Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les tensions dans le Golfe persique, la lutte contre le terrorisme et sur les relations franco-saoudiennes, à Djeddah le 15 juillet 2017.

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Circonstance : Déplacement dans le Golfe (Qatar, Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis), les 15 et 16 juillet 2017

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, je voudrais d'abord remercier mon ami Adel al-Joubeir de son accueil. Je suis, comme il l'a dit, en visite pour la première fois en Arabie saoudite comme ministre des affaires étrangères de la République française. J'étais venu à plusieurs reprises, à Djeddah et à Riyad, pendant le quinquennat de François Hollande, comme ministre de la défense, mais c'est ma première visite en tant que ministre des affaires étrangères. Je suis très heureux d'être ici, d'abord pour vous rencontrer Mon Cher Ami, et, ensuite, parce que la France et l'Arabie saoudite, vous l'avez dit, sont unies par des liens profonds. Nous avons pu échanger sur l'ensemble des sujets que vous avez évoqués à l'instant.
Nous sommes préoccupés par la crise qui touche le Golfe. Nous sommes préoccupés par les conséquences politiques, économiques et sociales de cette crise qui intervient à un moment où la région doit construire sa cohésion face à des menaces qui pèsent sur sa sécurité. Comme vous le savez, le président de la République et moi-même sommes en contact régulier avec l'ensemble des protagonistes. Nous sommes mobilisés pour appeler au dialogue et nous souhaitons adresser un message de concertation et d'apaisement.
La position de la France tient en cinq points.
Premièrement, nous souhaitons un engagement déterminé de tous contre le terrorisme, contre les soutiens du terrorisme, contre les financements du terrorisme. Dans cette perspective, il importe que le Conseil de coopération du Golfe soit uni pour demeurer un rempart contre l'instabilité. Sur ce premier point, nous exprimons l'espoir que cette crise permette de renforcer tous les mécanismes de lutte contre le terrorisme, en particulier, l'amélioration des dispositifs de lutte contre son financement et contre la propagation de l'idéologie djihadiste. Pour la réussite de cet objectif, la mobilisation du Royaume est évidemment indispensable, et je voulais saluer les efforts accrus déployés par l'Arabie saoudite pour éradiquer ce fléau. Les autorités saoudiennes ont démontré, s'il en était besoin, leur leadership à travers la coalition islamique militaire et, plus récemment, la création, tout à fait remarquable, du centre mondial pour la lutte contre l'idéologie extrémiste. Notre réponse contre le terrorisme doit être globale. Elle doit être commune. C'est une condition de notre victoire collective contre ce fléau.
Deuxièmement, le règlement de cette crise doit se faire entre pays du Golfe, ce qui incite à dire, troisièmement, que nous encourageons la médiation du Koweït. J'avais d'ailleurs reçu, à Paris, l'émissaire de l'Emir du Koweït chargé de ce dossier. Et je veux être clair sur ce point : la France n'entend pas se substituer au médiateur. Elle veut être un facilitateur, en joignant ses efforts aux efforts d'autres pays, également préoccupés, qui veulent apporter leur présence et leur soutien à la médiation koweïtienne. Je pense, en particulier, aux initiatives qui ont été prises par le secrétaire d'Etat américain M. Tillerson, qui sont, me semble-t-il, particulièrement opportunes.
Quatrièmement, nous plaidons pour une désescalade afin de créer les conditions d'un dialogue. Nous plaidons pour l'adoption de mesures de confiance progressive pour rouvrir les schémas de la concertation.
Enfin, cinquièmement, nous demandons à ce qu'aucune des mesures prises n'affecte les populations civiles, quelles qu'elles soient.
En dehors de ce point, qui était quand même un point essentiel de nos conversations, j'ai eu l'honneur de rencontrer Mohamed bin Salman, Son Altesse Royale le Prince héritier. Je crois que l'on peut dire que nous avons décidé de relancer plus fortement la coopération franco-saoudienne, la coopération bilatérale. Nous avons décidé de réunir, d'ici la fin de l'année, à Paris, la commission conjointe, qui existait mais qui n'était pas suffisamment activée, pour faire un point sur l'ensemble des programmes de coopération bilatérale que nous avons. Que ce soit le domaine de la défense, de l'énergie, de la culture, des infrastructures, de l'éducation, bref, l'ensemble des sujets fera l'objet d'un point annuel dans le cadre de cette commission qui se réunira une année à Paris et une année en Arabie saoudite. Cette relance, souhaitée par le président Emmanuel Macron, qui s'était d'ailleurs entretenu de ce sujet avec Sa Majesté le Roi Salman, est parfaitement cohérente avec la vision 2030 qui, elle, offre des opportunités nouvelles pour créer des synergies supplémentaires entre nos deux pays. Nous avons également évoqué les évolutions de la situation régionale et internationale. Adel al-Joubeir en a fait état dans son intervention. Nous avons, sur la plus grande partie des sujets, une large convergence de vues. Ce constat s'est vérifié sur la Syrie, sur l'Irak, sur le processus de paix au Proche-Orient ou encore sur le Yémen, où il est essentiel de parvenir à un règlement rapide du conflit et à l'amélioration des conditions humanitaires des populations qui sont souvent dans la détresse. Je me réjouis de la qualité et de la franchise de nos échanges, signe d'une amitié profonde qui ne peut que se poursuivre et se renforcer. Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 juillet 2017