Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé à France 2 le 12 janvier 2017, sur l'épidémie de grippe et la santé publique.

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Texte intégral


WILLIAM LEYMERGIE
« Les 4 Vérités ». Caroline ROUX reçoit ce matin la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol TOURAINE.
CAROLINE ROUX
Oui, la ministre en première ligne pour faire face à une grave épidémie de grippe, qui met les hôpitaux sous tension, comme elle dit, et la ministre prévient : le bilan sera lourd.
- Jingle -
CAROLINE ROUX
Bonjour Marisol TOURAINE.
MARISOL TOURAINE
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Alors, vous participez ce matin à 09h00 à une réunion avec le président de la République à l'Elysée. Le pic de la grippe est attendu la semaine prochaine. Les hôpitaux français sont surchargés, en tension, comme vous dites. Est-ce que vous étudiez de nouvelles dispositions pour libérer des lits ?
MARISOL TOURAINE
Le président de la République s'intéresse à ce qui se passe en France, et notre pays est aujourd'hui confronté à une épidémie de grippe très significative. Vous savez, dans le langage courant, nous disons : « Je suis un peu grippé », et donc on a pris l'habitude de voir la grippe comme un mauvais rhume. Mais la grippe c'est une maladie, sérieuse, qui revient chaque année, mais qui malheureusement, chaque année, fait des victimes.
CAROLINE ROUX
Alors, dans le langage courant, on ne dit pas : épidémie de grippe significative. Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est une crise sanitaire ?
MARISOL TOURAINE
Non, ça veut dire qu'il y a beaucoup de personnes qui sont touchées pare la grippe, que c'est un virus extrêmement intensif, qui circule, que beaucoup de gens sont touchés, et que donc beaucoup de personnes, notamment des personnes âgées, ont besoin d'aller dans les hôpitaux. Or, le phénomène qui est marquant ces derniers jours, ça n'est pas qu'il y ait davantage de personnes qui aillent aux urgences, c'est qu'il y a davantage de personnes âgées, qui ont besoin, après les urgences, d'être hospitalisées.
CAROLINE ROUX
Alors, la situation, on la connait, vous l'avez exposée dans le détail toute la journée d'hier. La question qui se pose aujourd'hui, c'est : est-ce que les hôpitaux français vont pouvoir faire face aux pics de contamination de l'épidémie, qui vont arriver la semaine prochaine ?
MARISOL TOURAINE
La réponse est oui. Nous sommes en train de passer le pic, les hôpitaux sont confrontés à une tension réelle, mais ils ne sont pas débordés, et ils font face à leurs responsabilités et aux besoins des Français, je veux le dire de la manière la plus sereine qui soit, pour rassurer aussi nos concitoyens, les hôpitaux prennent en charge, dans de très bonnes conditions, tous ceux qui ont besoin d'être soignés. Pour cela...
CAROLINE ROUX
Il y a parfois beaucoup beaucoup d'attente, il y a des témoignages depuis quelques jours, parfois plus de dix heures d'attente dans les couloirs.
MARISOL TOURAINE
Non mais il y a des choses différentes. Il y a le besoin d'être pris en charge rapidement, aux urgences, et il y a ensuite la nécessité, lorsqu'on doit rester à l'hôpital, d'aller dans un service et d'être, de trouver un lit. C'est pour cela que des mesures ont été prises, d'ailleurs elles ont été prises à partir du mois de décembre. A partir du mois de décembre, les premières mesures ont été engagées. Je vous donne des exemples. Des lits d'hospitalisation de jour ont été transformés pour pouvoir accueillir les patients la nuit. Depuis hier, j'ai demandé aux hôpitaux de déprogrammer des soins non urgents, pour que, à la place de ces opérations ou de ces soins, on puisse accueillir des malades de la grippe. Eh bien, des résultats sont là.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez trouvé des lits disponibles ? C'est ça la question.
MARISOL TOURAINE
Les résultats sont là, puisque nous sommes passés de 140 à près de 200 hôpitaux qui ont mis en place des plans d'organisation ciblés sur l'accueil de la grippe, et il y a d'ores et déjà plus d'une trentaine d'établissements, en plus de ceux qui l'avaient déjà fait, qui ont déprogrammé des soins, des activités, ce qui permet de libérer les lits d'hospitalisation supplémentaires. Donc nous sommes aujourd'hui dans une situation qui permet d'accueillir les patients qui sont malades de la grippe. Mais, puisque vous me parlez de lits, moi je voudrais répondre à ceux qui disent : mais au fond, le problème c'est qu'il n'y a pas assez de lits dans les hôpitaux français, de façon générale.
CAROLINE ROUX
Mais ils ne vous disent même plus précisément ça, ils vous disent : vous avez fait des économies, trois milliards d'économies de 2015, à 2017, entrainant la fermeture de 16 000 lits...
MARISOL TOURAINE
Non, c'est faux.
CAROLINE ROUX
... c'est-à-dire 10 % des lits de chirurgie et de médecine.
MARISOL TOURAINE
Non, c'est faux, et d'ailleurs, en matière de médecine, il y a plus de lits aujourd'hui qu'il n'y en avait en 2012, 2 500 lits de médecine supplémentaires, précisément pour répondre à des besoins en matière de médecine, en matière d'épidémie, de canicule, lorsque nous avons besoin d'accueillir ces personnes. Mais l'essentiel ça n'est pas de compter des lits, c'est de faire... non, mais il nous faut des lits, mais ce qu'il faut c'est que l'hôpital puisse s'adapter rapidement, transformer des lits de jour en lits d'hospitalisation, faire monter les capacités d'accueil de manière extrêmement rapide, et c'est cela qui se fait actuellement. Et moi je veux saluer la réactivité des hôpitaux et l'engagement des professionnels hospitaliers.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pourriez déclencher le plan blanc au niveau national la semaine prochaine, si c'est nécessaire ?
MARISOL TOURAINE
Le plan blanc a été de facto déclenché...
CAROLINE ROUX
Dans certains hôpitaux.
MARISOL TOURAINE
... dans beaucoup d'hôpitaux, mais j'ai adressé il y a deux jours une instruction à l'ensemble des établissements de santé, ce qui revient à déclencher un plan blanc national.
CAROLINE ROUX
Vous avez dit vous-même que le bilan serait lourd. En 2014/2015 il y avait une surmortalité de 18 000 personnes, est-ce qu'on sera dans ce genre de bilan ?
MARISOL TOURAINE
Je ne suis absolument pas en mesure aujourd'hui d'annoncer des chiffres. Ce sur quoi...
CAROLINE ROUX
Il y en a qui circulent depuis hier.
MARISOL TOURAINE
Oui, mais il y a des chiffres qui sont, comment dire, ponctuels, puisque jour après jour, l'Agence santé publique France, évidemment, établit des bilans. Le bilan est assez long à établir. Ce que je veux dire et c'est ce que j'indiquais tout à l'heure au début de notre entretien, la grippe ça n'est pas une petite maladie comme cela, ça n'est pas un mauvais rhume, c'est une maladie qui chaque année fait des victimes, or, comme on n'en a pas toujours conscience, des gestes simples, de protection, comme ils sont rappelés dans les spots qui sont diffusés sur les ondes depuis le mois de décembre, sont à privilégier et à mettre en avant.
CAROLINE ROUX
Est-ce que ce n'est pas le rôle, pardonnez-moi de vous le dire comme ça, de la ministre de la Santé ? Chaque année il y a une épidémie de grippe, à peu près.
MARISOL TOURAINE
Oui.
CAROLINE ROUX
Alors, elle est parfois plus violente, c'est le cas cette année. Dès le 27 novembre, l'Institut de recherche pour la valorisation des données de santé, a lancé une alerte sur l'épidémie de grippe, ça fait donc un mois et demi pour se préparer, pour appeler à la prévention, à la vaccination. Est-ce qu'au fond vous avez sous-estimé la violence de cette épidémie ?
MARISOL TOURAINE
Mais, j'ai lancé le premier appel concernant l'épidémie de grippe le 27 octobre. Donc c'est le 28 octobre que j'ai lancé ce que nous appelons « la saison grippe », en demandant que les vaccinations s'engagent, en annonçant que la cellule d'urgence sanitaire se mettait en place. Donc, la cellule d'urgence sanitaire, pour la grippe, se met en place au ministère, cette année, le 28 octobre, et elle passe à un niveau...
CAROLINE ROUX
Donc ça a été bien géré, c'est ça que vous nous dites.
MARISOL TOURAINE
Et elle passe à un niveau renforcé le 21 décembre. Il y a une anticipation, parce que chaque année nous savons qu'il y a des risques autour de la grippe, ce que nous ne savons pas c'est à quel moment elle va arriver, elle est arrivée tôt. Ce que nous ne savons pas, c'est quelle va être son ampleur. Mais tout est prêt, avec des dispositifs qui se déclenchent au fur et à mesure.
CAROLINE ROUX
Ce que j'aimerais comprendre c'est : est-ce que le plus dur est à venir, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Non.
CAROLINE ROUX
On annonce le pic de l'épidémie pour la semaine prochaine.
MARISOL TOURAINE
Non, il est en train d'être passé, c'est-à-dire en réalité le pic de l'épidémie est déjà passé dans certaines régions, par exemple l'Ile-de-France, il reste à passer dans d'autres régions. Nous avons besoin d'avoir des lits disponibles, parce que les personnes qui déjà sont hospitalisées, peuvent rester plus longtemps que ce qui est envisagé, et c'est pour cela que j'ai lancé l'appel aux hôpitaux pour dégager des lits, mais la situation est maitrisée, les hôpitaux sont en situation tendue, mais ils ne sont pas débordés, et je suis aujourd'hui sereine par rapport à la capacité des hôpitaux à faire face aux besoins des malades.
CAROLINE ROUX
On attend la semaine prochaine des températures glaciales, une vraie vague de froid. Est-ce qu'il y a de préventions en termes de santé publique, puisqu'il faut anticiper ?
MARISOL TOURAINE
Dès cette semaine, dès ce week-end, pardon, des spots et des messages vont être adressés. Le message principal ne concerne pas des comportements de santé, ils concernent le chauffage. Quand il fait froid, on pousse le chauffage, on ferme les fenêtres et il y a beaucoup d'intoxications au monoxyde de carbone. Donc, le message c'est : attention à la manière dont vous vous chauffez, et pensez à bien aérer vos logements.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Marisol TOURAINE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 janvier 2017