Déclaration de Mme Juliette Méadel, secrétaire d'Etat à l'aide aux victimes, sur l'action en faveur de l'accès à l’information et aux droits des victimes, à Lyon le 16 novembre 2016.

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Circonstance : 35ème anniversaire du service Info-Droits-Victimes créé par l'association Le Mas, à Lyon le 16 novembre 2016

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invitée ici, à Lyon, pour venir célébrer en votre compagnie le trente-cinquième anniversaire du service Info-Droits-Victimes créé par l'association Le Mas. Depuis que je suis secrétaire d'État à l’aide aux victimes, je sais l’importance des associations d’aide aux victimes et je voulais donc vous rencontrer.
Dans un monde qui a basculé, depuis les attentats de Toulouse en 2012, dans l'ère d’un terrorisme aveugle, d’un terrorisme de masse, l'État devait fournir une réponse à la hauteur et assumer sa responsabilité morale à l'égard des victimes.
Je me réjouis ainsi d’ouvrir avec vous, à l’occasion des 35 ans d’Info-Droits-Victimes, ce moment de réflexion sur l'évolution des droits des victimes, des politiques publiques nationales et européennes, ainsi que leurs déclinaisons locales sur le territoire du Rhône.
Il y a trente-cinq ans, dans un contexte de profonde évolution du modèle sociétal et sous la tutelle du Ministre de la Justice d’alors, Robert Badinter, vous avez crée cette structure dédiée à l’aide aux victimes, Info-Droits-Victimes, en partenariat avec l'INAVEM et dans le cadre de l'expérimentation lancée par le Garde des Sceaux.
Puisant dans la force tranquille de l'époque, ce service – l'un des premiers dédiés à l'aide aux victimes – a prouve la pertinence et inefficacité d'une mise en commun des compétences, des savoir-faire et des outils aussi bien publics qu'associatifs, et aussi bien nationaux que locaux.
Soutenue par l'État et appuyée sur le réseau de l'INAVEM, l'action menée par Info-Droits-Victimes n'a cesse de se développer dans la région et, je l'espère, continuera de se déployer pour venir en aide au plus grand monde, pour continuer d’accueillir les victimes, de les soutenir et de les informer de leurs droits. Car l'accès à l’information et aux droits est une nécessité qui préside à toutes les autres.
Car l'action de proximité que vous menez chaque jour est le point de mire d'une vision politique véritablement solidaire, c'est-à-dire efficace. Et l'action de terrain doit être le point de fuite de toutes perspectives larges.
C’est dans cette conviction que j’ai souhaité développer davantage le maillage territorial de l’aide aux victimes. Assurer une égalité de traitement des victimes sur tout le territoire est en effet une exigence républicaine, car notre devoir de fraternité ne saurait se faire au détriment de l’exigence d'égalité. Toutes les victimes – ou qu’elles soient – doivent donc pouvoir bénéficier d’un égal accès à l’information et aux droits.
Le principe fondateur du service public de l’aide aux victimes c’est bien celui de l'égalité d'accès. C’est dans cette perspective que nous avons :
- Ouvert des espaces d’informations et d’accompagnement à la suite de la survenance d’attentats ou d’accidents collectifs,
- Crée un répertoire de plus d’une centaine d’associations locales de victimes avec l’INAVEM,
- Installé dans chaque département, de Comités locaux de suivi des victimes. J’ai d’ailleurs ouvert celui du Rhône ce matin à mon arrivée, qui prend actuellement en charge 79 victimes, dont 23 victimes indirectes et 37 victimes choquées.
En effet, c’est seulement en assurant cette solidarité équitablement sur tout le territoire que nous saurons l’assurer dans le temps et de manière pérenne pour nous donner les moyens d’une véritable vision large et à long terme, autrement dit d’une véritable vision politique.
Assurer une vision à long terme, la fonder sur une structure pérenne, cela soulève aussi les questions d’indemnisation. Avec la prise en charge des personnes, elles sont au coeur d’une véritable politique d’aide aux victimes puisqu’il s’agit là avant tout de reconnaissance du préjudice subi. Je tiens à rappeler en la matière la spécificité française dont Françoise Rudetzki elle-même a souligne le caractère « unique au monde » et a récemment crée une association de droit européen en vue, notamment, de faire mieux connaître et de répandre à l'étranger le système d’indemnisation français.
Mais, bien loin d’en rester au quant à soi, nous avons souhaité faire évoluer l’indemnisation en refondant les relations du FGTI avec les victimes afin de personnaliser, d’humaniser et de rendre plus transparentes les procédures. Vous qui travaillez auprès des victimes savez la difficulté pour ces dernières d'être confrontées à une administration parfois mal outillée pour répondre à leurs demandes. Chacun a droit à la réparation intégrale de son préjudice. J’ai donc décidé que les préjudices d’angoisse des victimes directes, et d’attente des victimes indirectes devaient être reconnus. Et j’ai bon espoir qu’une méthode d'évaluation soit bientôt actée sur ce point.
Depuis 1961, Le Mas accueille, accompagne et aide les personnes victimes en situation de souffrance psychique et sociale, de précarité ou encore d’exclusion. Et parce que vous avez une approche complète du problème, vous avez saisi la nécessité de conduire également, en parallèle de cette action de terrain, des activités à destination plus large de recherche et de sensibilisation sur ces problématiques. Le philosophe Bergson invitait a « penser en homme d'action et à agir en homme de pensée », et je reste convaincue que c’est à cette seule condition que nous pourrons prétendre inscrire notre action dans la durée.
Nous devons beaucoup, tous ici, à Robert Badinter, je le sais assez pour avoir milité, lorsque j’étais à l’ENA, afin qu’il donne son nom à notre promotion. C’est l’ancienne élève de la promotion Badinter qui parle, et c’est avec humilité que je m’exprime ici quelques minutes avant lui.
Ici, ensemble, l’occasion nous est donnée de promouvoir, dans une justice bien souvent établie ou orientée contre, une justice pour, c’est-à-dire une justice où la victime, ou toutes les victimes dans leur plus grande diversité, puissent trouver leur place, et surtout leur chemin vers la reconstruction.
Cette reconstruction des victimes, cette justice pour, nous pourrons la construire en nous appuyant sur un principe républicain fondamental, celui de solidarité. Mais pour que cette vertu ne soit pas qu’un voeu pieu, il faut administrer, légiférer et financer cette solidarité. A cet égard, c’est bien dans la politique publique d’aide aux victimes que se joue la réponse essentielle que peut apporter l'État face au monde de demain et à ces multiples vulnérabilités.
Il y a un an, les attentats qui ont frappé la France ont motivé la création du Secrétariat d’État à l’aide aux victimes. Celui-ci répondait alors non seulement à un besoin urgent et à une nécessité républicaine qui étaient de faire face à la menace terroriste, mais aussi à la nécessité d’une vision politique plus large et à long terme qui exigeait d’aider les plus vulnérables : les victimes d’attentats, mais aussi les victimes d’accidents collectifs et de catastrophes naturelles, ou encore les mineurs victimes de violence. Je sais à cet égard que vous aussi, vous avez à coeur de renforcer les moyens en faveur des victimes particulièrement fragilisées comme les femmes victimes de violences ou les mineurs avec le développement de l'UMJ (Unitet metdico-judiciaire) afin de ne laisser aucune victime de coté.
C’est dans cet effort solidaire que le gouvernement souhaite créer un service public dédié à l’aide aux victimes. Il constituera, j’en suis sûre, une étape majeure pour le développement d’une politique ambitieuse d’aide aux victimes et permettra de pérenniser l’action du Secrétariat d'État à l’aide aux victimes, que l’on reconnaît aujourd’hui unanimement comme une réussite, et dont on n’imagine pas qu’il puisse désormais disparaître. Mon Secrétariat d'État a en effet mis en place une politique d’aide aux victimes qui prend en compte les besoins des victimes dans l’urgence, dans les heures qui suivent la survenance du drame, et a su également assurer dans le suivi un accompagnement individualise.
Nous avons déjà fait beaucoup, en favorisant l'accès à l’information grâce à un numéro d’appel unique et grâce à un guichet unique d’information pour les victimes, le site GUIDE ; ou en mettant en place, à Nice par exemple, des centres d’accueil définis sur site dans les heures qui ont suivi l’attentat. Nous avons aussi obtenu des avancées comme la prise en charge des frais de santé réels ou l'exonération fiscale pour les ayants-droit des personnes décédées.
Mais nous ferons davantage encore avec la création de ce service public dédié à l’aide aux victimes – parce que notre action doit nous survivre, parce que les victimes ne doivent plus jamais être seules et que leur sort ne doit plus dépendre du calendrier électoral.
Dans ce contexte de nouvelles vulnérabilités, il est donc plus que jamais nécessaire de pérenniser, dans notre organisation administrative, un Secrétariat d'État à l’aide aux victimes disposant en propre de moyens matériels et humain.
C’est pourquoi un décret est en préparation qui portera création d’un service public interministériel dédié à l’aide aux victimes, et à toutes les victimes car aucune ne doit être négligée. Cette structure administrative identifiée sera mise en place en janvier 2017. Elle constituera un signal fort et validera l’intuition qui a présidé à la création du Secrétariat d'État il y a près de dix mois. Les associations et, au-delà, tous les acteurs de la société civile pourront s’appuyer sur ce service nouveau, qui témoigne d’une prise en compte réelle et sérieuse du monde de demain et du lot inédit de vulnérabilités qu’il charrie avec lui.
Sa création s’inscrit dans l’esprit des lois proposées par Robert Badinter en faveur des victimes en élargissant ses perspectives à toutes les catégories de victimes.
Ce service public dédié à l’aide aux victimes, loin des luttes partisanes, remplira, je peux vous l’assurer, ce rôle – plus encore : cette charge – et saura l’inscrire dans le temps long qui lui est imparti.
Comme mon Secrétariat d'État, cette structure s’appuiera sur sa position interministérielle pour répondre au besoin urgent de coordination.
Cette coordination avec les différents acteurs publics concernés devra se doubler, comme c’est déjà le cas dans l’action que nous menons au Secrétariat d'État, d’une démarche de co-construction avec la société civile, à commencer par les associations de victimes et d’aide aux victimes. Ma présence parmi vous aujourd’hui témoigne une fois encore, s’il le fallait, de cette exigence. Car sur un sujet aussi sensible que celui de l’aide aux victimes, notre responsabilité politique, c’est de faire preuve d'humilité :
- humilité d'écouter les plus directement concernés, les mieux informés, ce qui passe évidemment par les acteurs de terrains que vous êtes depuis si longtemps ;
- et responsabilité d’agir en conséquence et de donner les moyens dagir.
Vous écouter et écouter les experts qui s’exprimeront aujourd’hui est indispensable pour nous permettre de mener à bien notre action en faveur des victimes, et les permettre à leur de redevenir les sujets de leur propre histoire.
C’est cette exigence qui anime chaque jour votre travail et qui motive ma venue ici, aujourd’hui. J'espère et je suis convaincue de repartir enrichie par vos contributions. Elles ne manqueront pas de nourrir une politique soucieuse de son évolution.
Dans ce monde fragilisé par la menace terroriste, le politique doit jouer son rôle de protecteur et de liant social. C’est bien là qu’un mouvement doit s’opérer. Un mouvement pour une France unie, qui sait où il va et la marche qu’il a à faire, un mouvement qui ne saurait se résumer au complexe d’Orphée et à une simple fuite en avant.
C’est en marche vers la solidarité, c’est en marche pour l’intérêt général, que nous pourrons ainsi prétendre inscrire cette évolution dans la durée. Autrement, la marche se résumerait à quelques pas de danse futiles et nous nous épuiserions bien vite, en plus de lasser chacun.
Je vous remercie pour votre travail, votre engagement et votre implication aux côtés des victimes
Bonne après midi - Mercisource http://www.gouvernement.fr, le 19 décembre 2016