Texte intégral
Mes chers amis,
Je voudrais vous confier deux sentiments au cours de cette intervention que j'espère brève, puisque je m'exprimerai plus longuement demain sur le programme, les engagements et notre vision pour la France.
Le premier sentiment est tout simple, c'est le sentiment d'être heureux ici à Amiens avec vous. Tout à l'heure en traversant les travées avec Gilles de Robien, j'avais des visages devant les yeux, vous me pardonnerez mais c'est comme cela que je suis fait, les visages de ceux qui ne sont plus là, et je veux dire que j'avais une pensée en entrant dans cette salle pour Max Lejeune. Certains parmi les plus jeunes ne savent pas qui il était : un homme courageux qui a quitté le parti socialiste le jour où il a fait l'union avec le parti communiste. Il a dit " non, ma conscience ne me permet pas d'accepter cela ". J'ai toujours eu beaucoup de gratitude pour lui. Il y a un ami qui n'est pas là, et je veux toujours dire les sentiments que j'ai pour lui, c'est Charles Baur. Nous avons été séparés par un conflit politique lourd et son absence s'explique par cela. Mais ça ne m'a jamais empêché de conserver de l'amitié et de l'estime pour l'homme qu'il est. Même si je n'ai pas approuvé ses choix, je voulais prononcer son nom devant vous.
J'ai été heureux d'entendre Isabelle ouvrir ce matin notre convention au nom de la fédération de la Somme. J'ai été heureux de retrouver Colette Ronxin comme élue d'Amiens, j'ai été heureux de retrouver hier soir Stéphane Demilly et j'ai été heureux de retrouver ici Gilles de Robien. Il est un homme pudique et moi aussi. Je ne vais donc pas empiler les adjectifs, mais je tiens simplement à lui dire que la manière dont il exerce ses responsabilités à Amiens, à l'Assemblée nationale, et un jour plus loin encore, honore la politique. Parce que rarement on aura trouvé à la fois autant de rigueur et de générosité, autant de sens moral dans l'action que chez Gilles de Robien.
Le deuxième sentiment que j'avais, il est pour vous. J'avais envie de vous dire une chose, dans tout ce sale temps que l'on vient de traverser, et dont vous avez tous entendu des échos : si vous saviez comme je vous attendais, si vous saviez comme j'attendais et j'espérais votre présence et votre intervention dans le débat. L'UDF, dont on écrivait qu'elle s'interrogeait ou qu'elle doutait, qu'elle avait des réserves ou des réticences, l'UDF c'est vous. Et il était temps que vous vous exprimiez. Je voulais vous dire que votre décision est une décision réelle et pas formelle. Je ne l'entends pas comme une ratification de votre part, je l'entends comme un choix que vous allez prononcer. Vous êtes les décideurs. Alors réfléchissez bien avant de faire le choix que vous émettrez tout à l'heure.
Il y a quatorze ans que notre famille politique n'a pas eu de candidat à l'élection présidentielle. Il y a vingt et un ans, depuis 1981, que notre famille politique n'a pas délibéré pour soutenir un candidat à l'élection présidentielle. Quatorze ans, vingt et un an. Ces moments de trouble, parfois d'inquiétude, ne sont pas étonnants : c'est de combats dont nous avons manqué. Vous comprendrez l'émotion qui est la mienne. de me trouver, si vous en décidez ainsi, dans cette succession précédé par Raymond Barre et par Valéry Giscard d'Estaing, à l'égard desquels j'ai de l'admiration, de l'affection et du respect. C'est pour moi l'occasion de dire à quel point je souhaite que Valéry Giscard d'Estaing soit désigné par les chefs d'États et de gouvernements européens comme Président de la convention pour l'avenir de l'Europe.
J'ai dit ce qu'il en était pour moi du sentiment de l'UDF mais, dussé-je vous surprendre, ce n'est pas un choix de parti. Si on mettait devant moi le choix en disant : intérêt du pays d'un côté, intérêt du parti de l'autre, quoi qu'il m'en coûte, et cela me ferait mal au cur, quoi qu'il m'en coûte, je choisirais l'intérêt du pays. Donc avant de faire ce choix, de répondre à la question " devons nous soutenir un candidat aux élections présidentielles issu de nos rangs et celui-là est-il digne ou capable de porter cette mission ? ", avant de répondre à cette question je veux regarder la situation du pays.
La France, notre pays, était au début des années 80, pour ce qui concerne la richesse par habitant, le cinquième pays du monde. En 1999, nous étions treizièmes. 300 000 jeunes diplômés, formés, ont quitté notre pays pour aller s'installer ailleurs. C'est Jean François-Poncet qui l'a montré dans une étude au Sénat, avec Denis Badré.
La France, notre pays, vient de montrer dans le terrible conflit de l'Afghanistan quelle était, je choisis le mot, son évanescence, sa discrétion forcée parce que notre outil de défense n'est pas à la dimension de ce qu'un grand pays pourrait espérer. Je le dis en pensant aux soldats, aux hommes et aux femmes qui portent nos armes, et qui doivent se sentir eux-mêmes atteints dans leur fierté, la légitime fierté de porter l'uniforme français.
Nicole Fontaine l'a très bien dit ce matin, je le répète dans la discrétion : la manière dont la diplomatie française s'est conduite, notamment à l'égard du commandant Massoud dans les affaires d'Afghanistan a été pour beaucoup d'entre nous une déception et une blessure. N'ayant pas pris nos responsabilités à ce moment là, nous sommes en situation difficile pour les prendre dans la suite des évènements.
La France, notre pays, a été pendant des décennies le pays leader en Europe, celui qui chaque fois, depuis la déclaration de 1950, a proposé à ses partenaires. Schuman et Monnet avec Adenauer, puis Pompidou, puis les grandes avancées que Valéry Giscard d'Estaing a permises, le parlement européen élu au suffrage universel, le conseil européen, le premier pas vers la monnaie unique, puis le soutien de François Mitterrand à la monnaie unique Pendant des décennies c'est la France qui a donné le cadre et la vision, qui a ouvert les portes de l'avenir de l'Europe. Aujourd'hui la France est muette, confuse. Elle complique, elle utilise les mots de l'Europe pour faire une politique dans laquelle je ne reconnais pas l'idéal européen.
C'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le sida. J'en dis seulement un mot à la tribune. Une politique de prévention doit être conduite par les pouvoirs publics en France. Une politique de générosité doit être menée à l'égard du continent africain, à l'égard de cette partie pauvre du monde où des dizaines, des centaines de milliers de personnes meurent tous les jours et des millions de personnes sont atteintes, alors que nous avons les médicaments. Simplement il n'ont pas l'argent pour les acheter, et nous demeurons silencieux.
Je me suis beaucoup exprimé sur la délinquance et l'insécurité. Tout le monde dit tolérance zéro, ce sont les mêmes mots pour tous. Mais la vérité c'est impunité à plus de 95 %. Et vous voulez être répressif et éducatif en même temps ? Vous ne serez ni l'un ni l'autre parce que vous avez choisi d'être impuissants ! Délinquance, insécurité, et sentiment de peur qui monte. Je viens de faire le tour de France en bus. Vous ne sauriez imaginer les mots que l'on entend dans tous les milieux sociaux de toutes les villes à propos de la peur que nos compatriotes ressentent, y compris de sortir dans la rue. Et bien ce n'est pas digne d'un pays comme la France.
Ce matin nous avons entendu à la radio que le chômage progresse pour le sixième mois consécutif. Il suffit d'ouvrir un journal pour voir que tous les autres pays autour de nous ont réglé le problème des retraites
Je pourrais accumuler comme cela les sujets de l'impuissance française. Cela fait vingt ans que ça dure. Quatorze ans de gouvernement de la gauche, six ans de gouvernement de la droite. Nous avons ces notions en tête et c'est la France que nous avons sous les yeux. Bon sang de bon sang ! C'est cette France là, désespérée, qui décroche et qui voit les autres pays passer devant les difficultés dans lesquelles elle se trouve et qu'elle accumule depuis vingt ans. Est ce que nous allons accepter que ça continue comme cela ? Ma réponse à moi, c'est non.
Et bon sang de bon sang on voudrait nous faire croire que dans cette situation de la France, tout ce que nous aurions à faire nous, c'est nous résigner, croiser les bras, et regarder passer les trains ! Le train Jospin, dont nous savons qu'il va dans le mur, l'autre train, le train de la droite et du centre comme on dit, le train de Jacques Chirac, dans lequel rassurez-vous on nous réserverait des strapontins. Et bien je veux vous dire une chose toute simple : nous avons déjà fait le voyage trois fois, nous avons fait le voyage dans chacun des deux trains, et nous avons vu où cela conduisait la France !
Je pense une chose très simple et je pense cette chose en sachant dans quel camp je suis, quelles sont mes alliances, mes amitiés, les combats que j'ai menés. Rien ne me fais plus rire que ceux de mes amis qui m'accusent, et cela arrive quelque fois, d'être trop à gauche : j'ai gagné tous mes mandats électoraux contre la gauche, et je demande que mes critiques en disent autant.
Je sais très bien dans quel camp je suis et, parlant dans ce camp, je dis une chose très simple : la France a besoin d'une double rupture. Elle a besoin d'une rupture avec la gauche qui gouverne depuis cinq ans, qui a gouverné quatorze ans dans les vingt dernières années. Et elle a besoin d'une rupture avec la droite comme elle fonctionne depuis vingt ans.
Ce n'est pas, comprenez moi bien, que j'aie des problèmes avec des hommes ou des partis. Ici à la tribune j'ai entendu, dans la journée, s'exprimer plusieurs mises en garde à nos partenaires. Je n'en ai aucune à leur faire, je n'ai rien à reprocher au RPR, et je n'ai rien à reprocher à Jacques Chirac et aux autres partenaires de l'opposition. Rien du tout. La seule responsabilité qui nous incombe, c'est de changer les choses, nous, si nous le voulons. Ce n'est pas par gentillesse qu'il faut changer les choses, ce n'est pas par égard ! Dans la vie, on a ce que l'on mérite !
Je ne leur reproche rien, je n'en veux à personne. J'en veux à la manière dont le pouvoir est exercé en France depuis vingt ans par les deux bords l'un après l'autre ! Je me suis fait arrêter dans un bar à Amiens hier soir par un jeune chômeur, qui s'est mis à m'agresser à m'insulter. Il m'a dit " vous les politiques vous ne faites rien pour nous. Vous les politiques on ne peut jamais vous parler. Vous les politiques tout ce qui vous intéresse c'est vos élections ". Et cela, ce n'est rien d'autre que la conséquence ultime de vingt années durant lesquelles nous avons laissé le pouvoir s'organiser comme il est organisé en France, c'est à dire enfermé dans ses ministères, technocratique dans ses attitudes, ne donnant au peuple citoyen aucune attention avant qu'il ne descende dans la rue ! Là, quand on descend dans la rue, les policiers, les femmes de gendarmes, les infirmières, les cliniques privées et demain les agriculteurs, à ce moment là, quand vous êtes dans la rue, les portes des ministères s'ouvrent et les carnets de chèques aussi. Et bien je ne veux plus d'un pays qui fonctionne comme cela !
Mes amis si nous ne voulons plus vous et moi et les millions de citoyens français d'un pouvoir qui marche comme cela, il va falloir qu'on se le gagne comme on dit chez moi ! Je fais un serment tout simple, je l'appelle devant vous le serment de la relève. La relève, elle ne peut pas se contenter de changer les hommes au pouvoir, il faut qu'elle change le pouvoir en lui-même !
Je veux vous dire en quelques mots ce que je pense qu'il faut que nous nous engagions à changer dans le pouvoir en France. J'ai ainsi bâti ma déclaration de candidature sur l'esprit de responsabilité. Vous avez peut-être entendu ou vu la déclinaison que j'en faisais, je ne vais pas la reprendre pour ne pas lasser ceux qui l'ont déjà lue.
Que le président de la République soit responsable. Il est élu au suffrage universel, qu'il gouverne et qu'il réponde de ce qui se passe en France ! Deuxièmement, que le parlement soit responsable ! Cela signifie, mes chers collègues, que les députés et les sénateurs siègent effectivement au parlement, qu'ils votent vraiment et qu'ils contrôlent vraiment avec les moyens qu'on leur donnera pour le faire ! Que les élus locaux soient responsables réellement, Gilles, par exemple en matière de sécurité, pour qu'il y ait quelqu'un qui réponde aux citoyens quand ils demandent des comptes. Et enfin, c'est probablement le plus grand retard français, que les syndicats et les entreprises deviennent responsables de la vie sociale en France comme ils le sont dans tous les autres pays européens et dans tous les autres pays développés de la planète. Que l'on rebâtisse leur légitimité si nécessaire, y compris par des élections à l'intérieur des entreprises, pour être sûrs de la légitimité des syndicats. Responsabilité enfin au bout de la chaîne ou à la racine, responsabilité du citoyen. Comment se fait-il qu'en France le citoyen n'a jamais accès à des données certaines sur l'évolution des choses, pour qu'il puisse juger des engagements qu'on a pris à son égard, pour qu'il puisse trancher des questions qui se posent, y compris par référendum lorsqu'un dossier est bloqué. Je suis pour la responsabilité des citoyens.
Quand je dis changer le pouvoir, j'ai en tête l'idée que l'on doit sortir du pouvoir à courte vue. On ne résoudra pas les grands problèmes si l'on n'est pas capable de bâtir des politiques de long terme à 7, 8, 10 ans, ce qui signifie, pour qu'elles soient respectées et pas remises en cause qu'elles exigent l'accord de la majorité et de l'opposition.
Alors je sais bien que cette idée est critiquée souvent dans nos rangs, et c'est un moyen de m'accuser d'être un troisième " voieiste ", ce que je revendique, dans mon camp et voulant construire une autre manière de gouverner la France. Mais je vais prendre un exemple qui me touche : il y a 15% de jeunes français qui ne réussissent pas à apprendre à lire à l'école primaire et qui donc ne réussiront pas à lire par la suite. C'est le plus grand scandale qui soit. Je dis que pour combattre un mal comme celui-là il faut des mesures énergiques, j'en parlerai demain. Il faut un contrat avec la Nation, il faut que l'on dise quelles que soient les alternances et les accidents politiques que sur ce point nous nous engageons tous à faire en sorte que dans 10 ans il n'y ait plus un jeune Français qui ne sache pas lire en entrant au collège dans son pays !
Changer le pouvoir, c'est aussi accepter des disciplines nouvelles et nous obliger au renouvellement des générations. Il faut que nous obligions à faire entrer en politique des têtes nouvelles, des gens qui ont une expérience différente et nouvelle dans la société civile comme on dit, il faut que les portes s'ouvrent. Je propose une idée simple, je propose de limiter les mandats électifs à trois de suite pour le même mandat. 15 ans, 18 ans, mais franchement on ne peut pas continuer comme cela ! Et en ce qui concerne le mandat du président de la République, je suis pour deux mandats.
Comment fait-on pour rendre cet État sourd compréhensif, pour qu'il entende ? Cela signifie tout simplement qu'il faut, ayant rebâti les corps intermédiaires, penser à des instruments nouveaux qui n'existent pas en France ni, je crois, en Europe. Il y en a un auquel je pense : il faut que nous bâtissions une institution de l'alerte publique. J'ai beaucoup pensé au drame du sang contaminé, j'ai beaucoup pensé au drame de la vache folle, beaucoup pensé au drame de l'amiante. Comment ces drames-là se sont-ils noués ? Ils se sont noués parce qu'aucun des décideurs n'a jamais été saisi publiquement et officiellement du risque que certains connaissaient mais n'avaient pas les moyens de les faire connaître au pays. Une institution de l'alerte dira aujourd'hui " je vous saisis parce que j'entends des informations scientifiques qui viennent et qui méritent que la puissance publique s'en occupe ".
Le renouvellement, l'État compréhensif alors qu'il est sourd.
Je décline un troisième élément que Jean Arthuis a beaucoup illustré avant moi, c'est celui de la vision. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet de l'Europe parce nous en parlerons demain, et vous savez combien elle est au cur de notre vision de l'avenir. Je veux dire que nous avons une vision originale en termes de bioéthique. Beaucoup d'entre nous avons été non pas choqués, le mot n'est pas assez fort, mais blessés par la succession d'arrêts de la Cour de Cassation, dont le premier a été l'arrêt Perruche. Alors je veux vous dire simplement que je considère non seulement qu'il est normal mais que c'est un devoir de traiter de la question de la vie des handicapés. Mais en venir par une jurisprudence à considérer que la vie est un tort fait à une personne, alors à cet instant là nous franchissons une borne. Je voudrais que nous nous mettions au travail, que nous rédigions des propositions de textes pour que cette transgression disparaisse de notre jurisprudence et de notre droit. Parce que vous savez bien ce qu'il y a derrière tout cela. Derrière tout cela il y a l'eugénisme. Cela veut dire qu'en multipliant les examens on trie entre les bons et les mauvais, les sains et les prétendus malsains enfants à naître. Et pour l'humanité c'est une pente sur laquelle, je vous supplie que nous y réfléchissions ensemble, il faut résister à glisser.
J'emploie un dernier mot : civisme ; la responsabilité du citoyen, la société organisée autour du citoyen. Je suis heureux d'avoir été en effet le premier à proposer un service civique, civil et humanitaire et j'ai été assez heureux de voir cette idée reprise et faire florès. Tant mieux si ça peut faire avancer les choses. Je promets que nous proposerons des critères et des définitions de ce que le service civique doit être pour qu'un creuset se reforme en France. La fin du service militaire en a supprimé un, il faut en recréer un autre.
Voilà ma vision. Mais en France, comme vous l'avez compris les uns et les autres, on peut rendre hommage à la volonté de changement mais dans la réalité il est interdit de changer. Alors j'ai vécu comme vous, peut-être un plus chaudement que vous ces dernières semaines. Petites phrases, petits croche-pieds, petites flèches empoisonnées, petites, mais la répétition finit par lasser. Venant, et c'est ça qui était dangereux et à mes yeux cruels, de l'intérieur. Et bien je dis simplement que le but de ce congrès c'est que ce genre de chose cesse. Ou alors nous avons, mes amis, tout l'après-midi devant nous. Que ceux qui pensent que la candidature à l'élection présidentielle de notre famille politique et de son Président est illégitime, ou dangereuse, ou maladroite, qu'il ne faut pas qu'elle ait lieu, qu'ils montent à la tribune et qu'ils s'expriment !Qu'ils présentent une motion et qu'on vote ! Anne-Marie vous dira que le temps des motions est clos et bien je le réouvre !
Alors j'ai essayé de réfléchir un tout petit peu à ces affaires, à cet ensemble météorologique, et j'ai fini par conclure que ce n'était pas un homme que ça visait. Je suis même prêt à croire à toutes les démonstrations et affirmations d'amitié qui accompagnent ce genre de phrases. Ce n'était pas un homme que ça visait, c'était un mouvement. Le mouvement qui commence ici aujourd'hui, le mouvement qui dit on veut le changement pour la France, on veut la relève pour notre pays ! C'est cela qui était visé ! Parce que, mes chers amis, aussi étrange que cela paraisse quand on lit les sondages, le seul danger pour les sortants c'est d'ici qu'il vient. Parce que c'est naturellement au centre de la vie politique française que peut s'étendre et se faire entendre et se faire respecter, et demain peut être gagner un mouvement qui voudra changer la politique en France.
Alors quand on voit ce genre de piège, quand on subit ce genre de petits assauts, alors il n'y a que deux solutions : ou bien on se couche, ou bien on combat. J'ai choisi le combat !
Les yeux dans les yeux, je vous le dis et je le dis à la France. Cette France là, bloquée depuis 20 ans, désespérée, qui n'y croit plus, cette France sans foi nous n'en voulons plus ! Le combat que je porterai, c'est le combat pour tourner la page, pour donner à cette France là la relève qu'elle attend !
Deux mots de conclusion. Vous avez entre les mains le choix, pour l'UDF et pour la France. On a largement expliqué les risques et bien je veux vous dire que pour l'UDF et pour la France, il n'y aurait qu'un risque, un vrai, un seul, c'est que nous renoncions. Parce que cela voudrait dire à tout jamais que ce qui nous manque, c'est le caractère et le courage. Alors la France nous jetterait et elle aurait raison de le faire ! Parce que les Français ça fait longtemps qu'ils veulent et qu'ils méritent des responsables qui tiennent bon quand ça va mal. Elle en a marre de tous ceux qui depuis des années reculent et flanchent et qui se couchent à la première difficulté. La France, elle mérite des responsables qui tiennent bon !
Le choix est très simple, et en fait à toutes les étapes de notre vie nous retrouvons le même. Le choix c'est entre relever ou déserter. Et bien tout dans ma vie depuis mon enfance, tout ce que j'ai reçu de mes maîtres, tout ce que j'ai essayé de transmettre à mes enfants et à mes élèves, c'est très simple, c'est que lorsqu'on a le choix entre la relève et la désertion il faut bannir la désertion et choisir le relève.
Voilà, maintenant au terme de ce débat je remets ce choix entre vos mains. Vous le prononcerez au nom de l'UDF et en avant garde des Français. Je vous remets le choix de la relève.
(source http://www.udf.org, le 4 décembre 2001)
Je voudrais vous confier deux sentiments au cours de cette intervention que j'espère brève, puisque je m'exprimerai plus longuement demain sur le programme, les engagements et notre vision pour la France.
Le premier sentiment est tout simple, c'est le sentiment d'être heureux ici à Amiens avec vous. Tout à l'heure en traversant les travées avec Gilles de Robien, j'avais des visages devant les yeux, vous me pardonnerez mais c'est comme cela que je suis fait, les visages de ceux qui ne sont plus là, et je veux dire que j'avais une pensée en entrant dans cette salle pour Max Lejeune. Certains parmi les plus jeunes ne savent pas qui il était : un homme courageux qui a quitté le parti socialiste le jour où il a fait l'union avec le parti communiste. Il a dit " non, ma conscience ne me permet pas d'accepter cela ". J'ai toujours eu beaucoup de gratitude pour lui. Il y a un ami qui n'est pas là, et je veux toujours dire les sentiments que j'ai pour lui, c'est Charles Baur. Nous avons été séparés par un conflit politique lourd et son absence s'explique par cela. Mais ça ne m'a jamais empêché de conserver de l'amitié et de l'estime pour l'homme qu'il est. Même si je n'ai pas approuvé ses choix, je voulais prononcer son nom devant vous.
J'ai été heureux d'entendre Isabelle ouvrir ce matin notre convention au nom de la fédération de la Somme. J'ai été heureux de retrouver Colette Ronxin comme élue d'Amiens, j'ai été heureux de retrouver hier soir Stéphane Demilly et j'ai été heureux de retrouver ici Gilles de Robien. Il est un homme pudique et moi aussi. Je ne vais donc pas empiler les adjectifs, mais je tiens simplement à lui dire que la manière dont il exerce ses responsabilités à Amiens, à l'Assemblée nationale, et un jour plus loin encore, honore la politique. Parce que rarement on aura trouvé à la fois autant de rigueur et de générosité, autant de sens moral dans l'action que chez Gilles de Robien.
Le deuxième sentiment que j'avais, il est pour vous. J'avais envie de vous dire une chose, dans tout ce sale temps que l'on vient de traverser, et dont vous avez tous entendu des échos : si vous saviez comme je vous attendais, si vous saviez comme j'attendais et j'espérais votre présence et votre intervention dans le débat. L'UDF, dont on écrivait qu'elle s'interrogeait ou qu'elle doutait, qu'elle avait des réserves ou des réticences, l'UDF c'est vous. Et il était temps que vous vous exprimiez. Je voulais vous dire que votre décision est une décision réelle et pas formelle. Je ne l'entends pas comme une ratification de votre part, je l'entends comme un choix que vous allez prononcer. Vous êtes les décideurs. Alors réfléchissez bien avant de faire le choix que vous émettrez tout à l'heure.
Il y a quatorze ans que notre famille politique n'a pas eu de candidat à l'élection présidentielle. Il y a vingt et un ans, depuis 1981, que notre famille politique n'a pas délibéré pour soutenir un candidat à l'élection présidentielle. Quatorze ans, vingt et un an. Ces moments de trouble, parfois d'inquiétude, ne sont pas étonnants : c'est de combats dont nous avons manqué. Vous comprendrez l'émotion qui est la mienne. de me trouver, si vous en décidez ainsi, dans cette succession précédé par Raymond Barre et par Valéry Giscard d'Estaing, à l'égard desquels j'ai de l'admiration, de l'affection et du respect. C'est pour moi l'occasion de dire à quel point je souhaite que Valéry Giscard d'Estaing soit désigné par les chefs d'États et de gouvernements européens comme Président de la convention pour l'avenir de l'Europe.
J'ai dit ce qu'il en était pour moi du sentiment de l'UDF mais, dussé-je vous surprendre, ce n'est pas un choix de parti. Si on mettait devant moi le choix en disant : intérêt du pays d'un côté, intérêt du parti de l'autre, quoi qu'il m'en coûte, et cela me ferait mal au cur, quoi qu'il m'en coûte, je choisirais l'intérêt du pays. Donc avant de faire ce choix, de répondre à la question " devons nous soutenir un candidat aux élections présidentielles issu de nos rangs et celui-là est-il digne ou capable de porter cette mission ? ", avant de répondre à cette question je veux regarder la situation du pays.
La France, notre pays, était au début des années 80, pour ce qui concerne la richesse par habitant, le cinquième pays du monde. En 1999, nous étions treizièmes. 300 000 jeunes diplômés, formés, ont quitté notre pays pour aller s'installer ailleurs. C'est Jean François-Poncet qui l'a montré dans une étude au Sénat, avec Denis Badré.
La France, notre pays, vient de montrer dans le terrible conflit de l'Afghanistan quelle était, je choisis le mot, son évanescence, sa discrétion forcée parce que notre outil de défense n'est pas à la dimension de ce qu'un grand pays pourrait espérer. Je le dis en pensant aux soldats, aux hommes et aux femmes qui portent nos armes, et qui doivent se sentir eux-mêmes atteints dans leur fierté, la légitime fierté de porter l'uniforme français.
Nicole Fontaine l'a très bien dit ce matin, je le répète dans la discrétion : la manière dont la diplomatie française s'est conduite, notamment à l'égard du commandant Massoud dans les affaires d'Afghanistan a été pour beaucoup d'entre nous une déception et une blessure. N'ayant pas pris nos responsabilités à ce moment là, nous sommes en situation difficile pour les prendre dans la suite des évènements.
La France, notre pays, a été pendant des décennies le pays leader en Europe, celui qui chaque fois, depuis la déclaration de 1950, a proposé à ses partenaires. Schuman et Monnet avec Adenauer, puis Pompidou, puis les grandes avancées que Valéry Giscard d'Estaing a permises, le parlement européen élu au suffrage universel, le conseil européen, le premier pas vers la monnaie unique, puis le soutien de François Mitterrand à la monnaie unique Pendant des décennies c'est la France qui a donné le cadre et la vision, qui a ouvert les portes de l'avenir de l'Europe. Aujourd'hui la France est muette, confuse. Elle complique, elle utilise les mots de l'Europe pour faire une politique dans laquelle je ne reconnais pas l'idéal européen.
C'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le sida. J'en dis seulement un mot à la tribune. Une politique de prévention doit être conduite par les pouvoirs publics en France. Une politique de générosité doit être menée à l'égard du continent africain, à l'égard de cette partie pauvre du monde où des dizaines, des centaines de milliers de personnes meurent tous les jours et des millions de personnes sont atteintes, alors que nous avons les médicaments. Simplement il n'ont pas l'argent pour les acheter, et nous demeurons silencieux.
Je me suis beaucoup exprimé sur la délinquance et l'insécurité. Tout le monde dit tolérance zéro, ce sont les mêmes mots pour tous. Mais la vérité c'est impunité à plus de 95 %. Et vous voulez être répressif et éducatif en même temps ? Vous ne serez ni l'un ni l'autre parce que vous avez choisi d'être impuissants ! Délinquance, insécurité, et sentiment de peur qui monte. Je viens de faire le tour de France en bus. Vous ne sauriez imaginer les mots que l'on entend dans tous les milieux sociaux de toutes les villes à propos de la peur que nos compatriotes ressentent, y compris de sortir dans la rue. Et bien ce n'est pas digne d'un pays comme la France.
Ce matin nous avons entendu à la radio que le chômage progresse pour le sixième mois consécutif. Il suffit d'ouvrir un journal pour voir que tous les autres pays autour de nous ont réglé le problème des retraites
Je pourrais accumuler comme cela les sujets de l'impuissance française. Cela fait vingt ans que ça dure. Quatorze ans de gouvernement de la gauche, six ans de gouvernement de la droite. Nous avons ces notions en tête et c'est la France que nous avons sous les yeux. Bon sang de bon sang ! C'est cette France là, désespérée, qui décroche et qui voit les autres pays passer devant les difficultés dans lesquelles elle se trouve et qu'elle accumule depuis vingt ans. Est ce que nous allons accepter que ça continue comme cela ? Ma réponse à moi, c'est non.
Et bon sang de bon sang on voudrait nous faire croire que dans cette situation de la France, tout ce que nous aurions à faire nous, c'est nous résigner, croiser les bras, et regarder passer les trains ! Le train Jospin, dont nous savons qu'il va dans le mur, l'autre train, le train de la droite et du centre comme on dit, le train de Jacques Chirac, dans lequel rassurez-vous on nous réserverait des strapontins. Et bien je veux vous dire une chose toute simple : nous avons déjà fait le voyage trois fois, nous avons fait le voyage dans chacun des deux trains, et nous avons vu où cela conduisait la France !
Je pense une chose très simple et je pense cette chose en sachant dans quel camp je suis, quelles sont mes alliances, mes amitiés, les combats que j'ai menés. Rien ne me fais plus rire que ceux de mes amis qui m'accusent, et cela arrive quelque fois, d'être trop à gauche : j'ai gagné tous mes mandats électoraux contre la gauche, et je demande que mes critiques en disent autant.
Je sais très bien dans quel camp je suis et, parlant dans ce camp, je dis une chose très simple : la France a besoin d'une double rupture. Elle a besoin d'une rupture avec la gauche qui gouverne depuis cinq ans, qui a gouverné quatorze ans dans les vingt dernières années. Et elle a besoin d'une rupture avec la droite comme elle fonctionne depuis vingt ans.
Ce n'est pas, comprenez moi bien, que j'aie des problèmes avec des hommes ou des partis. Ici à la tribune j'ai entendu, dans la journée, s'exprimer plusieurs mises en garde à nos partenaires. Je n'en ai aucune à leur faire, je n'ai rien à reprocher au RPR, et je n'ai rien à reprocher à Jacques Chirac et aux autres partenaires de l'opposition. Rien du tout. La seule responsabilité qui nous incombe, c'est de changer les choses, nous, si nous le voulons. Ce n'est pas par gentillesse qu'il faut changer les choses, ce n'est pas par égard ! Dans la vie, on a ce que l'on mérite !
Je ne leur reproche rien, je n'en veux à personne. J'en veux à la manière dont le pouvoir est exercé en France depuis vingt ans par les deux bords l'un après l'autre ! Je me suis fait arrêter dans un bar à Amiens hier soir par un jeune chômeur, qui s'est mis à m'agresser à m'insulter. Il m'a dit " vous les politiques vous ne faites rien pour nous. Vous les politiques on ne peut jamais vous parler. Vous les politiques tout ce qui vous intéresse c'est vos élections ". Et cela, ce n'est rien d'autre que la conséquence ultime de vingt années durant lesquelles nous avons laissé le pouvoir s'organiser comme il est organisé en France, c'est à dire enfermé dans ses ministères, technocratique dans ses attitudes, ne donnant au peuple citoyen aucune attention avant qu'il ne descende dans la rue ! Là, quand on descend dans la rue, les policiers, les femmes de gendarmes, les infirmières, les cliniques privées et demain les agriculteurs, à ce moment là, quand vous êtes dans la rue, les portes des ministères s'ouvrent et les carnets de chèques aussi. Et bien je ne veux plus d'un pays qui fonctionne comme cela !
Mes amis si nous ne voulons plus vous et moi et les millions de citoyens français d'un pouvoir qui marche comme cela, il va falloir qu'on se le gagne comme on dit chez moi ! Je fais un serment tout simple, je l'appelle devant vous le serment de la relève. La relève, elle ne peut pas se contenter de changer les hommes au pouvoir, il faut qu'elle change le pouvoir en lui-même !
Je veux vous dire en quelques mots ce que je pense qu'il faut que nous nous engagions à changer dans le pouvoir en France. J'ai ainsi bâti ma déclaration de candidature sur l'esprit de responsabilité. Vous avez peut-être entendu ou vu la déclinaison que j'en faisais, je ne vais pas la reprendre pour ne pas lasser ceux qui l'ont déjà lue.
Que le président de la République soit responsable. Il est élu au suffrage universel, qu'il gouverne et qu'il réponde de ce qui se passe en France ! Deuxièmement, que le parlement soit responsable ! Cela signifie, mes chers collègues, que les députés et les sénateurs siègent effectivement au parlement, qu'ils votent vraiment et qu'ils contrôlent vraiment avec les moyens qu'on leur donnera pour le faire ! Que les élus locaux soient responsables réellement, Gilles, par exemple en matière de sécurité, pour qu'il y ait quelqu'un qui réponde aux citoyens quand ils demandent des comptes. Et enfin, c'est probablement le plus grand retard français, que les syndicats et les entreprises deviennent responsables de la vie sociale en France comme ils le sont dans tous les autres pays européens et dans tous les autres pays développés de la planète. Que l'on rebâtisse leur légitimité si nécessaire, y compris par des élections à l'intérieur des entreprises, pour être sûrs de la légitimité des syndicats. Responsabilité enfin au bout de la chaîne ou à la racine, responsabilité du citoyen. Comment se fait-il qu'en France le citoyen n'a jamais accès à des données certaines sur l'évolution des choses, pour qu'il puisse juger des engagements qu'on a pris à son égard, pour qu'il puisse trancher des questions qui se posent, y compris par référendum lorsqu'un dossier est bloqué. Je suis pour la responsabilité des citoyens.
Quand je dis changer le pouvoir, j'ai en tête l'idée que l'on doit sortir du pouvoir à courte vue. On ne résoudra pas les grands problèmes si l'on n'est pas capable de bâtir des politiques de long terme à 7, 8, 10 ans, ce qui signifie, pour qu'elles soient respectées et pas remises en cause qu'elles exigent l'accord de la majorité et de l'opposition.
Alors je sais bien que cette idée est critiquée souvent dans nos rangs, et c'est un moyen de m'accuser d'être un troisième " voieiste ", ce que je revendique, dans mon camp et voulant construire une autre manière de gouverner la France. Mais je vais prendre un exemple qui me touche : il y a 15% de jeunes français qui ne réussissent pas à apprendre à lire à l'école primaire et qui donc ne réussiront pas à lire par la suite. C'est le plus grand scandale qui soit. Je dis que pour combattre un mal comme celui-là il faut des mesures énergiques, j'en parlerai demain. Il faut un contrat avec la Nation, il faut que l'on dise quelles que soient les alternances et les accidents politiques que sur ce point nous nous engageons tous à faire en sorte que dans 10 ans il n'y ait plus un jeune Français qui ne sache pas lire en entrant au collège dans son pays !
Changer le pouvoir, c'est aussi accepter des disciplines nouvelles et nous obliger au renouvellement des générations. Il faut que nous obligions à faire entrer en politique des têtes nouvelles, des gens qui ont une expérience différente et nouvelle dans la société civile comme on dit, il faut que les portes s'ouvrent. Je propose une idée simple, je propose de limiter les mandats électifs à trois de suite pour le même mandat. 15 ans, 18 ans, mais franchement on ne peut pas continuer comme cela ! Et en ce qui concerne le mandat du président de la République, je suis pour deux mandats.
Comment fait-on pour rendre cet État sourd compréhensif, pour qu'il entende ? Cela signifie tout simplement qu'il faut, ayant rebâti les corps intermédiaires, penser à des instruments nouveaux qui n'existent pas en France ni, je crois, en Europe. Il y en a un auquel je pense : il faut que nous bâtissions une institution de l'alerte publique. J'ai beaucoup pensé au drame du sang contaminé, j'ai beaucoup pensé au drame de la vache folle, beaucoup pensé au drame de l'amiante. Comment ces drames-là se sont-ils noués ? Ils se sont noués parce qu'aucun des décideurs n'a jamais été saisi publiquement et officiellement du risque que certains connaissaient mais n'avaient pas les moyens de les faire connaître au pays. Une institution de l'alerte dira aujourd'hui " je vous saisis parce que j'entends des informations scientifiques qui viennent et qui méritent que la puissance publique s'en occupe ".
Le renouvellement, l'État compréhensif alors qu'il est sourd.
Je décline un troisième élément que Jean Arthuis a beaucoup illustré avant moi, c'est celui de la vision. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet de l'Europe parce nous en parlerons demain, et vous savez combien elle est au cur de notre vision de l'avenir. Je veux dire que nous avons une vision originale en termes de bioéthique. Beaucoup d'entre nous avons été non pas choqués, le mot n'est pas assez fort, mais blessés par la succession d'arrêts de la Cour de Cassation, dont le premier a été l'arrêt Perruche. Alors je veux vous dire simplement que je considère non seulement qu'il est normal mais que c'est un devoir de traiter de la question de la vie des handicapés. Mais en venir par une jurisprudence à considérer que la vie est un tort fait à une personne, alors à cet instant là nous franchissons une borne. Je voudrais que nous nous mettions au travail, que nous rédigions des propositions de textes pour que cette transgression disparaisse de notre jurisprudence et de notre droit. Parce que vous savez bien ce qu'il y a derrière tout cela. Derrière tout cela il y a l'eugénisme. Cela veut dire qu'en multipliant les examens on trie entre les bons et les mauvais, les sains et les prétendus malsains enfants à naître. Et pour l'humanité c'est une pente sur laquelle, je vous supplie que nous y réfléchissions ensemble, il faut résister à glisser.
J'emploie un dernier mot : civisme ; la responsabilité du citoyen, la société organisée autour du citoyen. Je suis heureux d'avoir été en effet le premier à proposer un service civique, civil et humanitaire et j'ai été assez heureux de voir cette idée reprise et faire florès. Tant mieux si ça peut faire avancer les choses. Je promets que nous proposerons des critères et des définitions de ce que le service civique doit être pour qu'un creuset se reforme en France. La fin du service militaire en a supprimé un, il faut en recréer un autre.
Voilà ma vision. Mais en France, comme vous l'avez compris les uns et les autres, on peut rendre hommage à la volonté de changement mais dans la réalité il est interdit de changer. Alors j'ai vécu comme vous, peut-être un plus chaudement que vous ces dernières semaines. Petites phrases, petits croche-pieds, petites flèches empoisonnées, petites, mais la répétition finit par lasser. Venant, et c'est ça qui était dangereux et à mes yeux cruels, de l'intérieur. Et bien je dis simplement que le but de ce congrès c'est que ce genre de chose cesse. Ou alors nous avons, mes amis, tout l'après-midi devant nous. Que ceux qui pensent que la candidature à l'élection présidentielle de notre famille politique et de son Président est illégitime, ou dangereuse, ou maladroite, qu'il ne faut pas qu'elle ait lieu, qu'ils montent à la tribune et qu'ils s'expriment !Qu'ils présentent une motion et qu'on vote ! Anne-Marie vous dira que le temps des motions est clos et bien je le réouvre !
Alors j'ai essayé de réfléchir un tout petit peu à ces affaires, à cet ensemble météorologique, et j'ai fini par conclure que ce n'était pas un homme que ça visait. Je suis même prêt à croire à toutes les démonstrations et affirmations d'amitié qui accompagnent ce genre de phrases. Ce n'était pas un homme que ça visait, c'était un mouvement. Le mouvement qui commence ici aujourd'hui, le mouvement qui dit on veut le changement pour la France, on veut la relève pour notre pays ! C'est cela qui était visé ! Parce que, mes chers amis, aussi étrange que cela paraisse quand on lit les sondages, le seul danger pour les sortants c'est d'ici qu'il vient. Parce que c'est naturellement au centre de la vie politique française que peut s'étendre et se faire entendre et se faire respecter, et demain peut être gagner un mouvement qui voudra changer la politique en France.
Alors quand on voit ce genre de piège, quand on subit ce genre de petits assauts, alors il n'y a que deux solutions : ou bien on se couche, ou bien on combat. J'ai choisi le combat !
Les yeux dans les yeux, je vous le dis et je le dis à la France. Cette France là, bloquée depuis 20 ans, désespérée, qui n'y croit plus, cette France sans foi nous n'en voulons plus ! Le combat que je porterai, c'est le combat pour tourner la page, pour donner à cette France là la relève qu'elle attend !
Deux mots de conclusion. Vous avez entre les mains le choix, pour l'UDF et pour la France. On a largement expliqué les risques et bien je veux vous dire que pour l'UDF et pour la France, il n'y aurait qu'un risque, un vrai, un seul, c'est que nous renoncions. Parce que cela voudrait dire à tout jamais que ce qui nous manque, c'est le caractère et le courage. Alors la France nous jetterait et elle aurait raison de le faire ! Parce que les Français ça fait longtemps qu'ils veulent et qu'ils méritent des responsables qui tiennent bon quand ça va mal. Elle en a marre de tous ceux qui depuis des années reculent et flanchent et qui se couchent à la première difficulté. La France, elle mérite des responsables qui tiennent bon !
Le choix est très simple, et en fait à toutes les étapes de notre vie nous retrouvons le même. Le choix c'est entre relever ou déserter. Et bien tout dans ma vie depuis mon enfance, tout ce que j'ai reçu de mes maîtres, tout ce que j'ai essayé de transmettre à mes enfants et à mes élèves, c'est très simple, c'est que lorsqu'on a le choix entre la relève et la désertion il faut bannir la désertion et choisir le relève.
Voilà, maintenant au terme de ce débat je remets ce choix entre vos mains. Vous le prononcerez au nom de l'UDF et en avant garde des Français. Je vous remets le choix de la relève.
(source http://www.udf.org, le 4 décembre 2001)