussi, et je les salue, de nouveaux partenaires qui s'engagent ce matin à nos côtés.
Ces partenariats avec les entreprises, nous les concluons toujours avec le même objectif : l'intérêt des élèves. Nous avons tout à gagner dans le développement de relations pérennes et réciproques.
C'est parce que nos partenariats portent leurs fruits et que nous en sortons tous gagnants, que nous allons aujourd'hui signer 4 nouveaux accords-cadres avec 6 grandes entreprises : SNCF, ENGIE, RENAULT et les acteurs du gaz, GRDF, GRTgaz, et canalisateurs de France.
Oui, les liens qui existent entre nous sont des liens forts, et je vous remercie de contribuer à les développer et à les entretenir, dans le respect de nos singularités.
Respect de nos singularités, car on ne demande pas à un chef d'entreprise d'être un spécialiste de l'enseignement ; et il est normal qu'on ne demande pas non plus à un enseignant d'être un spécialiste de l'entreprise. Chacun son domaine. Chacun sa spécialité. Mais nous voulons faire en sorte que les deux se comprennent.
Aller vers un monde connecté, c'est donc aller vers un monde où l'Ecole et les entreprises travaillent ensemble.
Oui, nous sommes connectés, mais davantage encore, nous sommes unis.
Dans les crises que nous traversons comme dans les opportunités qui se dessinent, nous aurons toujours besoin de femmes et d'hommes qui auront acquis, au cours de leur scolarité, ces connaissances, ces compétences et cette culture, qui permettent de ne pas avoir un destin à subir, mais un avenir à construire.
Au-delà de leur avenir personnel, c'est notre avenir commun, en tant que société, en tant que pays, qui se façonne à travers l'Ecole : une Ecole qui sait qu'elle peut trouver, dans les entreprises, dans toute leur diversité, un appui, et des partenaires solides.
Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 25 novembre 2016