Texte intégral
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie chaleureusement de m'avoir invité pour prononcer l'allocution de clôture de votre conférence anniversaire. Je devais partager cette responsabilité avec mon ami Pier Carlo PADOAN, qui n'a malheureusement pas pu être des nôtres ce soir pour des raisons bien compréhensibles. Il aurait été très intéressant, pour vous comme pour moi, de l'écouter, mais je vais donc essayer de m'acquitter seul de cette tâche que vous avez bien voulu me confier.
Vous avez eu toute la journée des débats de très haut niveau sur les défis européens actuels : croissance économique, réformes de nos pays et de nos modèles économiques et sociaux, défi migratoire Je souhaiterais, si vous me le permettez, m'inscrire dans la lignée de ces travaux en vous livrant quelques remarques personnelles sur le futur de notre continent.
Je ne vais pas vous mentir, l'Europe traverse une période difficile. Mais cela a souvent été le cas. Les crises se multiplient et s'intensifient ces dernières années. Si je veux être exhaustif, il faut citer la crise financière, puis économique et monétaire, la crise de la dette souveraine et de la zone euro, la crise grecque, et maintenant les crises sécuritaire et migratoire.
Cette succession d'événements entraîne une poussée de toutes les démagogies et des nationalismes alimentée par un certain nombre de leaders politiques. Trop de discours promettent à des populations, qui se sentent dépossédées politiquement et économiquement, une reprise en main des destinées collectives par le repli sur soi, le repli sur les solidarités culturelles et traditionnelles et, au final, le repli sur les frontières nationales, voire locales.
Au niveau de l'Union Européenne, le vote en faveur d'une sortie du Royaume-Uni constitue également un événement inédit qui questionne notre action et notre histoire commune. Ces critiques et ce sentiment de défiance appellent de notre part à tous, Européens, une réponse commune qui est d'abord politique.
Il faut réaffirmer dans ce contexte nos valeurs et nos solidarités. C'est ce futur commun et cette aspiration à "une union toujours plus étroite entre les peuple, comme le dit si bien le Traité de l'Union Européenne, que nous devons protéger et relancer. Face à ces incertitudes, l'Europe doit plus que jamais s'affirmer comme un espace de paix, de protection, de sécurité, de solidarité et de prospérité économique.
Les chantiers sont nombreux et appellent des réponses courageuses. En Europe et dans chacun de nos pays, nous devons d'abord bien sûr satisfaire les besoins de protection de nos citoyens face à l'insécurité liée au terrorisme. Nous devons prendre les décisions qui servent nos objectifs communs, qui soutiennent notre liberté d'agir dans le monde en fonction de nos intérêts et de nos valeurs. Je pense notamment qu'il faut être plus ambitieux sur la protection de nos frontières communes. Nous avons construit l'espace Schengen sans véritablement concevoir la surveillance de nos frontières extérieures par exemple. Cette orientation est nécessaire pour l'avenir de l'Europe et concrétise notre volonté de construire ensemble une politique de protection de chacun.
Mais la protection ne doit pas s'entendre uniquement du point de vue de la sécurité. L'Europe doit également défendre les personnes les plus fragiles, qui s'estiment bien souvent oubliées. L'insécurité économique et sociale ressentie par de nombreux européens doit trouver une réponse convaincante dans notre action. Il nous faut dans le même temps renforcer la croissance économique, l'emploi et l'investissement dans les pays européens. L'action de la BDCE participe pleinement à mon sens de cette vision en favorisant le financement de projets de développement économiques au plus près des besoins des citoyens européens.
La Banque de Développement du Conseil de l'Europe est en effet une institution sans doute trop méconnue mais très intéressante et utile. Je veux saluer ici son action au service du financement de projets hautement sociaux dans 41 Etats membres. Cette institution est unique par son mandat social comme par son actionnariat, c'est pourquoi la France s'honore d'être un de ses trois actionnaires principaux. Alors que l'Union européenne, et plus largement le Conseil de l'Europe, apportent une attention particulière aux enjeux sociaux, la BDCE a indéniablement un rôle à jouer et doit continuer de se distinguer par ce qui fait son originalité. Je me réjouis en particulier de sa contribution au traitement de la crise des réfugiés et de la création d'un fonds pour le soutien aux réfugiés et aux migrants auquel la France contribue. Je me félicite aussi de sa volonté de s'engager encore davantage dans des actions à fort impact social, y compris en envisageant sa première émission d'obligations sociales. Ainsi, à travers ses objectifs, son travail et ses valeurs, la BDCE participe à la mise en oeuvre concrète des solidarités intra-européennes.
Au niveau de l'Union Européenne, nous devons également soutenir un modèle économique et social européen ambitieux. Le marché intérieur est un bien commun précieux. Cependant, il ne doit pas être un espace de pure concurrence de nos modèles économiques, sociaux et fiscaux. Des initiatives concrètes sont donc également souhaitables dans ce domaine. Il est nécessaire d'instaurer une plus grande convergence fiscale et sociale et de mettre fin aux comportements non coopératifs, qui nuisent à la confiance des citoyens dans nos institutions et au bon fonctionnement du marché intérieur.
J'aimerais enfin mettre en avant un aspect pas forcément très visible de cette solidarité intraeuropéenne, mais qui me semble pourtant fondamental. Ce que j'ai l'habitude d'appeler le "besoin de protection" trouve aussi à s'incarner dans tous les instruments que nous sommes en train de mettre en oeuvre en faveur de la transparence financière. A mon niveau, j'oeuvre pour que l'Union se dote d'instruments efficaces pour lutter contre le financement du terrorisme avec ce que l'on appelle la directive "anti blanchiment", par exemple en renforçant la coopération entre cellules de renseignement financier et l'encadrement de la monnaie électronique. Nous cherchons ensuite à toujours mieux protéger les citoyens de la fraude et de l'évasion fiscale : cet aspect est crucial, comme l'a tristement rappelé le récent scandale des Panama Papers, notamment parce qu'il touche directement la capacité des Etats à investir en faveur des populations. C'est aussi une question de justice fiscale, qui suscite à juste titre des attentes très fortes de nos concitoyens.
Pour conclure, il me semble nécessaire, pour le continent européen tout entier, de continuer à tracer ce chemin de solidarité et de coopération, à porter cette ambition et cet idéal européen. Cela passe d'abord par des initiatives concrètes pour répondre efficacement aux besoins des citoyens européens. Je suis certain que la BDCE continuera à y contribuer activement dans les années à venir comme elle a su le faire pendant déjà 60 ans.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 13 décembre 2016
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie chaleureusement de m'avoir invité pour prononcer l'allocution de clôture de votre conférence anniversaire. Je devais partager cette responsabilité avec mon ami Pier Carlo PADOAN, qui n'a malheureusement pas pu être des nôtres ce soir pour des raisons bien compréhensibles. Il aurait été très intéressant, pour vous comme pour moi, de l'écouter, mais je vais donc essayer de m'acquitter seul de cette tâche que vous avez bien voulu me confier.
Vous avez eu toute la journée des débats de très haut niveau sur les défis européens actuels : croissance économique, réformes de nos pays et de nos modèles économiques et sociaux, défi migratoire Je souhaiterais, si vous me le permettez, m'inscrire dans la lignée de ces travaux en vous livrant quelques remarques personnelles sur le futur de notre continent.
Je ne vais pas vous mentir, l'Europe traverse une période difficile. Mais cela a souvent été le cas. Les crises se multiplient et s'intensifient ces dernières années. Si je veux être exhaustif, il faut citer la crise financière, puis économique et monétaire, la crise de la dette souveraine et de la zone euro, la crise grecque, et maintenant les crises sécuritaire et migratoire.
Cette succession d'événements entraîne une poussée de toutes les démagogies et des nationalismes alimentée par un certain nombre de leaders politiques. Trop de discours promettent à des populations, qui se sentent dépossédées politiquement et économiquement, une reprise en main des destinées collectives par le repli sur soi, le repli sur les solidarités culturelles et traditionnelles et, au final, le repli sur les frontières nationales, voire locales.
Au niveau de l'Union Européenne, le vote en faveur d'une sortie du Royaume-Uni constitue également un événement inédit qui questionne notre action et notre histoire commune. Ces critiques et ce sentiment de défiance appellent de notre part à tous, Européens, une réponse commune qui est d'abord politique.
Il faut réaffirmer dans ce contexte nos valeurs et nos solidarités. C'est ce futur commun et cette aspiration à "une union toujours plus étroite entre les peuple, comme le dit si bien le Traité de l'Union Européenne, que nous devons protéger et relancer. Face à ces incertitudes, l'Europe doit plus que jamais s'affirmer comme un espace de paix, de protection, de sécurité, de solidarité et de prospérité économique.
Les chantiers sont nombreux et appellent des réponses courageuses. En Europe et dans chacun de nos pays, nous devons d'abord bien sûr satisfaire les besoins de protection de nos citoyens face à l'insécurité liée au terrorisme. Nous devons prendre les décisions qui servent nos objectifs communs, qui soutiennent notre liberté d'agir dans le monde en fonction de nos intérêts et de nos valeurs. Je pense notamment qu'il faut être plus ambitieux sur la protection de nos frontières communes. Nous avons construit l'espace Schengen sans véritablement concevoir la surveillance de nos frontières extérieures par exemple. Cette orientation est nécessaire pour l'avenir de l'Europe et concrétise notre volonté de construire ensemble une politique de protection de chacun.
Mais la protection ne doit pas s'entendre uniquement du point de vue de la sécurité. L'Europe doit également défendre les personnes les plus fragiles, qui s'estiment bien souvent oubliées. L'insécurité économique et sociale ressentie par de nombreux européens doit trouver une réponse convaincante dans notre action. Il nous faut dans le même temps renforcer la croissance économique, l'emploi et l'investissement dans les pays européens. L'action de la BDCE participe pleinement à mon sens de cette vision en favorisant le financement de projets de développement économiques au plus près des besoins des citoyens européens.
La Banque de Développement du Conseil de l'Europe est en effet une institution sans doute trop méconnue mais très intéressante et utile. Je veux saluer ici son action au service du financement de projets hautement sociaux dans 41 Etats membres. Cette institution est unique par son mandat social comme par son actionnariat, c'est pourquoi la France s'honore d'être un de ses trois actionnaires principaux. Alors que l'Union européenne, et plus largement le Conseil de l'Europe, apportent une attention particulière aux enjeux sociaux, la BDCE a indéniablement un rôle à jouer et doit continuer de se distinguer par ce qui fait son originalité. Je me réjouis en particulier de sa contribution au traitement de la crise des réfugiés et de la création d'un fonds pour le soutien aux réfugiés et aux migrants auquel la France contribue. Je me félicite aussi de sa volonté de s'engager encore davantage dans des actions à fort impact social, y compris en envisageant sa première émission d'obligations sociales. Ainsi, à travers ses objectifs, son travail et ses valeurs, la BDCE participe à la mise en oeuvre concrète des solidarités intra-européennes.
Au niveau de l'Union Européenne, nous devons également soutenir un modèle économique et social européen ambitieux. Le marché intérieur est un bien commun précieux. Cependant, il ne doit pas être un espace de pure concurrence de nos modèles économiques, sociaux et fiscaux. Des initiatives concrètes sont donc également souhaitables dans ce domaine. Il est nécessaire d'instaurer une plus grande convergence fiscale et sociale et de mettre fin aux comportements non coopératifs, qui nuisent à la confiance des citoyens dans nos institutions et au bon fonctionnement du marché intérieur.
J'aimerais enfin mettre en avant un aspect pas forcément très visible de cette solidarité intraeuropéenne, mais qui me semble pourtant fondamental. Ce que j'ai l'habitude d'appeler le "besoin de protection" trouve aussi à s'incarner dans tous les instruments que nous sommes en train de mettre en oeuvre en faveur de la transparence financière. A mon niveau, j'oeuvre pour que l'Union se dote d'instruments efficaces pour lutter contre le financement du terrorisme avec ce que l'on appelle la directive "anti blanchiment", par exemple en renforçant la coopération entre cellules de renseignement financier et l'encadrement de la monnaie électronique. Nous cherchons ensuite à toujours mieux protéger les citoyens de la fraude et de l'évasion fiscale : cet aspect est crucial, comme l'a tristement rappelé le récent scandale des Panama Papers, notamment parce qu'il touche directement la capacité des Etats à investir en faveur des populations. C'est aussi une question de justice fiscale, qui suscite à juste titre des attentes très fortes de nos concitoyens.
Pour conclure, il me semble nécessaire, pour le continent européen tout entier, de continuer à tracer ce chemin de solidarité et de coopération, à porter cette ambition et cet idéal européen. Cela passe d'abord par des initiatives concrètes pour répondre efficacement aux besoins des citoyens européens. Je suis certain que la BDCE continuera à y contribuer activement dans les années à venir comme elle a su le faire pendant déjà 60 ans.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 13 décembre 2016