Texte intégral
Monsieur le Nonce,
Madame la Directrice générale de l'UNESCO,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Ministres, Cher Harlem Désir, Cher Matthias Fekl,
Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Nonce, pour les mots brefs mais chaleureux et denses que vous venez de prononcer et pour les voeux que vous avez adressés à la France. Je vous souhaite à tous la bienvenue au Quai d'Orsay et je vous adresse à mon tour mes voeux chaleureux les plus sincères pour cette année 2017, des voeux de santé, de bonheur et de réussite pour vous et pour vos proches, et aussi pour chacun des pays que vous représentez.
Mesdames et Messieurs,
Je vous adresse ces voeux dans un contexte mondial difficile et incertain. L'année qui s'achève a été marquée à nouveau par le terrorisme, qui a fait de trop nombreuses victimes à travers le monde - encore récemment en Israël, en Allemagne, en Turquie et au Mali.
En Irak et en Syrie, Daech recule. Mais les succès militaires de la coalition demandent à être consolidés et surtout accompagnés et complétés dans les domaines humanitaire, sécuritaire et politique. Il ne suffit pas de remporter la bataille militaire contre Daech. Il faut aussi gagner la paix, en favorisant la mise en place, à Mossoul puis à Raqqah, d'une gouvernance inclusive qui permettra aux populations de tourner la page et d'envisager l'avenir avec confiance.
Notre position à l'égard de la tragédie syrienne, vous la connaissez. La guerre qui dure en Syrie depuis près de six ans est un échec moral et politique pour l'ensemble de la communauté internationale. Le président de la République l'a dit à l'occasion de ses voeux, je le redis encore devant vous. La France soutient toutes les initiatives qui contribuent à mettre fin aux hostilités. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons voté la résolution portée par la Russie, à la suite du cessez-le-feu qu'elle a proposé avec la Turquie. C'est aussi la raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous arrêter en chemin. Il s'agit à présent de créer les conditions d'une Syrie un jour apaisée, à l'intégrité territoriale préservée, respectueuse de sa diversité et de ses minorités, gouvernée par un État qui puisera dans le retour de la paix, la force de combattre le terrorisme, un pays qui pourra à nouveau accueillir ses déplacés et ses réfugiés et se reconstruire. À défaut, il faut être conscient que ce pays restera un lieu de chaos et un sanctuaire pour ceux qui menacent directement notre sécurité.
Souhaitons collectivement que la conférence d'Astana qui s'est tenue en ce début de semaine permette un meilleur respect du cessez-le-feu et des progrès dans le domaine humanitaire. C'est désormais la responsabilité des trois cosignataires de la déclaration qui a été publiée hier, c'est-à-dire la Russie, l'Iran et la Turquie. Il leur appartient de veiller à ce que ce cessez-le-feu soit effectif. Pour nous, la priorité, c'est la négociation politique, une véritable négociation qui ne peut se faire que dans le cadre des Nations unies et sur la base, d'abord, du communiqué de Genève de 2012, et aussi de la résolution 2254 du conseil de sécurité des Nations unies qui engage la communauté internationale. Staffan de Mistura a proposé que ce processus reprenne très vite, et une date a été fixée, le 8 février. Il peut compter sur le soutien total de la France.
Mesdames et Messieurs,
L'année à venir sera dense et décisive. Des opportunités s'ouvrent à nous. Mais il existe aussi des risques d'amplification et des turbulences sur la scène internationale qui sont nombreux. Les défis que nous devons affronter ensemble, vous les connaissez. Ils supposent un partage des responsabilités, notamment dans la résolution des crises qui déchirent le monde.
Je pense à la situation dramatique au Proche-Orient, qui est à la fois l'expression et le résultat de décennies de tensions. Les contours de la solution, nous les connaissons depuis des années. Ils reposent sur la coexistence d'un État d'Israël et d'un État palestinien, souverains et démocratiques, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, sur la base des lignes de 1967 et avec Jérusalem pour capitale.
La France agit pour la relance d'une négociation crédible, permettant d'aboutir à une paix stable, juste et durable. Dans cette perspective, il faut, non seulement ne pas se résigner à constater de lentes dégradations, je pense à la colonisation et les événements de ces derniers jours, avec ce que cela suppose comme montée de la violence et de risques sur le terrain. Mais il faut aussi créer les conditions qui favorisent, par des incitations, les partenaires à s'asseoir à la table des négociations.
C'est dans cet esprit constructif et volontaire qu'une nouvelle conférence s'est tenue, à Paris, le 15 janvier dernier, dans le cadre de l'initiative française en faveur de la paix au Proche-Orient. Elle a permis d'envoyer aux parties un message en faveur de la solution des deux États, et de souligner la disponibilité de la communauté internationale à leur apporter son soutien en cas d'accord de paix. C'est le message de la conférence de Paris et rien d'autre. On voulait nous décourager, la France a agi en toute indépendance, comme vous le savez, avec la conviction que ce que nous organisions le 15 janvier correspondait à la volonté de l'immense majorité des pays qui composent ce que l'on appelle la communauté internationale. C'est une étape mais il faut persévérer.
Je pense aussi à l'Afrique. J'étais à Bamako, avec le président de la République et certains d'entre vous, il y a deux semaines, pour le Sommet Afrique-France. 52 États étaient représentés. Cette forte mobilisation en faveur d'un partenariat concret pour la sécurité et pour l'émergence, a montré la vitalité du lien entre l'Afrique et la France. C'est un partenariat plus exigeant, plus transparent et plus ouvert, qui est la traduction concrète de la politique souhaitée par le Président de la République vis-à-vis de ce continent avec lequel l'Europe est liée par un destin commun.
L'actualité récente a été marquée par la transition politique réussie en Gambie. La France se réjouit de cette issue pacifique et respectueuse de la volonté populaire. Elle félicite les pays et les organisations qui ont coopéré pour aboutir à ce résultat qui montre que l'Afrique a la capacité de régler elle-même ses problèmes. Dans le même esprit, l'accord conclu le 31 décembre en République démocratique du Congo sous l'égide de l'épiscopat en est une autre illustration. Bien sûr, il faut veiller à ce que ces engagements soient tenus, mais c'est une raison supplémentaire d'avoir confiance en l'avenir de l'Afrique.
La confiance n'empêche pas la lucidité. Les défis demeurent nombreux sur ce continent. Ces défis, ce sont ceux du terrorisme et de la radicalisation, qui existe et qui diffuse de l'extrémisme. Ce sont aussi ceux de la démographie et du développement économique et social. La jeunesse africaine - que certains voient comme un problème est une chance formidable pour ce continent - c'est une source d'énergie, de créativité, de dynamisme et de croissance. Mais cette jeunesse est parfois impatiente et on la comprend, cette société civile africaine qui bouge, qui bouillonne, qui veut être au rendez-vous et davantage écoutée, cette jeunesse attend des perspectives en matière d'éducation, de formation et d'emplois pour avoir confiance en l'avenir. On sait que ce travail est exigeant et qu'il faut le conduire. C'est ce que souhaite la France qui s'engage davantage en augmentant son aide bilatérale mais aussi à travers l'intervention de l'Agence Française de Développement.
C'est pourquoi la France mobilise 23 milliards d'euros sur la période 2017-2021. Elle est aussi engagée avec l'Union européenne, la France est l'un des premiers contributeurs avec 20% de cette aide. Lorsque l'on met tout cela en mouvement, avec des pays volontaires et conscients de leurs responsabilités qui avancent, même si l'on sait que c'est difficile.
Je pense à nouveau au Mali puisque j'évoquais l'attentat de Gao. C'est justement un pays qui est engagé, après l'intervention militaire française et le soutien de la communauté internationale, à travers la MINUSMA, dans une transition politique, dans un programme de réformes que certains veulent empêcher. C'était le sens de l'attentat de Gao, avec une violence terrible. C'est un terrible drame, mais c'est là qu'il faut être encore aux côtés de ce pays qui se bat pour son avenir, pour sa liberté, pour construire une démocratie saine.
Je pense évidemment aussi à l'Europe, qui affronte une multitude de défis liés au terrorisme, aux conflits à ses frontières - pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale - mais aussi aux migrations, à la remise en cause de son idéal et à la décision d'un de ses membres, et non des moindres, de la quitter. Autant d'incertitudes qui affaiblissent l'adhésion des peuples au projet européen.
La décision du peuple britannique de quitter l'Union européenne est une décision que nous regrettons, et nous l'avons dit souvent, mais nous respectons le vote du peuple britannique. C'est l'évidence, c'est une grande démocratie, c'est le choix qui a été fait mais nous voulons avancer. De ce point de vue, le discours de Theresa May la semaine dernière contribue à clarifier l'horizon. Les 27 ont quant à eux déjà arrêté le cadre dans lequel ils entendent négocier avec le Royaume-Uni et défendre les intérêts de l'Union.
La France est consciente du mauvais signal envoyé par le Brexit pour le projet européen lui-même mais aussi à l'échelle mondiale. Je le vois dans tous mes déplacements, on me parle souvent du Brexit et de l'avenir de l'Europe. Mais, je veux le dire ici devant vous, je le dis à tous nos partenaires européens qui sont représentés ici, la France croit plus que jamais en l'Europe. Cette construction est une réussite collective qui seule est de nature à permettre à chacun de nos pays, chacune de nos nations, d'être plus fort dans ce monde qui est si incertain en ce début du XXIème siècle.
Ce n'est pas le moment de flancher, ce n'est pas le moment de revenir en arrière. C'est vrai, ce n'est pas si facile. Nous sommes à deux pas du salon de l'Horloge que vous connaissez où, le 9 mai 1950, Robert Schuman, qui était ministre des affaires étrangères, donc l'un de mes prédécesseurs, faisait cette déclaration qui lançait, d'abord à une échelle réduite de six pays, la construction de l'Union européenne. Il inscrivait son initiative pragmatique dans sa mise en oeuvre et dans une volonté de réconciliation en tendant la main à l'Allemagne, l'adversaire de ces deux guerres mondiales qui ont fait tant de morts, de destructions et de malheurs.
C'est donc un geste politique d'une grande force et d'une grande vision, c'est de cela dont nous sommes les héritiers maintenant. Soyons fiers de ce qui a été entrepris, n'ayons pas peur. Soyons fiers aussi des valeurs que porte le projet européen, c'est-à-dire l'attachement à la démocratie, les droits de l'Homme, le bénéfice d'une société ouverte, libre et sûre, et du modèle économique, social et environnemental qui n'a cessé de progresser. Si l'on veut qu'il dure et qu'il garde la confiance des peuples, il faut travailler à le renforcer en le rendant plus attractif.
Dans les mois à venir, l'Union sera guidée par des principes simples, pour préserver son fonctionnement, son intégrité, sa cohésion et répondre aux préoccupations de nos concitoyens, conformément à ce qui a été décidé à Bratislava en septembre dernier. Les Européens veulent une Europe qui protège. C'est pourquoi nous avons lancé de nombreux projets : je pense à ce qui est engagé depuis quelques mois, pour mieux contrôler les trafics d'armes, mieux lutter contre le financement du terrorisme, assurer la maitrise de nos frontières extérieures et doter l'Europe d'une défense qui lui permette, aux côtés de l'OTAN, mais avec sa stratégie autonome propre, ses capacités propres, ses investissements propres, d'atteindre à terme cette autonomie stratégique nécessaire.
Les citoyens veulent une Europe qui assure leur prospérité. Une prospérité économique, un progrès social qui offre à chacun davantage d'opportunités, au sein de sociétés tournées vers l'avenir et vers la jeunesse. C'est en ce sens que nous devons avancer, pour que l'Union européenne se donne les moyens d'assurer la croissance économique de demain, en étant en première ligne dans la maîtrise des mutations du monde. Il faut être capable, et l'Europe en a la capacité, sans doute plus que tout autre grand ensemble politique à l'échelle mondiale. Je ne le dis pas par suffisance ou mépris des autres, mais c'est parce que c'est notre Histoire, C'est notre acquis historique. Ce sont les deux grands défis devant lesquels nous sommes: celui de la transition énergétique après l'accord de Paris où nous avons une responsabilité particulière, mais c'est essentiel pour l'avenir, ce qui veut dire aussi des changements de modèle, et aussi celui de la transition numérique parce que c'est la réalité d'aujourd'hui. En même temps, il faut qu'elle nous permette de gagner et qu'elle donne des perspectives à chacun parce que parfois, elle crée des inquiétudes et elle peut bousculer les modèles sociaux. Il nous appartient de préserver ce que nous avons d'essentiel, tout en étant capable d'affronter ces mutations, qu'elles soient économiques, environnementales ou technologiques.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, le dernier enjeu que je souhaite évoquer avec vous aujourd'hui, c'est celui qui accompagne l'arrivée d'un nouveau président des États-Unis, l'arrivée de Donald Trump au pouvoir.
Les intérêts qui nous lient aux États-Unis, notre longue histoire commune, les valeurs que nous partageons, continueront à nourrir, j'en suis sûr, une relation forte avec ce grand partenaire. La France et les États-Unis sont alliés. Cela ne changera pas. L'Union européenne, qui a tant contribué à la paix et à la prospérité de notre continent comme je le rappelais, le restera également. C'est ce que me disent tous mes collègues ministres des affaires étrangères. Alors oui, nous trouverons par la discussion, je le souhaite, un terrain d'entente sur les enjeux les plus cruciaux du moment, notamment la lutte contre le terrorisme à laquelle les États-Unis comme la France contribuent à l'échelle mondiale.
Ce sera peut-être le premier point dont je discuterai avec mon homologue quand il prendra ses fonctions, et je souhaite que ce soit le plus rapidement possible.
La France développera avec la nouvelle administration des relations franches, directes, rapides et étroites. Nous nous efforcerons de convaincre que les intérêts des États-Unis seront mieux protégés lorsque nous affrontons collectivement les défis globaux auxquels nous devons faire face. La France saura aussi, en toute indépendance, je le rappelle encore, affirmer ses intérêts, chaque fois que cela sera nécessaire.
Elle veillera à ce que le partenariat transatlantique continue à servir notre prospérité commune et nos intérêts mutuels de sécurité.
Car l'unilatéralisme, le protectionnisme ou le repli sur soi, je dirais même aussi le retour au nationalisme du XIXe siècle, qui ont fait tant de malheurs, ne sont pas, c'est ma conviction, à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. La France restera donc engagée en faveur du multilatéralisme, par conviction, c'est-à-dire la conviction d'une gouvernance mondiale, équitable et respectueuse des intérêts de chacun. Comment pourrait-il en être autrement, Mesdames et Messieurs, puisque ce combat, la France le mène depuis tant d'années, conformément à ce qu'elle est et à ce qu'elle pense du monde, conformément à nos valeurs et à l'idéal qui est au fondement même de la République française.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
Sur tous ces sujets, vous pouvez compter sur la mobilisation de mon pays. Je sais pouvoir compter sur votre engagement pour que nos relations s'épanouissent sous le sceau de la confiance et de la volonté commune de contribuer à rendre notre monde meilleur. Alors merci Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, merci Madame la Directrice générale de l'UNESCO pour ce que vous faites et pour ce que vous ferez encore.
Je vous souhaite, Mesdames et Messieurs, du fond du coeur et avec beaucoup de chaleur, mes voeux les plus sincères pour l'année 2017. Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2017