Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur la lutte contre le terrorisme au Levant et au Sahel, à N'Djamena le 26 février 2017.

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Circonstance : Déplacement auprès des forces armées de l'opération Barkhane, en République du Mali, en République du Niger et en République du Tchad, du 24 au 26 février 2017

Texte intégral


Madame la Présidente de la Commission de la Défense de l'Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur l'ambassadeur,
Mon général,
Officiers, sous-officiers et soldats de l'opération Barkhane,
Je suis heureux et fier de venir à votre rencontre aujourd'hui. Il s'agit de mon trentième déplacement dans les pays du G5 Sahel, et je suis heureux de faire ici, sans doute mon dernier déplacement au Sahel en tant que ministre de la Défense après avoir été au Mali et au Niger. Je complèterai d'ailleurs mon déplacement au Tchad par une visite à vos camarades à Faya-Largeau. Je sors d'un entretien avec le Président Déby, à qui j'ai fait mes adieux. Ce qui m'a le plus frappé, c'est la considération et le respect qu'il porte à l'égard de la force Barkhane et la fraternité d'armes qui nous unit dans le combat contre le terrorisme dans les conditions exigeantes que nous connaissons.
M'adresser à vous aujourd'hui, c'est vous témoigner, comme l'a fait le Premier ministre à la fin du mois de décembre ici, la reconnaissance et la gratitude que j'éprouve, à l'image de celle de la Nation toute entière, pour les sacrifices que vous consentez et les risques que vous acceptez de courir au nom de la France. Que chacun d'entre vous, quel que soit sa fonction, son grade, son ancienneté ou son expérience, soit assuré du soutien total de notre pays pour votre engagement ici. Je me fais aujourd'hui le porte-parole du Président de la République pour vous transmettre le soutien des Français et vous exprimer mon admiration. Ce soutien, je ne cesserai de le manifester, aussi souvent que possible, jusqu'à la fin de mon mandat. Ce n'est peut-être pas ma dernière adresse aux forces puisque je me rendrai le week-end prochain auprès de vos camarades de la FINUL mais jusqu'à la fin de mon mandat, je témoignerai de vos qualités, de votre professionnalisme et de votre courage. Je pourrai aussi en témoigner à l'issue avec la même énergie, fort de mon expérience à votre contact.
La situation sur le théâtre, et en particulier au Mali, qui a été touché par un terrible attentat contre le camp des patrouilles mixtes de Gao le 18 janvier dernier, nous rappelle contre qui et contre quoi et pour quelle raison nous nous battons. Un autre attentat est aussi intervenu au Niger mercredi dernier. Ce combat se poursuit. Nous combattons des groupes terroristes qui ne reculent devant aucun moyen, aussi lâche, aussi brutal, aussi barbare soit-il. Le fondamentalisme religieux qui leur sert d'idéologie et de moyen d'endoctrinement n'est que le masque du mépris absolu qu'ils ont pour la vie humaine. Et cette violence extrême se joue des frontières. Elle ne se cantonne pas au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Tchad, vous le savez bien, vous qui opérez ici à l'état-major sur un théâtre couvrant cinq pays et grand comme l'Europe. Mais elle ne se restreint pas non plus à la bande sahélo-saharienne : c'est ce même terrorisme que nous combattons au Levant ou dans les rues de France, avec les patrouilles de l'opération Sentinelle.
Face à des combattants déterminés, face à la concurrence meurtrière à laquelle se livre les organisations terroristes, face à la diffusion de leur idéologie, nous avons fait le choix, non pas de la passivité, mais du combat ; un combat résolu, un combat fidèle aux valeurs de la République et qui fait honneur des armes de la France. La France est un des rares pays à avoir décidé de relever ce défi. Grâce à vous, grâce à nos armées et à nos services de renseignement, nous menons un combat global contre le terrorisme ; dans ce combat, vous êtes à l'avant-poste. Au Levant, au Mali ou sur les rives du lac Tchad, là où les terroristes tentent de s'approprier un territoire et de soumettre les populations à leur idéologie mortifère, ils se heurtent aux forces françaises avec leurs alliés, avec leurs partenaires, qui contrarient leurs projets et démantèlent leurs réseaux.
Des succès, nous en remportons beaucoup et sur tous les fronts. Quand je vois comment était la situation en janvier 2013 et la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, nous voyons les avancées que nous avons effectuées. Au Levant, Daech est en passe de perdre sa capitale irakienne, Mossoul, et l'étau se resserre autour de Raqqa, sa capitale en Syrie. Sur le front de Boko Haram, la branche historique de la secte est en difficulté face aux opérations menées par la force multinationale mixte que nous assistons avec, en particulier, nos amis américains et britanniques que je salue et qui travaillent en appui dans le cadre de la Cellule de Coordination et de Liaison. Nous enregistrons des succès.
Malheureusement, notre combat contre les groupes djihadistes n'est pas contre une armée régulière. Quel que soit votre succès, nos succès, sur le terrain, ils ne nous mettent pas à l'abri d'une attaque ou d'un attentat. Une approche globale est par conséquent nécessaire pour venir à bout de la menace terroriste. Vous accomplissez ici une part difficile du travail, mais changer les mentalités, rapprocher des adversaires en est une autre, tout aussi indispensable. La réconciliation des différents acteurs prendra du temps, et c'est pourquoi notre engagement est appelé à durer.
C'est la raison pour laquelle nous devons rester déterminés et vigilants pour continuer à nous adapter, en permanence, aux évolutions possibles de la menace. C'est ce que nous avons fait en créant Barkhane. C'est ce que nous continuons à faire en développant des détachement de liaison et d'appui opérationnel (DLAO). Cette adaptation permanente, avec vos partenaires, doit se poursuivre y compris dans le G5 Sahel. Et je veux saluer ici la détermination du général de Woillemont et rendre hommage au travail remarquable mené depuis l'été dernier. Je souhaite que vous puissiez continuer sur cette voie : pragmatisme, efficacité et adaptation avec nos partenaires.
Nous continuerons aussi à nous adapter en vous donnant les moyens de remplir nos missions. Car je sais à quel point le rythme des engagements récents de nos armées vous éprouve. Mais fidèles au devoir qui les caractérise, nos armées ont répondu avec succès aux nombreuses sollicitations que la France exigeait d'elles à travers le monde.
L'été prochain, grâce à la révision de la loi de programmation militaire décidée par le Président de la République et approuvée par le Parlement après les attaques de 2015, ce renforcement des effectifs permettra un allègement du rythme opérationnel des unités qui apportera un peu de souffle pour les uns et pour les autres. Néanmoins, ces mesures nous permettront de mener, dans la durée, ce combat de longue haleine contre le terrorisme, hors de nos frontières et sur le territoire national.
La présence de parlementaires à mes côtés témoigne de l'engagement de la représentation nationale dans notre combat. Par l'effort de défense qu'elle met en œuvre, la Nation reconnait la nécessité impérieuse de votre engagement et encourage votre détermination à servir votre pays. Car la qualité des hommes et des femmes qui servent nos armées est primordiale dans la réussite de nos missions ; votre valeur est reconnue par nos partenaires à travers le monde. C'est grâce à vous si, depuis cinq ans, la France a pu assumer ses responsabilités sur la scène internationale et conduire une politique de défense résolue à la hauteur des déchirements du monde d'aujourd'hui.
Voilà pourquoi je tenais, une fois de plus, à venir vous rencontrer et à m'adresser à vous. Au nom du Président de la République, de l'ensemble du gouvernement et de la Nation toute entière, je vous exhorte à poursuivre demain les combats de la France. Vous êtes l'honneur de la République.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 28 février 2017