Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-ukrainiennes, à Paris le 9 mars 2017.

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Circonstance : Point de presse conjoint avec M. Pavlo Klimkine, ministre ukrainien des affaires étrangères, à Paris le 9 mars 2017

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de retrouver Pavlo Klimkine, un collègue devenu un ami. Nous nous voyons souvent et c'est un plaisir tout particulier de l'accueillir ici au Quai d'Orsay. Il est déjà venu à de nombreuses occasions, mais aujourd'hui, cette visite revêt une dimension particulière. En effet, nous célébrons l'établissement de nos relations diplomatiques, c'était le 24 janvier 1992. Nous avons 25 ans d'amitié franco-ukrainienne et aussi 25 ans d'un partenariat sans cesse plus étroit et confiant. 25 ans au cours desquels la France, amie de l'Ukraine, a accompagné ce pays dans toutes les étapes de son évolution. 25 années marquées par des événements tragiques et la France n'oublie pas les victimes et les morts de Maïdan. À nouveau, je voudrais m'incliner ici devant leur mémoire.
Je n'oublie pas non plus les victimes du conflit du Donbass ; il n'y aurait rien de pire que d'effacer de nos mémoires les 10.000 morts au moins, que ce conflit a généré.
Mais il y a aussi des moments d'espoir qu'il faut rappeler, ceux où le peuple ukrainien a montré au monde sa soif de liberté et de démocratie. Aujourd'hui, ce qui nous unit dans ce monde troublé, ce sont des valeurs de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'Homme, d'ouverture aux débats pluralistes et à la différence. Je le répète, ces valeurs ne sont pas occidentales, elles sont universelles. Elles n'ont pas vieilli, elles sont même encore plus jeunes que jamais et elles n'appartiennent pas au passé. Il faut les défendre sans cesse, sans se laisser impressionner par ceux qui tentent de les disqualifier. L'Ukraine et la France le savent, et c'est ensemble qu'elles vont tout faire pour l'avenir, pour les préserver et les promouvoir.
Nous avons un partenariat bilatéral fort au service de ces valeurs que nous voulons encore renforcer, ce qui nous permet de regarder vers l'avenir.
Il y a de nombreux défis : le premier, c'est bien sûr la situation dans le Donbass. La France, avec le président de la République François Hollande, a pris des initiatives. Et la France est et restera aux côtés de l'Ukraine pour aider ce pays ami à retrouver la paix sur l'ensemble de son territoire, dans le respect de sa souveraineté, de son intégrité territoriale, et dans le respect des droits de toute la population ukrainienne. La France ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas l'annexion illégale de la Crimée. La France, avec l'Allemagne dans le format Normandie, restera pleinement engagée afin de trouver les voies de la paix et de refermer les blessures de la guerre.
Le 18 février à Munich nous avons eu une réunion ministérielle en format Normandie. Lors de cette rencontre, nous avons tout fait pour aller à l'essentiel, à la priorité du moment, c'est-à-dire éviter l'escalade militaire qui était en cours, en particulier à Avdiïvka. Il faut être lucide car beaucoup reste à faire pour le désengagement des forces et le retrait des armes lourdes. C'est pourquoi il faut persévérer et, surtout, ne pas perdre l'objectif qui est la mise en oeuvre des accords de Minsk. Pour y parvenir, toutes les parties ont une responsabilité, mais la Russie à une influence particulière sur les séparatistes du Donbass.
J'appelle donc à nouveau les autorités russes à user de cette influence pour créer enfin les conditions d'une sécurité durable dans le Donbass. Ce qui permettra alors aux autorités ukrainiennes d'avancer plus loin encore dans la mise en oeuvre du volet politique des accords de Minsk.
Je sais que ce sont des choix difficiles à faire et qui font parfois débat dans la société ukrainienne, mais c'est le seul moyen d'aboutir à la paix. Tant que les accords de Minsk ne seront pas mis en oeuvre - nous en avons encore parlé ce matin et j'en ai parlé également avec mes autres collègues allemand, et américain et Pavlo Klimkine l'a fait aussi -, pour nous les sanctions restent totalement d'actualité. Elles ne sont pas une punition mais elles sont un moyen pour mettre en oeuvre les accords de Minsk, elles prennent ainsi tout leur sens.
Dans les jours qui viennent, ici-même à Paris - puisque nous poursuivons le format Normandie - une réunion est prévue au niveau des directeurs politiques. Nous avançons. Même si ce sont des petits pas que certains peuvent nous reprocher car ils attendent le grand soir, nous voulons que, chaque fois, il y ait une avancée. C'est pourquoi nous ne nous résignerons jamais, car nous n'acceptons pas le statu quo. Certains sont tentés en pensant que finalement on peut laisser faire dans le Donbass. C'est très dangereux et très injuste pour tous ceux qui y vivent, c'est très pénalisant pour la population, pour l'activité économique, pour la stabilité et la sécurité, mais c'est aussi un risque permanent d'escalade. Du point de vue du droit, ce n'est pas acceptable. Accepter le statu quo, c'est se résigner à un état de fait.
Au cours de notre rencontre, nous avons eu un échange approfondi sur ces sujets. Nous avons profité de cette rencontre pour évoquer les relations bilatérales qui sont riches et diverses. Avec l'Union européenne, j'ai réaffirmé à Pavlo Klimkine, le soutien du gouvernement français pour les efforts courageux qu'il a entamé pour réformer son pays. Nous avons évoqué beaucoup de réformes, Pavlo a parlé de l'installation progressive de l'État de droit, de la justice, de la lutte contre la corruption, de la mise en place de mécanismes qui contribuent à créer un climat des affaires favorable et transparent. Nous ne pouvons que souhaiter que ces efforts se poursuivent dans l'intérêt même de la population ukrainienne.
Sur le plan économique, l'Ukraine va mieux et je m'en félicite. Bien sûr, les Ukrainiens souhaitent que cette situation soit consolidée. Il y a des progrès concernant les échanges avec la France. Je rappelle à ce sujet que la France est le premier employeur étranger en Ukraine, mais nous sommes convaincus que ce n'est pas suffisant et que nous pouvons faire beaucoup plus.
Ensemble, nous avons évoqué des pistes d'approfondissement dans ce domaine et nous allons donc amplifier notre mobilisation. C'est l'engagement que j'ai pris auprès de Pavlo Klimkine.
Pavlo, c'est pour moi l'occasion de saluer ton engagement, ta détermination sans faille ni faiblesse. Partout tu es présent pour défendre une cause, et cette cause est juste. Tu peux donc compter sur mon soutien, sur celui de la France et sur son amitié.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 2017