Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur la situation de l'hôpital, organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen.
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Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait le choix d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat ce débat consacré à la situation de l'hôpital public dans notre pays. Je vous en remercie, car c'est un sujet au cur des préoccupations de nos concitoyens, notamment en cette année marquée par des échéances électorales majeures à l'occasion desquelles chacun devra exprimer des positions politiques claires.
Sur ce point, la position du Gouvernement et de notre majorité à l'égard de l'hôpital public n'a jamais changé depuis 2012. Nous n'avons eu de cesse de montrer notre attachement à cette institution et à ses valeurs, qui sont celles de la République.
Soigner tout le monde sans exclusion, dans l'excellence, y compris ceux qui n'ont rien ou qui sont à la rue, au quotidien comme dans les circonstances exceptionnelles je pense à l'actuelle épidémie de grippe Oui, l'hôpital public incarne la République sociale, qui est l'un des fondements de notre identité collective. Ces valeurs nécessitent des choix politiques, qui doivent être régulièrement réaffirmés.
Je vais citer des éléments concrets et précis en vue de répondre aux questions qui ont été posées. Je comprends que les échéances électorales vous incitent dans certains cas, mesdames, messieurs les sénateurs, à afficher vos différences, mais je ne peux pas vous laisser dire des choses inexactes.
Dire que ce gouvernement a « marchandisé » la santé et qu'il a considéré l'hôpital comme une entreprise privée, c'est dire quelque chose qui est faux !
Dire que 57 000 lits ont été supprimés en onze ans, c'est partiellement vrai ; ou plutôt, devrais-je dire, ces chiffres sont exacts, mais vous en oubliez d'autres. Toutefois, peut-être le faites-vous sciemment !
En effet, les chiffres que vous avez cités renvoient en réalité aux suppressions de lits depuis 2004 ; vous auriez dû le préciser. Par ailleurs, il ne s'agit pas de lits de médecine, mais, dans l'immense majorité des cas, de lits de chirurgie et d'unités de soins de longue durée. On peut trouver que cette mesure était bonne ou mauvaise, mais la moindre des choses est de préciser de quoi l'on parle !
La réalité des chiffres est la suivante : depuis 2012, nous avons créé 2 500 lits de médecine et 2 800 lits de soins de suite et de réadaptation, ces fameux lits « d'aval » qui permettent d'éviter l'embolie des services d'urgence et de l'hôpital public.
Mme Laurence Cohen. Tout va bien, donc !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je n'ai pas dit cela, madame la sénatrice ! Je dis seulement qu'il faut donner tous les chiffres et les expliquer.
M. Jean Desessard. On ne comprend rien à vos chiffres !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous avez parlé, je le répète, de marchandisation de l'hôpital. Or c'est tout le contraire : nous avons redonné à l'hôpital public la place qu'il mérite dans notre système de santé.
Nous avons, tout d'abord, réintroduit le service public hospitalier dans la loi, non par idéologie ou par dogmatisme, mais parce que ce service public est une garantie pour l'ensemble des Français, les patients et les professionnels. C'est une garantie d'égalité d'accès aux soins, quels que soient les revenus des personnes, leurs pathologies, les soins nécessaires, une garantie de non-sélection des patients, de permanence des soins, quelles que soient les circonstances, de réponse à l'urgence, de soins de qualité pour tous.
Je dois le rappeler, la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, adoptée sous le quinquennat précédent, avait démantelé le service public hospitalier en le divisant en différentes « missions » que les établissements pouvaient choisir « à la carte ».
Avec la loi de modernisation de notre système de santé, le service public hospitalier a été rétabli en un bloc indissociable, qui engage donc pleinement les établissements assurant ce service public. Un principe fondateur a été réaffirmé dans ce texte.
Pour préserver et renforcer le service public, une décision essentielle a été prise dès 2012 : la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé. Cela peut paraître technique, mais chacun ici sait bien de quoi il retourne.
La précédente majorité avait décidé qu'il fallait rémunérer exactement de la même façon, avec les mêmes tarifs, les hôpitaux publics et les hôpitaux privés à but lucratif. Or les premiers assument des missions qui ne font pas partie des prérogatives des seconds. Je pense, en particulier, à l'accueil de tous, sans distinction, y compris des personnes les plus précaires, à des tarifs accessibles.
Dès notre arrivée aux responsabilités, j'y insiste, nous avons pris la décision de supprimer la convergence tarifaire. J'ai l'impression que beaucoup d'entre vous l'ont oublié !
Pour ce qui concerne l'accueil des plus précaires, sujet qui vous préoccupe particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle qu'il existe des financements fléchés pour les hôpitaux qui assument cette mission d'intérêt général, ou MIG.
Mme Aline Archimbaud a évoqué le problème du non-recours à la CMUC. Je veux lui indiquer que d'ici quelques mois, tous les demandeurs du RSA socle bénéficieront automatiquement de la CMUC, grâce à la modernisation des systèmes informatiques des différentes caisses.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Toujours dans l'objectif de renforcer le service public hospitalier, nous avons remis en cause le « tout T2A », c'est-à-dire le financement exclusif à l'activité engagé par la précédente majorité, qui n'est manifestement pas adapté à l'ensemble des spécialités et des missions de l'hôpital. Nous avons donc engagé un mouvement irréversible de réformes.
Un financement des activités isolées a ainsi été instauré depuis 2014. Cela signifie concrètement que les établissements isolés qui assurent des activités à un volume peu élevé, mais dont le maintien est indispensable à la population je pense, bien sûr, en premier lieu, aux établissements des territoires ruraux bénéficient désormais d'une part de financement fixe permettant de sécuriser leur fonctionnement. Situés dans des territoires où la population n'est pas nombreuse, ces établissements ne peuvent pas avoir plus d'activité !
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. De plus, un mode de financement spécifique pour les hôpitaux de proximité a été mis en place depuis 2015. Il s'agit de la dotation modulée à l'activité, qui permet aux établissements de proximité assurant leurs missions au sein de territoires fragiles de bénéficier d'une part fixe de financement. À ce jour, 243 établissements bénéficient de ce mode de financement spécifique.
Ce mouvement s'est poursuivi avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, qui a permis d'adopter un certain nombre des propositions formulées par Olivier Véran dans son rapport. Concrètement, ces mesures permettront de sécuriser le financement de certaines spécialités peu compatibles avec la tarification à l'activité.
Je veux parler de la mise en place d'une dotation modulée pour les activités de soins critiques : réanimation, soins intensifs, surveillance continue.
Je veux également parler de la création d'une prestation intermédiaire, entre l'hospitalisation de jour et la consultation externe, afin de mieux valoriser les soins pluriprofessionnels et pluridisciplinaires mis en uvre. Par exemple, le fait qu'un patient vienne à l'hôpital consulter un médecin, mais aussi un psychologue, un diététicien, un assistant social pourra être valorisé dans ce système de tarification. C'était une demande forte de l'ensemble des professionnels de santé, et cela a été fait.
Bien sûr, d'autres recommandations seront déployées dans le cadre de la prochaine campagne tarifaire, au-delà des modifications opérées dans la loi. C'est le cas notamment de l'adaptation des règles de financement des soins palliatifs, en cours de concertation avec les professionnels.
La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a aussi uvré pour renforcer l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire.
Évidemment, je sais bien qu'il y a encore des inégalités,
Mme Laurence Cohen. Il y en a encore beaucoup !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. que, sur certains territoires, les hôpitaux sont plus éloignés, les médecins généralistes, moins nombreux, etc.
Néanmoins, une réforme extrêmement importante a été mise en uvre pendant ce quinquennat : la création des groupements hospitaliers de territoire, les GHT.
Mme Éliane Assassi. Parlons-en !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Pourquoi cette création ? Parce que le service public hospitalier est plus fort quand les hôpitaux travaillent ensemble. C'est simple à comprendre, (Non ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ne soyez pas simpliste ! Venez en Seine-Saint-Denis ; vous verrez
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. et c'est tout le sens de la réforme qui a été conduite.
En rendant obligatoires les coopérations entre établissements publics de santé, ces groupements permettent de disposer d'ensembles cohérents, qui garantissent des parcours de soins hospitaliers.
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas vrai !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Laissez-les se mettre en place, madame la sénatrice !
Les GHT permettent d'ores et déjà la mise en place de filières territoriales de prise en charge et l'instauration d'équipes médicales de territoire, autour d'un projet médical partagé.
On compte déjà aujourd'hui 135 groupements hospitaliers de territoire. Chacun a mis en place les grandes lignes de son projet médical partagé, que les GHT peuvent finaliser jusqu'au 1er juillet 2017.
Faire en sorte que les hôpitaux travaillent ensemble, que les équipes travaillent ensemble pour être complémentaires, est tout de même positif !
Mme Éliane Assassi. Venez sur le terrain !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Jusqu'à présent, cela ne se faisait pas ou, du moins, pas assez.
M. Alain Milon. Cela ne se faisait pas assez !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je veux revenir sur la psychiatrie, que plusieurs d'entre vous ont évoquée.
Michel Laforcade, dont le rapport a été cité, a fait un travail remarquable. Il a travaillé en collaboration étroite avec les professionnels de la psychiatrie. À vrai dire, j'ignore pourquoi vous l'accablez avec de telles attaques
Mme Éliane Assassi. Oh !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le fil conducteur de son rapport est précisément d'améliorer l'accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques, en partant d'un principe simple : la santé mentale est un sujet de société, et pas seulement un sujet sanitaire.
Ce rapport défend notamment la création d'équipes mobiles de psychiatrie. On voit bien que l'on en a besoin ! La psychiatrie ne peut pas rester à l'intérieur de l'hôpital psychiatrique. (Mme Laurence Cohen s'exclame.) On compte à ce jour 120 équipes mobiles psychiatrie précarité, indispensables quand on sait que 30 % des personnes en très grande précarité, notamment des personnes à la rue, souffrent de troubles psychiques.
Dans son rapport, Michel Laforcade suggérait également de généraliser l'expérimentation « Un toit d'abord », qui a très bien montré, étude scientifique à l'appui, que loger de façon durable les personnes souffrant de troubles psychiques permet d'améliorer leur état de santé et d'éviter un nombre considérable d'hospitalisations. Nous venons de le faire.
Faire en sorte que toute la société se sente concernée par les questions de santé mentale, c'est aussi tout le sens de la création, par la ministre des affaires sociales et de la santé, du Conseil national de la santé mentale, où se côtoient des professionnels d'horizons très différents et qui est même présidé par un sociologue. (Mme Laurence Cohen s'exclame.)
Je veux maintenant revenir à l'hôpital et évoquer un certain nombre de chiffres.
Depuis 2012, le Gouvernement a innové pour construire l'hôpital de demain et lui permettre de répondre à un certain nombre de défis.
J'aimerais que l'on me dise où est l'austérité ! Les moyens de l'hôpital public ont augmenté de 10 milliards d'euros depuis 2012. On peut considérer que ce n'est pas assez, mais on ne peut pas dire que les moyens diminuent ! (Si ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Les moyens n'ont jamais été aussi faibles !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, cette progression du budget de l'hôpital illustre l'importance que nous accordons à ce secteur, pour assurer son développement, en termes d'investissements, bien sûr, mais aussi de personnels (Mme Laurence Cohen s'exclame.) et d'équipements.
C'est bien de donner davantage de moyens, mais cela ne suffit pas : il faut également assurer la soutenabilité financière des investissements hospitaliers. C'est ce que nous avons fait. Nous avons notamment su mettre fin à des dérives qui avaient pu aboutir à des projets surdimensionnés il faut savoir parler vrai , dont les coûts, en particulier de fonctionnement, n'étaient absolument pas maîtrisés. La dette des hôpitaux, qui avait triplé entre 2003 et 2012, est maintenant stabilisée.
M. Alain Milon. C'est le plan Hôpital !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Des plans d'investissements réalistes et soutenables ont été lancés, pour permettre aux hôpitaux de se moderniser, ce qui est indispensable. C'est une exigence à la fois pour les patients et pour les professionnels qui y travaillent. Mais, désormais, ces investissements ne mettent plus en danger l'avenir des hôpitaux.
Dans cet esprit, Marisol Touraine a fixé, dès 2012, une trajectoire pour dix ans, qui a d'ores et déjà permis de financer quarante projets d'investissement, pour un montant d'aide dépassant 2 milliards d'euros. Un nouveau plan d'investissement de 2 milliards d'euros, lancé au mois de mai dernier, permettra de poursuivre cet effort. Au total, 4 milliards d'euros auront donc été engagés.
J'ajoute qu'un fonds de 400 millions d'euros avait été créé pour permettre aux hôpitaux concernés de sortir des difficultés liées aux emprunts toxiques qu'ils avaient contractés. Tout le monde semble l'avoir oublié
Monsieur Milon, j'entends vos souhaits sur le niveau d'investissement hospitalier, mais je dois vous dire, même si vous avez pris soin de préciser que vous les exprimiez à titre personnel, qu'ils sont peu compatibles avec les économies que votre candidat à l'élection présidentielle, M. Fillon, entend faire sur la santé.
M. Alain Milon. On en reparlera !
M. Michel Amiel. Ah !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Mais je ne doute pas que vous saurez le faire infléchir son programme ! Au reste, ce ne serait pas la première fois qu'il infléchit ses propositions initiales
M. Jean Desessard. Cela n'arrive jamais aux socialistes ?
Mme Éliane Assassi. Non ! Ils tiennent tous leurs engagements (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je veux maintenant vous parler du numérique, sujet que vous avez tous évoqué.
Il est vrai que l'hôpital doit s'approprier l'usage du numérique. Il le fait ! Ainsi, à l'heure actuelle, plus de 80 % des établissements ont informatisé les dossiers patients. Ce taux est quand même très important ! Celles et ceux qui, ici, ont, de près ou de loin, travaillé dans un hôpital savent que telle n'était pas la situation il y a une quinzaine d'années, et même voilà dix ou cinq ans. Par ailleurs, 70 % des hôpitaux ont dématérialisé la consultation de résultats d'analyses biologiques et 500 établissements ont sollicité et obtenu un soutien financier à travers le programme Hôpital numérique.
L'usage du numérique à l'hôpital, c'est aussi le développement de la télémédecine, pour permettre aux professionnels de se projeter au-delà des murs de leur hôpital et de mieux collaborer avec les hôpitaux de proximité, les centres spécialisés parfois même à l'étranger et, plus généralement, tous les collègues en ville. L'enveloppe de 90 millions d'euros qui a été dédiée à la télémédecine a permis d'amplifier cette dynamique.
La révolution numérique à l'hôpital, c'est enfin la médecine personnalisée. Pour la soutenir, nous avons doté notre pays d'un programme unique au monde, doté de 60 millions d'euros, pour permettre le séquençage de l'ensemble des cancers, donc la personnalisation des traitements. En 2018, nous analyserons ainsi six fois plus de tumeurs qu'aujourd'hui.
Un hôpital moderne, c'est aussi un hôpital qui s'ouvre aux patients, qui sont des citoyens. C'est bien légitime ! Les patients veulent comprendre. Ils veulent accéder à l'information. Ils veulent pouvoir se défendre. Ils veulent participer à l'élaboration des politiques de santé.
C'est pourquoi nous avons renforcé leurs droits et amélioré leur représentation à tous les niveaux du système de santé. Bien sûr, l'hôpital doit être au cur de cette évolution. C'est pourquoi nous avons augmenté le temps consacré à l'information du patient, notamment avec la création de la lettre de liaison, remise au patient par un médecin le jour de sa sortie de l'hôpital. Cette lettre explique les tenants et les aboutissants de l'hospitalisation, à l'attention du médecin traitant.
Nous avons également permis aux patients d'être mieux représentés au sein des instances des hôpitaux, dans les conseils de surveillance comme dans tous les comités.
Enfin, j'en viens au personnel hospitalier. Je veux dire que, malgré le contexte budgétaire contraint, ce sont 31 000 personnes de plus 3 000 médecins et 28 000 professionnels paramédicaux qui travaillent à l'hôpital depuis 2012. (Mme Laurence Cohen s'exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, j'ai entendu tout à l'heure, à la télévision, des représentants de votre parti évoquer la suppression de 22 000 postes à l'hôpital. Je veux le dire très officiellement et très tranquillement : ce chiffre est faux. Je ne sais pas du tout où vous l'avez trouvé ! La réalité, c'est qu'il y a, aujourd'hui, 31 000 postes de plus à l'hôpital public qu'en 2012. Pour autant, je ne dis pas que c'est suffisant. Je ne dis pas que tous les professionnels de santé qui travaillent à l'hôpital estiment que tous les problèmes sont résolus.
Mme Laurence Cohen. D'où vient ce chiffre ? On ne le connaît pas !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. C'est le chiffre officiel, qui correspond à la réalité.
M. Jean Desessard. Il nous avait été réservé pour notre débat de cet après-midi
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Oui, travailler à l'hôpital est difficile. Chacun le sait, les professionnels les premiers ! En général, ce sont des passionnés.
Sur les conditions de travail des praticiens hospitaliers ou même des internes, je veux rappeler des réalités toutes simples.
Les praticiens hospitaliers, avant la loi sur les 35 heures, disposaient de cinq semaines de vacances par an. Savez-vous qu'aujourd'hui, avec les récupérations, ils en ont neuf ? Telle est la réalité.
Évidemment, ils ont énormément de travail en dehors de leurs congés, mais je ne peux pas vous laisser dire, à l'unanimité, que les conditions se dégradent de façon permanente. (Mme Annie David sourit et Mme Laurence Cohen s'exclame.) Bien sûr, on peut considérer qu'un certain nombre de choses ne sont pas satisfaisantes, mais il faut quand même reconnaître qu'il y a eu un des améliorations.
J'ai l'impression que plus personne ne se souvient qu'avant 2003 ceux qui faisaient des gardes à l'hôpital ne récupéraient pas ! Ils pouvaient travailler depuis huit ou neuf heures le matin jusqu'au lendemain dix-neuf heures, vingt heures ou vingt et une heures, nuit comprise ! Telle était la réalité jusqu'en 2003. Il est important de le rappeler.
Mme Annie David. Vous voulez y revenir ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Il faut donc reconnaître un certain nombre d'avancées, même si elles sont normales, légitimes et salutaires, non seulement pour les professionnels, mais aussi pour les patients.
Nous avons tenu à mieux reconnaître le travail hospitalier. Nous avons révisé la grille des agents de catégorie C j'ai l'impression que tout le monde l'a oublié aussi , avec une revalorisation, en deux ans, de 480 euros nets par an pour près de 420 000 agents. (M. Alain Milon s'exclame.) Nous avons également revalorisé la rémunération des infirmiers et des cadres de 250 à 500 euros par an, selon l'ancienneté.
Au-delà, Marisol Touraine a présenté voilà quelques semaines une stratégie nationale d'amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé, que Mme Génisson a évoquée. Cette stratégie traduit l'ambition de faire de la qualité de vie au travail une priorité politique, un fondement des organisations hospitalières, pour prendre soin de ceux qui nous soignent.
J'en profite pour indiquer que les 35 heures n'ont pas du tout été supprimées à l'AP-HP ! (Mme Annie David s'exclame.) Je ne sais pas d'où vient cette affirmation.
La stratégie présentée par Marisol Touraine est constituée d'un ensemble de mesures tendant à améliorer l'environnement et les conditions de travail des professionnels au quotidien, notamment l'inscription de la qualité de vie au travail dans tous les projets d'établissement on peut d'ailleurs trouver curieux que cela n'ait pas été fait plus tôt. Il y aura également désormais, dans chaque commission médicale d'établissement, une sous-commission dédiée à la qualité de vie au travail. Cela n'existait pas non plus jusqu'à présent. Le sujet n'était pas évoqué.
Bien évidemment, la stratégie vise aussi le renforcement de la sécurité des professionnels et une meilleure conciliation de leur vie privée et de leur vie professionnelle.
D'autres mesures sont prises pour améliorer la détection des risques psychosociaux. Je pense notamment à la généralisation des services pluridisciplinaires de santé au travail, incluant d'autres professionnels que des médecins du travail, comme des psychologues ou des assistants sociaux si cela existe d'ores et déjà, il y a encore des services de médecine du travail qui ne compte que des médecins , et à l'instauration de dispositifs d'écoute des professionnels en difficulté. (Mme Laurence Cohen s'exclame.) Je pense encore à une meilleure formation à l'encadrement de l'ensemble des responsables d'équipes, qu'elles soient médicales ou non.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'hôpital public a fait partie des priorités de ce quinquennat. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRC.) Il ne s'agit absolument pas de dire que toutes les difficultés ont été résolues en l'espace de cinq ans. Mais il faut reconnaître que l'hôpital public est plus fort qu'il ne l'était alors, ne serait-ce que parce que le service public hospitalier a été rétabli et parce que la convergence tarifaire a été supprimée.
L'hôpital public s'est structuré. Il a développé sa capacité à innover et il a aussi on le sait largement contribué au rétablissement de l'équilibre des comptes de l'assurance maladie.
Mme Laurence Cohen. Tel était le but !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je savais que vous alliez réagir !
Oui, l'hôpital public sort renforcé de ce quinquennat. À son égard, je refuse le pessimisme des uns et le catastrophisme des autres. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à dire que l'hôpital public est malade pas forcément pour les mêmes raisons, d'ailleurs. Oui, on peut avoir conscience des difficultés qui peuvent exister à l'hôpital public pour y avoir passé moi-même plus de vingt ans de ma vie, j'en ai une conscience aiguë , mais, pour ma part, je suis fière de l'hôpital public. Je suis fière de tous les professionnels qui s'engagent au quotidien à l'hôpital public. De fait, c'est plus qu'un métier : c'est un engagement.
Pour terminer, je veux vous assurer, alors que l'heure des échéances électorales et des choix approche, que, pour notre part, nous ferons tout pour préserver et pour renforcer l'hôpital public, qui est le pilier de notre système de santé. (Mme Catherine Génisson applaudit.)
Mme Laurence Cohen. Nous voulons des actes, pas des paroles !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation de l'hôpital.
Source http://www.senat.fr, le 18 janvier 2017