Interview de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, à "France Inter" le 11 septembre 2017, sur la gestion de l'urgence et les responsabilités de l'Etat après le passage de l'ouragan Irma, sur les licenciements annoncés par l'entreprise Nokia.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Invité de France Inter, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, bonjour Benjamin GRIVEAUX.
BENJAMIN GRIVEAUX
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Comment le ministère de l'Economie et des Finances, précisément, est mobilisé sur le dossier Irma ? On a surtout vu d'autres ministres en première ligne, l'Intérieur, la Santé, les Armées, avec Matignon.
BENJAMIN GRIVEAUX
Bien sûr. D'abord, le ministère de l'Economie et des Finances est mobilisé essentiellement dans la phase avale de ce type d'événement, ce n'est pas la première fois, notamment en termes de mobilisation des assureurs, par la Caisse Centrale de Réassurance qui, ce matin, évalue à environ un peu plus d'1,2 milliard les dégâts, alors il y a encore un travail d'enquête à faire. Le principe est assez simple, c'est que, au maximum 3 mois après la survenance de ce drame, l'ensemble des personnes assurées devra être indemnisé et l'Etat garantira, pour l'essentiel, les besoins financiers.
NICOLAS DEMORAND
Et celles qui ne sont pas assurées, est-ce qu'elles seront quand même aidées par l'Etat ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, l'Etat, par définition, jouera le principe de solidarité nationale. A nouveau, l'ampleur des dégâts est telle qu'on a besoin d'avoir, de manière assez exhaustive, ce qui sera nécessaire de mobiliser. Moi je souhaite attirer l'attention sur une initiative, si vous me l'autorisez, qui s'appelle les Artisans du coeur. Je vous invite à aller voir lesartisansducoeur.fr, c'est organisé par la Chambre des Métiers et de l'Artisanat de Seine-Saint-Denis, dont les présidents sont Patrick TOULMET et Bernard STALTER, ils vont emmener une centaine d'artisans, bénévoles, métropolitains, pour aller faire les réparations du quotidien, l'électricité, les toitures, bref, ce qui permettra aussi, sur le terrain, d'améliorer le quotidien des personnes qui ont eu à subir cet événement terrible.
NICOLAS DEMORAND
Benjamin GRIVEAUX, Emmanuel MACRON a évoqué, en fin de semaine, un plan national de reconstruction qui sera déployé le plus rapidement possible, financé par un fonds d'urgence. Quand et comment ce plan de reconstruction et ce fonds d'urgence vont-ils se mettre en place ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ça, les éléments, à nouveau, doivent être déterminés en fonction de l'état des dégâts, et on ne l'a pas encore de manière exhaustive, mais moi je souhaite par ailleurs faire un appel à l'ensemble des grandes entreprises, et nous les mobiliserons. On a des acteurs, en France, importants dans le domaine du BTP, de la construction, et chacun, s'il peut prendre sa part, devra le faire dans le cadre de ce plan de reconstruction.
NICOLAS DEMORAND
Combien pour ce plan de reconstruction et pour ce fonds d'urgence ?
BENJAMIN GRIVEAUX
A nouveau, tant que les éléments concrets sur l'état des dégâts et des nécessités de reconstruction, tant que ce n'est pas établi, je peux difficilement vous donner un montant.
NICOLAS DEMORAND
Est-ce que l'Etat a mal anticipé les choses, alors qu'on savait que cette tempête serait catastrophique ? Il y a un certain nombre de personnes qui aujourd'hui qui disent le principe de précaution, l'Etat est passé totalement à côté.
BENJAMIN GRIVEAUX
Dimanche soir dernier il était en catégorie 3, le lundi il était en catégorie 4 et le mardi midi, soit 14 heures avant l'impact, il était en catégorie 5. Moins de 14 heures avant l'impact, évacuer 80.000 personnes, qui pense sérieusement que c'était même envisageable ? Donc, j'entends ceux qui souhaitent ouvrir une enquête parlementaire, Jean-Luc MELENCHON, rien à craindre de cette enquête parlementaire, et s'il souhaite le faire, nous en sommes d'accord sur le principe, mais il faut un peu de dignité dans le moment, manifestement il en manque…
NICOLAS DEMORAND
On n'a pas le droit d'évaluer, a posteriori, une politique publique ?
BENJAMIN GRIVEAUX
On a parfaitement le droit d'évaluer, et c'est même très sain, d'évaluer une politique a posteriori, je crois que dans les moments que nous vivons, un peu de dignité aurait été utile, Jean-Luc MELENCHON ne nous y a pas habitué, il est donc fidèle à lui-même.
NICOLAS DEMORAND
De votre point de vue tout s'est bien passé dans la réponse de l'Etat ?
BENJAMIN GRIVEAUX
A ce stade, en tout cas selon les éléments dont nous disposons à ce stade, la réponse apportée par l'Etat a été la bonne. Je rappelle que d'ici quelques heures deux nouveaux escadrons de gendarmerie mobile seront présents sur site, ce sont 220 personnes, pour au total porter à plus d'1 millier de personnes les personnels qui seront présents sur site, et que demain un troisième escadron sera également mobilisé. Je rappelle également que l'île était difficilement accessible, l'aéroport étant très endommagé, et que nous craignions une seconde tempête et un second cyclone, José, qui heureusement est passé à distance suffisante des territoires qui ont été touchés.
NICOLAS DEMORAND
Venons-en à un dossier économique, Benjamin GRIVEAUX, vous vous êtes insurgé contre les licenciements annoncés par NOKIA, « l'Etat ne restera pas inactif » avez-vous dit. Vous comptez faire quoi maintenant ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Je vous annonce ce matin que jeudi je recevrai l'ensemble des partenaires sociaux et les élus de ces territoires concernés, à savoir le territoire de Lannion, le territoire de Boulogne et de Paris Saclay, ça c'est la première chose, pour évaluer avec eux ce qui fonctionne et ce qui n'a pas fonctionné. NOKIA s'est engagé, suite au rachat d'ALCATEL LUCENT en 2015 et 2016, à embaucher notamment 500 personnes dans les secteurs de la recherche et du développement, manifestement le compte n'y est pas. On ne peut pas dire, il y a moins de 2 ans, au ministre de l'Economie et des Finances, qu'on va procéder à des embauches et, 2 ans plus tard, supprimer 600 emplois et ne pas avoir procédé aux embauches nécessaires. Donc un, faire un état des lieux de la situation avec les partenaires sociaux et les élus jeudi prochain, et je recevrai ensuite, dans la foulée, la direction de NOKIA France.
NICOLAS DEMORAND
Qu'est-ce que vous pouvez faire exactement ?
BENJAMIN GRIVEAUX
A nouveau, j'ai besoin de savoir quelle est la réalité de la situation…
NICOLAS DEMORAND
Vous, vous ne la connaissez toujours pas ?
BENJAMIN GRIVEAUX
A ce stade non, c'est pour ça que je reçois, il faut d'abord discuter, dialoguer, concerter, comprendre la situation, et ensuite prendre les actions nécessaires si…
NICOLAS DEMORAND
Est-ce que la réforme du Code du travail ne va pas faciliter ce genre de comportement, Benjamin GRIVEAUX ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Non, je crois qu'il ne faut pas mélanger les choses. Là on est face à une entreprise qui, sciemment, n'a pas tenu la parole qu'elle avait donnée publiquement lors d'une opération de rachat, ça n'a rien à voir avec la modification du Code du travail dont je rappelle qu'il concerne à 90 % les TPE et les PME de notre pays qui sont…
NICOLAS DEMORAND
Il y a des choses pour les grandes entreprises aussi.
BENJAMIN GRIVEAUX
Oui, mais c'est d'abord pour les TPE et les PME. Je rappelle qu'on a réussi l'exploit d'avoir un Code du travail qui à la fois ne protégeait pas bien les salariés et en même temps empêchait les entreprises de se développer, il est quand même anormal qu'en France on ait 3 fois moins d'entreprises de taille intermédiaire qu'en Allemagne, 2 fois moins qu'en Grande-Bretagne ou qu'en Italie. Donc, tout l'objectif de ces ordonnances, c'est donc à la fois de libérer, pour les entreprises, les capacités à embaucher et à se développer, et aussi de mieux protéger les salariés.
NICOLAS DEMORAND
Une dernière question avant de vous retrouver avec les auditeurs de France Inter. Est-ce que vous redoutez l'ampleur du « défilé des fainéants », comme l'appelle Jean-Luc MELENCHON ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Vous savez, je laisse à Jean-Luc MELENCHON ces bons mots. Il se nourrit du mal et du malheur des gens, ça fait 31 ans qu'il est élu et il n'a jamais varié sur ce sujet-là, donc il n'y a rien à craindre. Moi, d'abord, la liberté de manifestation j'y suis très attaché, et il est normal qu'on puisse manifester, et c'est heureux. Au Venezuela, donc Jean-Luc MELENCHON est un adepte et un fan, manifestement, quand on est dans la rue pour contester le pouvoir, ou en tout cas exprimer son mécontentement, on va jusqu'à risquer sa vie, eh bien pas en France. En France on peut manifester, les gens ont parfaitement le droit de descendre dans la rue dire le mal qu'ils pensent, demain, de ce projet d'ordonnances. Je rappelle que ce projet a été présenté dès l'élection présidentielle, qu'il a été présenté dans le cadre de la plateforme législative, portée par les candidats de la République En Marche, et que, sauf erreur de ma part, il y a une majorité politique pour le soutenir.
NICOLAS DEMORAND
Et « fainéants » c'était un bon terme pour décrire la situation ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, vous savez très bien que « fainéants » ne s'adressait pas aux Français, mais s'adressait aux gens qui, comme Jean-Luc MELENCHON, comme Marine LE PEN ou Eric CIOTTI ce week-end. Les fainéants, les cyniques et les extrêmes, voyez, on en a eu la preuve par l'exemple ce week-end, ce sont ceux qui ont fait que ce pays, depuis 30 ans, n'a pas bougé, n'a pas su mettre en place des réformes, parfois difficiles. Je vous prends un seul exemple. On n'a pas retenu, de ce déplacement à Athènes et des jours qui ont précédé, la proposition d'Emmanuel MACRON sur les travailleurs détachés. Les travailleurs détachés, c'est la première fois qu'un président de la République française fait de l'Europe sociale très concrète. Je suis certain que Jean-Luc MELENCHON et Marine LE PEN avaient beaucoup à dire pendant la campagne présidentielle sur les travailleurs détachés, qu'ont-ils fait ? Rien.
NICOLAS DEMORAND
Benjamin GRIVEAUX, à tout de suite après la revue de presse sur Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2017