Point de presse de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l'OTAN et sur le conflit syrien, à Bruxelles le 6 décembre 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN, à Bruxelles (Belgique) le 6 décembre 2016

Texte intégral


Je viens participer à cette réunion de l'OTAN des ministres dans un moment important. Nous sommes dans une période de transition et d'interrogations sûrement puisque nous allons avoir bientôt une nouvelle administration aux États-Unis. Et c'est la dernière réunion de John Kerry, que je vais d'ailleurs rencontrer tout à l'heure, en bilatéral, et il est important de réaffirmer la solidarité et la solidité de l'Alliance atlantique. C'est d'abord le premier point que je développerai lors de cette réunion
Et puis une deuxième chose que je voudrais dire c'est que l'Alliance atlantique, ce sont aussi des valeurs et le rappel de notre attachement à la démocratie. Et l'Alliance atlantique est une organisation qui a aussi pour but de protéger nos pays face aux nouveaux périls, aux nouvelles menaces qu'elles soient à l'est et au sud. Mais, en même temps, nous avons été actifs ces derniers mois et cela a été d'ailleurs l'enjeu du sommet de Varsovie de répondre à ces menaces. Par exemple, ce que nous devons faire en matière de cyber sécurité. Puis, il y a des demandes spécifiques de nos partenaires orientaux que nous avons évidemment prises en compte. La France en particulier va mettre à disposition 300 hommes dans les pays baltes.
Mais, en même temps, soyons clairs, le message, qui est le mien, et celui de la France, c'est que nous ne voulons pas entrer avec la Russie dans une logique de guerre froide. Il faut que l'on se parle franchement et c'est pourquoi je suis favorable - c'est aussi ce qui a été décidé - à un dialogue structuré, à un dialogue robuste et franc avec la Russie. Commençons maintenant. Je crois que cela sera de nature à créer davantage de confiance. C'est nécessaire, car encore une fois la Russie n'est pas notre adversaire. Mais nous devons regarder les choses en face, les mettre sur la table et continuer avec eux à répondre à toutes ces questions qui sont posées. Notamment celles de comment, à notre époque, apporter des garanties en matière de sécurité à tous et à tous les pays, et pas seulement aux pays de l'OTAN.
Dernier point, vous savez que l'Union européenne a adopté une stratégie autonome de défense et de sécurité avec des orientations concernant les capacités et enfin un programme et une ambition en matière d'industrie de défense et de recherche. Je voudrais à ce sujet préciser, pour que les choses soient claires, que ce n'est pas pour s'engager davantage en Europe à la place de l'OTAN mais en complément. Et je crois que c'était important d'apporter aujourd'hui cette précision dans le contexte de transition aux États-Unis.
Je vous ai dit que j'allais rencontrer John Kerry dans quelques instants, nous allons aborder évidemment l'actualité en Syrie. Ce qui nous préoccupe beaucoup c'est la situation humanitaire à Alep et je regrette profondément le veto, notamment de la Russie, qui a été prononcé au conseil de sécurité des Nations unies, alors que le vote aurait permis d'obtenir, dans les 24h, une trêve, de permettre l'accès humanitaire et d'arrêter cette logique de guerre totale. Je vais évoquer avec John Kerry les échanges qu'il a actuellement avec la Russie et puis, en prévision de la réunion de samedi prochain à Paris avec tous les pays affinitaires - amis de la transition démocratique en Syrie -, voir quelle initiative nouvelle nous pourrions prendre pour relancer le processus de négociation politique. Notre conviction, c'est qu'il n'y aura pas de paix durable en Syrie si on continue uniquement par la voie militaire et si on ne passe pas par la voie de la négociation, en tout cas c'est le point de vue de la France.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que les rebelles sont en train de perdre la guerre en Syrie ?
R - Ceux qui prétendent que ce qui est en train de se passer en Syrie, c'est-à-dire la guerre totale avec l'objectif de faire tomber Alep avec de plus en plus de victimes civiles, c'est la condition pour construire la paix, ils se trompent profondément. Même si telle ou telle ville tombe, reprise avec un coût humain considérable, le conflit demeurera. Et notre obsession c'est de trouver les conditions pour une paix durable et comment, avec toutes les parties prenantes dans cette région, créer les conditions pour réussir à faire reculer et détruire Daech.
Et ce que je crains avec ce qui est en train de se passer en Syrie, c'est-à-dire cette conquête territoriale par le régime et par la Russie, c'est qu'un foyer terroriste demeurera toujours. Et ce foyer terroriste, je tiens à le rappeler, il menace cette région et il menace aussi la France. Défendre la sécurité des Français, défendre la sécurité des Européens c'est dire non à l'option retenue par les Russes au côté de Bachar al-Assad, qui est une option de guerre et non pas une option de paix.
Q - Vous êtes là à l'OTAN pour parler notamment de la nécessité de dialoguer avec la Russie. C'est quelque chose dont le Secrétaire général de l'OTAN parle souvent, vous pensez que le dialogue avec la Russie peut mieux se passer que sur le dossier syrien ? Sur le dossier ukrainien, vous pensez que cela peut se passer mieux ?
R - Ce dialogue est indispensable, je l'ai dit, nous ne sommes pas dans une logique de guerre froide avec la Russie. Ce temps-là est révolu mais en même temps l'Alliance existe, l'OTAN existe et le Sommet de Varsovie l'a rappelé. Il importe de continuer à prendre en compte les différentes menaces - qui sont parfois des menaces communes d'ailleurs pour la Russie-, et puis nous devons écouter nos amis, nos partenaires orientaux qui ont demandé des garanties notamment sur le plan de leur sécurité mais pas dans une logique agressive à l'égard de la Russie, mais avec la Russie. Ce que nous voulons, c'est très clair, c'est mettre en oeuvre le principe d'un dialogue structuré, robuste et franc. C'est nécessaire pour la Russie, pour les pays de l'OTAN, pour l'Alliance transatlantique et pour notre sécurité commune.
Q - Est-ce que John Kerry dans sa tournée d'adieu prévoit une étape à Paris ?
R - Bien sûr, il sera samedi prochain à Paris et nous allons le rencontrer avec un certain nombre de pays, les pays affinitaires - les pays qui soutiennent la transition démocratique en Syrie - et ce sera certainement un moment important.
Ce sera aussi un moment amical car je crois que c'est important aussi de dire à John Kerry que, même si nous n'avons pas toujours été d'accord avec les États-Unis sur un certain nombre de sujets, nous sommes des alliés, nous sommes des amis. Ce sera aussi l'occasion de le remercier.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 décembre 2016