Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre, sur le bilan de l'action du gouvernement en faveur de la généralisation de l'éducation artistique et culturelle, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, à Paris le 30 janvier 2017.

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Circonstance : Réunion du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle, à l'hôtel de Matignon, à Paris le 30 janvier 2017

Texte intégral

Mesdames les ministres,
Mesdames et Messieurs les membres du Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis ici aujourd'hui à l'Hôtel de Matignon par la conviction que l'éducation artistique et culturelle doit tenir un rôle central dans la formation des jeunes Français.
Cette éducation repose sur l'apprentissage de savoirs, mais elle doit aussi faire toute leur place à des rencontres, avec les oeuvres et avec les artistes, ainsi qu'à des pratiques artistiques individuelles ou collectives, grâce auxquelles chaque enfant peut vivre l'expérience de la création. Car cette éducation doit permettre d'assurer, l'égal accès de nos concitoyens, dès le plus jeune âge, aux oeuvres de l'art et de l'esprit.
Chacun d'entre nous porte dans sa mémoire le souvenir de l'événement marquant que fut pour lui une première visite au musée, au théâtre ou au cinéma, la lecture d'un livre ou l'écoute d'un disque, qui a durablement impressionné sa sensibilité. Pour certains, ces premières émotions peuvent même susciter une vocation et déterminer le parcours de toute une vie. Il est donc indispensable de faire en sorte qu'aucun enfant, aucun adolescent, quelle que soit son origine ou le niveau de revenus de ses parents, soit privé en France de la possibilité d'une telle découverte précoce.
Renforcer l'éducation artistique et culturelle, c'est une ambition indispensable pour l'école car toutes les études montrent que la pratique artistique améliore les résultats scolaires d'ensemble des élèves. C'est un investissement nécessaire pour le pays car la prospérité des économies reposera toujours davantage sur leur capacité de création et d'innovation. Mais c'est surtout une exigence de justice car il n'est peut-être pas d'inégalité sociale plus choquante que celle qui concerne l'accès à la culture, cette inégalité face à ce que la vie nous offre de meilleur, et dont nous savons qu'elle se noue dès le plus jeune âge.
Bien des gouvernements par le passé se sont montré conscients de cette exigence, ont commandé des rapports sur ce sujet ou ont lancé des expériences. Mais jamais avant ce quinquennat, un ensemble aussi complet de réflexion, de mesures concrètes et de moyens n'avait été décidé pour donner à l'éducation artistique et culturelle la place qu'elle mérite. C'était là la volonté du président de la République, qui a pris l'engagement en 2012 de faire de la jeunesse une priorité de son quinquennat, et qui a demandé à ses gouvernements successifs de ne jamais perdre de vue cet aspect de cette ambition.
Depuis cinq ans, l'action du gouvernement en faveur de la généralisation de l'éducation artistique et culturelle a reposé sur les efforts conjoints des deux ministères directement compétents : celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et celui de la culture et de la communication. Je tiens à saluer les deux ministres, présidentes de ce Haut conseil, pour leur engagement sans faille au service de ce projet. Je souhaite également saluer tous ceux qui ont contribué à ses travaux et qui sont réunis dans cette salle.
Parce qu'elle est l'institution républicaine qui s'adresse à l'ensemble d'une génération, nous avons d'abord souhaité que l'Ecole donne à l'éducation artistique et culturelle une assise solide, en l'inscrivant dans la scolarité de chaque enfant.
Avec le parcours d'éducation artistique et culturelle, avec la réforme du collège et l'instauration de l'enseignement "culture et créations", avec la réforme des rythmes scolaires, chaque élève bénéficie désormais d'une éducation à l'art et par l'art depuis la maternelle jusqu'au lycée. Et grâce à la loi de Refondation de l'Ecole, la culture est désormais pleinement intégrée au socle commun de connaissances et de compétences.
Cette généralisation a été soutenue par des moyens importants : le ministère de l'éducation nationale consacre ainsi chaque année près de 2 milliards d'euros aux enseignements artistiques et aux actions culturelles. Depuis 2015, la ministre de l'éducation nationale a en outre affecté des moyens spécifiques aux parcours d'éducation artistique et culturelle, à hauteur de 8 millions supplémentaires sur 3 ans.
Le ministère de la culture a lui aussi entrepris de donner des bases solides à l'éducation artistique et culturelle. Grâce à la loi "Liberté de Création Architecture et Patrimoine" (LCAP) adoptée cet été, l'implication des artistes et des professionnels dans les projets d'éducation artistique et culturelle est désormais fortement encouragée. Les crédits du ministère de la culture qui sont consacrés à cette politique ont augmenté de 12% en 2017, et de 110% depuis le début du quinquennat. On peut même dire que cet effort sans précédent marque un changement de paradigme en matière de politique culturelle : la transmission est à présent reconnue comme un enjeu de même importance que la création et que la diffusion.
Je veux aussi souligner les efforts souscrits depuis cinq ans en faveur de l'éducation artistique et culturelle dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, donc au bénéfice des jeunes pour lesquels l'accès à la culture est a priori le plus difficile. Les crédits qui sont consacrés à cette mission dans les 435 contrats de ville ont augmenté de 30% entre 2012 et 2015, et des volets culturels figurent désormais dans tous les contrats de ville.
Ces efforts se sont inscrits dans un cadre méthodique, que traduit un ensemble de textes de référence, où figure évidemment la charte que vous avez présentée à Avignon en juillet dernier, ainsi que le référentiel du Parcours d'éducation artistique et culturelle qui définit celle-ci comme une éducation à l'art et une éducation par l'art. Le parcours d'éducation artistique et culturelle repose sur trois piliers. La transmission des savoirs, tout d'abord : je tiens à insister sur l'importance qu'ont prise ces enseignements, de la maternelle au lycée, notamment à travers les enseignements artistiques en option qui attirent un nombre toujours croissant d'élèves, mais aussi dans le cadre des nouveaux enseignements interdisciplinaires. Les rencontres avec des artistes et la découverte de lieux culturels à l'extérieur de l'école, auxquels de nombreux enfants n'ont pas accès dans le cadre familial, constituent une deuxième dimension, complémentaire, de ces parcours. S'y ajoute enfin la pratique artistique, qui permet à l'enfant d'éprouver intimement l'attrait d'un art ou d'une pratique culturelle.
Cette approche globale que traduit la notion de "parcours" me semble particulièrement féconde. Car si l'éducation artistique et culturelle est aussi une éducation par l'art, c'est qu'elle offre une voie originale pour l'acquisition des savoirs fondamentaux. Monter une pièce de théâtre, comprendre l'invention de la perspective, rédiger le compte-rendu d'une rencontre avec un créateur, sont autant de manières de prolonger les apprentissages dans la pratique et de les consolider. Les rencontres avec les créateurs et les visites des musées ou des théâtres permettent aussi aux élèves de découvrir des professions nouvelles - au-delà de la scène, la création lumière et de la création sonore, par exemple, au musée le travail de médiation culturelle… - et suscitent ainsi des vocations.
Nous en trouvons la confirmation à travers le succès des opérations conduites au niveau national par les deux ministères compétents : ainsi les journées du 1% artistique, ou celle des arts à l'école qui, après sa première édition en mai 2015, a été reconduite en mai 2016, et permet de faire connaître la diversité des projets portés par les élèves, les enseignants et les partenaires de l'école. Je pense aussi à la création, par la ministre de l'éducation nationale, de l'opération "Ecole en choeur", afin créer des chorales scolaires dans la plupart de nos établissements ; ou à l'opération "la fabrique à chansons", menée en partenariat avec la SACEM et le réseau Canopé, qui fait intervenir des auteurs-compositeurs dans les classe pour travailler avec les élèves à la création d'une chanson et qui a touché, dès sa première édition, 100 classes dans chaque académie. L'éducation artistique et culturelle, c'est encore le dispositif "Création en cours" de résidences d'artistes en milieu scolaire qui constituent un outil particulièrement efficace pour faire accéder les enfants à l'expérience artistique.
Pour faire en sorte que ces parcours deviennent partout une réalité, l'éducation artistique et culturelle doit donc être portée, non seulement par l'institution scolaire, les élèves et leurs familles, mais aussi par le monde de la culture, les acteurs de l'éducation populaire et les collectivités territoriales.
Cette alliance, que nous avons contribué à forger, est consacrée par l'action de votre Haut Conseil qui a pris une dimension nouvelle, en accord avec le caractère tout à la fois interministériel et partenarial de ses missions.
Nous avons ainsi souhaité que le Haut Conseil s'ouvre aux partenaires essentiels que sont les collectivités territoriales, dont je salue ici les représentants. Ce sont elles, en effet, qui portent une grande part des projets dans les territoires et adaptent l'action artistique et culturelle afin de permettre à chaque jeune, qu'il habite un village isolé, le coeur d'une ville ou un quartier populaire, de faire l'expérience de la création.
Etre ici, avec vous, au moment où de nouveaux membres font leur entrée au Haut Conseil, c'est pour nous l'occasion d'envisager l'avenir, mais aussi de saluer le travail accompli par ceux de ses membres qui l'ont quitté. Je tiens ainsi à remercier très chaleureusement Françoise NYSSEN, Christian VIEAUX et Emmanuel DEMARCY-MOTA pour leur engagement sans faille. J'ai également une pensée particulière pour Didier LOCKWOOD, qui a été vice-président de ce Conseil. Car je sais que vous vous êtes tous comportés en véritables militants de l'éducation artistique et culturelle, avec un dévouement remarquable.
Je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres qui ont accepté de siéger à titre de personnalités qualifiées : Eléonore LADREIT de LACHARRIERE, Béatrice MACE (Macé), Bernard NOLY et Robin RENUCCI. L'objectif de votre Haut Conseil est d'offrir un espace de réflexion et d'échanges à tous acteurs de l'éducation artistique et culturelle. Le concours des personnalités issues du monde de la recherche et du monde associatif, ainsi que des acteurs culturels engagés de longue date dans projets éducatifs, comme vous l'êtes, permet de renforcer la relation entre la réflexion et la pratique de manière à pouvoir constamment faire évoluer notre dispositif pour répondre au mieux à notre ambition.
Si la combinaison tous les efforts que j'ai évoqués ont déjà porté leurs fruits, il reste encore beaucoup à faire. Nous savons qu'il faut du temps pour que tous les dispositifs montent en puissance. Nous savons que mener une politique efficace suppose de pouvoir évaluer, cerner au mieux les difficultés, valoriser et diffuser les réussites et, en même temps, savoir les adapter à la diversité des contextes locaux. Nous continuerons donc d'accompagner les actions en cours, d'en susciter de nouvelles et de les enrichir.
Il est également nécessaire de nous attacher à évaluer les résultats de cette politique. C'est une des nombreuses missions que vous aurez à remplir. Je ne doute pas que vous vous y engagiez avec toute l'énergie que je ressens autour de cette table.
Vous pourrez vous appuyer à ce titre sur les résultats d'une mission parlementaire qui a été confiée, en juillet dernier, par mon prédécesseur à la députée Sandrine DOUCET. Il m'a été remis il y a seulement quelques jours, en votre présence Mesdames les ministres. Je tiens, à nouveau ici à remercier Sandrine DOUCET et ceux qui l'ont assisté pour son travail. Ce rapport, nourri de rencontres, d'analyses et d'enquêtes de terrain, permettra de cibler précisément les améliorations à apporter pour amplifier la dynamique en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui a été engagée pendant ce quinquennat. Il permet tout d'abord de mettre en valeur les réussites et les bonnes pratiques. Il porte aussi nombre de propositions pour répondre à la question essentielle de l'égalité des territoires. Je ne vais pas, ici, en dévoiler les conclusions puisque ce rapport va vous être immédiatement présenté par son auteur. Mais je tenais, au moment de vous laisser à vos travaux, vous souhaiter des échanges à la fois riches et passionnants.
Qu'il me soit permis pour conclure de rappeler aujourd'hui combien les enjeux culturels et éducatifs relèvent d'une même ambition : celle que Jean ZAY avait su relever avec tant de clairvoyance, en posant les fondements d'une éducation populaire. Cette ambition reste d'une éclatante actualité.Source http://www.gouvernement.fr, le 8 février 2017