Texte intégral
Merci beaucoup Adel. Je veux remercier mon collègue et ami Adel al-Joubeir pour son accueil. Nous avons depuis près d'un an que j'ai pris mes fonctions de ministre des affaires étrangères souvent l'occasion d'échanger, de nous rencontrer, soit en rencontre bilatérale comme ici aujourd'hui où c'est ma première visite et à Paris très souvent, très régulièrement, et aussi dans beaucoup d'instances internationales. Cela révèle une qualité de dialogue, une confiance mais aussi une grande disponibilité chez mon partenaire Adel al-Joubeir.
Nous avons à nouveau abordé de nombreux sujets qui nous préoccupent aujourd'hui après la rencontre avec le Roi. En effet avec l'Arabie Saoudite, nous partageons beaucoup de choses. Nous avons une relation stratégique que nous voulons renforcer. Mais nous sommes aussi tous les deux déterminés à vaincre le terrorisme djihadiste et à continuer à apporter la paix dans la région frappée par les crises, dans tous les pays qui sont concernés par les crises. Dans la lutte contre le terrorisme, nous savons que nos deux pays sont menacés et qu'ils sont victimes du terrorisme. Et pour nous, la lutte contre le terrorisme, c'est d'abord une lutte contre Daech et contre Al-Qaida. J'ai rappelé aussi la nécessité d'une coopération dans la lutte contre la radicalisation qui est menée ici, que nous menons aussi dans notre société en France mais que nous devons mieux coordonner encore au niveau international. Il faut aussi éradiquer les réseaux. Ils existent. Ils n'ont pas disparu. Et puis aussi oeuvrer au tarissement des canaux de son financement. Dans le cadre de la coalition internationale un groupe de travail est coprésidé par l'Arabie Saoudite qui fait un travail très utile sur ce sujet.
J'ai vu aussi que nous avions une convergence de vue sur beaucoup de sujets. Je pense par exemple à la nécessité de libérer Mossoul qui est un des sanctuaires de Daech mais aussi de poursuivre cette lutte ensuite à Raqqa en Syrie. Je lui ai fait part de nos engagements opérationnels. Je lui ai fait part aussi de notre confiance dans la capacité des forces arabes à oeuvrer pour libérer ces villes. Mais au-delà du volet militaire - qui est important - si on veut une défaite durable de Daech, il importe également que les solutions apportées soient des solutions politiques, qui incluent l'ensemble des sociétés concernées dans leurs diversités. Cela vaut en particulier pour l'Irak où, si une partie de la communauté nationale n'est pas intégrée, insérée dans la gouvernance, alors les risques d'affrontement et de radicalisation demeurent.
La question de la réconciliation nationale est centrale pour nous, c'est une urgence et une nécessité en Irak. Quant à la Syrie, nous connaissons la situation terrible, dramatique avec ces centaines de milliers de morts, ces millions de réfugiés, ces personnes déplacées et un pays détruit. Nous voulons à tout prix obtenir un cessez-le feu durable, permettre aussi aux populations en souffrance de recevoir l'aide humanitaire et ensuite de tout faire pour arriver à une solution politique. Nous partageons la même vision. C'est la déclaration de Genève de 2012, c'est le cadre de la résolution 2254 du conseil de sécurité qui doit être la base de la transition politique. Alors, aujourd'hui il y a une réunion à Astana. Nous avons souhaité son succès au moins sur un point prioritaire, qui est la cessation effective des hostilités. Je ne sais pas s'il y aura un accord. En tout cas, nous le souhaitons. Mais par contre, ce que nous revendiquons, c'est que les négociations à Genève reprennent le plus vite possible, dans le cadre des Nations unies et sous l'égide des Nations unies.
Nous avons aussi évoqué la situation au Yémen. Nous appuyons les efforts des Nations unies, de son représentant spécial, pour une solution politique. Pour nous, c'est la seule voie possible, la voie d'une trêve et d'un dialogue politique le plus rapidement possible sans oublier la situation humanitaire. Nous avons abordé à plusieurs reprises cette question et encore ce matin.
J'ai remercié Adel al-Joubeir et l'Arabie saoudite pour la participation à la conférence que j'ai accueillie le 15 janvier dernier à Paris sur le Proche-Orient. Le communiqué final a permis de réaffirmer l'importance de l'initiative arabe de paix lancée par l'Arabie saoudite en 2002 qui est toujours d'actualité et qui rappelle aussi la position traditionnelle de la communauté internationale. C'est la réaffirmation qu'il n'y a pas de solution de paix sans la création d'un État palestinien vivant en paix et en sécurité à côté d'Israël. Cela ne peut se faire que par la voie de négociations entre les parties. Mais, en organisant cette conférence à Paris, nous avons voulu rappeler la nécessité et l'urgence de reprendre ces négociations, sur la base des lignes de 1967 et avec Jérusalem comme capitale alors que la situation actuelle conduit au désespoir et à la violence.
La relation avec l'Arabie saoudite c'est aussi bien sûr une dimension économique. Elle est déjà dense. Le premier partenaire économique de la France dans la région, c'est l'Arabie saoudite. Sur les dix premiers mois de l'année 2016 - nous n'avons pas encore les derniers chiffres de 2016 - nos exportations ont augmenté de 20% par rapport à 2015. C'est une tendance qu'il faut confirmer, nous y travaillons ensemble. Une récente commande d'Airbus pour l'année 2017, annoncée la semaine dernière, est de bon augure, un signe fort. Ce matin j'étais très heureux de visiter l'énorme chantier du métro de Riyad qui est construit par un des fleurons de l'industrie française, le groupe Alstom. Ils ne construisent pas toutes les lignes - il y en a six - mais ils en construisent la moitié avec des entreprises, notamment de génies civils, comme des entreprises d'ici. On m'a indiqué que c'était le plus grand chantier de métro au monde. C'est dire l'ambition de l'Arabie saoudite pour équiper le pays et, dans le même temps, la capacité des entreprises notamment françaises à répondre à la demande du pays.
C'est donc une visite symbolique et je m'en réjouis. Il y a d'autres projets que l'Arabie saoudite a lancés, nous sommes prêts en tout cas à y répondre. Et surtout, nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie que le vice-Prince héritier a appelé «vision 2030». Nous aurons l'occasion d'en parler plus en détails cet après-midi, nous avons commencé à aborder tout cela. Je me suis rendu au KACST (cité des sciences et des technologies du Roi Abdulaziz) ce matin. Nous avons beaucoup évoqué la coopération dans le domaine de la recherche et de l'innovation, le soutien aux start-up, l'économie diversifiée que l'Arabie saoudite veut développer. Et j'ai vu un signe très concret de ce que la «Vision 2030» veut dire, même s'il y a aussi beaucoup d'autres aspects qui concernent la nécessaire diversification et modernisation de l'Arabie saoudite, qui est en marche.
En tout cas, la France est prête à coopérer encore d'avantage sur le plan politique et sur le plan stratégique. Nous contribuons ensemble à régler les conflits et à sortir des crises, à consolider la paix mais aussi à bâtir un monde équilibré, un monde qui donne des perspectives en particulier à la jeunesse. C'est vrai sur les plans économiques, éducatifs et culturels. En tout cas, notre partenariat stratégique franco-saoudien est solide. Dans un monde incertain, dans un monde qui change, avec de nouvelles administrations, avec des décisions politiques comme le Brexit et un rééquilibrage des forces du monde, il est important qu'il y ait des pôles stables. Et l'Arabie saoudite est un des éléments de cette stabilité. Mais la coopération stratégique franco-saoudienne en est aussi un.
Q - Bonjour Monsieur le Ministre. En général, comment voyez-vous la politique du président Trump vers l'Arabie Saoudite et le Moyen-Orient ?
R - Le nouveau président aux États-Unis a pris ses fonctions et il agit. Et peu à peu le temps que l'administration s'installe, nous découvrirons les éléments concrets de sa politique, en particulier de la politique internationale des États-Unis. Évidemment nous avons des questions, nous avons évoqué l'accord sur le nucléaire iranien mais il y a aussi beaucoup d'autres questions. La première porte sur le degré d'engagement des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme, c'est une question d'actualité. Mais aussi sur d'autres sujets comme tous les dossiers régionaux que j'ai évoqués dans mon intervention il y a quelques instants, y compris le dossier israélo-palestinien. Et aussi, quelle sera l'attitude des États-Unis sur l'avenir de l'Accord de Paris sur le climat, la transition énergétique ? C'est une question fondamentale pour l'avenir de la planète.
Et quels seront les contours de la future politique commerciale américaine dans le cadre des échanges commerciaux ? Ce sont toutes ces questions qui sont devant nous sans oublier les relations avec la Russie et le dossier ukrainien. J'ai fait passer le message à l'administration américaine et je suis disponible pour rencontrer mon nouveau collègue, Rex Tillerson, pour échanger avec lui le plus vite possible. Il ne s'agit pas de refaire la campagne électorale américaine, ce n'est pas notre rôle, nous n'avons pas à nous ingérer dans les affaires américaines. Mais encore une fois les États-Unis sont un grand pays, une puissance mondiale. Ils ont une responsabilité pour le reste du monde même s'ils ont bien sûr les intérêts de leur peuple à défendre et à préserver. Mais cela ne peut se passer que par une approche multilatérale de la politique internationale. Aussi, il est plus que nécessaire de se parler.
L'Allemagne doit présider le G20 et une première réunion aura lieu à Bonn début février. Je pense à cette occasion rencontrer M. Tillerson. Mais même avant cela, je souhaite pouvoir dialoguer et échanger dans un esprit à la fois de franchise mais aussi de confiance dans la mesure où la France et les États-Unis sont des pays alliés depuis longtemps. Évidemment nous avons des valeurs communes, des intérêts communs mais aussi parfois des divergences. Et je pense que c'est dans l'intérêt de tous de pouvoir aborder les questions en face avec la volonté d'être constructif et de rester fidèle à une conception du monde, que je viens de rappeler.
Q - En France, certains candidats à l'élection présidentielle ont accusé l'Arabie Saoudite de soutenir l'extrémisme et le terrorisme. Quel est votre commentaire sur ces accusations et leur impact sur les relations franco-saoudiennes, surtout que vous êtes au courant des efforts déployés par le Royaume pour lutter contre le terrorisme grâce à la coordination franco-saoudienne ?
R - Bien sûr il y a des critiques mais si je suis là aujourd'hui, c'est par conviction. C'est la conviction de la France que dans cette région du monde instable, parfois en guerre, l'Arabie saoudite est un pays stable et un pays responsable. C'est la raison pour laquelle il y a ce partenariat stratégique entre la France et l'Arabie saoudite. Je disais tout à l'heure que nous sommes confrontés à une menace de déstabilisation et cette première menace c'est le terrorisme. Elle touche aussi bien l'Arabie saoudite que la France et d'autres pays malheureusement aussi. Encore récemment, vous avez été concernés par des attentats ou des menaces d'attentats. Nos services de renseignement coopèrent beaucoup.
Du côté de l'Arabie saoudite - on ne le sait peut-être pas assez en France - il y a eu des initiatives prises. Notamment, une nouvelle coalition formée à l'initiative de l'Arabie saoudite avec une quarantaine de pays et, par ailleurs, l'Arabie saoudite participe à cette grande coalition internationale et intervient par des frappes comme la France. Plus récemment, les hautes autorités politiques saoudiennes, notamment le Roi Salman ont condamné à maintes reprises l'extrémisme et le terrorisme. La plus haute autorité religieuse du Royaume, le grand Mufti d'Arabie saoudite a qualifié Daech et Al-Qaida, d'ennemis numéro un de l'Islam et rappelé que les musulmans étaient les principales victimes de ces groupes extrémistes. C'est important de le rappeler.
Puis, il y a eu aussi les réformes qui ont été adoptées, même déjà depuis plusieurs années, notamment, dès 2014, la lutte contre le financement du terrorisme. Tous les dons faits à l'étranger au titre de la «zakat» doivent être déclarés afin qu'ils ne servent pas de couverture au financement du terrorisme. C'est un point très important. Je le dis parce que ce n'est pas assez connu même en France, c'est une loi qui complète des dispositions qui existent déjà contre le blanchiment d'argent en général mais sont adaptés à des situations particulières. Et je sais que le ministère de l'intérieur saoudien est très vigilant sur ce point.
Enfin, je pense qu'il y a un très gros travail qui est fait, nous l'avons évoqué, contre la radicalisation. Cette radicalisation, cette diffusion des idées extrémistes, elle peut passer par exemple par Internet et peut toucher des parties de nos sociétés, notamment les jeunes. C'est tout un travail qui est fait de déradicalisation, y compris par le biais d'une coopération internationale. Nous, nous sommes très sensibles à ce qui est entrepris ici et y compris - on ne le sait pas toujours - avec un meilleur encadrement des activités des prédicateurs parce que certains peuvent être tentés par des discours radicaux qui peuvent dévoyer et qui peuvent être porteurs de dérives dramatiques.
Enfin, je voudrais dire, puisque je l'ai évoqué tout à l'heure, que l'Arabie saoudite est engagée dans un vaste chantier de modernisation, dans le cadre de la «vision 2030», pour faire de l'Arabie saoudite, non seulement un pays économiquement diversifié et durablement fort - ce qui est déjà le cas - mais aussi un pays qui s'ouvre à la modernité. Et c'est vrai que c'est un sujet que nous abordons toujours avec beaucoup de franchise et de respect mutuel : celui du développement des droits de l'Homme et tout ce qui peut contribuer aussi à l'égalité entre les femmes et les hommes. J'ai rencontré les délégués qui sont venus à Paris - que j'ai revus ici encore - de la Choura, cette Assemblée consultative. Beaucoup de questions concernant le fonctionnement de la société sont abordées avec bien sûr des interrogations et des débats. C'est pour cela qu'il est important de venir ici à Riyad pour mieux comprendre et mieux connaitre tout cela. De ce point de vue, ma visite est également très utile.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2017
Nous avons à nouveau abordé de nombreux sujets qui nous préoccupent aujourd'hui après la rencontre avec le Roi. En effet avec l'Arabie Saoudite, nous partageons beaucoup de choses. Nous avons une relation stratégique que nous voulons renforcer. Mais nous sommes aussi tous les deux déterminés à vaincre le terrorisme djihadiste et à continuer à apporter la paix dans la région frappée par les crises, dans tous les pays qui sont concernés par les crises. Dans la lutte contre le terrorisme, nous savons que nos deux pays sont menacés et qu'ils sont victimes du terrorisme. Et pour nous, la lutte contre le terrorisme, c'est d'abord une lutte contre Daech et contre Al-Qaida. J'ai rappelé aussi la nécessité d'une coopération dans la lutte contre la radicalisation qui est menée ici, que nous menons aussi dans notre société en France mais que nous devons mieux coordonner encore au niveau international. Il faut aussi éradiquer les réseaux. Ils existent. Ils n'ont pas disparu. Et puis aussi oeuvrer au tarissement des canaux de son financement. Dans le cadre de la coalition internationale un groupe de travail est coprésidé par l'Arabie Saoudite qui fait un travail très utile sur ce sujet.
J'ai vu aussi que nous avions une convergence de vue sur beaucoup de sujets. Je pense par exemple à la nécessité de libérer Mossoul qui est un des sanctuaires de Daech mais aussi de poursuivre cette lutte ensuite à Raqqa en Syrie. Je lui ai fait part de nos engagements opérationnels. Je lui ai fait part aussi de notre confiance dans la capacité des forces arabes à oeuvrer pour libérer ces villes. Mais au-delà du volet militaire - qui est important - si on veut une défaite durable de Daech, il importe également que les solutions apportées soient des solutions politiques, qui incluent l'ensemble des sociétés concernées dans leurs diversités. Cela vaut en particulier pour l'Irak où, si une partie de la communauté nationale n'est pas intégrée, insérée dans la gouvernance, alors les risques d'affrontement et de radicalisation demeurent.
La question de la réconciliation nationale est centrale pour nous, c'est une urgence et une nécessité en Irak. Quant à la Syrie, nous connaissons la situation terrible, dramatique avec ces centaines de milliers de morts, ces millions de réfugiés, ces personnes déplacées et un pays détruit. Nous voulons à tout prix obtenir un cessez-le feu durable, permettre aussi aux populations en souffrance de recevoir l'aide humanitaire et ensuite de tout faire pour arriver à une solution politique. Nous partageons la même vision. C'est la déclaration de Genève de 2012, c'est le cadre de la résolution 2254 du conseil de sécurité qui doit être la base de la transition politique. Alors, aujourd'hui il y a une réunion à Astana. Nous avons souhaité son succès au moins sur un point prioritaire, qui est la cessation effective des hostilités. Je ne sais pas s'il y aura un accord. En tout cas, nous le souhaitons. Mais par contre, ce que nous revendiquons, c'est que les négociations à Genève reprennent le plus vite possible, dans le cadre des Nations unies et sous l'égide des Nations unies.
Nous avons aussi évoqué la situation au Yémen. Nous appuyons les efforts des Nations unies, de son représentant spécial, pour une solution politique. Pour nous, c'est la seule voie possible, la voie d'une trêve et d'un dialogue politique le plus rapidement possible sans oublier la situation humanitaire. Nous avons abordé à plusieurs reprises cette question et encore ce matin.
J'ai remercié Adel al-Joubeir et l'Arabie saoudite pour la participation à la conférence que j'ai accueillie le 15 janvier dernier à Paris sur le Proche-Orient. Le communiqué final a permis de réaffirmer l'importance de l'initiative arabe de paix lancée par l'Arabie saoudite en 2002 qui est toujours d'actualité et qui rappelle aussi la position traditionnelle de la communauté internationale. C'est la réaffirmation qu'il n'y a pas de solution de paix sans la création d'un État palestinien vivant en paix et en sécurité à côté d'Israël. Cela ne peut se faire que par la voie de négociations entre les parties. Mais, en organisant cette conférence à Paris, nous avons voulu rappeler la nécessité et l'urgence de reprendre ces négociations, sur la base des lignes de 1967 et avec Jérusalem comme capitale alors que la situation actuelle conduit au désespoir et à la violence.
La relation avec l'Arabie saoudite c'est aussi bien sûr une dimension économique. Elle est déjà dense. Le premier partenaire économique de la France dans la région, c'est l'Arabie saoudite. Sur les dix premiers mois de l'année 2016 - nous n'avons pas encore les derniers chiffres de 2016 - nos exportations ont augmenté de 20% par rapport à 2015. C'est une tendance qu'il faut confirmer, nous y travaillons ensemble. Une récente commande d'Airbus pour l'année 2017, annoncée la semaine dernière, est de bon augure, un signe fort. Ce matin j'étais très heureux de visiter l'énorme chantier du métro de Riyad qui est construit par un des fleurons de l'industrie française, le groupe Alstom. Ils ne construisent pas toutes les lignes - il y en a six - mais ils en construisent la moitié avec des entreprises, notamment de génies civils, comme des entreprises d'ici. On m'a indiqué que c'était le plus grand chantier de métro au monde. C'est dire l'ambition de l'Arabie saoudite pour équiper le pays et, dans le même temps, la capacité des entreprises notamment françaises à répondre à la demande du pays.
C'est donc une visite symbolique et je m'en réjouis. Il y a d'autres projets que l'Arabie saoudite a lancés, nous sommes prêts en tout cas à y répondre. Et surtout, nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie que le vice-Prince héritier a appelé «vision 2030». Nous aurons l'occasion d'en parler plus en détails cet après-midi, nous avons commencé à aborder tout cela. Je me suis rendu au KACST (cité des sciences et des technologies du Roi Abdulaziz) ce matin. Nous avons beaucoup évoqué la coopération dans le domaine de la recherche et de l'innovation, le soutien aux start-up, l'économie diversifiée que l'Arabie saoudite veut développer. Et j'ai vu un signe très concret de ce que la «Vision 2030» veut dire, même s'il y a aussi beaucoup d'autres aspects qui concernent la nécessaire diversification et modernisation de l'Arabie saoudite, qui est en marche.
En tout cas, la France est prête à coopérer encore d'avantage sur le plan politique et sur le plan stratégique. Nous contribuons ensemble à régler les conflits et à sortir des crises, à consolider la paix mais aussi à bâtir un monde équilibré, un monde qui donne des perspectives en particulier à la jeunesse. C'est vrai sur les plans économiques, éducatifs et culturels. En tout cas, notre partenariat stratégique franco-saoudien est solide. Dans un monde incertain, dans un monde qui change, avec de nouvelles administrations, avec des décisions politiques comme le Brexit et un rééquilibrage des forces du monde, il est important qu'il y ait des pôles stables. Et l'Arabie saoudite est un des éléments de cette stabilité. Mais la coopération stratégique franco-saoudienne en est aussi un.
Q - Bonjour Monsieur le Ministre. En général, comment voyez-vous la politique du président Trump vers l'Arabie Saoudite et le Moyen-Orient ?
R - Le nouveau président aux États-Unis a pris ses fonctions et il agit. Et peu à peu le temps que l'administration s'installe, nous découvrirons les éléments concrets de sa politique, en particulier de la politique internationale des États-Unis. Évidemment nous avons des questions, nous avons évoqué l'accord sur le nucléaire iranien mais il y a aussi beaucoup d'autres questions. La première porte sur le degré d'engagement des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme, c'est une question d'actualité. Mais aussi sur d'autres sujets comme tous les dossiers régionaux que j'ai évoqués dans mon intervention il y a quelques instants, y compris le dossier israélo-palestinien. Et aussi, quelle sera l'attitude des États-Unis sur l'avenir de l'Accord de Paris sur le climat, la transition énergétique ? C'est une question fondamentale pour l'avenir de la planète.
Et quels seront les contours de la future politique commerciale américaine dans le cadre des échanges commerciaux ? Ce sont toutes ces questions qui sont devant nous sans oublier les relations avec la Russie et le dossier ukrainien. J'ai fait passer le message à l'administration américaine et je suis disponible pour rencontrer mon nouveau collègue, Rex Tillerson, pour échanger avec lui le plus vite possible. Il ne s'agit pas de refaire la campagne électorale américaine, ce n'est pas notre rôle, nous n'avons pas à nous ingérer dans les affaires américaines. Mais encore une fois les États-Unis sont un grand pays, une puissance mondiale. Ils ont une responsabilité pour le reste du monde même s'ils ont bien sûr les intérêts de leur peuple à défendre et à préserver. Mais cela ne peut se passer que par une approche multilatérale de la politique internationale. Aussi, il est plus que nécessaire de se parler.
L'Allemagne doit présider le G20 et une première réunion aura lieu à Bonn début février. Je pense à cette occasion rencontrer M. Tillerson. Mais même avant cela, je souhaite pouvoir dialoguer et échanger dans un esprit à la fois de franchise mais aussi de confiance dans la mesure où la France et les États-Unis sont des pays alliés depuis longtemps. Évidemment nous avons des valeurs communes, des intérêts communs mais aussi parfois des divergences. Et je pense que c'est dans l'intérêt de tous de pouvoir aborder les questions en face avec la volonté d'être constructif et de rester fidèle à une conception du monde, que je viens de rappeler.
Q - En France, certains candidats à l'élection présidentielle ont accusé l'Arabie Saoudite de soutenir l'extrémisme et le terrorisme. Quel est votre commentaire sur ces accusations et leur impact sur les relations franco-saoudiennes, surtout que vous êtes au courant des efforts déployés par le Royaume pour lutter contre le terrorisme grâce à la coordination franco-saoudienne ?
R - Bien sûr il y a des critiques mais si je suis là aujourd'hui, c'est par conviction. C'est la conviction de la France que dans cette région du monde instable, parfois en guerre, l'Arabie saoudite est un pays stable et un pays responsable. C'est la raison pour laquelle il y a ce partenariat stratégique entre la France et l'Arabie saoudite. Je disais tout à l'heure que nous sommes confrontés à une menace de déstabilisation et cette première menace c'est le terrorisme. Elle touche aussi bien l'Arabie saoudite que la France et d'autres pays malheureusement aussi. Encore récemment, vous avez été concernés par des attentats ou des menaces d'attentats. Nos services de renseignement coopèrent beaucoup.
Du côté de l'Arabie saoudite - on ne le sait peut-être pas assez en France - il y a eu des initiatives prises. Notamment, une nouvelle coalition formée à l'initiative de l'Arabie saoudite avec une quarantaine de pays et, par ailleurs, l'Arabie saoudite participe à cette grande coalition internationale et intervient par des frappes comme la France. Plus récemment, les hautes autorités politiques saoudiennes, notamment le Roi Salman ont condamné à maintes reprises l'extrémisme et le terrorisme. La plus haute autorité religieuse du Royaume, le grand Mufti d'Arabie saoudite a qualifié Daech et Al-Qaida, d'ennemis numéro un de l'Islam et rappelé que les musulmans étaient les principales victimes de ces groupes extrémistes. C'est important de le rappeler.
Puis, il y a eu aussi les réformes qui ont été adoptées, même déjà depuis plusieurs années, notamment, dès 2014, la lutte contre le financement du terrorisme. Tous les dons faits à l'étranger au titre de la «zakat» doivent être déclarés afin qu'ils ne servent pas de couverture au financement du terrorisme. C'est un point très important. Je le dis parce que ce n'est pas assez connu même en France, c'est une loi qui complète des dispositions qui existent déjà contre le blanchiment d'argent en général mais sont adaptés à des situations particulières. Et je sais que le ministère de l'intérieur saoudien est très vigilant sur ce point.
Enfin, je pense qu'il y a un très gros travail qui est fait, nous l'avons évoqué, contre la radicalisation. Cette radicalisation, cette diffusion des idées extrémistes, elle peut passer par exemple par Internet et peut toucher des parties de nos sociétés, notamment les jeunes. C'est tout un travail qui est fait de déradicalisation, y compris par le biais d'une coopération internationale. Nous, nous sommes très sensibles à ce qui est entrepris ici et y compris - on ne le sait pas toujours - avec un meilleur encadrement des activités des prédicateurs parce que certains peuvent être tentés par des discours radicaux qui peuvent dévoyer et qui peuvent être porteurs de dérives dramatiques.
Enfin, je voudrais dire, puisque je l'ai évoqué tout à l'heure, que l'Arabie saoudite est engagée dans un vaste chantier de modernisation, dans le cadre de la «vision 2030», pour faire de l'Arabie saoudite, non seulement un pays économiquement diversifié et durablement fort - ce qui est déjà le cas - mais aussi un pays qui s'ouvre à la modernité. Et c'est vrai que c'est un sujet que nous abordons toujours avec beaucoup de franchise et de respect mutuel : celui du développement des droits de l'Homme et tout ce qui peut contribuer aussi à l'égalité entre les femmes et les hommes. J'ai rencontré les délégués qui sont venus à Paris - que j'ai revus ici encore - de la Choura, cette Assemblée consultative. Beaucoup de questions concernant le fonctionnement de la société sont abordées avec bien sûr des interrogations et des débats. C'est pour cela qu'il est important de venir ici à Riyad pour mieux comprendre et mieux connaitre tout cela. De ce point de vue, ma visite est également très utile.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2017