Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, en réponse à une question sur la situation politique en Turquie, au Sénat le 15 décembre 2016.

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Circonstance : Questions d'actualité au Sénat, le 15 décembre 2016

Texte intégral


Merci Monsieur le Président,
Madame la Sénatrice,
Je vous remercie de votre question. Ce qui se passe actuellement en Turquie nous préoccupe comme vous. Cela préoccupe également l'ensemble des pays européens. Depuis le mois de juillet dernier, depuis le début de la répression et des arrestations qui ont suivies la tentative de putsch en Turquie, il n'y a pas une réunion des ministres des affaires étrangères au niveau de l'Union européenne qui ne se soit tenue sans que cette question de la relation avec la Turquie ne figure à l'ordre du jour de nos discussions.
Je me suis moi-même rendu en Turquie, j'ai rencontré en octobre l'ensemble des autorités du pays, dont le président Erdogan. Comme vous, j'ai rencontré des représentants de la société civile, y compris des journalistes poursuivis. Très récemment, j'ai également eu l'occasion de faire un point complet avec le secrétaire général du conseil de l'Europe qui revenait d'une visite en Turquie, et qui m'a exprimé sa grande inquiétude.
Concernant ce que nous faisons, vous avez fait une allusion, que je trouve inutile, sur des complaisances qui seraient liées à des intérêts. Je crois que vous avez tort de prendre les choses ainsi. Notre ambassade à Ankara, notre consulat général à Istanbul ont, entre autres, assisté aux procès de journalistes, par exemple au procès de Can Düldar et de Erdem Gül. Ils se sont rendus dans les locaux du journal Cumhiriyet pour témoigner du soutien de la France.
Notre position est sans ambiguïté quant à nos principes et quant à nos valeurs. La France, ainsi que les représentants du conseil de l'Europe, l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne - j'ai pu le constater - partagent cette préoccupation et cette conviction que nous devons malgré tout poursuivre le dialogue avec ce pays et tenir un langage qui soit responsable et clair.
Nous devons être lucide sur la situation à l'intérieur du pays et ne pas renoncer à nos valeurs et à nos principes. C'est évident. La lucidité, c'est de reconnaître que la Turquie est aussi - et j'ai exprimé ma solidarité avec le peuple turc il y a quelques jours - la victime du terrorisme, que ce soit le terrorisme de Daech ou celui du PKK. Vous savez que la France considère le PKK comme un mouvement terroriste. Il n'y a pas d'ambiguïté, je crois que c'est important de le dire, ce message doit être reçu aussi en Turquie.
Il est donc légitime qu'un pays qui est attaqué se défende, mais il doit le faire en adoptant des mesures qui soient proportionnées, respectueuses de l'état de droit, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. C'est pourquoi nous continuons d'avoir ce dialogue avec la Turquie, un dialogue franc qui rappelle à ce pays ses engagements, notamment qu'il est membre du conseil de l'Europe.
Concernant l'Union européenne, il me semble qu'en l'état de la situation, il n'est pas possible d'ouvrir un nouveau chapitre de négociations.
Voilà ce que je peux vous dire à ce stade, Madame la Sénatrice, tout en continuant à dialoguer avec la Turquie, en gardant une vigilance et une exigence nécessaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2016