Interview de M. Hervé de Charette, président délégué de l'UDF, à La Chaîne info le 7 novembre 2001, sur la faiblesse des moyens militaires français et européens engagés dans le conflit en Afghanistan, l'absence de détermination européenne pour régler le conflit israélo-palestinien, le projet de loi sur la Corse et la campagne de François Bayrou pour l'élection présidentielle.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser J. Chirac vient d'effectuer une visite éclair aux Etats-Unis, où il a rencontré le Président Bush et K. Annan. On parle maintenant de solution politique pour l'Afghanistan, de conférence internationale, d'urgence humanitaire. Est-ce l'urgence d'aujourd'hui ou est-ce de renverser le régime des taliban ?
- "La priorité est évidemment de renverser le régime des taliban, mais on ne peut pas pour autant négliger le sort malheureux du peuple afghan et de son voisin pakistanais. Dans cette affaire, la France, ses dirigeants, voyagent beaucoup et font peu de choses. S'ils font peu de choses, c'est parce que notre position est faible. Elle l'est sur le plan militaire, parce que nous n'avons pas les moyens d'agir et nous ne les avons pas, parce que nous avons baissé la garde depuis pas mal d'années. Notre équipement militaire ne nous permet donc pas d'être présents."
2.000 hommes, c'est ridicule ?
- "Ce n'est pas beaucoup et ces actifs sont surtout des marins qui font avancer quelques bateaux, dont la capacité d'intervention militaire est très faible. Sur le plan diplomatique, nos pourrions être plus actifs et je regrette que nous ne le soyons pas. Je suis d'accord avec cette idée de conférence humanitaire pour le peuple afghan, mais il y a un domaine dans lequel la France et l'Europe devraient être au premier rang, extrêmement actives, avec des propositions et une volonté politique : c'est la solution du problème israélo-palestinien, c'est-à-dire ce qui se passe en Méditerranée. C'est notre domaine direct d'intervention, c'est notre champ le plus proche, ce sont nos voisins, ce sont nos intérêts vitaux et sur ces sujets, nous devrions aller plus vite, plus loin. Non seulement nous, les Français, qui avons une position privilégiée et qui sommes attendus, mais aussi avec nos partenaires européens."
Vous dites que nous sommes faibles, mais finalement, c'est l'Europe qui est faible et qui n'est pas unie.
- "La France est faible, l'Europe est faible. Il est vrai que la rencontre de Londres ressemblait moins à un sommet des chefs d'Etat qu'à un sommet du ridicule."
Cela a été perçu ainsi... S. Pérès est à Paris : est-ce que sa présence peut faire bouger les choses ? Parce que les Israéliens sont très réticents. Vous dites que c'est notre domaine de prédilection, mais en réalité, Israël est quand même assez réticente.
- "Il faut faire preuve de détermination européenne. S'il n'y a pas de détermination européenne, il n'y aura pas d'action. Il y a de très fortes réticences du côté du gouvernement israélien, il faut les surmonter."
Comment ?
- "C'est à l'Europe de manifester qu'elle a son action, sa vision propre des choses et de s'appuyer sur l'ensemble des partenaires de cette région."
Vos collègues du Sénat sont en train d'étriller le projet de loi sur la Corse...
- "Ils font bien !"
Ils font bien ? Il ne faut pas transférer de pouvoir à l'Assemblée corse, il ne faut pas enseigner le corse, il ne faut pas aménager la loi littoral ?
- " Cela fait des mois que je répète, à propos de la Corse - comme je le répète à propos de la sécurité des Français dans nos quartiers, dans nos villes -, que notre pays n'a pas besoin de mollesse, il a besoin de fermeté, de détermination et d'ordre. Pour la Corse, il en va ainsi. Je ne crois pas du tout que le prétendu processus de Matignon puisse apporter quoi que ce soit de positif en Corse. D'ailleurs, on a bien vu que cela n'avait en rien arrêté le rythme des attentats, des explosions, des règlements de comptes dans ce malheureux territoire."
La politique du bâton non plus !
- "En tout cas, pour l'instant, nous vivons une situation bizarre dans laquelle plus personne ne croit au processus de Matignon, sauf le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et peut-être quelques uns de leurs partenaires ou complices en Corse même."
Il faut remettre tout cela au lendemain des élections ?
- "Il faut suspendre ce processus, parce que nous sommes entrés dans une période électorale où on ne peut pas prendre de grandes décisions concernant la Corse. Au lendemain de cette élection présidentielle, le nouveau pouvoir fera ce qu'il juge, mais il serait sage de consulter les Corses, pour qu'une bonne fois pour toute, on sache ce qu'ils veulent. On le sait très bien depuis très longtemps et il est grand temps que cela apparaisse de façon forte et claire."
Les Français seront bientôt consultés, l'élection présidentielle approche. Vous soutenez F. Bayrou qui ne décolle pas dans les sondages. Cela vous préoccupe-t-il ? Doit-il changer de stratégie de campagne ou jeter l'éponge ?
- "J'ai toujours été convaincu qu'il fallait que notre famille politique, l'UDF, soit présente dans cette campagne présidentielle. Bien entendu, je ne change pas d'avis et en même temps je vois bien que les sondages ne sont pas ce qu'ils devraient être : ils sont décevants et inquiétants. Du coup, je comprends l'inquiétude de beaucoup de nos élus, que ce soit des dirigeants des personnalités, des parlementaires ou des élus de terrain qui nous font part de cette inquiétude. Il faut donc reconnaître qu'il y a un problème - c'est la première chose à faire. Il faut en parler entre nous, l'examiner sans tabou, parce qu'on ne peut rester dans cette situation et F. Bayrou ne peut rester dans cette solitude qui est la sienne."
F. Bayrou ne dialogue pas, il s'enferme dans sa solitude ? C'est ce que vous êtes en train de dire ?
- "Donc, je demande qu'on en parle, qu'on examine la situation, que l'on en tire les conséquences."
Lesquelles ?
- "C'est un débat qu'il faut avoir entre nous, ce n'est pas à ce micro que l'on peut trancher cette question. Il faut, je le répète, ouvrir le sujet, en débattre entre nous et en tirer toutes les conséquences nécessaires."
Le congrès en fournira l'occasion ?
- "Ce serait vraiment une date extrême, une opportunité pour parler, bien entendu, mais on ne peut pas attendre des semaines et des semaines."
Seriez-vous favorable à des primaires qui ne diraient pas leur nom entre F. Bayrou et A. Madelin ?
- "Cela n'a pas beaucoup de sens."
Il y a quand même un candidat non-RPR de trop ?
- "Il faut surtout des candidats qui répondent à l'attente de nos concitoyens."
Que devrait faire exactement F. Bayrou ?
- "Pour l'instant, je n'ai pas de consignes ou de conseils à donner, je dis qu'il y a un problème, je demande qu'on en parle, parce je crois que l'heure est venue."
L'heure de la fin de l'autobus a sonné ?
- "Il ne faut pas critiquer tel ou tel acte de campagne, il faut regarder où nous en sommes, il faut faire le point parce que nous sommes une famille politique et que c'est un débat que nous devons avoir pour décider ce que faisons et comment nous le faisons."
Ce n'est pas encore l'ultimatum ?
- "Il est très important que notre famille politique soit présente avec succès dans cette campagne présidentielle. C'est une question essentielle pour nous, pour les intérêts de nos convictions, mais je crois aussi que c'est essentiel pour notre pays."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 novembre 2001)