Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS de l'Assemblée nationale, à RTL, le 27 septembre 2001, sur les journées parlementaires socialistes à Nantes, la participation de la France à la lutte contre le terrorisme, la sécurité internationale, la cohabitation, la situation économique, les difficultés du candidat des Verts, Alain Lipietz, à l'élection présidentielle et le processus de Matignon pour rétablir la paix en Corse.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Artz Les journées parlementaires socialistes ont lieu à Nantes - la ville dont vous êtes le maire - aujourd'hui et demain. Le contexte international, la sécurité des usines dangereuses... Ce sont des journées parlementaires dans un contexte particulier ?
- "Tout à fait. Elles sont à la hauteur des événements que nous vivons. Nous allons concentrer nos débats sur les questions qui préoccupent les Français, mais qui conditionnent aussi notre avenir."
Vous l'aviez évoqué, et le Premier ministre le confirme ce matin dans Ouest France : il y aura, la semaine prochaine, un débat au Parlement sur la situation internationale. Qu'attendez-vous de ce débat ?
- "Le Gouvernement est en première ligne : le Premier ministre, les ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de l'Economie. Nous avons tous besoin d'être informés, mais aussi d'être consultés, de vérifier quelle est la position de la représentation nationale dans sa diversité, comment lutter contre le terrorisme de façon efficace. C'est tout ce qu'il faudra évoquer, discuter à l'Assemblée nationale. J'ai la conviction que ce sera un débat de haute tenue, dans l'intérêt de la France, mais aussi dans l'intérêt de tous ceux qui, dans le monde, souhaite la paix, la sécurité et de nouveaux rapports internationaux basés sur le droit."
S'agit-il de définir ce que peut être l'engagement de l'armée française aux côtés des Etats-Unis ?
- "Les discussions entre les alliés ont déjà lieu. Notre souhait est que ce rassemblement, cette coalition contre le terrorisme soit la plus large possible et associe, en particulier, les pays arabes mais aussi la Russie, la Chine... Enfin, l'ensemble des pays qui veulent éradiquer le terrorisme, mais en s'attaquant bien aux cibles réelles et aux causes, en ne se lançant pas dans une campagne militaire aveugle. D'ailleurs, ce n'est pas vers cela que nous allons. Lutter contre les paradis fiscaux, par exemple, cela me parait être une nécessité de l'heure. On en a souvent parlé depuis des années et finalement, on se s'est jamais mis d'accord au niveau international. Ne peut-on pas le décider maintenant ? Parce que frapper à la caisse les terroristes, c'est une des solutions. "
Pensez-vous que ce débat sera une occasion, pour L. Jospin, d'exprimer davantage sa pensée en matière internationale ?
- "Il le fait déjà. Il ne s'agit pas de se lancer dans des discours, mais il s'agit surtout d'agir et d'expliquer ce que l'on fait et pourquoi on le fait. L. Jospin le fera dès ces journées parlementaires, il fera à nouveau cette intervention à l'Assemblée nationale. Il s'agit de donner confiance aux Français dans l'avenir, sur des questions qui concernent leur sécurité et la sécurité du monde, mais aussi l'avenir de notre économie, en particulier la lutte contre le chômage."
Vous disiez que le Gouvernement est en première ligne : est-ce que l'on peut actuellement parler d'une entente forcée entre L. Jospin et J. Chirac - forcée par les circonstances ?
- "C'est un devoir d'Etat - la question ne se pose même pas ! - si on veut être à la hauteur de sa fonction, dans des circonstances comme celles-ci. Nous avons vu d'autres crises : celle du Kosovo, celle du Golfe. Même si celle-ci est de nature différente et que nous ne sommes pas engagés dans une action militaire frontale, il est bien évident que nous devons parler d'une même voix, que toutes les réunions internationales sont préparées en commun par la diplomatie française, et sur toutes les questions de défense. Il ne pourrait pas en être autrement, sinon, L. Jospin et J. Chirac ne seraient pas à leur place. Les Français peuvent justement être rassurés de voir que l'exécutif joue pleinement son rôle dans les compétences qui sont partagées par la Constitution."
L'heure n'est donc pas à mettre en cause J. Chirac pendant les journées parlementaires ?
- "Nous ne sommes pas là pour nous lancer dans des petites phrases et des polémiques, nous laissons cela à d'autres. Nous voulons parler des questions essentielles qui intéressent les Français."
Vous ne risquez pas d'oublier les petites phrases qui seraient utiles à la campagne par la suite ?
- "Quand viendra l'heure des échéances, le bilan sera fait et il sera fait dans tous les domaines."
Vous aviez employé les termes de "patriotisme économique." Qu'est ce que cela veut dire concrètement ? Parce que L. Jospin le reprend dans Ouest France...
- "J'ai noté avec intérêt que L. Jospin le reprenait. Mais cela ne m'étonne pas. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1997, nous avons trouvé un pays qui avait perdu confiance en lui. Nous avons énormément travaillé pour recréer la confiance, remettre la France en mouvement. Parce que l'on sait bien que l'économie n'est pas seulement de l'arithmétique, des calculs d'experts : c'est aussi de la psychologie. Il est donc important dans cette période qu'on ne doute pas de notre capacité à surmonter ces difficultés."
Car il y a difficulté ?
- "Il y a difficulté, bien évidemment, nous le savons, il ne s'agit pas de le nier. Mais il ne s'agit pas pour autant de changer de cap. Le cap, c'est bien de soutenir la croissance et ces mesures que l'on voit dans la loi de Finances, avec les baisses des impôts, c'est-à-dire plus de pouvoir d'achat, plus de consommation - ce sont des mesures qui sont prévues pour renforcer la lutte contre le chômage. C'est la priorité des priorités. Si on se met à dire que tout doit être revu de fond en comble, alors que justement, il faut maintenir le cap et même l'accentuer - on voit bien que l'action publique est aujourd'hui sollicitée par tous, y compris dans les pays les plus libéraux, on se retourne vers l'Etat - ce n'est pas le moment de changer de stratégie."
Concernant vos partenaires de la majorité plurielle : est-ce que, si A. Lipietz en venait à ne plus être le candidat des Verts à la présidentielle, cela vous rassurait-il au PS ?
_ "On voit bien qu'il y a crise et pour le coup, crise de confiance dans un candidat élu démocratiquement par les adhérents des Verts. Il y a un décalage entre les attentes des électeurs des Verts et le comportement de leurs dirigeants. Il est temps qu'ils se ressaisissent. Ce n'est pas à moi de décider de ce qu'ils doivent faire."
Quelles sont les attentes des socialistes ?
- "Ils doivent se comporter de façon adulte et responsable. Ils sont membres de la majorité plurielle, ils ont besoin de nous et nous avons besoin d'eux..."
Et vous avez besoin qu'ils fassent un bon score ?
- "Nous avons besoin qu'ils jouent pleinement leur rôle. Il ne s'agit pas simplement d'agiter de bonnes idées : il s'agit d'être efficace. Et pour être efficace en politique, cela nécessite aussi un comportement responsable. Il est temps que ce moment arrive."
Les nationalistes de Corsica Nazione ont suspendu leur soutien au processus de Matignon. Cela vous inquiète-t-il ?
- "Ce processus est long et difficile, mais il se déroule dans la clarté. Les discussions qui ont eu lieu, ont eu lieu avec les élus de la Corse, sur les objectifs à mettre en oeuvre pour réformer l'organisation de la Corse et donner un espoir à la Corse, mais sans ambiguïté..."
Et cette suspension ?
- "C'est une suspension de la part d'une formation politique, mais la discussion avec les élus va continuer. Il ne faut pas qu'il y ait ambiguïté. Il n'y en a jamais eu : l'Etat de droit en Corse, la lutte contre les attentats et leurs auteurs, n'a jamais cessé. C'est indépendant du processus pour créer un statut positif pour la Corse pour son avenir, pour son développement pour le respect de son identité, mais aussi pour la paix civile. C'est donc ce travail qui doit continuer. Il sera long, mais c'est le seul possible."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 septembre 2001)