Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les objectifs de réforme et d'évolution de l' Ecole Polytechnique, Paris le 17 novembre 2001.

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Circonstance : Cérémonie de présentation au drapeau de la promotion X 2000, à l'école Polytechnique, Paris le 17 novembre 2001

Texte intégral

Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les élus locaux,
Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué général,
Monsieur le Secrétaire général pour l'administration
Monsieur le Directeur général
Messieurs les officiers généraux,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de venir pour la troisième fois présider la cérémonie de présentation au drapeau d'une promotion, aujourd'hui la promotion 2000. D'abord parce que votre Ecole est le symbole de la qualité des écoles d'ingénieurs françaises et de l'excellence de notre recherche scientifique. Mais je suis aussi tout particulièrement heureux de venir saluer votre Ecole alors que s'achève la mise en place de la réforme de la scolarité, que j'ai demandée ici même en 1998 et qui s'appliquera en totalité et pour la première fois, à votre promotion, la promotion 2000.
La réforme X-2000 : la triple vocation de l'Ecole
En annonçant à vos camarades les grandes lignes de la " réforme X-2000 ", je soulignais alors que l'objectif de mettre en uvre pour votre promotion ces évolutions - c'est-à-dire notamment d'ouvrir l'Ecole en terme de recrutement et d'internationalisation et de modifier en profondeur la scolarité - était audacieux. C'est le moment aujourd'hui de féliciter tous ceux, les dirigeants de l'Ecole, le corps enseignant et les chercheurs, l'ensemble des personnels civils et militaires ainsi que la communauté polytechnicienne, qui ont permis d'avancer aussi rapidement vers cette mise en place.
A travers le " projet X-2000 ", le Gouvernement réaffirme la triple vocation de l'Ecole Polytechnique : former, pour les entreprises, des cadres à fort potentiel, des innovateurs, des jeunes ayant l'esprit d'entreprise ; former, pour la recherche, des savants de haut niveau aptes à aborder les domaines les plus nouveaux ; former, pour les services de l'Etat, de futurs hauts fonctionnaires qui pourront appréhender, dans un cadre multinational ou communautaire, les aspects les plus novateurs des missions de l'Etat. A titre d'exemple, en tant que ministre de la Défense, je peux témoigner de l'importance pour mon ministère de disposer, grâce au corps de l'armement, d'ingénieurs de haut niveau pour donner à notre pays les capacités nécessaires à la maîtrise de l'ensemble des dimensions de sa sécurité et de sa défense. Par ailleurs, la présence d'officiers issus de l'Ecole Polytechnique au sein des forces armées enrichit le recrutement et y insuffle l'esprit d'excellence de Polytechnique.
En impulsant l'adaptation de Polytechnique aux évolutions de la fin du 20ème siècle, Pierre Faurre, dont je veux saluer la mémoire avec respect et amitié, aura voulu rester fidèle à l'esprit et aux hautes exigences de ses fondateurs qui, en leur temps, avaient souhaité, par une formation appropriée, mettre à contribution les meilleurs talents scientifiques pour construire une nation moderne. Cette idée fondatrice est plus que jamais d'actualité. Créée à un moment critique de notre histoire, cette Ecole n'a cessé d'évoluer, pour devenir l'un des tous premiers établissements d'enseignement. Dans un contexte nouveau, dans un monde qui tous les jours se rétrécit et dans lequel la science connaît des développements inimaginables, l'Ecole Polytechnique se devait d'agir et d'évoluer. Je note d'ailleurs que l'Ecole a su, parmi les premières institutions françaises et européennes, prendre suffisamment tôt conscience de cette mondialisation croissante, grâce notamment à Bernard Esambert, qui a présidé l'Ecole pendant 9 ans et qui nous fait l'amitié d'être avec nous aujourd'hui.
Le contrat de plan pluriannuel de l'Ecole Polytechnique
Permettez-moi à présent d'évoquer les objectifs que nous devons désormais nous fixer collectivement et qui sont orientés dans trois directions :
- développer la formation au meilleur niveau mondial,
- amplifier la dimension internationale de l'Ecole,
- développer la capacité de recherche et valoriser les résultats.
Pour y parvenir, votre nouveau président du Conseil d'administration, Yannick d'Escatha, m'a proposé de définir avec le Ministère un cadre financier pluriannuel qui donne à l'Ecole la lisibilité financière nécessaire pour atteindre ces objectifs.
Ce travail a abouti à l'élaboration d'un contrat pluriannuel, que nous signerons dans quelques instants, portant sur la période 2002-2006. Les missions de l'Ecole, ses objectifs et les moyens nécessaires pour y parvenir y sont précisément inscrits.
L'Etat s'engage à maintenir en volume, pendant la durée du contrat, sa contribution au fonctionnement de l'Ecole, à hauteur d'environ 43 millions d'euros par an et aux investissements à hauteur d'environ 6 millions d'euros par an. C'est un effort substantiel de mon Ministère, dans un cadre budgétaire qui est le sien. C'est également une contribution sensiblement supérieure à celle que l'Etat accorde en général à des centres d'enseignement et de recherche. Elle est à la hauteur des ambitions légitimes que nous avons tous pour l'Ecole. Elle illustre les devoirs et responsabilités que vous avez envers la collectivité nationale.
L'Ecole s'engage de son côté à accroître ses ressources propres en les faisant passer de 4,2 millions d'euros par an en 2001 à 7,7 millions d'euros par an à l'échéance du plan en 2006, en développant notamment des partenariats avec les entreprises.
Ce contrat pluriannuel fixe des objectifs de résultat clairs et quantifiés. Permettez-moi de rappeler ceux qui me paraissent les plus importants.
La modernisation de la formation
Le premier de ces objectifs est la modernisation du cursus de formation des élèves. Celle-ci s'appuiera sur les points forts qui ont toujours été ceux de la formation dispensée à l'Ecole.
Je pense bien entendu d'abord à la formation poly-scientifique des élèves, qui permet de développer leurs qualités de rigueur, d'intuition et d'innovation. Elle est la base de l'image d'excellence scientifique de l'enseignement dispensé par l'Ecole et des qualités de polyvalence reconnues à ses anciens élèves.
La rénovation de la pédagogie, actuellement engagée, passe notamment par :
- la mise en place d'un véritable encadrement personnalisé au travers de formules de tutorat,
- une utilisation plus forte des nouvelles technologies de l'information et de la communication,
- une priorité accordée au travail en groupes et aux projets collectifs,
- l'accès fréquent à des cours scientifiques donnés en langue étrangère,
- le renforcement des liens avec la recherche.
Il s'agit également, au cours des 3ème et 4ème années, d'acquérir une compétence scientifique et professionnelle plus spécialisée et mieux reconnue à l'échelle internationale. Cette deuxième phase de la scolarité permet une grande diversité des cursus de formation. Ainsi, chaque élève pourra bâtir progressivement et en toute connaissance de cause son propre projet professionnel et il acquerra une vraie capacité à aborder et à résoudre les défis lancés aux ingénieurs de haut niveau dans les prochaines années. La quatrième année de formation sera menée sous contrôle de l'Ecole. Ceci conduira à renforcer les liens déjà existants entre l'Ecole et les institutions dispensant cette formation complémentaire : les grandes écoles françaises bien sûr, mais aussi les prestigieuses universités européennes ou américaines par exemple.
De même, vous avez bénéficié d'une formation humaine initiale s'intégrant directement dans le cursus de vos études d'ingénieur. Cette formation a été effectuée au sein des forces armées et pour un quart d'entre vous dans des organismes civils (sécurité civile, police nationale, éducation nationale en zone d'éducation prioritaire, associations de réinsertion de jeunes en difficulté, justice). Elle constitue une rupture avec vos années de classes préparatoires. Elle vous sensibilise aux qualités personnelles indispensables pour exercer de hautes responsabilités, au goût du travail en équipe, ainsi qu'au sens des responsabilités civiques et sociales comme de l'intérêt général.
L'internationalisation
Par ailleurs, l'Ecole doit s'imposer comme une grande institution scientifique au plan européen et mondial. Soyez bien conscients qu'elle est soumise à une concurrence vive qui nécessite de s'adapter rapidement, afin que ses diplômes jouissent de la plus grande reconnaissance possible au plan international. La lisibilité de son nouveau cursus l'y aidera. Mais il faut encore augmenter le recrutement d'élèves étrangers, en provenance notamment des pays de l'Union européenne, de sorte que les promotions comptent une centaine d'élèves étrangers, ce qui fera passer la taille des promotions de 450 à 500 élèves d'ici 2 ans. Pour y parvenir, l'Ecole doit être attractive sur un marché international ouvert et concurrentiel.
La venue d'étudiants étrangers dans un établissement comme celui-ci, réputé de très haut niveau et considéré comme difficile, ne doit pas buter sur des obstacles financiers. Je soutiens pleinement l'initiative de l'Ecole de monter un système de bourse incitative.
La récente adhésion de l'Ecole au groupement " Paris Tech ", qui réunit les grandes écoles d'ingénieurs parisiennes, et à " Uni Tech ", réseau européen d'universités scientifiques et techniques et de grands groupes industriels, facilitera le recrutement d'élèves étrangers et permettra de créer des partenariats forts avec ces établissements européens.
Dans ce domaine de l'internationalisation, je fixe à l'Ecole deux objectifs à l'horizon 2006 :
- durant sa scolarité, chaque élève devra, lors de stages ou en formation, avoir séjourné au moins 3 mois dans une institution étrangère ;
- une centaine d'élèves français au minimum par promotion devront réaliser leur spécialisation de 4ème année à l'étranger.
Enfin, l'Ecole devra s'attacher à augmenter le pourcentage actuel d'enseignants étrangers. Celui-ci est aujourd'hui de l'ordre de 15 %. L'inverse est tout autant souhaitable : les enseignants de l'Ecole doivent se ménager une expérience professionnelle à l'étranger d'une durée significative. L'Ecole mettra en place les moyens favorisant ce type de mobilité.
Le potentiel de recherche de l'Ecole
La qualité de la recherche de l'Ecole est un troisième objectif majeur. Le potentiel de recherche d'une institution comme l'X est le principal critère de sa reconnaissance sur le plan international. Dans cet esprit, j'ai bien noté trois axes prioritaires : la biologie, l'optique et les lasers, le traitement de l'information. Ces orientations viennent d'ailleurs d'être confortées dans le cadre d'un autre contrat pluriannuel, avec le CNRS en l'occurrence. Ceci prouve d'ailleurs la parfaite collaboration entre l'Ecole et le monde scientifique, à laquelle nous tenons tout particulièrement avec mon collègue Roger-Gérard Schwartzenberg.
L'Ecole est par ailleurs un utile exemple de la collaboration entre recherche civile et militaire, comme j'avais pu le constater en visitant le laboratoire des lasers de haute puissance - le LULI - l'an dernier. Vous savez que le CEA développe pour le compte du Ministère de la Défense un programme ambitieux de simulation. J'ai demandé au CEA de renforcer les collaborations avec le monde scientifique autour du CESTA en région Aquitaine, qui accueillera le laser mégajoule. Il faut faire le maximum pour organiser l'utilisation à des fins scientifiques de cet équipement unique au monde.
La valorisation de la recherche
En matière de recherche comme dans le domaine de la formation, l'effort financier de la collectivité nationale justifie de diffuser les résultats de vos travaux dans le tissu économique, en vue de contribuer au développement de notre industrie et à la création d'emplois.
Cet objectif doit se traduire dans les deux années à venir par :
- le développement, en partenariat avec les entreprises, des applications industrielles des travaux de ses laboratoires,
- le soutien à la création de " start up " innovantes, soit directement, soit par la prise de participation dans les structures créées par d'autres partenaires de l'École.
Ceci permettra de développer l'esprit d'entreprise des élèves, et renforcera les liens entre l'Ecole et le monde de l'entreprise. L'édification en cours d'un important centre de recherche par le groupe Danone à l'ouest de l'Ecole en est, déjà, une première confirmation. D'autres projets sont en voie de concrétisation, notamment avec Thalès, qui souhaite étendre ses partenariats avec la recherche publique et qui est un des premiers partenaires de l'Ecole dans de nombreux domaines comme l'optronique et l'électronique.
Ces partenariats permettront en outre à l'Ecole d'augmenter ses ressources propres pour financer les besoins supplémentaires créés par la réforme, en liaison avec la Fondation de l'Ecole polytechnique. Je souhaite sur ce point une mobilisation rapide des énergies de l'Ecole autour de projets concrets.
Une évolution des statuts de l'Ecole
Enfin, j'ai demandé au président du Conseil d'administration, dans la lettre de mission que je lui ai adressée, d'étudier avec les services du Ministère les évolutions statutaires nécessaires pour doter l'Ecole de modes de fonctionnement pleinement cohérents avec les profondes transformations qui lui sont demandées. Les conditions de fonctionnement de l'Ecole doivent être comparables à celles des institutions d'enseignement et de recherche de niveau mondial.
Le statut actuel de l'Ecole remonte à plus de trente ans. Il a permis de faire passer dans de bonnes conditions l'Ecole Polytechnique de la situation de service de l'Etat, sans personnalité juridique, à celui d'établissement autonome, en particulier dans le domaine de la gestion des personnels. Il est logique que des évolutions soient désormais nécessaires, et nous en discuterons sur la base de vos réflexions avec les services du Ministère d'ici mars prochain.
Aux élèves de la promotion 2000
Je voudrais terminer mon propos en m'adressant plus particulièrement à vous, les élèves de la promotion 2000. Vous êtes les premiers à suivre intégralement le nouveau cursus, avec une première année consacrée en grande partie à la formation humaine et militaire, suivie de deux années d'enseignement scientifique et de stages, et se concluant par une quatrième année professionnalisante.
La présentation de votre promotion au drapeau de l'Ecole est un jour important pour vous. Il l'est aussi pour vos parents et vos familles, présents autour de vous aujourd'hui, car ils ont toute leur part dans votre réussite dont ils sont légitimement fiers.
Ce jour solennel est aussi pour moi l'occasion de vous rappeler vos engagements. Eduqués comme une élite de la connaissance et du savoir, vous avez des devoirs. Grâce à votre travail, grâce aussi à l'investissement de la collectivité, vous avez maintenant, chacune et chacun d'entre vous, votre rôle à jouer dans la construction de notre avenir commun. Gardez à l'esprit les qualités de vos illustres prédécesseurs : curiosité d'esprit, rigueur, méthode, créativité et goût de l'initiative, sens de l'intérêt général.
Je vous souhaite bonne chance pour vos engagements et vos projets futurs, et je vous appelle à prendre part à votre mission de maintenir ici un pôle d'excellence qui est à la base de beaucoup des succès de notre pays.

(source http://www.defense.gouv.fr, le 28 novembre 2001)