Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le conflit syrien, à Paris le 10 février 2017.

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  • Jean-Marc Ayrault - Ministre des affaires étrangères et du développement international

Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Staffan de Mistura, envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, à Paris le 10 février 2017

Texte intégral

Une nouvelle fois, je me suis entretenu avec Staffan de Mistura, d'abord pour lui témoigner - comme je le lui ai dit mais je le redis devant vous - le soutien de la France pour la mission qui est la sienne. C'est une mission de médiation qu'il conduit avec beaucoup de courage et de persévérance. Et c'était l'occasion de faire le point sur l'évolution de la crise syrienne, avant la reprise des négociations inter-syriennes, que nous appelons de nos voeux depuis longtemps, et qui doivent redémarrer le 20 février prochain à Genève.
Nous savons tous que la situation sur le terrain reste critique. Il y a quelques jours a été publié le rapport d'Amnesty International qui fait état de la situation dans les prisons syriennes et des actes d'horreur commis par le régime syrien. Cela rappelle l'horreur de ce conflit qui dure depuis si longtemps, qui a fait tant de victimes et tant de destructions et qui a conduit à tant de réfugiés.
Chaque jour, nous sommes de plus en plus mobilisés pour que les hostilités cessent vraiment sur le terrain et que la transition politique puisse se mettre en oeuvre parce qu'il n'y a pas d'autre option. C'est en tout cas la conviction de la France.
L'accord de cessation des hostilités, qui a été conclu à Astana, a permis dans un premier temps une diminution sensible du niveau des hostilités. Mais il y a encore trop de violations de cette trêve, pour laquelle les parties prenantes à Astana se sont présentées comme garants.
C'est vrai que nous attendons de ces parties qu'elles appliquent les décisions prises à Astana. C'est ce que j'ai encore redit à nos interlocuteurs russes, turcs et iraniens. Mais, il faut bien constater que ces violations sont surtout le fait du régime, même si le régime bénéficie de soutiens et en particulier de milices iraniennes ou soutenu par l'Iran.
Et puis, nous constatons aussi la grande difficulté pour l'accès de l'aide humanitaire et qui est bloqué par le régime. Au cours du mois de janvier, un seul convoi humanitaire a pu arriver à bon port, ce qui fait qu'il y a encore 900.000 personnes qui attendent de l'aide. Voilà la réalité du terrain et, je le redis, il est impératif que la trêve soit pleinement respectée et que toutes les populations, qui en ont besoin, puissent bénéficier de cette aide humanitaire.
Il y a un impératif humanitaire mais aussi un impératif moral et un impératif politique. Si ces progrès ne sont pas suffisants, la négociation que nous appelons de nos voeux ne pourra pas démarrer sous de bons auspices et, pour nous, c'est notre priorité absolue.
La France souhaite que ces négociations puissent reprendre rapidement, mais aussi - nous l'avons dit après la réunion d'Astana - sous l'égide des Nations unies. Parce que c'est la communauté internationale qui est garante du processus de transition politique. Et nous souhaitons que la discussion et puis la négociation puissent se faire sur la base de la déclaration de Genève, mais aussi de la résolution 2254 du conseil de sécurité.
C'est la base qui a été acceptée par la communauté internationale. C'est un point de départ essentiel pour une transition indispensable pour pacifier le pays. Et pacifier le pays, c'est aussi une contribution essentielle à la réussite de la lutte contre le terrorisme.
Nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme, dans la coalition internationale conduite par les Américains. Nous aurons, dans quelques semaines, une nouvelle réunion à Washington des membres de cette coalition pour faire le point.
Et nous savons que les nouvelles autorités américaines sont très déterminées à lutter contre Daech et les autres groupes, comme al-Nosra en Syrie. Et c'est aussi notre conviction, cela nous paraît nécessaire.
Mais, dans le même temps, notre conviction, c'est qu'il n'y aura pas de succès durable dans la lutte contre le terrorisme si nous ne sommes pas capables de construire une transition politique pacifique en Syrie. Sinon, il restera toujours des poches de résistance et un terreau favorable pour que les combats des groupes terroristes, qui se défont et se refont, se poursuivent. Aussi, il y a une cohérence à mener de front l'ensemble des combats pour la paix.
Il faut que ces négociations soient crédibles, que les parties viennent de bonne foi, parce que nous avons connu dans le passé des expériences décevantes. À Genève l'année dernière, le régime, par son intransigeance, avait rendu tout dialogue impossible. Aujourd'hui, son attitude nous fait craindre qu'un scénario de ce type se répète.
C'est pourquoi nous attendons beaucoup de tous les partenaires - et en particulier de la Russie et de l'Iran et aussi des Turcs qui sont partie belligérante à des degrés divers sur le terrain - pour qu'ils jouent pleinement leur rôle. Qu'ils fassent entendre raison au régime, pour qu'autour de la table les représentants de l'opposition et les représentants du régime puissent négocier, je le répète, de bonne foi.
C'est pourquoi la France, ces derniers jours et ces dernières semaines, a multiplié les contacts avec les Russes, avec Sergueï Lavrov avec qui je m'entretiens régulièrement. Mais aussi je me suis rendu en Iran et en Arabie saoudite et j'ai pu m'entretenir avec le nouveau secrétaire d'État américain, ce que je referai encore la semaine prochaine à Bonn. Nous multiplions les contacts pour que les conditions se réunissent à nouveau pour un espoir de négociation.
Du côté de l'opposition, il est souhaitable que les négociateurs soient représentatifs de la diversité de l'opposition. Bien sûr avec le Haut conseil pour les négociations - qui est dirigé par Riad Hijab - et je souhaite qu'il puisse former rapidement une délégation qui soit inclusive et qui rassemble les groupes. Rassemblement qui devrait inclure, notamment, les représentants des groupes armés qui ont participé à l'accord de trêve, mais aussi d'autres personnalités de l'opposition qui partagent le même objectif, celui d'une transition démocratique en Syrie.
Il faut accepter de faire des gestes pour que tout le monde s'y retrouve. C'est en tout cas ce que nous recommandons pour les négociations au Haut conseil qui est actuellement en réunion à Riyad. Il faut que chacun démontre - encore une fois, je le répète - sa sincérité et sa bonne volonté. Et je connais bien Riad Hijab, j'ai eu l'occasion de le rencontrer souvent mais je crois qu'il a un rôle à jouer pour que cette délégation soit la plus large et la plus inclusive possible.
Encore une fois, je termine comme j'ai commencé en remerciant Staffan de Mistura. Je sais que sa tâche est extraordinairement difficile. Mais, il a beaucoup de courage et de conviction, je l'ai dit déjà et je le répète encore. Et il a tout le soutien et la confiance de la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 2017