Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, dans "Le Parisien" du 22 novembre 2001, sur "l'effacement" de la France dans le conflit en Afghanistan.

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Média : Le Parisien

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La France est-elle à la hauteur de son rang ?
Nous arrivons, hélas, après la bataille. Nous nous glorifions alors que nous ne jouons aucun rôle actif. Le " Charles de Gaulle " ne sera pas sur zone avant le mois de décembre. Quant aux quelques dizaines de soldats que nous lançons sur le terrain, ils sont bloqués en Ouzbékistan. Cela démontre amplement l'absence de la France, et devrait nous conduire à plus d'humilité.
Quelles sont les causes de cette " absence " ?
D'abord, les Etats-Unis n'ont pas souhaité que nous participions au conflit, ni en première ni en seconde ligne. Ensuite, nous n'avons pas d'armée en état de remplir ce genre de mission. Il suffit de poser une seule question : aurions-nous eu les moyens de riposter comme l'on fait les Américains si les événements du 11 septembre s'étaient déroulés en France ? Évidemment, non. Ni la France ni même l'Europe n'en sont capables, car nous n'avons pas voulu construire à temps la force armée européenne, la seule qui aurait pu nous permettre d'exister dans un conflit de cette ampleur.
Notre diplomatie semble marquer le pas
Là aussi, on constate l'effacement de la France. Il suffit d'envisager, d'un point de vue purement diplomatique, la manière dont se dessine l'après-conflit. Les premiers rôles sont déjà distribués : les Etats-Unis, la Russie et peut-être la Chine, ainsi que les puissances de la région. Les seconds rôles sont, eux aussi, déjà attribués à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne. La France paraît très absente. Le message de la France n'est pas clair. Il n'est pas entendu par les autres puissances, et rien n'indique qu'il le soit par les Français eux-mêmes. D'ailleurs, et je le regrette, la représentation nationale n'a été que très peu associée à la gestion de ce conflit.
Pourtant, Chirac ne ménage pas ses efforts
Je ne critique pas les responsables : je fais le constat de l'état du pays. Nos faiblesses sont lourdes : Chirac et Jospin en sont coresponsables. Hélas, ni l'un ni l'autre ne proposent de stratégie claire pour corriger ses carences.
Que feriez-vous à leur place ?
Seule une Europe construite et volontaire permettra à la France d'exister à nouveau à hauteur de son rang. Je ne crois pas que nous parviendrons à construire un deuxième porte-avions dans les délais utiles. Ce bâtiment devrait être européen. C'est la seule façon de mobiliser les moyens militaires dont nous pourrions avoir besoin.
Propos recueillis par Philippe Ridet
(source http://www.udf.org, le 26 novembre 2001)