Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur les politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux, Paris le 10 janvier 2017.

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Texte intégral


Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport du comité d'évaluation et de contrôle sur les politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions suivies de leurs réponses. Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.
(…)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, tout d'abord je tiens à saluer la grande qualité du travail que vous avez mené pour ce rapport d'évaluation des politiques publiques en faveur de l'accès aux droits. Ce sujet étant essentiel, il était nécessaire que nous ayons ce débat.
Je veux saluer la méthode que vous avez utilisée : pendant des mois, vous avez mené de nombreux cycles d'évaluation, des recherches ; vous avez établi des comparaisons internationales, vous avez fait appel à de nombreuses expertises de représentants d'associations, de spécialistes, de responsables de caisse pour réunir des informations quasiment exhaustives et formuler des propositions très précises.
Je veux aussi, évidemment, saluer le choix du sujet de votre rapport, à un moment où on parle beaucoup d'« assistanat » – il est vrai que c'est un vieux débat – mais aussi de l'intérêt d'un revenu universel. Il est essentiel de rappeler que ce qui compte, en matière de protection sociale, ce n'est pas uniquement la performance du système ou l'efficacité de sa gestion : c'est aussi –c'est surtout, serais-je tentée de dire – son accessibilité au plus grand nombre et l'effectivité des droits. Car ce qui compte pour nos concitoyens, c'est le résultat, pas le moyen d'y arriver : ont-ils ou non effectivement accès à tel ou tel droit ?
L'accès aux droits est placé au cœur des politiques de lutte contre l'exclusion depuis la loi de 1998 visant à « garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance ».
Pourtant, même si notre système de protection sociale est réputé pour être l'un des meilleurs – les Français le savent et y sont d'ailleurs très attachés comme le montrent les débats actuels sur le remboursement des soins –, il est également l'un des plus complexes, il faut le reconnaître. Cela est lié à la prise en compte très fine des situations de chacun au regard de l'âge, d'un éventuel handicap ou encore du niveau de dépendance, pour ne citer que quelques exemples.
Cette complexité peut parfois susciter des incompréhensions chez nos concitoyens, au point qu'ils finissent parfois par renoncer à leurs droits, c'est-à-dire aux protections qui leur sont offertes pour faire face aux aléas de la vie. Cela n'est pas normal – c'est même un signe d'inefficacité de notre système. C'est pourquoi la lutte contre le non-recours a constitué une priorité pour le Gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.
Je tiens à rappeler quelle a été l'action du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté dans le cadre de ce plan car nous n'avons pas à en rougir.
Lancé en janvier 2013, le plan « pauvreté » comprend à la fois des mesures monétaires tenant lieu de bouclier pour protéger les personnes en difficulté mais également des mesures non monétaires, transversales, interministérielles, visant à permettre à chacun de retrouver des conditions de vie dignes et les moyens de son émancipation.
Trois ans après, où en sommes-nous ? Les engagements ont été tenus. Les revalorisations ont été régulièrement effectuées tant pour les minima sociaux – augmentation de 10 % sur cinq ans du revenu de solidarité active – que pour les prestations familiales – augmentation de 25 % sur cinq ans de l'allocation de soutien familial et de 50 % sur cinq ans du complément familial majoré. La majorité des mesures prévues dans ce plan ont été réalisées à ce jour.
Quels en sont les premiers résultats ? Le plan a permis de stabiliser le taux de pauvreté alors qu'il n'avait cessé d'augmenter depuis le début des années 2000, plus particulièrement entre 2008 et 2012. Cependant – et votre rapport le montre – la pauvreté et les inégalités subsistent dans notre pays. Celle-là touche particulièrement les familles monoparentales, les enfants, les chômeurs de longue durée mais également un certain nombre de salariés et travailleurs indépendants aux revenus modestes. C'est pourquoi nous avons pris des mesures concrètes et spécifiques pour permettre à chacun d'accéder plus facilement à ses droits.
Notre priorité a d'abord été de permettre aux personnes ayant droit à des aides d'être mieux informées. Vous proposez de mieux mesurer le non-recours, notamment en en faisant un indicateur suivi par les organismes de protection sociale, y compris Pôle emploi. Je partage cet objectif : cela nous obligera collectivement à mieux suivre les phénomènes de non-recours et à agir pour les réduire.
C'est précisément ce que nous faisons depuis cinq ans. Depuis 2012, l'accès à l'information et aux droits des personnes a été renforcé par la mise en place sur l'ensemble du territoire des « rendez-vous des droits » par les caisses d'allocations familiales – ce sont les caisses de la mutualité sociale agricole qui sont à l'origine de cette initiative. Ces rendez-vous se déroulent à l'occasion d'une demande de revenu de solidarité active ou à la suite d'événements générant de la vulnérabilité. Initialement, l'objectif fixé était de 100 000 rendez-vous par an ; les caisses d'allocations familiales en ont organisé plus de 240 000 l'année dernière.
Ces rendez-vous portent leurs fruits, et c'est pourquoi nous souhaitons aujourd'hui les renforcer. J'approuve d'ailleurs votre proposition de lier systématiquement l'organisation d'un rendez-vous des droits à la survenue d'un événement de la vie – naissance, perte d'emploi, maladie, décès – pour détecter un droit potentiel, immédiat ou à venir.
Par ailleurs, le simulateur en ligne multiprestations, dont l'adresse est mes-aides.gouv.fr, permet désormais à toute personne de connaître les principales prestations sociales auxquelles elle est susceptible d'avoir droit, dans des domaines aussi variés que les minima sociaux, les prestations familiales, les aides au logement ou encore l'accès aux prestations de santé. Son périmètre s'est progressivement étendu pour inclure de nouvelles prestations, comme la prime d'activité. Ce simulateur peut aussi, lorsque les collectivités le souhaitent, intégrer les aides extralégales qu'elles servent. Cet outil fera prochainement l'objet d'une communication large, afin que le grand public, mais aussi les bénévoles des associations et les travailleurs sociaux, soient informés de sa mise en service.
Le premier accueil social inconditionnel de proximité est en cours de mise en œuvre sur l'ensemble du territoire, conformément à une instruction du Premier ministre en date de juillet 2016. Il vise à mieux informer les personnes sur les aides existantes, en offrant un accueil, une écoute et une orientation vers les solutions existantes sur l'ensemble du territoire.
Il importe aussi de mieux accompagner les personnes concernées, en renforçant l'intervention sociale et l'accompagnement vers l'autonomie et l'émancipation. C'est le sens du plan d'action en faveur du travail social et du développement social, qui prévoit, entre autres choses, d'améliorer la formation des travailleurs sociaux en réorganisant les diplômes du travail social autour de quatre grandes filières – social, éducation, enfance et familles et une filière transversale du management – et d'un socle commun. Les nouvelles formations menant à ces diplômes rénovés permettront aux travailleurs sociaux de mieux répondre aux enjeux sociaux actuels. Cette disposition aussi rejoint l'une de vos propositions, celle de réorienter la formation des travailleurs sociaux pour revaloriser leur vocation sociale.
Par ailleurs, nous devons mieux coordonner les interventions des professionnels et des bénévoles autour des situations les plus complexes que peuvent rencontrer des personnes en difficulté sociale. C'est l'objectif de l'expérimentation des référents de parcours, qui est actuellement menée dans quatre départements. Cette expérimentation doit nous permettre d'identifier, dans le courant de l'année 2017, les pratiques les plus efficaces avant de les diffuser.
Nous avons également eu à cœur de simplifier les prestations elles-mêmes, afin d'en faciliter l'accès. En effet, améliorer l'accès aux droits nécessite de repenser certaines prestations, les conditions pour en bénéficier mais aussi les démarches à effectuer. Certains d'entre vous l'ont rappelé, nos concitoyens ont parfois le sentiment d'être confrontés à des démarches administratives pesantes, répétitives et peu compréhensibles. Or il existe des moyens de les simplifier et de les faciliter.
D'abord il faut simplifier l'accès aux prestations, notamment pour que les personnes n'aient pas à fournir les mêmes informations aux diverses administrations. C'est l'objectif de la mise en œuvre effective du principe : « Dites-le-nous une fois » et de la généralisation des échanges de données. Ce principe est simple : au moment de l'instruction des demandes, l'échange d'informations entre les organismes de Sécurité sociale et les administrations doit permettre de ne plus demander aux personnes de fournir des informations déjà connues d'une autre administration et de produire plusieurs fois les mêmes pièces justificatives. Vous avez voté – certains d'entre vous, du moins – l'inscription de ce principe dans le code de la Sécurité sociale et je vous en remercie. Dans les prochaines semaines, des avancées concrètes seront présentées concernant les échanges de données entre les organismes de protection sociale et l'administration fiscale ou encore le ministère de l'intérieur.
Comme les auteurs du rapport le soulignent, le Gouvernement partage l'idée selon laquelle le numérique peut être un outil de lutte contre l'exclusion. Ainsi, il sera dans quelques semaines possible de faire une demande de RSA en ligne – il va de soi qu'il sera toujours possible d'utiliser un formulaire papier. Cette même démarche s'appliquera, dès le premier semestre 2017, aux demandes de couverture maladie universelle complémentaire – CMU-C – et d'aide à la complémentaire santé – ACS. Le formulaire sera simplifié et le nombre de pièces justificatives à fournir réduit.
Nous avons également lancé l'expérimentation du coffre-fort numérique, afin que chacun, notamment les plus démunis, puisse à tout moment accéder à ses documents administratifs essentiels. Avec leur accord, les travailleurs sociaux qui les accompagnent pourront également y avoir accès. Chacun pourra par ailleurs disposer prochainement d'une vision complète de ses droits sociaux au travers du portail numérique des droits sociaux qui sera déployé progressivement au cours des prochains mois.
Néanmoins, pour éviter que le numérique ne devienne un facteur supplémentaire d'exclusion, il faut également développer l'accompagnement aux usages du numérique. C'est ce que nous faisons en modernisant les formations initiales et continues des travailleurs sociaux. Bien évidemment, il faut aussi veiller à ce que nos concitoyens aient toujours le choix entre la demande en ligne et le formulaire papier car il faut bien avoir en tête que tous ne disposent pas d'un ordinateur et d'une connexion internet.
Il faut enfin simplifier les dispositifs et les prestations sociales elles-mêmes. À cet égard, le rapport de Christophe Sirugue intitulé « Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune », contient de nombreuses propositions, dont certaines ont d'ores et déjà été reprises par le Gouvernement. Nous pourrons revenir sur ces différents points à l'occasion de vos questions.
Avant même que ce rapport soit remis au Premier ministre, nous avons réformé certaines prestations afin de lutter plus efficacement contre le non-recours, en nous fixant des objectifs précis. Madame Fraysse, vous avez évoqué le RSA activité. C'est précisément pour lutter contre le non-recours à cette prestation que nous avons créé la prime d'activité. Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, cette aide vise à favoriser le retour à l'emploi et à soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes, en remplacement de la prime pour l'emploi et du RSA activité, qui était caractérisé, vous l'avez dit, par un très faible taux de recours. Nous nous étions, dès 2016, fixé l'objectif d'un taux de recours à la prime à 50 %. Cet objectif a été largement dépassé puisqu'on constate déjà un taux supérieur à 60 % et que plus de trois millions de foyers en ont bénéficié dès le mois de juin 2016.
Ce n'est pas un hasard : c'est le résultat de choix visant à simplifier et à dématérialiser les démarches – ce qui a permis de toucher davantage de jeunes –, à supprimer les pièces justificatives et à donner de la visibilité sur les droits en les rendant plus stables grâce au principe des droits figés sur trois mois. Ces dispositions constituent une première étape vers la mise en place, souhaitée à terme par le Gouvernement, d'une réforme plus globale visant à simplifier et à unifier le système de minima sociaux en ouvrant leur bénéfice à de nouvelles catégories.
Mesdames et messieurs les députés, depuis cinq ans, le combat contre la pauvreté et contre l'exclusion a été mené partout, dans les territoires urbains comme dans les territoires ruraux, avec les collectivités territoriales, les partenaires associatifs, les professionnels et les organismes de Sécurité sociale. Les résultats sont là, même si chacun de nous a bien conscience qu'il y a encore beaucoup à faire. Comme je vois que certains doutent de la réalité de ces résultats…
M. Michel Issindou. Pas nous !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. …je me permettrai de rappeler des propos tenus par François Mitterrand en 1994. Il rappelait que la République n'est pas composée « d'hommes égaux, mais d'hommes qui aspirent à l'égalité ». Et il concluait : « C'est pourquoi elle est, elle reste et restera toujours inachevée comme toute œuvre qui aspire à la durée. » Il me semble que dans le domaine social, et dans le domaine de la lutte contre la pauvreté en particulier, chacune et chacun d'entre nous doit faire preuve d'humilité, particulièrement en cette année qui s'ouvre et qui sera une année d'échéances majeures pour l'avenir de notre pays.
Face au programme de certains candidats, qui veulent réduire le nombre de fonctionnaires et remettre en cause notre système de protection sociale, il faut réaffirmer que les politiques de solidarité sont ce qui fait la force de notre nation. Ce système mis en place il y a un peu plus de soixante-dix ans a été bâti pour permettre à chacun d'entre nous de reprendre confiance dans l'avenir quand il en a besoin. Il permet aujourd'hui encore  chacun d'entre nous de faire des choix libres, de réaliser des projets sans avoir peur d'échouer, voire de sombrer. Il permet à chacun de faire des choix libres, en sachant qu'en cas de difficulté la nation sera là pour le protéger, pour l'aider à se relever et à repartir de l'avant.
Ce modèle social, notre modèle social, nous devons le défendre, car il est ce qui nous protège et nous unit collectivement. C'est aussi pour cela qu'il faut le rendre plus simple, afin de garantir à chacun ses droits, ni plus ni moins. Il y va de nos principes républicains et de notre cohésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Michel Issindou. Bravo !
Mme la présidente. Nous en venons aux questions, en commençant par celles du groupe socialiste, écologiste et républicain. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Madame la secrétaire d'État, je suis attentif à l'action menée par le Gouvernement depuis cinq ans. En ce qui concerne la pauvreté, force est de constater – et je m'en réjouis – que les minima sociaux ont été, non seulement préservés mais augmentés, et d'une manière significative.
Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de l'effectivité des droits car il ne suffit pas de les créer : il faut aussi que ceux auxquels ils sont destinés y accèdent effectivement. De ce point de vue, je trouve intéressant votre exemple de la prime pour l'activité. Vous avez rappelé qu'au lieu des 50 % attendus, le taux de recours est de 60 %. Les chiffres qui m'ont été fournis sont même encore plus encourageants puisqu'il semble que 3,8 millions de foyers en aient bénéficié, soit près du double de ce qui avait été envisagé, à savoir 2 millions.
Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce qui s'est passé. Comment expliquer que les prévisions aient été à ce point dépassées ? Faut-il attribuer ce résultat à la simplicité du mécanisme – c'est votre explication – ou à la qualité de l'information ? Et surtout, qu'est ce qui, dans la politique de mise en œuvre de la prime d'activité, pourrait être repris pour d'autres droits ?
Allons un tout petit peu plus loin sur cette question et demandons-nous pourquoi cette prime doit toujours faire l'objet d'une demande. Lorsque l'autorité administrative est en situation de liquider directement une prestation et qu'elle peut déterminer qu'une personne y a droit, pourquoi cette personne doit-elle formuler une demande – quand bien même il ne s'agit que de cocher une case ? Pourquoi ne pas aller vers une véritable automaticité ?
Sur cette question, je renvoie au rapport de M. Jean-Louis Costes et de Mme Gisèle Biémouret, plus précisément aux propositions nos 7, 8 et 14. Il me semble que la généralisation des échanges d'informations et la possibilité de fusionner ou de compenser des prestations différentes devraient permettre d'automatiser le traitement des demandes. pourquoi ne pas aller jusque-là ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le député, le succès de la prime d'activité est lié à plusieurs facteurs. Premièrement, la prime d'activité, qui est un complément de revenu, et non un minimum social, est sans doute perçue comme moins stigmatisante que le RSA activité, qui était associé au RSA socle. Certaines personnes renonçaient à y recourir pour ne pas être assimilés aux bénéficiaires de minima sociaux.
Ce succès tient également au basculement automatique des anciens bénéficiaires du RSA activité, ainsi qu'à la campagne d'information qui a été menée auprès de tous les anciens bénéficiaires de la prime pour l'emploi. La simplification de la procédure de demande a également eu son importance puisqu'il est désormais possible de le faire en ligne, via un formulaire dématérialisé – même si les personnes qui n'ont pas accès à internet peuvent toujours utiliser le formulaire papier. La déclaration trimestrielle de ressources est par ailleurs très allégée. On a constaté que cette dématérialisation permet de toucher les jeunes.
Nous avons par ailleurs assuré une meilleure lisibilité et une meilleure prévisibilité des droits, du fait de la limitation du nombre d'indus et de rappels, permise par la mise en œuvre des droits figés sur le trimestre. C'était une demande récurrente des associations.
Vous avez posé la question de l'automaticité. Le recours à la prime d'activité n'est pas automatique, sauf dans certains cas, notamment celui des bénéficiaires du RSA socle, qui n'ont pas à formuler de demande lorsqu'ils reprennent une activité. Ce sera également le cas, à compter du 1er septembre 2017, pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprendront une activité – cette disposition a été introduite par le projet de loi de finances pour 2017.
Le Gouvernement est en train de cibler les publics et les prestations qui devraient bénéficier de cette automaticité dès à présent. Pour aller plus loin, il y a plusieurs conditions : il faut renforcer les échanges entre les organismes de la sphère sociale et leurs partenaires – les départements, les entreprises, l'administration fiscale – afin de disposer d'une information précise, fiable, et surtout à jour, sur les bénéficiaires potentiels des différentes prestations.
Ce travail est en cours, dans le cadre de la mise en œuvre du scénario no 1 du rapport Sirugue. Concernant la régularité du séjour, des échanges renforcés avec le ministère de l'intérieur auront lieu dans les prochains mois. De même, la mise en place de la déclaration sociale nominative et du prélèvement à la source donnera lieu à des échanges renforcés entre les sphères sociales et fiscales. Vous le voyez, monsieur le député, ce chantier est ouvert et je ne doute pas qu'il sera mené à bien dans les mois et les années qui viennent.
Mme la présidente. Madame le secrétaire d'État, comme vous pouvez le voir, le compteur indique que votre réponse a duré deux minutes cinquante-sept. Or, la question et la réponse doivent durer deux minutes chacune.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
M. Jean-Patrick Gille. Le rapport dense et précis consacré par nos collègues Jean-Louis Costes et Gisèle Biémouret à la question de l'accès aux droits sociaux met en évidence les nombreux obstacles qui empêchent certains ayants droit d'accéder à ces prestations sociales. Au nombre de ceux-ci, madame la secrétaire d'État, figure le défaut de domiciliation.
La domiciliation est la condition sine qua non de l'accès aux droits sociaux. Ne pas avoir d'adresse signifie ne pas pouvoir demander ni percevoir des aides. Cette absence de domiciliation concerne la partie la plus fragile de la population et amplifie sa vulnérabilité. Ainsi seuls les trois cinquième des 140 000 personnes sans domicile fixe recensées en 2012 étaient inscrits à un service de domiciliation.
Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, lancé par le Gouvernement en 2013, apportait des mesures concrètes pour mettre fin à ces non-recours. Deux d'entre elles ont été mises en place avant 2016. Le recensement par les préfets des intervenants assurant la domiciliation devait permettre d'établir des schémas de la domiciliation mais la validation et la publication de ces derniers a pris du retard : à la fin de l'année dernière, seule une vingtaine de schémas étaient validés. Ensuite, la création de la commission nationale consultative des gens du voyage – autre population concernée par la non-domiciliation –, installée en décembre 2015, devait leur garantir un meilleur accès aux droits.
Mais toutes ces mesures nécessitent des moyens supplémentaires, notamment pour les centres communaux d'action sociale – CCAS. Ainsi, les gens du voyage continuent de connaître des difficultés dans leurs démarches administratives, malgré l'adoption de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, qui met fin à la discrimination constituée par le livret de circulation.
Madame la secrétaire d'État, la domiciliation étant un préalable de l'accès aux droits, quelles sont les mesures envisagées pour permettre à ceux qui n'ont pas d'adresse de percevoir les prestations dont ils pourraient bénéficier ? La domiciliation numérique, que vous avez évoquée dans votre propos liminaire, peut-elle être une solution ? Ne risque-t-elle pas au contraire d'être source de nouvelles exclusions si elle devient la voie d'accès privilégiée à un droit ou faute de l'accompagnement nécessaire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le député, l'objectif de la réforme de la domiciliation, qui a été finalisée en 2016, est de rendre plus effectif le droit à la domiciliation dont vous avez rappelé l'importance. Cette réforme limite très largement les possibilités de refus de domiciliation par un organisme habilité et constitue donc un progrès conséquent en matière d'accès au droit. Par exemple, la condition de lien avec la commune, dont l'absence est le seul motif de refus pour un CCAS ou un centre intercommunal d'action sociale – CIAS –, est assouplie. Quel que soit le statut d'occupation, toute personne sans domicile stable a le droit d'être domicilié par ces structures sur le territoire duquel elle séjourne. La domiciliation par un CCAS ou un CIAS est également désormais de droit dans le cas d'un suivi social, médico-social ou professionnel, de démarches entreprises à cet effet dans la commune, d'existence de liens familiaux avec une personne vivant dans la commune ou de l'exercice de l'autorité parentale sur un enfant mineur scolarisé dans la commune.
Au-delà de l'élargissement des critères d'éligibilité à la domiciliation, cette réforme vise également à simplifier les procédures. Ainsi, les régimes de domiciliation généraliste et d'aide médicale de l'État sont désormais unifiés. La demande de domiciliation suppose la présence physique de l'usager. Cette obligation de présence physique est maintenue car elle permet d'informer l'intéressé sur son droit à la domiciliation et sur les obligations qui en découlent.
L'entretien doit également permettre de sensibiliser la personne sur le fait qu'il est important de retirer son courrier régulièrement. En effet, il est indispensable pour le maintien des droits que la personne puisse venir chercher son courrier et y répondre. Enfin, la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté supprime l'obligation du rattachement pour les gens du voyage, qui seront domiciliés pendant deux ans de plein droit dans le CCAS de leur commune de rattachement s'ils ne sont pas domiciliés par ailleurs.
Les schémas départementaux de la domiciliation que vous mentionnez et qui visent notamment à garantir une couverture uniforme du territoire par les organismes de domiciliation ont fait l'objet d'une instruction du Premier ministre en juillet 2016. Celle-ci a porté ses fruits, puisqu'au 31 décembre 2016, 99 départements avaient finalisé ou engagé leur schéma de la domiciliation. Seuls deux d'entre eux n'avaient pas encore lancé la démarche. Je tenais à vous donner la primeur de ces chiffres.
Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Nos collègues Gisèle Biémouret et Jean-Louis Costes ont remis, le 26 octobre dernier, un rapport intitulé : « L'accès aux droits sociaux : un objectif majeur de lutte contre l'exclusion ». Nous avons examiné leurs conclusions, très utiles, en commission des affaires sociales. Ils ont rappelé leurs objectifs : mieux connaître les phénomènes de non-recours, informer davantage sur les droits, mais aussi réformer les prestations pour en simplifier l'accès.
Nos collègues ont aussi insisté sur la gouvernance. Ils évoquent une répartition des rôles trop floue, un foisonnement d'interlocuteurs dommageable, des organismes de protection sociale souvent en proie à des injonctions contradictoires. Plus grave, ils insistent sur la difficulté d'obtenir des indicateurs fiables, lesquels sont pourtant indispensables à la prise de décision. Parmi les propositions retenues, notons encore les efforts à consentir en matière de domiciliation, d'accès au numérique, outil d'inclusion sociale, mais aussi et surtout la nécessité d'un accompagnement personnalisé. Tout ceci ira dans le bon sens, dès lors que le constat est partagé – il semble que ce soit le cas – et qu'une volonté politique nationale trouvera sa déclinaison concrète dans les territoires.
Au-delà de la nécessité d'améliorer le recours aux droits, qui pourra faire consensus parmi nous, c'est la question des minima sociaux eux-mêmes qui est posée. Dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle, le débat est ouvert, singulièrement à gauche. J'ai entendu M. Valls proposer un minimum décent de 800 à 850 euros, M. Hamon défendre un revenu universel de 600 euros, que M. Valls critique en évoquant la société du farniente. Quant à M. Macron, il semble encore réfléchir.
Mme Catherine Lemorton. Il marche en réfléchissant !
Mme Isabelle Le Callennec. Aucun ne précise comment il compte financer des mesures aussi démagogiques, dont le coût atteindrait plusieurs centaines de milliards d'euros. Pour ce qui nous concerne, notre candidat, François Fillon, a opté pour une solution simple, réaliste, réalisable et juste socialement : une allocation sociale unique, qui fusionnerait, entre autres, le RSA, l'ASS et la nouvelle prime d'activité, dont vous venez de rappeler, madame la secrétaire d'État, qu'elle concerne désormais 3,7 millions de foyers.
Dans ce débat qui s'ouvre, ma question est simple : quel est votre avis sur les propositions faites par les différents candidats à la présidentielle ? Privilégiez-vous une fusion des minima sociaux ? Vous avez rappelé les préconisations du rapport de M. Sirugue, mais il existe d'autres propositions.
Mme Catherine Lemorton. Ce n'est pas le lieu pour poser cette question ! Vous aurez la réponse en suivant le débat des primaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Madame la députée, vous demandez au Gouvernement son avis sur les différentes propositions en matière de minima sociaux faites dans le cadre de la campagne présidentielle.
Le Gouvernement est chaque jour au travail depuis près de cinq ans, non pas pour formuler des propositions, mais pour mener des actions concrètes, et nous continuerons de le faire jusqu'au terme du mandat que les Français nous ont donné. C'est la raison pour laquelle j'ai pris le temps, lors de mon intervention liminaire, d'expliquer en détail les simplifications auxquelles nous procédons pour permettre à nos concitoyens un meilleur accès aux minima sociaux.
En effet, ce que les Français souhaitent, c'est un système simple, lisible et accessible. Cet objectif me semble d'ailleurs partagé par l'ensemble de la représentation nationale mais encore faut-il le traduire en actions concrètes.
C'est ce que nous faisons en dématérialisant les échanges, notamment entre les caisses et les différents ministères car s'il est bon de demander au public de formuler les demandes par voie numérique, c'est aux administrations de montrer l'exemple en la matière afin que les administrés n'aient plus à fournir à chaque administration les mêmes informations. De ce point de vue la mise en place du portail national des droits sociaux sera une avancée majeure en ce qu'il permettra à chacun de connaître ses droits. À terme, il contiendra l'ensemble des formulaires et le simulateur. Chacun pourra ainsi connaître ce à quoi il a droit, le montant et la durée de ses droits. C'est quelque chose qui n'a jamais été fait.
Vous voyez, madame la députée, je travaille dans une optique pragmatique et réaliste et je continuerai jusqu'au bout de ce mandat.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Gosselin. Je tiens à remercier nos collègues pour leur très intéressant rapport. Ma question, plus ciblée, concerne l'accès au droit à l'insertion pour les personnes en situation de handicap. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais vous interroger sur un certain nombre de manœuvres budgétaires – je crois qu'il n'y a pas d'autre terme – réalisées au détriment de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Il s'agit bien aussi de droits sociaux spécifiques.
Depuis 2013, les deux fonds chargés de cette mission d'insertion, le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – FIPHFP – et l'association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées – l'AGEFIPH – ont vu leurs ressources diminuer, à la suite de plusieurs décisions du Gouvernement. Ces ressources, qui garantissent les capacités d'investissement, d'aides et l'accès effectif à un certain nombre de droits, sont constituées des amendes versées par les employeurs qui ne respectent pas l'obligation légale d'atteindre un seuil de 6 % d'employés en situation de handicap. Or le Gouvernement a réalisé des ponctions sur ces ressources et consenti de massives exonérations de ces amendes.
Ainsi, depuis 2013, 29 millions d'euros par an ont été ponctionnés sur le FIPHFP et le l'AGEFIPH pour financer des emplois aidés, qui sont certes importants, mais nullement destinés spécifiquement à des personnes handicapées.
En août dernier, avec l'aval du ministère des finances, le ministère de l'éducation nationale a exonéré les établissements universitaires d'une partie des amendes dont ils devaient pourtant s'acquitter parce qu'ils ne respectaient pas ce seuil de 6 %. Les 45 millions d'euros qui auraient dû être encaissés ont été réduits à 15 millions d'euros, soit un manque à gagner de 30 millions pour ces deux fonds. Cette somme sera consacrée à la sécurité des établissements universitaires, qui est certes importante par les temps qui courent, mais qui ne doit pas être assurée au détriment de la politique d'insertion des personnes handicapées.
Dans le contexte actuel, pouvez-vous nous indiquer comment ces ponctions seront compensées et quelles ressources nouvelles pourraient être apportées à ces deux fonds, afin de favoriser réellement un accès à ce droit très spécifique des personnes handicapées ? Il est bon de dénoncer l'insuffisance du recours à certains droits mais encore faut-il que les fonds destinés à assurer l'effectivité de ces droits ne soient pas ponctionnés pour financer d'autres politiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le député, à question précise, réponse précise.
M. Philippe Gosselin. Je n'en attends pas moins !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le prélèvement de 29 millions d'euros sur le FIPHFP et l'AGEFIPH sur les trois dernières années était destiné à financer des emplois aidés de travailleurs en situation de handicap.
M. Philippe Gosselin. Pas seulement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Si ! Les chiffres en témoignent : le nombre de personnes handicapées en contrat aidé est passé de 44 314 en 2014 à un peu plus de 50 000 en 2015. La proportion de personnes handicapées dans le nombre total de bénéficiaires de contrats aidés a donc fortement augmenté pendant cette période. Les gestionnaires de ces fonds eux-mêmes n'ont pas contesté ces mesures.
S'agissant de la prolongation pour un an de l'exonération partielle des universités qui ne remplissent pas leurs obligations d'employer 6 % de travailleurs handicapés, je tiens à rectifier votre propos : la somme en jeu est de 12,7 millions d'euros. C'est ce Gouvernement qui a choisi, en 2015, de rendre les universités redevables d'une contribution au FIPHFP. Peut-être l'ignorez-vous, mais elles en étaient jusqu'ici totalement exemptées.
M. Philippe Gosselin. Nous sommes d'accord !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En outre, si deux universités seulement avaient adopté leur schéma directeur handicap en janvier 2014, elles étaient vingt-cinq en avril 2016, soit un tiers des universités.
Je voudrais ajouter quelques précisions quant aux ressources de ces fonds. Les dépenses d'intervention du FIPHFP étaient de 127 millions en 2012, contre 172 millions en 2016. On voit bien que ses capacités n'ont pas été obérées.
L'AGEFIPH qui, quant à elle, dépensait 382 millions pour les travailleurs handicapés en 2005, en a dépensé 455 millions en 2016. Les droits sociaux des travailleurs handicapés n'ont donc pas été mis en danger par la soustraction de ces 29 millions d'euros. Les travailleurs handicapés étant de plus en plus nombreux à être employés à la fois dans la fonction publique et dans les entreprises assujetties, les ressources des fonds diminuent en conséquence. Entre 2010 et 2015, les contributions au FIPHFP sont passées de 164 millions à 126 millions, et celles à l'AGEFIPH de 439 millions à 402 millions.
Plus de dépenses et moins de recettes : c'est ce qu'on appelle un « effet ciseaux », qui s'explique par le dynamisme de notre politique en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Les fonds ont donc dû puiser dans leurs réserves. C'est ce modèle de financement qui doit donc être repensé. Nous avons évoqué la question lors du comité interministériel du handicap qui s'est tenu le 2 décembre dernier : il nous faut travailler avec les fonds à la recherche d'un nouveau mode de financement pérenne. Il est certain que des mesures en ce sens devront être votées dans le cadre des lois budgétaires pour 2018.
Mme la présidente. Nous passons à une question du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Le rapport de nos collègues sur l'accès aux droits sociaux souligne que l'action publique est traversée par deux logiques potentiellement contradictoires : la lutte contre le non-recours et la lutte contre la fraude, ce qui révèle la difficulté de l'administration à appréhender les situations et les motivations des usagers auxquels elle s'adresse.
Une des pistes avancées par le rapport pour concilier ces deux logiques est de faire de l'inclusion numérique un outil d'accès aux droits sociaux et de contrôle accru des prestations allouées. Même si nous sommes bien conscients du défi technique que représente la mise en place d'un tel dispositif, elle nous apparaît aussi urgente qu'essentielle.
Dans cette perspective, madame la secrétaire d'État, ma première question sera très précise : le stockage en un seul lieu virtuel des documents personnels utiles à l'ouverture de différents droits, désigné par le rapport comme un « coffre-fort numérique » pourrait-il s'articuler à terme avec l'interface numérique du compte personnel d'activité mise en place par cette majorité ?
Vous avez également évoqué le ras-le-bol de nos compatriotes – notamment des plus fragiles et des plus en difficulté –, obligés, dans leurs relations avec les différentes administrations, de devoir à plusieurs reprises fournir les mêmes pièces justificatives et expliquer leur situation. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique ayant vocation à développer le principe du « dites-le nous une fois », quelles mesures ont été prises pour faciliter les relations des usagers avec l'administration et le transfert des pièces justificatives de leurs demandes de droits sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous avez compris que le Gouvernement veut systématiser les services en ligne tout en maintenant la possibilité de recourir au format papier, comme je l'ai déjà souligné plusieurs fois. C'est ainsi qu'à compter du 21 février prochain les demandes de RSA pourront être réalisées en ligne. Les demandeurs sauront immédiatement s'ils remplissent les conditions pour l'obtenir et connaîtront le montant de leur prestation. Le service en ligne permettra également de disposer de l'accompagnement lié au bénéfice du RSA.
Dès le début de cette année, les assurés sociaux pourront progressivement, en fonction de leur statut, accéder à un nouveau portail numérique qui leur fournira une information personnalisée sur leurs droits sociaux et une simulation transversale de leurs droits. Ce portail numérique s'enrichira au cours des prochains mois de nouvelles fonctionnalités, notamment en matière de prestations logement dès le mois de juin.
S'agissant du principe « dites-le nous une fois », la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a été l'occasion de le renforcer en l'inscrivant dans le code de la sécurité sociale. Avant l'été prochain, les organismes de sécurité sociale pourront vérifier directement auprès du ministère de l'intérieur que les assurés étrangers sont en situation régulière au regard du droit du séjour. Des discussions sont en cours avec l'administration fiscale pour échanger des informations sur les ressources, le patrimoine et la composition des foyers, afin d'éviter aux assurés d'avoir à fournir de nombreuses pièces justificatives.
Enfin, la loi « Travail » fixe pour objectif d'ouvrir dès le début de l'année 2017 le portail des droits sociaux et celui du compte personnel d'activité. Le portail numérique des droits sociaux est un point d'entrée unifié à l'ensemble des droits sociaux d'un individu. Quant à l'interface numérique du compte personnel d'activité, elle permet de consulter ses droits à la formation et de bénéficier gratuitement de services personnalisés pour construire son parcours professionnel.
Ces deux services numériques sont complémentaires puisque le portail numérique des droits sociaux couvre le champ de la protection sociale en y associant les droits au chômage et que le compte personnel d'activité vise les droits à la formation largement compris. Les deux services renverront l'un vers l'autre : chaque utilisateur pourra donc naviguer de manière fluide entre les deux services sans avoir besoin de se reconnecter. L'objectif à terme est d'éviter d'avoir à entrer de nouveau un mot de passe lorsqu'on passera du site d'une caisse à celui d'une autre. Il sera possible de passer d'un site à un autre site, ce qui est, je crois, conforme à votre souhait.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jean-Pierre Maggi. Madame la question, il convient d'aborder la question du manque d'accès aux droits sociaux. En effet, une part non négligeable de nos concitoyens n'engage ou n'achève pas les démarches permettant d'obtenir leurs droits sociaux, notamment en raison d'une procédure administrative très lourde. Comme cela a été dit, chaque année ce sont quelque cinq milliards d'euros qui ne sont pas versés au titre du RSA à ceux qui pourraient en bénéficier.
En outre, une récente étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, indique que ceux qui touchent des allocations sociales peuvent vivre parfois avec moins de 330 euros par mois, soit onze euros par jour, une fois les factures acquittées et les dépenses alimentaires effectuées. Notons que ces calculs s'appuient sur des données de 2012. Le reste à vivre peut varier du simple au double selon les situations. L'étude de la DREES indique en effet que des bénéficiaires peuvent percevoir un total médian de dix-neuf euros par jour avec l'allocation aux adultes handicapés, tandis que ceux qui perçoivent le revenu de solidarité active vivent avec huit euros par jour – autant dire presque rien.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les politiques d'information mises en place par le Gouvernement sous ce quinquennat. Pourriez-vous nous expliquer comment le Gouvernement a concrétisé sa volonté de mieux informer le citoyen afin de lui permettre de voir sa demande de prestations sociales aboutir ? Pouvez-vous également indiquer à la représentation nationale les mesures qui, dans le cadre de la simplification demandée par le Président de la République, ont été prises par le Gouvernement pour faciliter l'accès aux droits auxquels chacun peut prétendre en fonction de sa situation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le député, vous avez souligné le fait que de nombreux citoyens ne se retrouvent pas dans le maquis administratif : les démarches sont trop compliquées, notamment en raison du nombre des pièces à fournir et des administrations à contacter. C'est pourquoi, outre les mesures de simplification que j'ai déjà détaillées concernant les minima sociaux, des actions ont été menées pour permettre de demander certaines prestations par voie dématérialisée.
Il ne faut pas non plus oublier une chose essentielle, que vous avez soulignée, à savoir l'accueil humain et l'accompagnement social personnalisé, qui ont fait l'objet de notre réflexion dans le cadre de la construction du plan d'action pour la promotion du travail social et du développement social. Il a été décidé de mettre en œuvre un premier accueil social inconditionnel de proximité. En effet, nos concitoyens, qu'ils soient en butte à un grave problème social ou qu'ils aient simplement une question à poser ou un conseil à demander, ignorent le plus souvent où s'adresser. Ils ont besoin, en matière sociale, d'un guichet généraliste.
Tel est l'objet du premier accueil social inconditionnel de proximité. L'idée n'est pas d'ajouter une nouvelle structure à toutes celles qui existent déjà sur tout le territoire. Il s'agit de faire en sorte que le conseil départemental établisse, en lien avec le préfet, un plan des structures prêtes à réaliser ce premier accueil social inconditionnel de proximité, qu'il s'agisse des centres communaux d'action sociale, des associations ou du conseil départemental.
Une instruction en ce sens a été diffusée en juillet dernier et un guide a été réalisé – il est en cours de diffusion –, en vue de permettre une labellisation de ces accueils. Nos concitoyens sauront enfin où s'adresser pour consulter un travailleur social généraliste, capable de les orienter vers le bon service administratif ou un autre travailleur social.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Je ne reviendrai ni sur la qualité du rapport ni sur l'intérêt, réel, de nos échanges. Je tiens à vous interroger, madame la secrétaire d'État, sur une proposition importante du rapport : celle qui vise à confier aux conseils départementaux la gouvernance de l'accès aux minima sociaux.
Si j'adhère à l'analyse qui met en exergue la pluralité des acteurs, les difficultés de communication qui peuvent exister entre eux et les méandres administratifs dans lesquels les usagers peuvent se perdre, la proposition qui vise à faire des départements les chefs de file de la lutte contre l'exclusion ne laisse pas de m'interroger.
La mise en œuvre de la réforme du droit d'asile, entrée en vigueur le 1er novembre 2015, a été expérimentée dans ma circonscription de Nanterre. Cette réforme confie aux départements la gouvernance de l'accueil des réfugiés. Je dois avouer que le résultat n'est pas très enthousiasmant, puisque c'est finalement une structure privée qui gère l'accueil des réfugiés. Nous avons assisté à l'installation de tentes pour abriter de nuit comme de jour de longues files d'attente.
Outre la centralisation géographique, qui me paraît préjudiciable aux usagers du fait de l'étendue des territoires, la centralisation administrative risque de rendre impossible la tâche de répondre à l'éventail de demandes souvent complexes, dont le traitement exige à la fois des compétences humaines, des moyens financiers et une harmonisation des orientations politiques et des pratiques.
Je crains qu'une fois de plus, sous le prétexte de le rationaliser, on ne diminue la qualité et l'efficacité du service public. C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais que vous m'indiquiez votre sentiment quant à cette proposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Madame la députée, malgré tous les débats sur l'organisation territoriale de la France et les critiques que nous entendons parfois à ce sujet, nous avons la chance d'avoir à la fois un État fort et des collectivités territoriales de proximité. Le fait que les départements soient les chefs de file en matière d'action sociale est une réalité que personne ici ne conteste. l'État reste cependant le garant de l'effectivité des droits et de l'égalité sur l'ensemble du territoire.
Certes, nos concitoyens ont affaire à de nombreux guichets et administrations, mais n'allons pas imaginer que la suppression des compétences sociales d'un certain nombre d'entre eux simplifierait les choses ! Au contraire, la complémentarité entre les départements, les communes, qui disposent de certaines compétences sociales, les intercommunalités et l'État, qui coordonne l'ensemble du dispositif, est une bonne chose car elle garantit la mobilisation de toutes ces collectivités dans la lutte contre l'exclusion.
Néanmoins, le Gouvernement a souhaité aider les départements et, plus encore, contractualiser avec eux afin de renforcer leur politique de lutte contre l'exclusion. C'est tout le sens du fonds d'appui aux politiques d'insertion, doté de cinquante millions d'euros destinés aux départements et mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2017 qui vient d'être adoptée. Dans ce cadre, chaque département est invité, s'il le souhaite, à contractualiser avec l'État, notamment pour mettre en œuvre le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, dont le fil conducteur est justement la lutte contre le non-recours.
Ainsi, les départements ont un rôle essentiel à jouer, non seulement comme chefs de file en matière d'action sociale, mais aussi parce qu'ils vont être invités à contractualiser avec l'État dans ce domaine. Ils doivent évidemment agir en concertation avec l'ensemble des autres acteurs, qu'il s'agisse des collectivités, des associations ou de l'État qui garantit l'égalité sur l'ensemble du territoire national.
Mme la présidente. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 12 janvier 2017