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Philippe de Villiers vient de publier un pamphlet soigné contre l'euro. Le défenseur du souverainisme y rappelle son attachement au franc historique. À la veille de l'élection présidentielle, il ne dévoile pas ses intentions.
Philippe Lemoine : Votre livre est une charge héroïque contre l'arrivée de la monnaie unique. N'est-ce pas un combat perdu d'avance ?
Philippe de Villiers : L'euro est à la fois une erreur et un engrenage. Une erreur parce qu'il consiste à plaquer une politique monétaire unique sur des économies et des sociétés divergentes. C'est un engrenage parce qu'une monnaie sans Etat n'a pas de crédibilité. Cela nous mène tout droit à la création d'une super Etat avec une super fiscalité et un super budget unique. Le tout sous la férule de banquiers anonymes sans aucune légitimité démocratique.
Philippe Lemoine : Vous critiquez l'euro parce qu'il vient gommer le signe fort d'une nation, sa monnaie ?
Philippe de Villiers : Une monnaie c'est un langage des signes, une façon de voir le monde. On va contraindre les Français à parler une langue étrangère. L'euro va tuer ce fondement historique de la nation. Il arase les spécificités. Ce n'est pas un hasard si les symboles retenus sur les billets sont des ponts qui enjambent le vide et des fenêtres aveugles. C'est une monnaie voulue par une minorité qui va compliquer la vie d'une majorité.
Philippe Lemoine : La monnaie unique est un acte fort pour souder les pays. Vous vous y opposez, mais sur quelles bases solides l'Europe peut-elle se construire ?
Philippe de Villiers : Je suis pour une grande Europe confédérale fondée sur la coopération des Etats souverains. L'Europe doit être là pour permettre la réalisation de ce que les nations ne peuvent pas faire toutes seules. Notamment en matière de défense commune mais aussi de lutte contre les nouvelles mafias.
Philippe Lemoine : Les attentats du 11 septembre ont plongé le monde dans l'incertitude et l'inquiétude. Vous tenez des propos durs sur l'islamisme.
Philippe de Villiers : Nous sommes entrés dans une nouvelle forme de guerre, elle a été déclarée par le terrorisme islamique. C'est un conflit basé sur l'infiltration et non plus sur l'affrontement d'Etats. L'islamisme, que je ne confonds pas avec l'Islam, est un nouveau fascisme. Il faut véritablement prendre conscience de ce danger et nous protéger y compris dans notre propre pays. Les attentats de New York imposent une révision générale de tous les choix politiques récents que ce soit en matière d'immigration et d'absence de contrôle aux frontières mais aussi de suppression du service national.
Philippe Lemoine : À la veille de l'élection présidentielle, la classe politique se prépare. Vous ne vous êtes toujours pas exprimé sur votre éventuelle candidature.
Philippe de Villiers : Je suis le nez à la fenêtre et j'observe. Je prendrai ma décision le plus tard possible. Mais je vois s'élargir la place offerte au souverainisme. Le tour de chauffe des premiers candidats révèle déjà des cas d'essoufflement. Les choses vont évoluer après un mois d'euro et quatre mois de guerre. Les Français doivent se poser une question pour cette présidentielle : que veut-on faire de la France ? Un pays où le peuple ne fait plus ses lois, ne contrôle plus ses frontières, n'a plus de monnaie propre ou bien une nation souveraine ? J'aurai peut-être des réponses à apporter.
(source http://www.mpf-villiers.org, le 23 novembre 2001)