Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Madame la Ministre. Madame PENICAUD, merci d'être avec nous ce matin.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
En présentant le projet de réforme sur le droit de travail hier aux sénateurs, vous avez affirmé qu'il allait répondre à des besoins de liberté et de sécurité des entreprises et des salariés. Alors la liberté donnée aux entreprises, on la voit à peu près notamment avec le plafonnement des indemnités prud'homales entre autres mesures, en revanche en quoi la sécurité des salariés sera améliorée lorsque votre texte sera adopté ?
MURIEL PENICAUD
Il y a plusieurs éléments qui amélioreront la sécurité des salariés. Le premier, c'est que pour les entreprises, notamment les petites comme pour les salariés, il faut que le droit soit clair, soit simple, sinon il n'est pas accessible. Donc clarifier, simplifier, concentrer la loi sur l'essentiel, c'est aussi pouvoir exercer ses droits. Deuxièmement, il y a un certain nombre de sujets qui aujourd'hui ne sont pas du tout sécurisés. Par exemple le télétravail qui n'était pas prévu avec le code du travail initial, forcément Internet n'existait pas, aujourd'hui n'est pas sécurité. Or 61 % des Français aspirent au télétravail. Ensuite le fait de renforcer le dialogue social au plus près du terrain va permettre aux salariés, à travers leurs organisations syndicales de peser plus sur les décisions de l'entreprise. Donc ça fait beaucoup d'éléments pour les salariés aussi.
JEFF WITTENBERG
Alors il y a un vrai travail de conviction à faire, puisque vous aviez vu il y a quelques semaines, que 60 % des Français interrogés par sondage se déclaraient inquiets par votre projet, notamment parmi les classes populaires, 72 % d'entre elles, est-ce que vous comprenez cette inquiétude et est-ce que vous avez de quoi les rassurer justement ?
MURIEL PENICAUD
Quand on a commencé ce travail, avant la concertation avec le patronat et avec les syndicats de salariés, que nous menons de façon très intense, nous sortons de 48 réunions très approfondies, eh bien je pense que les Français avaient peu d'informations. Donc quand on a peu d'informations, c'est forcément inquiétant.
JEFF WITTENBERG
Ils ont les informations sur le plafonnement des indemnités prud'homales, sur les accords d'entreprises, on va y venir dans un instant.
MURIEL PENICAUD
Oui, et donc ils ont plus d'informations et donc il y en aura de plus en plus à la fin de l'été. Je pense qu'au fur et à mesure, ça permettra d'expliquer que cette loi sur le code du travail, c'est un ensemble. Il va y avoir ensuite un gros investissement sur la formation, la première sécurité par rapport au chômage, c'est la formation, il y aura une loi sur la formation, une loi sur l'apprentissage, c'est cet ensemble-là, je pense, qui est de nature à dynamiser les entreprises, mais aussi à rassurer les salariés.
JEFF WITTENBERG
Madame PENICAUD, vous parliez de concertations sociales, lorsque Philippe MARTINEZ en sortant du bureau du Premier ministre, vous étiez présente hier, dit qu'il s'oppose à 99 % à votre projet, le secrétaire général de la CGT et il donne un exemple, il affirme que lorsque les accords d'entreprises seront institués, un salarié qui refusera une augmentation du temps de travail ou une diminution de salaire prévue dans le fameux accord d'entreprises, eh bien il sera licencié. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est faux ?
MURIEL PENICAUD
Alors déjà ce que va faire la loi, c'est qu'elle va renforcer toutes les négociations de branches, c'est-à-dire quand patronat et syndicat se mettent d'accords au niveau d'un secteur d'activité, donc ça encadre beaucoup de choses. Et puis on va renforcer les accords d'entreprises, mais le fait que l'accord collectif prime sur le contrat individuel, ça existe déjà dans la loi depuis une vingtaine d'années dans pas mal de domaines. Sur cet aspect là, on va harmoniser parce que c'est très compliqué.
JEFF WITTENBERG
Donc Philippe MARTINEZ dit vrai, l'accord d'entreprises s'appliquera avec
MURIEL PENICAUD
Non s'applique, s'appliquait
JEFF WITTENBERG
S'applique, s'appliquera davantage qu'aujourd'hui avec toutes ces contraintes pour le salarié
MURIEL PENICAUD
Et toutes ses chances, vous imaginez, vous pensez vraiment que les syndicats de salariés dans une entreprise négocient quelque chose qui est contre les salariés ? Alors oui, si on ne croit pas que les employeurs de bonne foi et des syndicats de salariés compétents peuvent ensemble trouver quelque chose qui est mieux sur le plan économique, mais aussi qu'il y ait la justice sociale, alors oui il faut dire non. Mais si au contraire on croit qu'auprès du terrain les syndicats de salariés et les chefs d'entreprise, ils peuvent trouver des solutions qui font de la performance économique, qui font de la justice sociale, alors il y aura du plus pour les salariés demain.
JEFF WITTENBERG
Alors ce texte, il est prévu pour être adopté au Conseil des ministres le 20 septembre, si entre temps le 12, huit jours plus tôt, la CGT, encore elle, parvient à mobiliser, qu'il y a des dizaines de milliers de personnes dans la rue, comme elle le souhaite, est-ce que ça changera votre optique, est-ce que ça peut faire évoluer vos ambitions ?
MURIEL PENICAUD
Il y a 18 millions de salariés du secteur privé en France, il y a huit organisations patronales et syndicales de salariés, il y a le Parlement, tout le monde a son mot à dire, c'est un débat citoyen, c'est la démocratie sociale, c'est la démocratie politique, c'est la convergence
JEFF WITTENBERG
Le Parlement, il vous a invité à prendre des ordonnances, soyons précis, c'est le gouvernement qui tranchera.
MURIEL PENICAUD
Non, première lecture l'Assemblée nationale, le Sénat, j'y suis en ce moment jour et nuit, cette semaine, non le processus n'est pas fini, on discute, on débat au Parlement aussi, comme avec les partenaires sociaux.
JEFF WITTENBERG
Mais les ordonnances, au final, c'est le gouvernement qui les produira et on les connaîtra fin août. Est-ce qu'on aura d'ailleurs une surprise par rapport à toutes les pistes qu'on évoque aujourd'hui ?
MURIEL PENICAUD
On n'aura pas de surprise parce que le gouvernement procède par ordonnance sur mandat du Parlement. D'autre part, avec la concertation des partenaires sociaux, nous discutons de tout donc il n'y aura pas de surprise. Il y aura des accords et des désaccords mais il n'y aura pas de surprise.
JEFF WITTENBERG
On va connaître aujourd'hui à 18 heures les chiffres du chômage pour le mois de juin. En mai, ils avaient enregistré une hausse de 22 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. On sait, vous l'avez dit dès votre arrivée rue de Grenelle, que vous ne vouliez pas commenter les chiffres du chômage. Première question, est-ce que vous allez faire une exception aujourd'hui ? Et surtout quand là, vous pouvez peut-être nous le dire votre politique un impact sur ce chômage ?
MURIEL PENICAUD
J'avais dit que je ne commentais pas ces chiffres parce que tous les experts disent qu'ils ne sont pas fiables techniquement. Par contre, à partir de fin août le premier rendez-vous sera fin août tous les trimestres on fera un commentaire très approfondi de plusieurs chiffres concernant le chômage, la création d'emploi, le marché du travail. Il y aura beaucoup plus d'informations mises sur le débat public et, au contraire, il y aura de quoi faire un grand débat.
JEFF WITTENBERG
Mais est-ce que vous vous attendez tout de même à une embellie sur ce front du chômage et sur ce front du nombre de demandeurs d'emploi ?
MURIEL PENICAUD
Les perspectives de l'INSEE et des différents observateurs, c'est que la croissance devrait être un petit peu meilleure que ce qu'on pensait. C'est un bon moment pour faire les réformes, pour pouvoir accélérer l'effet de cette croissance. Parce qu'un des sujets de la France, ce n'est pas que la croissance : c'est qu'on a une croissance riche en emploi. Aujourd'hui, on a une croissance pas assez riche en emploi et je pense que l'objectif de tout le monde, c'est vraiment l'emploi.
JEFF WITTENBERG
Mais l'objectif d'Emmanuel MACRON, il l'avait dit dans sa campagne, c'est 7 % de la population active au chômage à la fin de son quinquennat. Il faudra bien que ça commence à un moment. Selon vous, à partir de quand verra-t-on cette, pour le coup, véritable inversion de la courbe ?
MURIEL PENICAUD
Il faut agir sur plusieurs leviers, c'est ce qu'on va faire. Le code du travail, c'est un levier ; la formation professionnelle, que chaque actif puisse accéder vraiment à la formation pour changer de métier ou progresser ou trouver un emploi ; l'apprentissage ; le pouvoir d'achat avec la suppression des cotisations d'assurance chômage salariées, tous les droits sont maintenus mais ils n'auront plus à payer la cotisation eux-mêmes ; et ensuite la réforme des retraites. C'est cet ensemble-là qui va avoir des effets profonds, long terme, sur le chômage. C'est ça que nous souhaitons.
JEFF WITTENBERG
Quand tout sera voté, pas avant alors.
MURIEL PENICAUD
Il y a des programmes qui ne sont pas tous des lois puisque, par exemple, l'investissement dans la formation va démarrer en septembre de façon très significative.
JEFF WITTENBERG
Une dernière question, madame PENICAUD, sur une affaire où votre nom est cité. Le journal Le Monde affirmait il y a quelques jours que vous étiez en partie au courant lorsque vous dirigiez la société BUSINESS FRANCE des modalités d'un déplacement d'Emmanuel MACRON à Las Vegas en janvier 2016 confié sans appel d'offres à la société HAVAS. On sait qu'il y a une enquête pour favoritisme qui est ouverte dans cette affaire. Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit jusqu'à présent, c'est-à-dire que vous n'étiez pas informée ?
MURIEL PENICAUD
Je suis extrêmement sereine. Je sais que je n'ai rien à me reprocher. Les rapports de l'Inspection générale comme de l'audit l'ont dit et je fais tout à fait confiance à la justice.
JEFF WITTENBERG
Donc de ce point de vue, rien n'est changé.
MURIEL PENICAUD
Rien n'est changé. Je suis concentrée sur la loi du travail, sur la formation et sur ce qu'attendent les Français : c'est qu'on aide vraiment le chômage à diminuer.
JEFF WITTENBERG
Merci beaucoup Muriel PENICAUD, ministre du Travail. Très bonne journée.
Source : Service d'information du gouvernement, le 27 juillet 2017