Déclaration de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur le rôle du développement dans la prévention des conflits violents, à Washington le 22 avril 2017.

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Circonstance : Rôle du développement dans la prévention des conflits violents, présentation des premiers résultats de l'étude conduite par les Nations unies et la Banque mondiale, à Washington (Etats-Unis) le 22 avril 2017

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Sous-Secrétaires généraux des Nations unies,
Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à remercier Monsieur Saroj Jha pour son invitation à participer à cette discussion sur le rôle du développement dans la prévention des conflits.
La France a participé à la réalisation de cette étude dont les résultats nous sont présentés aujourd'hui.
Nous avons tenu à contribuer à l'élaboration de cette étude car le sujet nous semble capital. Il s'inscrit parfaitement dans la réflexion que nous conduisons dans la recherche d'une meilleure articulation entre les enjeux de sécurité et de développement.
Il existe aujourd'hui un large consensus autour d'un constat simple : la prévention des conflits est généralement moins couteuse que la reconstruction post-conflit ; d'un point de vue financier et matériel, mais aussi et surtout en termes de vies humaines et d'impact sur les sociétés. Cela relève du bon sens.
Pourtant, la communauté internationale peine à opérationnaliser le principe de la prévention des conflits par le développement. Nous ne connaissons que trop bien les raisons de cet écart :
- Il est tout d'abord plus facile de mobiliser des moyens a posteriori, en réponse à une crise, qu'en prévention d'une situation conflictuelle pouvant dégénérer car nous ne pouvons être certains, par définition, ni de son issue, ni de sa gravité ;
- Ensuite, la décision d'intervenir doit reposer sur des intérêts immédiats non contestables et, ceux-ci se manifestent en fait le plus souvent une fois la crise ouverte ;
- Enfin, nous sommes souvent guidés par l'impératif de résultats mesurables sur le court terme, alors que les actions de prévention s'inscrivent dans la durée et ont des effets plus diffus : plus prosaïquement, comment évaluer qu'une guerre a été évitée ?
Il nous faut désormais dépasser ces contradictions.
Plusieurs signes sont encourageants et montrent un changement des perceptions :
D'abord, les situations de fragilité sont aujourd'hui mieux reconnues. La reconstitution des ressources de l'association internationale de développement témoigne par exemple d'une pleine prise en compte des situations de fragilités.
Ensuite, le secrétaire général des Nations unies, M. Guterres, a fait de la prévention l'une de ses priorités, afin d'agir à la racine des crises. Nous soutenons son ambition d'une meilleure articulation entre les questions de paix et de sécurité, de développement durable et d'affaires humanitaires. Toutes ces questions forment un tout qui ne doit pas être appréhendé de manière séparée.
La France partage cette vision d'une approche globale et procède en conséquence à des adaptations dans ses méthodes de travail.
Je pense par exemple à la création en 2014 de la mission de stabilisation au sein du centre de crise ainsi qu'à la mise en place en 2017 d'une nouvelle facilité pour l'atténuation des vulnérabilités et la réponse aux crises, gérée par l'AFD qui agira en amont des conflits.
Ces nouveaux outils traduisent notre volonté de contribuer au plan national à cet effort visant à mieux articuler les problématiques de sécurité et de développement, en amont et en aval des situations de crise.
En amont, il faut renforcer les États dans leur capacité à remplir leurs missions régaliennes et de fourniture effective des services de base.
La Banque mondiale ne peut pas seulement intervenir sur les questions de développement. C'est une demande des pays africains eux-mêmes. Il faut réfléchir aux manières de renforcer la présence de l'État sur les territoires. Il faudrait notamment pouvoir travailler sur les questions de gendarmerie.
Il faut également réfléchir à nos façons d'agir dans les contextes fragiles. Le «comment» compte en effet tout autant que le volume des ressources disponibles. Cela implique de dépasser nos méthodes et nos pratiques habituelles pour répondre de manière plus pertinente aux besoins.
En aval, nous pensons qu'il faut que les acteurs de développement puissent mener un travail d'évaluation dès la mise en oeuvre des actions de sécurisation, pour anticiper les besoins et agir dès le début de la reconstruction.
Il nous faut nous appuyer sur des diagnostics communs et partagés entre les différentes communautés d'acteurs, du développement, de l'humanitaire, du domaine de la sécurité et du militaire.
Pour conclure, permettez-moi, une nouvelle fois, d'exprimer notre enthousiasme pour cette rencontre et de vous souhaiter des échanges riches et constructifs.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2017