Conférence de presse de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-irlandaises et sur le Brexit, à Dublin le 22 février 2017.

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Circonstance : Déplacement en Irlande, le 22 février 2017

Texte intégral


I'm very happy to be here in Dublin to see again my friend and colleague Charles Flanagan. Thank you very much for your welcome here in your country.
Nous nous voyons souvent et il est vrai que nous avons énormément d'occasions lors de réunions internationales, européennes. Nous sommes souvent en phase sur de nombreuses questions essentielles. Charles, tu étais venu me rendre visite à Paris au mois de décembre, c'était un moment à la fois officiel mais, en même temps, très amical et chaleureux. Je tenais beaucoup à venir aussi en Irlande pour répondre à ton invitation afin de poursuivre et d'approfondir nos échanges. Nous avons commencé à le faire dès ce matin.
Lors de sa visite ici, à Dublin, en juillet dernier, le président Hollande avait affirmé aussi le souhait de la France : celui de développer et d'approfondir les liens particuliers qui existent entre nos deux pays.
Ces relations entre la France et l'Irlande sont marquées par une longue amitié sincère, profonde, confiante, marquée par l'Histoire mais aussi par de très nombreux partenariats dans beaucoup de domaines.
Au fond, s'il y a des difficultés particulières et des relations un peu rugueuses, elles se limitent essentiellement sur les terrains de rugby. On en aura sans doute encore une illustration samedi prochain à l'Aviva Stadium de Dublin mais, là, je fais confiance aux équipes à la fois pour leur fairplay et pour leur talent.
Charles a également incarné l'amitié et la solidarité irlandaises avec la France. Et je le dis ici, dans cette maison de la diplomatie irlandaise, c'est l'occasion pour moi d'exprimer à nouveau la gratitude de la France pour le formidable appui qu'il nous a toujours manifesté, en particulier lors des attentats qui ont frappé notre pays au cours de ces dernières années. C'est un soutien si chaleureux et si fort, qu'il a exprimé et que le peuple irlandais a exprimé dans son ensemble, qu'il est allé droit au coeur de tous les Français.
À Dublin, j'ai commencé ce matin par une rencontre avec les exportateurs puis avec le Premier ministre, avec qui j'ai eu un échange tout à fait intéressant. Échange que je poursuis avec Charles toute une partie de la journée, après avoir inauguré les nouveaux locaux de l'Alliance française. Et, j'ai visité la magnifique bibliothèque du Trinity College.
Ce que nous sommes en train de faire c'est la poursuite de ce que nous avons entrepris depuis longtemps, c'est la construction de notre avenir commun. Pourquoi cela est-il encore plus nécessaire que jamais ? Parce que nous sommes confrontés à un monde qui change, à des évolutions, à des incertitudes, des risques aussi, face auxquels nous devons nous préparer, que nous devons anticiper et, y compris, traiter de façon responsable et efficace la décision du peuple britannique, dite du Brexit, de quitter l'Union européenne.
La discussion va donc bientôt s'ouvrir entre l'Union européenne et le Royaume-Uni lorsque ce dernier aura notifié sa décision et que l'article 50 sera activé. Nous savons que c'est un défi pour tous les Européens. C'est un défi pour nos pays sur les plans économique, politique et diplomatique. Nous avons, sur ces questions, beaucoup en commun. Cela tient bien sûr à une conception largement convergente de la construction européenne, cela tient aussi à certaines caractéristiques communes à nos deux pays. Et je retrouve, dans l'analyse et les orientations qui ont été données il y a tout juste un mois par Charles, les mêmes principes que ceux qui guident l'action de la France : la clarté dans l'énonciation des enjeux, la volonté de renforcer la cohésion et l'unité de l'Union européenne, le respect des principes fixés par les Européens pour la conduite des négociations.
Bien sûr, nous avons nos spécificités et l'Irlande en a une qui tient à sa géographie et à son histoire. Je comprends parfaitement les interrogations que suscite la sortie du Royaume-Uni et les inquiétudes aussi. L'accord du «good Friday» revêt pour l'Irlande un caractère essentiel. La France le comprend parfaitement et je l'ai dit ce matin à Charles, il nous reviendra - en tant qu'Européens et en tant qu'amis de l'Irlande - de travailler pour en assurer la bonne mise en oeuvre dans le contexte nouveau du Brexit. Vous y êtes attachés à juste titre. Il faut donc trouver la bonne solution. Un travail a déjà commencé, il faut le poursuivre. En ce qui concerne la France, nous sommes disposés à aider.
Dans les prochains mois, la négociation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne devra être suivie avec la plus grande précision, la plus grande attention, la plus grande précaution. Mais, en même temps, cette négociation ne doit pas mobiliser toute notre énergie, nous devons également nous consacrer au renforcement de l'Union européenne, les 27 qui resteront ensemble. Car nous avons la même conviction, celle que le Taoiseach a réaffirmé, ce qu'il m'a dit encore ce matin et, récemment, dans son discours du 15 février : la construction européenne et l'avenir de nos pays sont étroitement liés.
C'est pourquoi il est important de préparer les échéances à venir. Je pense en particulier au sommet du 25 mars à Rome à l'occasion du 60e anniversaire du Traité de Rome, qui doit nous permettre de réaffirmer notre engagement européen, de tracer les orientations pour l'avenir, une Europe qui réponde aux défis auxquels nous sommes confrontés, qui apporte davantage de protection et de sécurité, qui contribue à la croissance et à l'emploi, qui effectue aussi la nécessaire transition énergétique et numérique et qui permette aux jeunes Européens d'accéder au savoir, à la formation et à l'emploi.
Ce sont ces questions que nous allons approfondir tout au long de cette journée de séances de travail en commun. Et, bien sûr, comme Charles l'a fait, nous allons aborder les principaux dossiers internationaux. Sur beaucoup d'entre eux, nous partageons la même vision et les mêmes principes. Les mêmes valeurs nous animent et, en particulier, nous sommes attachés au multilatéralisme. Cela se traduit par la forte contribution de l'Irlande aux opérations de maintien de la paix à laquelle je tiens ici à rendre hommage. Et c'est le cas depuis des années.
Je voudrais encore une fois remercier l'Irlande et, en particulier, Charles Flanagan pour son soutien constant aux initiatives de la France concernant la paix au Proche-Orient et à la réaffirmation de la nécessité de deux États. L'Irlande a été active dans la préparation des différentes étapes et, en particulier, pour la conférence du 15 janvier consacrée à cette très importante question.
Nos discussions, bien entendu, prennent en compte les évolutions du monde, je l'ai dit, mais pas seulement les évolutions économiques, sociales ou environnementales, mais aussi les évolutions politiques. Bien sûr, nous parlerons de la nécessaire clarification de la position américaine concernant notamment l'Europe et le multilatéralisme, et beaucoup d'autres questions à la suite de l'élection aux États-Unis. C'est l'un des sujets que nous aurons l'occasion d'aborder et d'approfondir.
Q - Monsieur le Ministre, qu'attendez-vous de l'Irlande concernant la négociation du Brexit ? Et qu'est-ce que la France peut apporter dans les négociations avec l'Irlande ?
R - L'Irlande et la France partagent la même approche concernant la méthode pour négocier, dans un premier temps, les conditions de sortie ? dans le cadre de l'article 50 et il y a un mandat du Conseil européen au négociateur Michel Barnier - qui permettent, dans les deux ans que durera cette négociation, de traiter l'ensemble des questions qui relèvent de la séparation. Il faudra le faire dans un esprit constructif, équitable, qui préserve les intérêts de l'Union européenne et qui donne aussi la possibilité, pour la deuxième négociation, des perspectives pour un cadre clair de la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.
Dans ce cadre, nous savons que la question de la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord est une question sensible. C'est un enjeu à la fois humain, historique, politique, économique et, j'ai évoqué les accords du Vendredi Saint, la stabilité du processus de paix et de réconciliation en Irlande du Nord est un acquis.
C'est un acquis pour les Irlandais eux-mêmes, mais c'est un acquis de la communauté internationale et c'est un acquis de l'Union européenne. Nous comprenons les conséquences que le retrait du Royaume-Uni a sur la question de la frontière. C'est notre responsabilité commune d'Européens de permettre aux principes de l'accord du Vendredi Saint d'être préservés. Et nous, la France, amie de l'Irlande, c'est de notre responsabilité particulière d'écouter ce que les Irlandais nous disent sur cette question. Quant aux modalités concrètes, elles seront précisées bien entendu dans le respect du droit des exigences communautaires, mais le travail a déjà commencé. La France est disponible pour aider. Je suis sûr que nous trouverons la solution car nous devons trouver la solution.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2017