Texte intégral
Q - Comment l'aide française va-t-elle s'articuler avec l'accord politique qui est en train d'être signé à Bonn ?
R - Aujourd'hui, au Centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, Charles Josselin et moi avons organisé une "journée pour l'Afghanistan" qui a pour objet de recenser tout ce que la France est capable d'apporter ou de proposer aux Afghans, pour les accompagner dans le travail de construction d'un Afghanistan tout à fait nouveau, qui va pouvoir commencer dès maintenant. Des travaux ont eu lieu et beaucoup d'Afghans, beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'administrations se sont exprimés sur toutes sortes de sujets comme l'agriculture, la santé, la formation, l'éducation, la question des femmes, beaucoup de choses très prometteuses. Nous allons ensuite insérer nos propositions dans des programmes multilatéraux. Dans certains cas, ce seront des coopérations bilatérales. Par exemple, la France est certainement bien placée pour proposer aux Afghans de les aider à redémarrer le lycée Esteqlal pour les garçons et le lycée Malalaï pour les filles ou bien l'hôpital qui était géré par la France dans le passé.
Il y a des domaines où on peut démarrer très vite. Mais, dans beaucoup de cas, nous allons insérer nos moyens, nos propositions, dans des programmes européens, dans des programmes de la Banque mondiale, ou de tel ou tel organisme. C'est cela le processus. Alors, naturellement, nous avons besoin d'un interlocuteur afghan et le fait qu'il y ait, je l'espère bientôt, dans quelques jours, une administration provisoire issue de l'accord qui est imminent à Bonn, est un élément de facilitation considérable.
Il y a aussi la question de la sécurité qui est un préalable au développement de toute coopération de grande ampleur. Là, ce sont aussi les Afghans, dans la foulée de la Conférence de Bonn, qui doivent se mettre d'accord sur les modalités de sécurité. Tous les éléments avancent en même temps maintenant.
Q - Est-ce que ce n'est pas le rôle de la France d'être moins présente militairement et d'être là pour la reconstruction en matière de politique étrangère ?
R - Non, il n'y a aucune répartition de ce type. La réalité militaire en ce qui concerne la lutte contre Al Qaïda à l'origine des Taliban, tout le monde l'a vu, a été essentiellement américaine. A part quelques contributions de quelques autres pays, dont d'ailleurs des contributions françaises sur le plan de la reconnaissance aérienne, sur le plan naval, sur le plan de l'échange de renseignements et quelques contributions britanniques, c'était essentiellement une action américaine, parce que pour les Américains c'était beaucoup plus commode d'agir ainsi. Mais cela n'a rien à voir avec l'autre sujet. Il n'y a pas de répartition et ce n'est pas parce que les Etats-Unis ont voulu agir militairement seuls pour l'essentiel que les autres pays doivent faire autre chose. Si nous voulons proposer à nos amis Afghans une participation aux constructions, c'est parce que nous aimons ce pays, que ce pays a été extrêmement meurtri et détruit depuis une vingtaine d'années et que nous avons envie d'être là à leur côté, c'est aussi simple que cela. Nous ne serons pas les seuls, il y a un immense élan de solidarité mondial. Les Afghans le savent et il faut qu'ils s'organisent maintenant pour en faire le meilleur usage.
Q - Cet inventaire arrive, celui dont vous parliez tout à l'heure, juste à la veille de la Réunion de Berlin, de cette réunion de donateurs. Est-ce que vous pensez qu'au fond cela va suivre ? Est-ce que l'argent va suivre pour l'Afghanistan ?
R - Cela montre d'abord que quand nous avons fixé la date de cette journée, nous n'avons pas trop mal choisi le moment puisque c'était celui où la Conférence de Bonn semble s'achever sur un bon résultat. Cela va permettre de mettre sur pied une administration provisoire pour l'Afghanistan, à la veille de cette Conférence de Berlin, qui rassemble les organismes qui dispendent les crédits d'aide.
Sur la question de l'aide, la réponse est "oui". Oui, je pense que cela va suivre. Le monde entier est prêt à aider l'Afghanistan. D'abord avec des pressions humanitaires immédiatement et le monde entier est prêt à aider l'Afghanistan dès lors que les Afghans s'organisent entre eux et s'ils passent un accord politique, s'il y a cette administration. Les Européens vont être là, les pays voisins vont être là, les Japonais, beaucoup d'organismes vont être là. C'est une occasion historique pour les Afghans. Nous ne sommes pas du tout dans le cas de figure de 1992 où ce pays était abandonné à lui-même, avec toutes ses luttes internes. C'est exactement l'inverse. Mais c'est une question de bonne organisation entre nous. Des réunions ont déjà eu lieu au cours des dernières semaines et vont se précipiter dans les jours qui viennent, certaines à Berlin ou à Bruxelles ou au Japon.
Q - Votre réaction après la dégradation brutale de la situation au Proche-Orient ?
R - Je suis absolument affligé parce que cela fait maintenant des mois que la France et que les autres Européens appelons à ce que la situation soit prise tout à fait autrement. Les Israéliens ont évidemment le droit et le devoir même de lutter contre le terrorisme mais il nous semble que cette fuite en avant dans le cycle des représailles ne garantit même pas aux Israéliens la sécurité à laquelle ils aspirent légitimement. En plus, cela aggrave de façon pathétique et constante la situation des Palestiniens, d'où ces réactions. L'Autorité palestinienne est de moins en moins en mesure de juguler les martyrs et les terroristes aveugles. C'est dirigé autant contre elle que contre le gouvernement israélien. Je suis infiniment triste parce qu'il faudrait, je crois, réagir autrement.
Q - Est-ce que la France ou l'Europe peuvent prendre une initiative encore maintenant ?
R - Le monde entier ne peut pas baisser les bras. Ce n'est pas la question de la France ou de l'Europe. C'est vrai pour les Etats-Unis, c'est vrai pour tous les grands pays, c'est vrai pour les pays voisins. On ne peut pas laisser ces deux peuples se déchirer dans cette fuite infernale en avant, il faut qu'il y ait un sursaut.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 décembre 2001)
R - Aujourd'hui, au Centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, Charles Josselin et moi avons organisé une "journée pour l'Afghanistan" qui a pour objet de recenser tout ce que la France est capable d'apporter ou de proposer aux Afghans, pour les accompagner dans le travail de construction d'un Afghanistan tout à fait nouveau, qui va pouvoir commencer dès maintenant. Des travaux ont eu lieu et beaucoup d'Afghans, beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'administrations se sont exprimés sur toutes sortes de sujets comme l'agriculture, la santé, la formation, l'éducation, la question des femmes, beaucoup de choses très prometteuses. Nous allons ensuite insérer nos propositions dans des programmes multilatéraux. Dans certains cas, ce seront des coopérations bilatérales. Par exemple, la France est certainement bien placée pour proposer aux Afghans de les aider à redémarrer le lycée Esteqlal pour les garçons et le lycée Malalaï pour les filles ou bien l'hôpital qui était géré par la France dans le passé.
Il y a des domaines où on peut démarrer très vite. Mais, dans beaucoup de cas, nous allons insérer nos moyens, nos propositions, dans des programmes européens, dans des programmes de la Banque mondiale, ou de tel ou tel organisme. C'est cela le processus. Alors, naturellement, nous avons besoin d'un interlocuteur afghan et le fait qu'il y ait, je l'espère bientôt, dans quelques jours, une administration provisoire issue de l'accord qui est imminent à Bonn, est un élément de facilitation considérable.
Il y a aussi la question de la sécurité qui est un préalable au développement de toute coopération de grande ampleur. Là, ce sont aussi les Afghans, dans la foulée de la Conférence de Bonn, qui doivent se mettre d'accord sur les modalités de sécurité. Tous les éléments avancent en même temps maintenant.
Q - Est-ce que ce n'est pas le rôle de la France d'être moins présente militairement et d'être là pour la reconstruction en matière de politique étrangère ?
R - Non, il n'y a aucune répartition de ce type. La réalité militaire en ce qui concerne la lutte contre Al Qaïda à l'origine des Taliban, tout le monde l'a vu, a été essentiellement américaine. A part quelques contributions de quelques autres pays, dont d'ailleurs des contributions françaises sur le plan de la reconnaissance aérienne, sur le plan naval, sur le plan de l'échange de renseignements et quelques contributions britanniques, c'était essentiellement une action américaine, parce que pour les Américains c'était beaucoup plus commode d'agir ainsi. Mais cela n'a rien à voir avec l'autre sujet. Il n'y a pas de répartition et ce n'est pas parce que les Etats-Unis ont voulu agir militairement seuls pour l'essentiel que les autres pays doivent faire autre chose. Si nous voulons proposer à nos amis Afghans une participation aux constructions, c'est parce que nous aimons ce pays, que ce pays a été extrêmement meurtri et détruit depuis une vingtaine d'années et que nous avons envie d'être là à leur côté, c'est aussi simple que cela. Nous ne serons pas les seuls, il y a un immense élan de solidarité mondial. Les Afghans le savent et il faut qu'ils s'organisent maintenant pour en faire le meilleur usage.
Q - Cet inventaire arrive, celui dont vous parliez tout à l'heure, juste à la veille de la Réunion de Berlin, de cette réunion de donateurs. Est-ce que vous pensez qu'au fond cela va suivre ? Est-ce que l'argent va suivre pour l'Afghanistan ?
R - Cela montre d'abord que quand nous avons fixé la date de cette journée, nous n'avons pas trop mal choisi le moment puisque c'était celui où la Conférence de Bonn semble s'achever sur un bon résultat. Cela va permettre de mettre sur pied une administration provisoire pour l'Afghanistan, à la veille de cette Conférence de Berlin, qui rassemble les organismes qui dispendent les crédits d'aide.
Sur la question de l'aide, la réponse est "oui". Oui, je pense que cela va suivre. Le monde entier est prêt à aider l'Afghanistan. D'abord avec des pressions humanitaires immédiatement et le monde entier est prêt à aider l'Afghanistan dès lors que les Afghans s'organisent entre eux et s'ils passent un accord politique, s'il y a cette administration. Les Européens vont être là, les pays voisins vont être là, les Japonais, beaucoup d'organismes vont être là. C'est une occasion historique pour les Afghans. Nous ne sommes pas du tout dans le cas de figure de 1992 où ce pays était abandonné à lui-même, avec toutes ses luttes internes. C'est exactement l'inverse. Mais c'est une question de bonne organisation entre nous. Des réunions ont déjà eu lieu au cours des dernières semaines et vont se précipiter dans les jours qui viennent, certaines à Berlin ou à Bruxelles ou au Japon.
Q - Votre réaction après la dégradation brutale de la situation au Proche-Orient ?
R - Je suis absolument affligé parce que cela fait maintenant des mois que la France et que les autres Européens appelons à ce que la situation soit prise tout à fait autrement. Les Israéliens ont évidemment le droit et le devoir même de lutter contre le terrorisme mais il nous semble que cette fuite en avant dans le cycle des représailles ne garantit même pas aux Israéliens la sécurité à laquelle ils aspirent légitimement. En plus, cela aggrave de façon pathétique et constante la situation des Palestiniens, d'où ces réactions. L'Autorité palestinienne est de moins en moins en mesure de juguler les martyrs et les terroristes aveugles. C'est dirigé autant contre elle que contre le gouvernement israélien. Je suis infiniment triste parce qu'il faudrait, je crois, réagir autrement.
Q - Est-ce que la France ou l'Europe peuvent prendre une initiative encore maintenant ?
R - Le monde entier ne peut pas baisser les bras. Ce n'est pas la question de la France ou de l'Europe. C'est vrai pour les Etats-Unis, c'est vrai pour tous les grands pays, c'est vrai pour les pays voisins. On ne peut pas laisser ces deux peuples se déchirer dans cette fuite infernale en avant, il faut qu'il y ait un sursaut.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 décembre 2001)