Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances sur les débats autour de la restructuration de la dette grecque, Bruxelles le 20 février 2017.

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Circonstance : Réunion de l'Eurogroupe, à Bruxelles le 20 février 2017

Texte intégral

Q - Concernant la Grèce, à entendre vos homologues il semblerait qu'il y ait un consensus. Mais n'est-ce pas reculer pour mieux sauter ? On a l'impression que c'est un nouvel épisode.
Michel SAPIN : Ne trouvez-vous pas positif que l'on recherche aujourd'hui un accord et que, je l'espère, on puisse le trouver pour essayer de faire en sorte que la Grèce retrouve de l'air, de la croissance, et puisse à partir de là retrouver sa liberté ? Tous ceux-là travaillent ensemble et je pense qu'ils devraient arriver à un accord aujourd'hui. Cet accord permettra aux institutions d'aller à Athènes, de travailler avec les autorités grecques. Il ne faut pas simplement passer l'été, il faut aussi préparer la Grèce à un retour sur les marchés en 2018. Et moi je souhaite que, dès maintenant, on pense à cette étape qui est plus lointaine, celle de 2018, et qui est une étape absolument décisive.
Q - On a le sentiment que l'idée du FMI, de restructurer ou d'effacer une partie de la dette, est taboue au niveau des 19 ?
Michel SAPIN : Pour ce qui est de la France, depuis le début, nous disons que la Grèce devra bénéficier, d'une manière ou d'une autre, d'un allègement du poids de la dette. Cet allègement du poids de la dette, nous avons commencé à le mettre en œuvre avec des mesures dîtes de court terme. Nous devons continuer à travailler, fixer les grands principes, même si, comme vous le savez, ceci n'a pas besoin d'être mis en œuvre dès maintenant mais plus tard. Tous ces éléments forment un ensemble, les efforts faits par la Grèce et les efforts faits par les créanciers pour accompagner la Grèce dans son retour à la normale.
Q - Y a-t-il toujours un risque de Grexit ?
Michel SAPIN : Non, je le dis très clairement et très simplement : nous avons connu un moment difficile, tendu, en juillet 2015. C'était en juillet 2015. Depuis, nous avons surmonté le gros des difficultés. Ce n'est pas toujours simple, il peut y avoir des obstacles, il peut y avoir des moments de tension, mais ces tensions n'ont rien à voir avec ce que nous avons pu connaître en 2015. Donc, nous sommes dans une période de mise en œuvre d'un accord politique solide, celui de 2015, pour que la Grèce, je le redis, retrouve de l'air, de la croissance et pleinement sa place au sein de la zone euro.
Q - Craignez-vous qu'il n'y ait pas d'accord avant les élections françaises et que cela rende cet accord politique assez compliqué ?
Michel SAPIN : Nous recherchons aujourd'hui, dans les jours qui viennent, un accord et la mise en œuvre de cet accord. Bien sûr, parce qu'il y a des rendez-vous politiques, pas seulement en France, d'abord et avant tout aux Pays-Bas, puis en Allemagne. Donc il y a une fenêtre d'opportunité, je le dis depuis le début, aujourd'hui ouverte et qui le reste encore pendant quelques jours. C'est pour ça qu'il faut dès maintenant poser les bases solides d'un accord qui permette de passer l'été, et au-delà de l'été de regarder l'année 2018 de manière positive.
Q - Avec ces élections, n'est-ce pas la méthode Coué que de dire qu'il n'y aura pas de Grexit après le Brexit car on ne peut pas se le permettre ?
Michel SAPIN : Je ne sais pas pourquoi vous voulez absolument revenir là-dessus. Le Grexit, tout le monde a dit non en juillet 2015, donc la question n'est pas posée. A partir de là, nous travaillons à la mise en œuvre des dispositions nécessaires pour que la Grèce retrouve de la compétitivité et un équilibre durable de ses finances publiques. Nous travaillons aussi à la mise en œuvre d'un allègement de la dette. Cela a déjà commencé, je le répète, avec des mesures de court terme beaucoup plus importantes qu'on ne le dit, et qui permettent un allègement substantiel pour la Grèce.
Q - Le ministre allemand semble croire qu'une solution est possible avec le FMI. Pensez-vous que l'Europe peut résoudre le problème grec sans le FMI ?
Michel SAPIN : Depuis le début, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, disent qu'il vaut mieux que le FMI soit à bord. Ce n'est pas une position allemande, c'est une position que nous partageons. On aurait pu poser la question au tout début, en 2010. Est-ce qu'il fallait que le FMI soit là en 2010 ? Tout cela c'est derrière nous, c'était il y a 7 ans. Aujourd'hui le FMI est avec nous, le FMI doit rester avec nous, et le FMI restera avec nous. Cela fait partie des discussions d'aujourd'hui, et cela fait partie des modalités de l'accord qui est en train d'être discuté.
Q - Quel est votre message aux investisseurs qui s'inquiètent de la possible victoire de Marine Le Pen aux prochaines élections présidentielle ?
Michel SAPIN : J'ai déjà dit les choses très clairement. Ceux qui veulent jouer financièrement, ceux qui veulent faire des opérations contre la France en pensant que Marine Le Pen pourrait être élue, ceux-là se trompent et perdront beaucoup d'argent. Cela ne sert à rien de spéculer sur une arrivée de Marine Le Pen au pouvoir en France.
Q - Craignez-vous que les gros titres sur la crise de la dette grecque ne nourrissent un sentiment anti-européen en France ?
Michel SAPIN : Non, nous allons trouver un accord dans les jours qui viennent et nous le mettrons en œuvre. Il y a ce qui se passe en Grèce, ce qui se passe en Allemagne, ce qui se passe en France. C'est l'Europe, et dans l'Europe il y a la démocratie. Dans chaque pays, bat un cœur démocratique, pas exactement au même moment, mais c'est ainsi que nous avons construit l'Europe et ainsi que nous saurons dépasser les difficultés d'aujourd'hui.
Merci beaucoup".
Source http://www.rpfrance.eu, le 21 février 2017