Texte intégral
PIERRE WEILL
Frédérique VIDAL bonjour.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
PIERRE WEILL
Vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. 87.000 bacheliers sont toujours aujourd'hui en liste d'attente ou refusés par les universités. Face à ce chiffre, vous ressentez quoi, de la honte, de la colère ?
FREDERIQUE VIDAL
Ce que je me dis, c'est que c'est un énorme gâchis et que cette année, il est encore amplifié par le fait que la démographie étudiante a mis sur le système APB 40.000 étudiants de plus ; et que pour la première fois aussi les étudiants en fin de première année qui souhaitaient se réorienter ont été aussi appelés à utiliser ce système. Et donc c'est 150.000 étudiants supplémentaires qui ont été mis dans le système APB et
PIERRE WEILL
Et maintenant, quelle solution
FREDERIQUE VIDAL
La conclusion, c'est que ça ne peut pas durer.
PIERRE WEILL
Alors quelle solution là, dans l'immédiat ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors dans l'immédiat, on a déjà fait un très très gros travail et je tiens vraiment à remercier à la fois les présidents d'université et les recteurs, puisque nous avons réussi à diminuer le nombre de candidats qui n'avaient absolument aucune proposition. Et ça, c'était vraiment une chose sur laquelle je voulais vraiment que l'ensemble des services travaillent ; et que l'ensemble des présidents travaillent et ils ont tout à fait participé à cette réduction. Nous rentrons dans la 3ème phase, la 3ème phase c'est qu'à partir du 18 juillet le système va changer. Il reste 200.000 places dans l'enseignement supérieur disponibles, donc cette fois-ci les étudiants vont avoir à se positionner sur des places dont on sait qu'elles sont libres.
PIERRE WEILL
Donc vous prenez l'engagement ce matin que tous ces bacheliers sans affectation et qui veulent faire des études supérieures trouveront une place à la rentrée universitaire ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est vraiment l'objectif que je me suis fixé et l'objectif que nous nous sommes tous fixé collectivement.
PIERRE WEILL
Vous êtes certaine d'y arriver ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est difficile de dire si je suis certaine d'y arriver ou pas, en tout cas tout est fait pour que nous soyons en capacité de proposer quelque chose à chaque étudiant.
PIERRE WEILL
Vous trouvez normal qu'aujourd'hui, l'admission dans une fac dépend d'un logiciel ou d'un tirage au sort ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument pas et c'est bien pour ça d'ailleurs que dès cet après-midi, je vais lancer une concertation avec l'ensemble des acteurs, de manière à ce que nous puissions ensemble trouver très rapidement des solutions qui seront mises en oeuvre pour la rentrée 2018.
PIERRE WEILL
Alors Frédérique VIDAL, comment on pourrait instaurer de nouvelles conditions pour accéder à la fac selon vous ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors les conditions, elles seront définies à l'issue de cette concertation, mais je pense qu'il y a plusieurs pistes sur lesquelles nous sommes d'ores et déjà tous d'accord. D'abord une bien meilleure orientation, il faut savoir qu'aujourd'hui seuls 40 % des étudiants qui s'inscrivent en licence obtiennent leur licence au bout de 4 années, ce qui signifie qu'il y a vraiment un sujet sur l'orientation des étudiants qui est à traiter
PIERRE WEILL
Mais comment on peut mieux l'organiser cette orientation ?
FREDERIQUE VIDAL
Là, il y a plusieurs pistes qui peuvent être explorées. Il existe d'ores et déjà des universités dans lesquelles, le tirage au sort n'a pas lieu et ce tirage au sort n'a pas lieu parce qu'elles ont mis en place des relations privilégiées avec l'enseignement secondaire, pour justement mieux accompagner cette orientation. Donc il va falloir qu'on s'inspire de ces exemples.
PIERRE WEILL
Le Premier ministre Edouard PHILIPPE a parlé de ces fameux contrats de réussite étudiante, qui indiqueront aux jeunes les pré-requis pour réussir dans une filière qu'ils souhaitent. Alors parlez-nous de ces pré-requis selon vous, comment ça va fonctionner ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors ce qu'il faut voir, c'est que la situation dans laquelle on se trouve c'est que le tirage au sort fait que des étudiants dont, a priori, on pense qu'ils auraient toutes les chances dans une filière n'y ont pas accès ; et que d'autres dont on sait qu'ils ont très peu de chance de réussir dans une filière y ont accès. Donc ça, ça veut dire qu'il faut qu'on soit en capacité de donner une réelle information à l'ensemble des étudiants, y compris sur leur probabilité de réussir. Et s'ils souhaitent s'inscrire dans une filière, qu'on soit en capacité de les accompagner en leur donnant des compléments de formation qu'ils vont leur permettre de réussir. Mais on ne peut pas continuer à envoyer par exemple les bacheliers professionnels dans des licences générales, alors qu'on sait que le taux de succès est de 1,6 %.
PIERRE WEILL
Mais alors ces pré-requis, comment on va les établir, ça permettra de contrôler certaines connaissances chez des jeunes pour voir s'ils sont aptes à entrer dans telle ou telle fac ; et est-ce que ces pré-requis seront coercitifs, c'est-à-dire que si on n'a pas les connaissances, on ne pourra pas s'inscrire ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors ça, c'est vraiment tout l'objet de la concertation, d'abord être en capacité de définir ces attendus des universités pour que les étudiants soient en capacité de réussir. Il faudra qu'on soit en capacité aussi d'accueillir l'ensemble des bacheliers qui le souhaitent dans l'enseignement supérieur et ça, j'y suis vraiment très attachée. Il ne s'agit pas de dire à un nouveau bachelier « non, tu n'as pas ta place dans l'enseignement supérieur », il s'agit de lui proposer des places qui vont lui convenir.
PIERRE WEILL
Mais vous en tant que ministre de l'Enseignement supérieur, vous estimez que ces pré-requis doivent être coercitifs, c'est-à-dire que si on n'a pas les connaissances suffisantes, il faut savoir renoncer à une filière parce que de toute façon, on va vers l'échec ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, je ne pense pas qu'il faille renoncer à quelque chose. Je pense que lorsqu'on a envie de faire quelque chose et que l'on s'en donne les moyens, on peut y arriver. Le problème aujourd'hui c'est que ces moyens, ces accompagnements ne sont pas proposés. Et donc c'est là-dessus qu'il faudra probablement qu'on travaille.
PIERRE WEILL
Et ce n'est pas une sélection déguisée ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, une sélection c'est quand on dit non. Et là l'objectif, ce n'est pas de dire non, c'est de dire comment on arrive vers la réussite. C'est pour ça qu'on a souhaité appeler ça « un contrat réussite étudiant ».
PIERRE WEILL
Et vous êtes formelle ce matin Frédérique VIDAL, chaque étudiant signera ce contrat de réussite avec son établissement à la rentrée 2018 ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'est vraiment l'objectif. Alors je sais que c'est très ambitieux, mais je crois qu'on a trop tardé et on est face aujourd'hui à une situation qui est à la fois injuste et qui n'a strictement aucun sens cette situation de tirage au sort. Et je crois que tous les acteurs partageant ce constat, tous ont à faire des propositions et ces propositions je les examinerai pour qu'on garde les meilleures pour la rentrée 2018.
PIERRE WEILL
Le tirage au sort c'est fini en 2018 ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, le tirage au sort c'est fini en 2018, je m'y suis engagée oui.
PIERRE WEILL
Les coupes budgétaires pour financer les baisses d'impôt et respecter les critères européens de déficit, 331 millions d'euros d'économies pour l'Enseignement supérieur, alors qu'on sait que l'université manque de moyens. Votre sentiment ce matin, on sait qu'il y a des amphithéâtres en mauvais état, qu'on manque de place, qu'on voit des amphis surpeuplés !
FREDERIQUE VIDAL
Alors effectivement, l'ensemble des ministères et l'ensemble du gouvernement s'est trouvé confronté à une situation qu'il n'a pas choisie, qui est le fait que la COUR DES COMPTES ait indiqué qu'il manquait 8 milliards d'euros pour boucler le budget de l'année 2017. Donc c'est dans un véritable effort de solidarité que l'ensemble des ministères a regardé ce qui était possible et ce qui était raisonnable.
PIERRE WEILL
Le patron de la Conférence des présidents d'université Gilles ROUSSEL dit que les conditions d'études ne peuvent que se dégrader, avec cette baisse de crédit.
FREDERIQUE VIDAL
Alors il faut rappeler que sur le budget 2017, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche a été augmenté de 700 millions d'euros par rapport à 2016. Donc c'est vrai que c'est un effort important cette réduction de 180 millions d'euros, puisque ce qui touche directement mon ministère c'est 180 millions d'euros, ce n'est pas 330 millions. Et donc c'est vrai que c'est un gros effort qui a été fait, le choix a cependant été fait de ne travailler que sur ce qu'on appelle « les réserves de précaution ». Et nous n'avons pas souhaité toucher au fonds de roulement des universités ou des organismes, parce que ce sont ces fonds de roulement qui permettent l'investissement et l'amélioration des conditions d'études et des conditions matérielles d'études.
PIERRE WEILL
Vous ne craignez pas une rentrée universitaire plutôt agitée, on a vu des mouvements dans les universités l'année dernière, des étudiants qui protestaient contre leurs conditions d'études, notamment dans des amphis absolument où on manque de places. Et là, les crédits qui diminuent, vous n'êtes pas inquiète ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors évidemment dès que les crédits diminuent, ça génère à juste titre beaucoup d'inquiétudes. En l'occurrence, la rentrée universitaire se produit chaque année avec une réalité qu'il ne faut pas oublier, oui les amphis sont bondés les premières semaines de rentrée universitaire. Et puis il ne faut jamais oublier ce chiffre, 30 % des étudiants inscrits en première année abandonnent dans le premier semestre.
PIERRE WEILL
Et c'est ce que vous voulez supprimer, éviter ?
FREDERIQUE VIDAL
Et c'est ce que je souhaite supprimer et évider.
PIERRE WEILL
Frédérique VIDAL, la ministre de l'Enseignement supérieur est l'invitée de France Inter ce matin. Et elle répondra à vos questions au standard d'Interactiv' vers 9 heures moins 20.
source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juillet 2017