Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la création d'un mémorial en hommage aux victimes du massacre d'Oradour-sur-Glane, Oradour-sur-Glane le 10 juin 1994.

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Circonstance : Hommage aux victimes du massacre d'Oradour-sur-Glane et création d'un mémorial, Oradour-sur-Glane le 10 juin 1994

Texte intégral

Oradour n'a plus de forme
Oradour n'a plus d'enfants
Oradour n'a plus d'église
Plus de soirs ni de matin...
C'étaient les mots du poète Jean Tardieu. C'était le dernier numéro clandestin des Lettres Françaises.
En perdant ses enfants, Oradour sortait à jamais du temps. Oradour entrait dans notre mémoire pour ne plus la quitter. Oradour entrait dans votre souvenir, familles victimes de ce massacre que les mots ne peuvent qualifier, dans celui de la France horrifiée.
De la plus cruelle manière, Oradour sans défense fut marquée dans sa chair, à jamais, du sceau de la souffrance, et du malheur absolu.
Il nous faut absolument commémorer, ce que le Centre de la Mémoire que vous allez bâtir avec l'aide du Gouvernement rappellera aux générations futures : le sacrifice, si scandaleux, tellement insupportable qui eut lieu contre les lois de la guerre et de l'humanité. Le sacrifice tellement honteux de l'innocence martyre. Ce sacrifice, il ne faut jamais l'oublier.
Au coeur de la Haute-Vienne, Oradour-sur-Glane porte à jamais les stigmates de la barbarie. Oradour vit en nos mémoires.
Au coeur de cette France qui se trouva sur le chemin cruel de la 2ème SS Panzerdivision, tristement réputée.
Au coeur de la France mutilée, Oradour fut anéantie. Sur le chemin sanglant de l'ennemi qui, de Montauban et de Bordeaux, montait vers la Normandie, où l'allié débarquait et la liberté renaissait.
Ce fut Tulle le 8 juin : 600 de nos hommes raflés, quatre vingt dix neuf otages ignominieusement pendus aux arbres, aux balcons et aux lampadaires. Ici même, le 10 juin 1944, 642 personnes, qui habitaient le village ou s'y étaient réfugiées, périssaient sous le fer et le feu. Parmi elles, deux cent quarante femmes et enfants. Les hommes furent mitraillés dans les granges, les femmes et les enfants brûlés dans l'église.
Même l'occupant de Limoges s'émut de ce forfait, le plus inhumain qu'on puisse imaginer.
Au coeur de nos mémoires, Oradour-sur-Glane retentit des cris les plus affreux de notre histoire. Oradour nous rappelle à notre devoir. Honneur soit à jamais rendu à ces hommes et à ces femmes, à ces enfants tombés pour la France, ces enfants de sa douleur. Restons à jamais fidèles à leur souvenir !