Texte intégral
« Le silence a le poids des larmes » a écrit Louis Aragon.
Si je romps aujourd'hui ce silence, c'est pour rendre un dernier hommage à un homme dont nous ne devons jamais laisser la voix s'éteindre.
Aujourd'hui, aux Invalides, la France honore l'un de ses grands combattants, et témoigne toute sa reconnaissance à Louis Cortot, héros de la Résistance, Compagnon de la Libération.
Évoquer sa vie, c'est témoigner d'un admirable engagement personnel.
C'est invoquer l'esprit de Résistance, porté par des soldats de l'ombre qui, dans les heures les plus sombres de notre histoire, ont rendu son honneur à notre pays.
C'est à l'âge de 15 ans, à l'âge qui doit encore être celui de l'insouciance, que Louis Cortot rejoint la Résistance.
Son engagement, il l'expliquait par son éducation, selon ses mots, « à l'école de la République » et par la transmission familiale de l'histoire des guerres de 1870 et de 14-18, que son oncle et son père lui relataient.
Le 8 mai 2015, à l'occasion de la cérémonie de remise des prix du Concours national de la Résistance et de la Déportation, en présence du Président de la République François Hollande, Louis Cortot avait ainsi témoigné de la nécessité de son engagement : « Pour moi, la France c'était la République, les droits de l'Homme, les lois qui protègent. Ce n'était pas le gouvernement de Vichy ».
C'est bien le sens du devoir et l'amour de la patrie qui le poussent résolument, début 1941, à entrer en relation avec l'Organisation spéciale (OS) du Parti Communiste clandestin.
« Depuis longtemps avec mes camarades, on cherchait quoi faire » expliquait Louis Cortot, pour décrire son désir impérieux de participer alors directement à l'action.
Contraint d'abandonner ses études au milieu de sa troisième année à l'Ecole supérieure de Suresnes, il devient ajusteur et c'est à l'usine dans laquelle il est employé qu'il confectionne les bombes utilisées lors de ses missions.
Il réussit avec brio de nombreuses opérations : sabotages, déraillement d'un train de chars allemands, grenadage d'un convoi de jeunesses hitlériennes ou encore destruction à l'explosif du bureau d'embauche des ouvriers français volontaires pour le travail en Allemagne à Courbevoie.
En janvier 1944, ayant rejoint les Francs-Tireurs et Partisans (FTP) de Seine-et-Marne, il participe à l'implantation d'un maquis à Saint-Mammès.
A partir de mai, il est chargé des liaisons entre l'Etat-major des Forces françaises de l'intérieur (FFI) de Seine-et-Marne et celui de Paris.
C'est sous les ordres du colonel Rol-Tanguy, son chef qui deviendra un ami, qu'il mène inlassablement les opérations destinées à freiner et à gêner l'ennemi afin de ne lui laisser aucune tranquillité.
Le 26 août, au cours des combats de la Libération, Louis Cortot est très grièvement blessé au visage par des éclats de balles explosives tirées par l'ennemi en déroute.
En dépit de cette grave blessure, il poursuit l'affrontement et n'accepte de rejoindre un poste sanitaire que sur ordre formel.
Tels étaient le sang-froid et l'abnégation de Louis Cortot.
Interné à l'Hôtel-Dieu où il est soigné, il n'a pas la satisfaction et la joie d'assister à la liesse de la Libération de Paris.
Mais le 11 novembre 1944, sa bravoure est récompensée publiquement par le Général de Gaulle qui le décore de la Croix de la Libération, à l'Arc de Triomphe.
Après sa convalescence, il prend en charge les milices patriotiques et la Garde civique républicaine pour la Seine-et-Oise et est notamment responsable de l'instruction des dossiers de jugement des collaborateurs.
Aspirant de réserve à la fin de la guerre, il retourne à la vie civile dans la branche aéronautique de Dassault.
Ceux qui ont connu Louis Cortot se souviendront de son affabilité en toutes circonstances que ne manquait pas d'égayer un sens de l'humour malicieux.
En témoigne cette anecdote qu'il aimait à évoquer : lorsqu'appelé, en 1945, devant le conseil de révision, il s'est présenté à sa convocation en uniforme, Croix de la Libération accrochée à la poitrine « Je me battais depuis déjà quatre ans ! Ils ont préféré me laisser partir » ironisait-il encore, plus de soixante-dix-ans après.
La liste des médailles qui sont venues récompenser la bravoure, l'engagement et le dévouement de Louis Cortot est longue : Croix de guerre 39/45, Croix du Combattant 39/45, Croix du Combattant volontaire 39/45, Croix du Combattant volontaire de la Résistance, sans oublier la Légion d'honneur au grade de Grand Officier que le Président de la République, François Hollande, lui a remise le 14 juillet 2016.
Pourtant, pourvu d'une grande humilité et d'un haut sens moral, Louis Cortot n'évoquait guère ses hauts faits que pour les fondre dans le cadre de l'action collective et de la camaraderie.
Une camaraderie, qu'il a continué d'entretenir toute sa vie, dans le cadre de son investissement en faveur du monde combattant associatif et en particulier à travers l'Association nationale des anciens combattants et ami(es) de la Résistance, dont il était le président national.
Il concevait ce dévouement comme une marque de fidélité et comme un devoir envers ses frères d'armes et envers tous ceux qui avaient sacrifié leur vie pour un idéal commun. Celui de la Liberté. Celui de la République.
Evoquant son expérience partagée avec ses camarades résistants, Louis Cortot expliquait :
« Nous étions dans une époque atroce et nous avions l'espoir. Parce que nous avions un idéal ».
Tout au long de sa vie, Louis Cortot a poursuivi la défense de cet idéal et des valeurs de la Résistance, énoncées dans le programme du Conseil national de la Résistance.
Je sais la joie qui a été la sienne, de voir l'instauration, en 2014, de la journée nationale de la Résistance, célébrée chaque 27 mai, jour anniversaire de la réunion constitutive du Conseil national de la Résistance, sous l'égide de Jean Moulin en 1943.
Louis Cortot a aussi porté son engagement citoyen auprès des plus jeunes, pour uvrer à la transmission de l'histoire, de l'esprit de Résistance et de l'amour de la patrie.
Allant à leur rencontre, témoignant de la guerre, il s'est fait passeur de mémoire et de valeurs.
À la jeunesse réunie à l'Elysée le 8 mai 2015, dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation, que j'évoquais, Louis Cortot adressa ce message :
« Réfléchissez, n'acceptez-pas les injustices, agissez. Pas parce que vous êtes sûr de réussir mais parce que c'est juste : c'est cela avoir un idéal.
Restez toujours vigilants. Intéressez-vous à ce qui se passe en France, en Europe, dans le monde. Tout vous concerne.
Défendez vos droits mais ayez aussi conscience de vos devoirs.
Vous pouvez le faire. J'ai confiance en la jeunesse ».
Aujourd'hui, c'est la France qui est rassemblée, autour de l'épouse et de la famille de Louis Cortot pour, à son tour, adresser un message à l'un de ses héros : nous veillerons, nous n'oublierons pas, nous poursuivrons.
Pour que la voix des Compagnons de la Libération ne s'éteigne jamais.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 mars 2017