Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie et la restructuration hospitalière, Paris le 5 février 1994.

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Circonstance : Réunion avec les médecins libéraux du 15ème arrondissement à Paris le 5 février 1994

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'exprimer devant vous. Les préoccupations qui sont les vôtres, au moment où prend corps le projet d'hôpital européen Georges Pompidou, viennent d'être évoquées par le Docteur ODINOT, que je remercie de son intervention. Il m'appartient de vous dire en quelques mots les raisons pour lesquelles j'attache du prix à la réalisation de ce projet, que je tiens pour exemplaire. Il l'est en lui-même, mais aussi parce qu'il illustre la nouvelle politique hospitalière que le Gouvernement appelle de ses voeux. Et je souhaite préciser en quoi cette politique va dans le sens des mesures arrêtées par le Gouvernement au cours des derniers mois.
L'hôpital européen Georges Pompidou témoigne de la qualité de la réflexion conduite par l'assistance publique des hôpitaux de Paris depuis quelques années en ce qui concerne l'avenir de notre système hospitalier.
Cette opération, à laquelle le directeur général de l'assistance publique, M. Alain CORDIER, apporte, je le sais, un soin particulier montrera qu'il est possible, à l'hôpital, de concilier pour le bien des malades la qualité du service rendu et l'efficacité du fonctionnement quotidien. Elle apportera aussi la démonstration que ces objectifs sont conciliables à la fois avec les impératifs d'une bonne gestion et avec des conditions de travail améliorées pour les médecins et les autres professionnels de la santé. Ces exigences sont trop souvent présentées comme contradictoires. Tout l'intérêt du projet qui vous est présenté cet après-midi est d'apporter la preuve que notre système de soins a, quoi qu'on dise, la capacité de concevoir des hôpitaux performants, efficaces et bien gérés.
Si tel est le cas, c'est que ce projet procède de la politique de restructuration hospitalière que l'Assistance Publique a mise en oeuvre. L'hôpital européen Georges Pompidou est le fleuron de cette politique dont tout souligne la nécessité pour notre pays. Le raisonnement économique y conduit ; les exigences de la santé publique également. La recherche des économies dans le mode de fonctionnement de l'hôpital, le besoin d'utiliser au mieux les moyens humains et matériels : tels sont les impératifs de la gestion hospitalière d'aujourd'hui. L'hôpital européen Georges Pompidou montre qu'il est possible de satisfaire à ces conditions.
Vous me permettrez de souligner à quel point ces conditions sont nécessaires à la réussite de la politique de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie que le Gouvernement a encagée dès le mois de juin de l'année dernière.
J'entends dire, ici ou là, que cette politique serait au mieux une gageure, au pire une illusion. Il n'en est rien, pourvu qu'on veuille bien ne pas se tromper de priorité.
Les dépenses d'hospitalisation représentent aujourd'hui près de la moitié des dépenses d'assurance-maladie. Le Gouvernement qui se contenterait de contraindre les patients, les médecins libéraux ou les pharmaciens à moins consommer ou à moins prescrire et qui, dans le même temps, laisserait de côté l'hôpital serait dans l'erreur. La démonstration en a d'ailleurs été apportée au cours des années passées.
Naturellement, je souhaite que les professionnels libéraux prennent leur part de l'effort national qu'appelle la gravité de la situation à laquelle est confronté notre système de soins. Nous y parviendrons ensemble, par la concertation et la négociation. Des progrès importants ont d'ores et déjà été accomplis dans ce sens. Je souhaite qu'ils soient poursuivis dans les prochaines semaines.
Pour ce qui le concerne, le Gouvernement n'entend pas se dérober aux responsabilités qui sont les siennes. Celles-ci trouvent, au premier chef, à s'appliquer dans le domaine de l'hospitalisation publique.
C'est pourquoi il a été décidé, le 30 janvier dernier, d'engager sans délai notre pays sur la voie de la restructuration hospitalière. La carte hospitalière, l'organisation administrative, la gestion de l'hôpital : tels sont les sujets que le Gouvernement aura à traiter dans le courant de cette année.
Je souhaite que l'on procède progressivement, après consultation des collectivités locales et des intéressés, à la reconversion des lits inoccupés.
En outre, les instructions vont être données dans les prochains jours pour faire en sorte que dans chaque région, au moins une opération exemplaire de restructuration soit conduite à son terme. A ceux de vos confrères qui s'interrogeraient sur la nature de ces opérations, vous pourrez vanter les mérites de ce qui se fait avec l'hôpital européen Georges Pompidou.
Enfin, j'ai demandé à Mme Simone VEIL de procéder à la modernisation du mode d'exercice de la tutelle de l'État sur les hôpitaux et de mettre en place l'ensemble des moyens juridiques, administratifs et financiers nécessaires à l'amélioration de la gestion de l'hôpital public.
Il s'agit là, Mesdames et Messieurs, d'une réforme ambitieuse. Elle ne sera couronnée de succès que si elle est comprise et acceptée par le plus grand nombre. C'est pourquoi, fidèle à la méthode dont je persiste à penser qu'elle est la plus adaptée à la situation de notre pays, je souhaite que cette réforme procède d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs de notre système de soins.
Les médecins libéraux seront donc appelés à participer à cette concertation. J'entends en effet qu'ils conservent, dans notre système de soins, toute la place qui leur revient. Elle est à la mesure de leurs compétences et de l'attachement que leur portent à juste titre nos compatriotes.
Ensemble, Mesdames et Messieurs, nous devons sauver notre système de santé du péril grave et immédiat qui le menace. Ce péril est d'ordre financier. Il tient aussi au comportement des uns et des autres : les assurés sociaux, les professionnels de la santé, les partenaires sociaux, l'État. Nul ne peut s'exonérer de l'examen de conscience qu'appelle la gravité de la menace qui pèse sur notre régime de protection sociale.
C'est pourquoi, j'ai souhaité que l'avenir de notre système de soins fasse l'objet, avant l'été, d'un Livre Blanc qui précise les responsabilités de chacun et contribue à faire en sorte que se dessinent aussi nettement que possible les orientations qui permettront à notre pays de rester fier de son système de santé.
Sans doute quelques unes de nos habitudes et de nos certitudes seront-elles remises en cause à cette occasion. Mais j'ai la conviction que ce grand débat national sera salutaire et qu'il permettra d'engager les réformes qu'au fond d'eux-mêmes nos compatriotes savent nécessaires.Sur ce chemin difficile, la mise en route de l'hôpital européen Georges Pompidou constituera une étape importante. La façon dont cette expérience sera accueillie et comprise aura valeur d'exemple. Je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d'entre vous pour que le succès soit au rendez-vous.