Texte intégral
Chers amis, contrairement aux apparences, ceci n'est pas un point de presse exceptionnel bien que vous ayez devant vous un ancien porte-parole, un presque ancien porte-parole, une future porte-parole. Je vais parler extrêmement brièvement parce que je crois que vous êtes là depuis extrêmement longtemps sans avoir pu vous jeter sur les buffets, comme c'était prévu.
Simplement pour dire que d'habitude, on fait des quolibets sur la langue de bois. Je pense, pour ma part, pour en avoir éprouver les joies, les dangers les plaisirs et les limites que c'est un exercice d'une assez grande virtuosité quand on y arrive, sans tomber du fil. C'est une langue dont on médit trop car c'est une langue de convivialité puisqu'après tout, dans des circonstances très difficiles où chacun guette les mots, les inflexions, les silences, très importants les silences des porte-parole, c'est une langue qui a pour objet principal de ne pas fâcher inutilement. On ne cherche pas d'emblée le mot qui blesse et qui fait que l'esprit se ferme et que donc, le message ne passe pas. Le porte-parole est en permanence en train de se livrer à cet exercice, de savoir jusqu'où il doit aller, jusqu'où il peut aller trop loin ou pas assez, en essayant de tenir le public qui le guette en général de part et d'autre.
A cause de mon passé personnel, j'ai une sorte de sympathie pour cette fonction, une sorte de compréhension et d'estime pour ceux qui s'y risquent.
Je trouve que Jacques Rummelhardt a fait cela avec une virtuosité tout à fait remarquable et remarquée. Dans ma position, ce qui me manquait, c'est que je ne pouvais pas aller assister à l'exercice du porte-parole. Je l'aurais fait volontiers comme correspondant de tel ou tel journal, si on avait pu utiliser ce subterfuge mais je me suis régalé quand même depuis que je suis là, à la lecture des compte-rendus qui prennent des pages et des pages chaque jour. J'ai admiré cette force consistant à répéter pendant 12, 15, 20 fois, en réponse à la même question, que : non il n'a pas dit ce qu'il n'avait pas dit, et que non, on ne pouvait pas lui faire dire le contraire de ce qu'il n'avait pas dit. Car telle chose n'était ni un peu différente, ni tout à fait le contraire, mais uniquement la même chose, avec une sorte de capacité à répéter indéfiniment, jusqu'à user l'interlocuteur, jusqu'à ce que chacun des membres présents dans la salle, finalement, ait jeté ses armes. C'était vraiment un bel exercice. Une capacité à encaisser et quand il le faut, au moment bien choisi, une capacité à lancer la flèche nécessaire, le mot juste à partir duquel chacun va se nourrir et gloser.
C'est quand même une fonction centrale, particulièrement théâtralisée, et il en sort indemne. Je ne sais pas si c'est à Panama ou à Bangkok que l'on apprend ce genre de choses, je ne pense pas. Il avait une sorte de talent inné qui ne demandait qu'à s'exprimer dans cette fonction.
Il y a une sorte de relation entre les porte-parole. J'ai découvert cela lorsque j'ai exercé ce métier. D'un pays à l'autre, d'un lieu institutionnel à un autre, ce n'est pas tout à fait la même chose entre les différents lieux de la République et les différents pays. Il y a une sorte de sympathie professionnelle, une sorte de co-fraternité, on sait ce que l'on risque, on sait à quoi on a échappé. On est impressionné de la longévité de certains de ceux qui exercent cette fonction. On se comprend à demi-mot, et il en reste toujours quelque chose ensuite. On se reconnaît au premier regard entre ancien porte-parole, sans parler.
Cher Jacques, bravo et merci et chère Anne, bienvenue. Elle a exercé tellement de fonctions dans tellement de lieux où régnait la subtilité que sans doute cela a aiguisé chez elle les mêmes qualités, on en est sûr puisqu'on l'a choisie pour exercer cette fonction.
Elle a fait quelques voyages pour voir comment l'exercice a lieu dans d'autres lieux où la pression médiatique est peut-être encore plus aiguë qu'elle n'est chez nous. Il y en a deux ou trois où la voracité est encore plus poussée, je ne sais pas si cela préfigure notre propre évolution. Elle a vu comment Jacques travaillait. Le savoir-faire s'est transmis, elle prend les commandes de ce poste avec une réflexion sur la bonne synthèse à effectuer entre notre tradition, notre héritage, cette façon française - car le porte-parole du ministère des Affaires étrangères parle pour la France comme chacun le sait - d'aborder le sujet, de donner le la, le ton, ce qui suppose évidemment un dialogue constant avec le ministre et ce qui se passe dans d'autres capitales, où, là aussi, les porte-parole écoutent, attendent. Ils ne sont peut-être pas aussi interconnectés que le sont les bourses par exemple, mais il y a une sorte de bourses, d'appréciation des valeurs qui montent, qui descendent, une interaction. Cette loi de la mondialisation, de l'immédiateté joue à plein.
Chère Anne, tu es la première femme porte-parole, je crois. Ce n'est pas pour cela qu'on l'a choisie. Je me dispenserais donc d'arguments trop démagogiques. Elle a été choisie parce qu'il nous semblait qu'après quelques remarquables illustrations de cette fonction, elle avait tous les talents pour faire cela. On ne peut pas faire appel à la compréhension du monde médiatique car on sait que lorsque l'on entre dans la cage, on n'entre pas à moitié. Chacun va y aller avec son talent, ses armes et ses propres flèches.
Vous continuerez ici à trouver, plus que jamais l'expression quotidienne - ce qui n'est pas un mince défi de la pensée - de ce que nous pensons pouvoir dire, de ce que nous estimons devoir dire, de ce que nous pensons ne pas pouvoir dire - et nous avons des raisons pour cela - de ne pas pouvoir dire encore sous une forme. Et cela sera, à travers la liberté de votre appréciation, un des points de repère pour cette analyse, constamment renouvelée, pour ce jeu mondial dans lequel nous sommes.
Je m'en tiendrai là. Je suis convaincu que cela ouvre un nouveau et beau chapitre, que Jacques Rummelhardt, depuis Bruxelles, lira avec beaucoup de délectation les compte-rendus, les points de presse du porte-parole, de nombreuses pages et que, comme les autres, il les intégrera aussitôt dans son expression, son travail quotidien, la discussion avec les interlocuteurs, ce travail 24 heures sur 24 qui ne cesse plus jamais, avec les 184 autres pays du monde, avec lesquels la trame des relations se tisse, jour et nuit.
Encore une fois, merci Jacques, et Anne, bon courage.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Simplement pour dire que d'habitude, on fait des quolibets sur la langue de bois. Je pense, pour ma part, pour en avoir éprouver les joies, les dangers les plaisirs et les limites que c'est un exercice d'une assez grande virtuosité quand on y arrive, sans tomber du fil. C'est une langue dont on médit trop car c'est une langue de convivialité puisqu'après tout, dans des circonstances très difficiles où chacun guette les mots, les inflexions, les silences, très importants les silences des porte-parole, c'est une langue qui a pour objet principal de ne pas fâcher inutilement. On ne cherche pas d'emblée le mot qui blesse et qui fait que l'esprit se ferme et que donc, le message ne passe pas. Le porte-parole est en permanence en train de se livrer à cet exercice, de savoir jusqu'où il doit aller, jusqu'où il peut aller trop loin ou pas assez, en essayant de tenir le public qui le guette en général de part et d'autre.
A cause de mon passé personnel, j'ai une sorte de sympathie pour cette fonction, une sorte de compréhension et d'estime pour ceux qui s'y risquent.
Je trouve que Jacques Rummelhardt a fait cela avec une virtuosité tout à fait remarquable et remarquée. Dans ma position, ce qui me manquait, c'est que je ne pouvais pas aller assister à l'exercice du porte-parole. Je l'aurais fait volontiers comme correspondant de tel ou tel journal, si on avait pu utiliser ce subterfuge mais je me suis régalé quand même depuis que je suis là, à la lecture des compte-rendus qui prennent des pages et des pages chaque jour. J'ai admiré cette force consistant à répéter pendant 12, 15, 20 fois, en réponse à la même question, que : non il n'a pas dit ce qu'il n'avait pas dit, et que non, on ne pouvait pas lui faire dire le contraire de ce qu'il n'avait pas dit. Car telle chose n'était ni un peu différente, ni tout à fait le contraire, mais uniquement la même chose, avec une sorte de capacité à répéter indéfiniment, jusqu'à user l'interlocuteur, jusqu'à ce que chacun des membres présents dans la salle, finalement, ait jeté ses armes. C'était vraiment un bel exercice. Une capacité à encaisser et quand il le faut, au moment bien choisi, une capacité à lancer la flèche nécessaire, le mot juste à partir duquel chacun va se nourrir et gloser.
C'est quand même une fonction centrale, particulièrement théâtralisée, et il en sort indemne. Je ne sais pas si c'est à Panama ou à Bangkok que l'on apprend ce genre de choses, je ne pense pas. Il avait une sorte de talent inné qui ne demandait qu'à s'exprimer dans cette fonction.
Il y a une sorte de relation entre les porte-parole. J'ai découvert cela lorsque j'ai exercé ce métier. D'un pays à l'autre, d'un lieu institutionnel à un autre, ce n'est pas tout à fait la même chose entre les différents lieux de la République et les différents pays. Il y a une sorte de sympathie professionnelle, une sorte de co-fraternité, on sait ce que l'on risque, on sait à quoi on a échappé. On est impressionné de la longévité de certains de ceux qui exercent cette fonction. On se comprend à demi-mot, et il en reste toujours quelque chose ensuite. On se reconnaît au premier regard entre ancien porte-parole, sans parler.
Cher Jacques, bravo et merci et chère Anne, bienvenue. Elle a exercé tellement de fonctions dans tellement de lieux où régnait la subtilité que sans doute cela a aiguisé chez elle les mêmes qualités, on en est sûr puisqu'on l'a choisie pour exercer cette fonction.
Elle a fait quelques voyages pour voir comment l'exercice a lieu dans d'autres lieux où la pression médiatique est peut-être encore plus aiguë qu'elle n'est chez nous. Il y en a deux ou trois où la voracité est encore plus poussée, je ne sais pas si cela préfigure notre propre évolution. Elle a vu comment Jacques travaillait. Le savoir-faire s'est transmis, elle prend les commandes de ce poste avec une réflexion sur la bonne synthèse à effectuer entre notre tradition, notre héritage, cette façon française - car le porte-parole du ministère des Affaires étrangères parle pour la France comme chacun le sait - d'aborder le sujet, de donner le la, le ton, ce qui suppose évidemment un dialogue constant avec le ministre et ce qui se passe dans d'autres capitales, où, là aussi, les porte-parole écoutent, attendent. Ils ne sont peut-être pas aussi interconnectés que le sont les bourses par exemple, mais il y a une sorte de bourses, d'appréciation des valeurs qui montent, qui descendent, une interaction. Cette loi de la mondialisation, de l'immédiateté joue à plein.
Chère Anne, tu es la première femme porte-parole, je crois. Ce n'est pas pour cela qu'on l'a choisie. Je me dispenserais donc d'arguments trop démagogiques. Elle a été choisie parce qu'il nous semblait qu'après quelques remarquables illustrations de cette fonction, elle avait tous les talents pour faire cela. On ne peut pas faire appel à la compréhension du monde médiatique car on sait que lorsque l'on entre dans la cage, on n'entre pas à moitié. Chacun va y aller avec son talent, ses armes et ses propres flèches.
Vous continuerez ici à trouver, plus que jamais l'expression quotidienne - ce qui n'est pas un mince défi de la pensée - de ce que nous pensons pouvoir dire, de ce que nous estimons devoir dire, de ce que nous pensons ne pas pouvoir dire - et nous avons des raisons pour cela - de ne pas pouvoir dire encore sous une forme. Et cela sera, à travers la liberté de votre appréciation, un des points de repère pour cette analyse, constamment renouvelée, pour ce jeu mondial dans lequel nous sommes.
Je m'en tiendrai là. Je suis convaincu que cela ouvre un nouveau et beau chapitre, que Jacques Rummelhardt, depuis Bruxelles, lira avec beaucoup de délectation les compte-rendus, les points de presse du porte-parole, de nombreuses pages et que, comme les autres, il les intégrera aussitôt dans son expression, son travail quotidien, la discussion avec les interlocuteurs, ce travail 24 heures sur 24 qui ne cesse plus jamais, avec les 184 autres pays du monde, avec lesquels la trame des relations se tisse, jour et nuit.
Encore une fois, merci Jacques, et Anne, bon courage.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)