Interview de M. Christophe Castaner, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 7 juin 2017, sur la réforme du Code du travail et les législatives des 11 et 18 juin.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Christophe CASTANER.
CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous, au lendemain d'une actualité, j'allais dire, multiformes, mais on va d'abord parler évidemment de cette attaque à Notre Dame. L'assaillant du policier, hier, est toujours hospitalisé pour blessures au thorax à Paris. Il a été interrogé ? Il a pu être interrogé ?
CHRISTOPHE CASTANER
Pour l'instant, il est sous surveillance médicale et sous surveillance policière, le temps viendra d'une instruction sous l'autorité du procureur, la plus détaillée. Ce qui est étonnant aujourd'hui dans cette situation, ce qu'on voit c'est qu'on a un homme qui n'était pas du tout marqué par la radicalisation, on a un étudiant, un doctorant...
ELIZABETH MARTICHOUX
« Marqué », ça veut dire quoi ? « Pas marqué par la radicalisation » ?
CHRISTOPHE CASTANER
« Marqué » au sens des signes qu'il pourrait donner, de radicalisation, dans sa pratique personnelle. Il est étudiant en thèse, doctorant.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce statut d'étudiant algérien est confirmé.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui oui, a priori, selon les informations que j'ai, on a quelqu'un qui est connu, qui était suivi pour sa thèse par un professeur d'université, et qui n'avait, à aucun moment, donné de signe de radicalisation. Mais, je n'ai pas plus d'éléments d'enquête que cela, et il convient de respecter le droit et la justice et donc de ne pas dévoiler quoi que ce soit sur votre antenne, veuillez m'en excuser.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais par exemple, selon nos confrères de TF1, une vidéo de Daesh, dans laquelle il prête allégeance, aurait été retrouvée dans les perquisitions qui ont déjà été opérées à son domicile, notamment de Cergy dans le Val d'Oise, une résidence étudiante. Vous confirmez ou pas ? Des éléments, quand même, qui montrent qu'il y a une radicalisation cachée.
CHRISTOPHE CASTANER
Bien sûr. Dès les premiers instants de son attaque, les mots qu'il a prononcés, ont permis de classer cet attentat parmi les attentats terroristes, parce qu'il a fait des références immédiates à des faits, à des situations, à une affirmation qui relève du terrorisme.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que, d'après ce que vous savez, on parlerait plus quand même d'un acte solitaire, d'un homme qui se serait autosaisi d'une mission terroriste, peut-être déséquilibré, ou il s'agit vraiment de l'instrument de l'Etat islamique sur notre territoire ?
CHRISTOPHE CASTANER
Toutes les indications confirment la première thèse, celle d'un acte isolé, et qui montre bien toute la difficulté à laquelle nous sommes confronté sur ce terrorisme-là, je le dis hélas assez souvent, mais je le répète, le risque zéro n'existe pas, parce qu'on voit bien que quand il s'agit d'un acte de ce type-là, il est très difficile à anticiper. Par contre, la réaction de nos forces de police a été immédiate, efficace, et mérite d'être saluée.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le policier blessé à Notre Dame, est toujours hospitalisé ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il est suivi, avec toute l'attention de nos services de soins.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'un membre du gouvernement va lui rendre visite ?
CHRISTOPHE CASTANER
Des échanges ont déjà eu lieu avec lui.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire ?
CHRISTOPHE CASTANER
Des échanges et des signes de confiance. Le ministre de l'Intérieur a su se mobiliser et être présent, mais aujourd'hui, il n'est pas temps de gêner le soin et de le perturber, mais il est évidemment accompagné, et ce message d'accompagnement s'adresse à lui et à tous ses collègues.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça viendra en son temps. L'hommage qui sera peut-être rendu à ce policier, viendra en son temps.
CHRISTOPHE CASTANER
L'urgence c'est le soin, l'accompagnement, et être présent, notamment auprès de sa famille.
ELIZABETH MARTICHOUX
Christophe CASTANER, la réforme du Code du travail va être la grande affaire des semaines et même des mois à venir, compte tenu de la sensibilité du sujet. Est-ce que le gouvernement cache son jeu avant les législatives ?
CHRISTOPHE CASTANER
Au contraire, on arrête une méthode de construction. Alors, toute la difficulté c'est qu'on nous dit : « Mais le texte, le texte, le texte ». Il faudrait qu'on ait déjà déposé le texte, avant même de discuter avec les partenaires sociaux. Donc il y a déjà eu trois rounds de discussions, par le président de la République, avec le Premier ministre Edouard PHILIPPE et la ministre du Travail. Hier, Edouard PHILIPPE et la ministre du Travail ont présenté le calendrier, mais un calendrier qui dépasse largement le seul sujet dont on parlera cet été, qui a pour ambition de transformer notre pays et d'en faire la société du Travail. Les syndicats ont ce calendrier, il y aura près d'une cinquantaine de réunions qui vont se dérouler, donc évidemment...
ELIZABETH MARTICHOUX
Avant la fin juillet, et avant effectivement la première étape législative, qui sera le vote de la loi d'habilitation. Selon Libération, ce matin, qui publie un document de travail du gouvernement, selon Libération, les pistes sur lesquelles vous travaillez, vont beaucoup plus loin que la présentation qui en a été faire hier par Edouard PHILIPPE et Muriel PENICAUD.
CHRISTOPHE CASTANER
Ecoutez, au rythme où on va...
ELIZABETH MARTICHOUX
Beaucoup plus loin, notamment sur la négociation d'entreprises.
CHRISTOPHE CASTANER
Au rythme où on va, il faudra m'inviter tous les matins, parce que je vais être amené à commenter un tract, un document, un projet de loi, autant de choses qui n'existent pas, mais qui sont publiées par la Presse. J'en suis très surpris.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce document un est « fake », comme on dit en bon français ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il s'agit certainement, mais je ne l'ai pas eu sous les yeux, d'une note de travail de la Direction générale du travail, qui balaie tous les sujets qui pouvaient faire l'objet d'une discussion avec les partenaires sociaux...
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui n'a pas de valeur.
CHRISTOPHE CASTANER
Et qui en aucun cas n'est la base législative sur laquelle le gouvernement veut travailler. Déjà, il y a deux jours, un autre quotidien a publié un projet de loi qui lui avait été écrit avant même que le président de la République devienne président de la République, et on nous le présente...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais là, ça date du 31 mai, selon Libération.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais on nous la présenté il y a deux jours comme étant le texte de loi, et là on a une note d'un service, et ça devient à nouveau le texte de loi. Moi, je m'en tiens à une seule chose, les propos du Premier ministre et de la ministre du Travail aux partenaires sociaux. Et c'est la seule base de travail sur laquelle nous bossons.
ELIZABETH MARTICHOUX
La base de travail, c'est quand même le programme d'Emmanuel MACRON, selon lequel la primauté de l'accord d'entreprise serait bien étendue à d'autres champs que le temps de travail, vous nous le confirmez, donc la question c'est de savoir jusqu'où vous êtes prêt à aller dans l'extension de ce champ ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais ce que je vous confirme, c'est la volonté de mettre en oeuvre le projet politique du président Emmanuel MACRON, sur lequel il a été élu. Il a signé un contrat avec les Français, ce contrat est clair sur ces sujets-là. Donc oui, nous voulons réformer le travail, mais pas pour diminuer les droits du travail...
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est la base, la base minimale de l'accord avec les syndicats, le programme d'Emmanuel MACRON.
CHRISTOPHE CASTANER
Nous cherchons l'accord le plus souvent possible, mais nous ne cherchons pas un accord avec les syndicats pour faire un texte de loi. Le contrat passé par Emmanuel MACRON, il est avec les Français, pour réformer le travail, et pas pour diminuer le droit des travailleurs mais pour faire sorte...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous n'avez pas besoin de l'accord des syndicats ?
CHRISTOPHE CASTANER
Nous allons travailler avec les syndicats, le plus longtemps et le plus loin possible. Mais si nous cherchons un texte qui est l'accord de la totalité des partenaires sociaux, je pense que l'exercice sera difficile, donc on risque de se retrouver avec une feuille blanche. Donc le choix il est simple, il est celui de dialoguer, d'avancer, puis à un moment donné, c'est la responsabilité du gouvernement, de trancher pour mettre en oeuvre cette société du travail, que les Français demandent, attendent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, pour être un peu plus précis, parce que ça intéresse effectivement tous les Français, la négociation à l'échelle de l'entreprise, elle pourrait aller jusqu'où ? Jusqu'au motif de licenciement, jusqu'aux conditions de recours aux CDD ou l'assouplissement du seuil de déclenchement d'un plan social ? C'est ça qui est sur la table ? Quitte à ce que ce soit éventuellement amendé après.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais tout est sur la table, dans la discussion entre la ministre...
ELIZABETH MARTICHOUX
Tout est sur la table ?
CHRISTOPHE CASTANER
... et les partenaires sociaux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas de tabou.
CHRISTOPHE CASTANER
Il n'y a aucun sujet, et d'ailleurs il n'y a pas que la ministre qui fait des propositions, les partenaires sociaux en font aussi, et tous les sujets qui ont pu être échangés ces derniers jours, font actuellement l'objet d'études par les services de la ministre, pour être discutés avec les partenaires sociaux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous souhaitez toucher au contrat de travail ? Est-ce que le CDI peut évoluer ? Est-ce que la flexibilité peut aller jusqu'à une évolution du CDI ?
CHRISTOPHE CASTANER
Moi, ce qui me parait essentiel, c'est de libérer le travail, c'est de faire en sorte que cet artisan dans les Alpes-de-Haute-Provence, que je côtoie quand je suis dans ma circonscription, ait envie d'embaucher, et qu'il ne me dise plus : « Non, je n'embauche pas, c'est trop compliqué », parce que c'est ça la réalité, j'ai envie qu'une entreprise qui a 49 salariés, assume de franchir le seuil, pour grandir, alors qu'aujourd'hui, soit il crée une seconde société, soit il ne grandit pas. Donc il nous faut aujourd'hui libérer le travail pour plus de travail. Mais ça ne veut pas dire moins de droits sociaux, c'est ça la difficulté, c'est que l'on a le sentiment que dès que l'on veut toucher au Code du travail, on veut détruire le droit du travail. J'entendais hier un ancien candidat à la présidence de la République, dire : « On menace 18 millions de Français aujourd'hui ».
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous parlez de qui ?
CHRISTOPHE CASTANER
Jean-Luc MELENCHON. Ramenons les faits à leur réalité, la réalité c'est qu'aujourd'hui le droit du travail ne protège plus assez, et empêche l'accès au travail.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, vous toucherez éventuellement au contrat du travail, en proposant par ailleurs un volet sécurité, ce qui s'appelle la flexisécurité.
CHRISTOPHE CASTANER
Je ne vous ai pas dit ça, mais ce dont je suis convaincu, c'est que c'est dans une petite entreprise qu'on peut discuter des conditions de travail, plutôt que de devoir renvoyer à l'accord de branches, où il n'y a que les entreprises du CAC 40 qui tiennent la main et la plume.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, cela dit, vous leur avez fait quoi aux syndicats ? Ils sont calmes, ils sont coopératifs.
CHRISTOPHE CASTANER
Parce qu'on travaille avec eux, et que le Premier ministre et la ministre ont donné une feuille de route claire, et à un moment il y aura des tensions, il y aura des désaccords, c'est le propre du dialogue.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vrai, mais c'est vrai que sur le papier, la réforme du Code du travail va beaucoup plus loin que celle de Myriam El KHOMRI. Vous craignez quand même, parce qu'il reste des semaines, des semaines, l'acte 2 de la contestation de la loi travail ?
CHRISTOPHE CASTANER
Elle est possible, moi je ne la souhaite pas....
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez vu la réaction, vous parliez de Jean-Luc MELENCHON, il y a Benoit HAMON, il y a Olivier BESANCENOT qui appelle à un front uni de tous les partis de gauche pour descendre dans la rue.
CHRISTOPHE CASTANER
Là, vous parlez de responsables politiques qui sont en campagne et qui sont prêts à instrumentaliser tout ce qui leur passe sous la main pour tenter de gagner quelques voix, compte tenu de la situation d'échec dans laquelle ils sont. Moi, ce qui m'importe, c'est le travail, avec les partenaires sociaux, pour avancer et pour faire en sorte qu'on puisse, à la fin de ce mandat, aller vers le plein-emploi, c'est-à-dire 7 % de chômage, quand on voit la situation de nos quartiers, de la France, ça n'est pas acceptable.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes très prudent pour l'instant sur le contenu, on verra. Premier tour des législatives dimanche, d'ailleurs votre prudence est sans doute liée à cet enjeu. Par parenthèse, les résultats du vote des Français de l'étranger ont été publiés dès lundi soir, alors que théoriquement, aucun résultat ne doit être connu avant la fermeture du dernier bureau de vote. C'est étonnant.
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, on fait un traitement particulier pour ces circonscriptions-là, qui sont des circonscriptions immenses, et donc il faut, d'une part, avoir l'information des deux qualifiés, et donc il faut dire quels sont les deux qualifiés, d'où la publication des résultats, et aussi parce que l'acheminement du matériel électoral, sur des territoires qui quelquefois font 15 fois la taille de la France, impliquent ces délais-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
On ne voit pas le rapport entre l'acheminement des résultats et la publication, urbi et orbi, des résultats.
CHRISTOPHE CASTANER
Si, parce que, pour renvoyer les documents, il faut savoir quels sont les deux candidats qualifiés.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il faut savoir qui est qualifié pour les deux, mais enfin, c'est quand même assez étonnant et on se demande si ça ne contrevient pas aux règles électorales les plus élémentaires. C'est la première fois qu'on a des résultats, avant que les Français aient fini de voter.
CHRISTOPHE CASTANER
Non mais la règle le permet, et donc c'est vraiment lié à ces conditions particulières.
ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien c'est une nouvelle règle alors.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Puisque d'ailleurs c'est que la deuxième fois que les Français votent, les Français de l'étranger.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais, comme vous, comme vous j'ai été surpris de voir les résultats publiés, et depuis j'ai eu la confirmation que tout cela était parfaitement légal et justifié, notamment par la taille des circonscriptions.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, tout ça ambiance un peu, si vous me le permettez, le climat électoral, et puis il y a aussi toutes ces prédictions qui donnent à En Marche ! une majorité au-delà delà de l'absolu. Tout ça ne risque pas de démobiliser votre électorat ?
CHRISTOPHE CASTANER
Ecoutez, le risque est possible, mais une chose est sûre, c'est que moi, ce que je ressens sur le terrain et sur le territoire, il y a une volonté de donner une majorité au président de la République, et je pense que les Français sont cohérents. Je le disais avant...
ELIZABETH MARTICHOUX
Le président MACRON dirait, selon Le Canard Enchainé : « Ouh lala, on va avoir beaucoup trop d'élus, plus de 400, ça va être le foutoir, à l'Assemblée ».
CHRISTOPHE CASTANER
Rassurez-vous, le président de la République, ne dirait pas cela...
ELIZABETH MARTICHOUX
Ah bon ?
CHRISTOPHE CASTANER
Et pour ce qui concerne le foutoir, cela relève du ministre des relations avec le Parlement...
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est vous.
CHRISTOPHE CASTANER
... et je tenterai de faire en sorte que...
ELIZABETH MARTICHOUX
Si vous êtes élu, vous le serez, en tout cas.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais, écoutez, il vaut mieux avoir plus de députés sur lesquels on peut travailler, que d'avoir une majorité relative et des frondeurs. On a trop vécu cela.
ELIZABETH MARTICHOUX
Allez, une toute dernière question. Retenue à la source, Edouard PHILIPPE a confirmé le décalage d'un an, de la réforme, au 1er janvier 2019, donc la réforme est maintenue ?
CHRISTOPHE CASTANER
Elle est maintenue, mais elle fera l'objet d'une expérimentation, dès le mois de juillet, et nous adapterons, pour qu'elle soit la plus souple et la plus efficace, pour le personnel, mais aussi pour les entreprises.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Christophe CASTANER d'avoir été avec nous dans ce studio de RTL.
CHRISTOPHE CASTANER
Merci à vous.
YVES CALVI
Le porte-parole du gouvernement qui dément les informations publiées successivement par Libération ce matin et celles du Parisien hier sur le Code du travail. Tous les sujets sont donc sur la table, le seul projet étant de libérer le travail, ce qui ne veut pas dire moins de protection, vient de nous dire Christophe CASTANER. Merci à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 juin 2017