Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à BFM le 13 septembre 2017, sur la réforme du code du travail et le dialogue social.

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Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous recevons ce matin Muriel PENICAUD, ministre du Travail. Bonjour.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. « Nous sommes dans la rue pour faire reculer le gouvernement » disent conjointement Philippe MARTINEZ et Jean-Luc MELENCHON. Allez-vous reculer ?
MURIEL PENICAUD
Je crois que tout le monde a compris que la réforme pour le renforcement du dialogue social, la loi, les ordonnances, c'est le fruit d'une annonce de campagne d'Emmanuel MACRON qui est devenu président de la République avec ce mandat, l'Assemblée nationale aussi, et donc le gouvernement, nous mettons en oeuvre ce que les Français nous ont demandé de faire. Donc on ne va pas reculer. Ce n'est pas une question de reculer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les manifestations ne changeront rien, la mobilisation ne changera rien.
MURIEL PENICAUD
Nous avons passé 300 heures de concertation avec les partenaires sociaux. Alors un syndicat – je respecte tous les syndicats – le deuxième syndicat en France décide de manifester dans la rue, c'est son droit le plus légitime, je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous ne reculerez pas donc.
MURIEL PENICAUD
Reculer par rapport à quoi ? Par rapport à la concertation qu'on a faite, par rapport au mandat que l'Assemblée nationale nous a donné ? Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que les décrets d'application modifieront les textes ?
MURIEL PENICAUD
Les décrets d'application précisent certains éléments. Il n'y en a pas beaucoup parce qu'on a voulu une loi qui soit applicable immédiatement. Donc avant la fin du mois de septembre, la loi sera publiée et l'essentiel sera applicable. Et puis dans les semaines qui suivent, il y a un certain nombre de décrets qui préciseront certains points.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Ils pourront évoluer, c'est ce que dit Laurent BERGER par exemple.
MURIEL PENICAUD
Les décrets, oui, on a encore des discussions là-dessus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ratification par le Parlement en octobre. C'est cela ?
MURIEL PENICAUD
La date, c'est le Parlement qui la fixe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est le Parlement qui la fixe. Est-ce que cette nouvelle loi travail si elle est appliquée fera reculer le chômage de masse ?
MURIEL PENICAUD
Elle va contribuer à faire reculer le chômage de masse. Elle ne peut pas faire reculer à elle seule. C'est-à-dire le droit du travail, ce n'est pas une baguette magique par rapport au chômage mais c'est indispensable. Il faut faire en même temps, on en parlera peut-être, la réforme de la formation professionnelle, de l'apprentissage, c'est un ensemble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler, et de l'Assurance-chômage.
MURIEL PENICAUD
Et de l'Assurance-chômage, c'est un ensemble. Par contre, ça contribue, pourquoi ? Parce que l'emploi il vient des entreprises ; les entreprises, elles doivent pouvoir accéder au marché, investir pour créer de l'emploi. Et donc pour accéder au marché, il faut aussi de l'agilité et donc ça va contribuer à plus d'agilité et plus de confiance aussi. Cette loi, elle aide notamment les petites et moyennes entreprises qui représentent la moitié des salariés en France et c'est là où il y a le plus de créations d'emplois, à être en confiance pour pouvoir investir, créer de l'emploi. La reprise arrive, on a un début de croissance qui se consolide. Simplement, il faut que cette croissance elle se transforme en emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'elles soient soutenues.
MURIEL PENICAUD
Elles vont être soutenues et elles vont avoir plus confiance pour le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vois que vous insistez beaucoup sur les entreprises.
MURIEL PENICAUD
Parce que c'était votre première question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je vois. Non, non, mais très bien. Martine AUBRY vous répond : « On reprend les vieilles recettes des années 80 du MEDEF. Muriel PENICAUD, on dit que je l'ai formée. Je la trouve très déformée. »
MURIEL PENICAUD
Ça me rajeunit avec mes quarante ans d'expérience qu'on parle encore de ma formation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous a touché cette phrase ?
MURIEL PENICAUD
Non, parce que, voilà, Martine AUBRY que je connais bien a choisi d'être dans l'opposition. Moi, j'ai choisi de mettre modestement mon expérience de quarante ans au service de mon pays pour contribuer à transformer le pays. On n'a pas fait le même choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas été déformée par votre passage dans le privé.
MURIEL PENICAUD
J'ai appris des tas de choses dans le secteur public, dans le secteur privé, auprès de gens très biens et j'espère faire pareil avec d'autres gens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je reviens sur la loi. Entrons dans la loi parce que je suis persuadé que beaucoup de téléspectateurs, téléspectatrices, auditeurs et auditrices ne la connaissent pas vraiment. Alors ça va être très simple, je vais vous poser des questions précises. Alors primauté des accords d'entreprise dans quels domaines ?
MURIEL PENICAUD
La primauté des accords d'entreprise, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le chef d'entreprise et les syndicats dans l'entreprise se mettent d'accord sur un sujet – le temps de travail, l'organisation du travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les syndicats ou les salariés quand il n'y a pas de syndicat, dans les toutes petites entreprises.
MURIEL PENICAUD
Parlons déjà quand il y a des syndicats. Ils se mettent d'accord et la question c'est s'il y a un salarié qui refuse ce qui a été signé par les syndicats et par l'employeur, qu'est-ce qui se passe ? Depuis 2000, et d'ailleurs c'était une réforme de Martine AUBRY, à ce moment-là cette personne est licenciée. Il y a cinq types d'accords qui ont été créés dans le temps. C'est très compliqué. Franchement, je défie quiconque d'y comprendre quelque chose. On va les simplifier en les regroupant et on va donner plus de droits, pas simplement au chômage mais aussi à la formation, en rajoutant cent heures de formation dans le compte personnalisé de formation de ceux qui sont dans ce cas-là. Donc, ce n'est pas nouveau, la primauté des accords sur le contrat de travail, mais on va le rendre plus simple et surtout plus de soutien aux salariés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais moi je vous pose une question précise.
MURIEL PENICAUD
Oui, j'ai répondu précisément.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans quels domaines la primauté des accords d'entreprise ?
MURIEL PENICAUD
La primauté des accords d'entreprise par rapport au contrat de travail, on ne change rien à la loi actuelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Prime d'ancienneté, 13ème mois.
MURIEL PENICAUD
C'est un autre sujet, c'est par rapport à la branche. La branche, qu'est-ce que c'est ? La branche, il y a aujourd'hui 715 branches en France. C'est patronat et syndicats ensemble qui décident d'un certain nombre de règles. Elles vont être regroupées en 200 branches et elles peuvent négocier toute une série de sujets. Il y a des sujets qu'on ne peut discuter qu'au niveau de la branche. Par exemple les classifications, l'égalité femmes-hommes, et cætera.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Période d'essai, le temps partiel, et cætera, et caetera.
MURIEL PENICAUD
Et on en rajoute. Par exemple, on va rajouter le fait de discuter de conditions meilleures pour intégrer les salariés handicapés. Aujourd'hui, vous savez qu'on a quand même peu de salariés handicapés qui sont intégrés dans les entreprises. Ça, c'est plutôt au niveau des branches. Et puis après, il y a des choses qui doivent concerner l'entreprise, parce qu'aujourd'hui, on est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quoi ?
MURIEL PENICAUD
Les sujets qui concernent la vie quotidienne de l'entreprise : temps de travail, organisation du travail, les primes. Encore une fois, il faut que les deux parties signent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera négocié dans l'entreprise.
MURIEL PENICAUD
Tout doit être négocié dans l'entreprise. Le pari qu'on fait, qui est un pari appuyé sur l'expérience, c'est que dans l'entreprise, la très grande majorité des chefs d'entreprise savent qu'il leur faut des salariés formés, motivés pour réussir. Et la grande majorité des salariés, ils pensent qu'il faut que leur entreprise réussisse pour qu'ils aient de l'emploi, de l'intéressement aux participations et un avenir. Donc il y a plein de terrains d'entente et aujourd'hui, d'ailleurs, 80 % des accords sont signés par l'ensemble des syndicats dans ce pays.
Donc je pense que le projet de loi, il vise à faire confiance aux acteurs de terrain et à dire tant aux chefs d'entreprise qu'aux salariés et leurs représentants leur dire : « Tout n'a pas à être décidé par un texte à Paris. Il y a des sujets plus nombreux où vous avez plus ce qu'on appelle le grain à moudre. La possibilité de définir ce qui est pour le bien commun de l'entreprise et les salariés vous concerne vous directement. » Finalement, c'est de la démocratie sociale, la décentralisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Les branches fixeront les modalités des CDD aussi, on est bien d'accord, et le recours au CDI dit d'opération, de chantier, comme on veut. On est bien d'accord ?
MURIEL PENICAUD
Oui, parce que le but c'est de sortir de la précarité plus de gens. 85 % des salariés en France sont en contrat à durée indéterminée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
CDI, oui.
MURIEL PENICAUD
CDI. Mais dans ceux qui essaient d'entrer sur le marché du travail, notamment les jeunes, 80% des emplois qui sont proposés c'est en CDD et en intérim. Donc il faut trouver différents moyens pour que les commandes se transforment en embauches plus permanentes. Et pour ça, c'est intéressant que les branches définissent des modalités parce que les secteurs sont très différents. La boulangerie et l'aéronautique, ce n'est pas les mêmes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais les branches pourront permettre plusieurs renouvellements de CDD et fixer la durée des CDD.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais les branches…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui, il y a des limites. La loi interdit le renouvellement.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais enfin si c'est abusif, de toute façon, le juge jugera que c'est abusif. Mais la question c'est soit on ne fait pas du tout confiance ni aux syndicats, ni au patronat. A ce moment-là, il faut faire un pays administré, que de la fonction publique, et puis tout ira très bien. Enfin, c'est absurde. Soit on dit comme d'autres pays l'ont fait – on ne fait pas non plus quelque chose d'hasardeux – soit on fait confiance.
Ecoutez, moi je connais bien les organisations syndicales représentatives en France, je ne les imagine pas accepter n'importe quoi dans une branche. Et réciproquement, je connais du côté patronal des tas de gens qui savent très bien qu'il faut un équilibre et un dialogue social, et que finalement la performance économique et le progrès social, ça converge.
Pas toujours, quelquefois c'est divergent mais très souvent ça peut converger, et c'est ça qui se passe dans une branche et c'est ça qu'il doit pouvoir se passer plus dans les entreprises demain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux questions encore, et nous allons passer aux autres réformes, sur cette loi travail. Plafond et plancher pour les dommages et intérêts aux prud'hommes. Le risque, est-ce que vous n'incitez pas…
MURIEL PENICAUD
Juste je voudrais donner un exemple pour que ce soit plus concret. Il y a quelques semaines, j'étais dans une entreprise de menuiserie industrielle. Ils ont la possibilité d'une nouvelle commande, sauf que du coup il faut des heures supplémentaires et il faut du travail du dimanche. Ils négocient avec les syndicats à quoi ?
Les syndicats disent oui, mais à ce moment-là on embauche des femmes parce que dans notre bassin d'emplois, les femmes n'ont pas de travail. On embauche les femmes. Du coup, on voudrait négocier les postures ergonomiques, les postures de travail, parce que le travail va être trop difficile. Les hommes en bénéficient et, du coup, on fait un grand plan de formation et on fait un plan de qualité au travail. Voilà.
Ça, ce genre de chose, ça doit pouvoir se multiplier. L'entreprise a pu prendre la commande, ça a créé de l'emploi, ça a créé de la formation, ça a amené du plus. Voilà. Ces exemples comme ça, il y en a plein, on n'en parle pas assez et c'est ça qu'on veut faciliter quand on dit : « Plus de discussion sur le terrain. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
A propos des heures supplémentaires, au passage, à propos des heures supplémentaires : vous allez les revaloriser ?
MURIEL PENICAUD
On va exonérer en partie les charges sociales comme ç'a été annoncé dans la campagne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Exonérer, c'est-à-dire ? Les charges sociales sur les heures supplémentaires, c'est-à-dire ?
MURIEL PENICAUD
Les modalités ne sont pas encore définies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
MURIEL PENICAUD
Quand les modalités pour encourager…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'aujourd'hui les heures supplémentaires…
MURIEL PENICAUD
Elles sont payées plus et elles resteront payées plus, et la question…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles resteront payées plus, elles ne seront pas payées encore plus.
MURIEL PENICAUD
Le sujet, c'est est-ce qu'on baisse en partie les cotisations salariales puisqu'on va le faire de façon générale sur le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En partie ? Non, non, on les baisse totalement les cotisations salariales.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais je parle des heures supplémentaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on ne les baissera pas totalement sur les heures supplémentaires ?
MURIEL PENICAUD
Alors je reviens du coup au point d'avant. Oui, on va baisser et ça, dès le 1er janvier ça va être sensible pour les salariés, une vraie augmentation du pouvoir d'achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Et sur les heures supplémentaires ?
MURIEL PENICAUD
Sur les heures supplémentaires, je vous dis, les modalités ne sont pas définies mais je vous le dirai quand ce sera défini.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plafond et plancher pour les dommages et intérêts aux prud'hommes. Le risque, inciter les entreprises à licencier ?
MURIEL PENICAUD
Aujourd'hui, il y a 150 000 salariés qui vont aux prud'hommes parce qu'ils estiment qu'ils ont été licenciés dans des conditions qui ne sont pas acceptables. La première chose qu'on fait avant de toucher aux prud'hommes, on augmente les indemnités légales de licenciement y compris pour ceux qui ne vont pas aux prud'hommes. Pour tout salarié qui est licencié, on augmente de 25 % les indemnités légales, et ça, ça va être immédiat dès le mois d'octobre.
Ensuite, pour ceux qui font un recours aux prud'hommes, effectivement on va en gros rentrer dans ce qui est la majorité des pays européens avec un plancher et un plafond. Le plafond qui est choisi correspond à la moyenne de ce qui est fait, qui est reconnu dans les conseils de prud'hommes aujourd'hui.
Pourquoi on fait ça ? On le fait pour les salariés et pour les entreprises. Pour les entreprises aujourd'hui, c'est très insécurisant de n'avoir aucune visibilité. Or, les trois quarts des recours concernent les TPE et les PME, les petites entreprises. Pourquoi ? Parce que les grandes entreprises ont des DRH, elles ont des services juridiques, ça va rarement aux prud'hommes.
Dans les petites, on ne sait pas forcément rédiger sa lettre de licenciement. Il y a beaucoup de condamnations simplement pour vice de forme. Ça, ça ne sera plus possible d'être condamné juste parce qu'on a mal rédigé sa lettre. Et puis, je pense qu'on connaît tous – demandez autour de vous – je pense que chaque Français connaît un artisan, un agriculteur, un chef d'entreprise qui n'embauche plus parce qu'il a peur des prud'hommes. Il faut que la règle soit connue.
Et pour les salariés, est-ce que vous savez qu'un salarié – enfin, deux salariés qui ont la même qualification, qui vont aux prud'hommes pour le même litige, ça va de un à quatre combien il peut recevoir. Donc ce n'est même pas équitable aujourd'hui. Voilà. Un droit plus clair, c'est un droit plus équitable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Les fonctionnaires, nombreux dans la rue hier. Hausse de 1.7 point de la CSG, compensation pour eux ?
MURIEL PENICAUD
La réforme du droit du travail que nous menons concerne le secteur privé, c'est-à-dire les 18 millions de salariés du secteur privé et 3 millions. Donc je le dis, c'est important, parce qu'il peut y avoir des gens qui vont aussi dans une manifestation pour un objet qui n'a rien à voir avec le sujet qui ne les concerne pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la hausse de la CSG, ça les concerne les fonctionnaires.
MURIEL PENICAUD
Alors la hausse de la CSG, c'est pour ça….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des compensations ?
MURIEL PENICAUD
Gérald DARMANIN a annoncé qu'il y en aurait, il va discuter avec les syndicats de la fonction publique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Muriel PENICAUD, les contrats aidés. Est-ce que la suppression des contrats aidés va mettre au chômage 150 000 personnes ? J'entends ça ici ou là. Oui ou non ?
MURIEL PENICAUD
Alors d'abord il n'y a pas de suppression des contrats aidés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'une partie des contrats aidés, je préfère.
MURIEL PENICAUD
Enfin, il n'y a pas une suppression.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On parle de 460 000 à 300 000.
MURIEL PENICAUD
Deuxièmement, qu'est-ce que c'est qu'un contrat aidé ? Je ne parle pas de ceux qui sont dans le secteur marchand mais ceux qui sont dans les associations et les collectivités locales. C'est un contrat payé à 75 % par l'Etat, qui est un contrat précaire et aujourd'hui ce qu'on constate, les mêmes – parce que vous citez monsieur MELENCHON indirectement qui dit ça – moi ce qui me choque, ce n'est pas ça. C'est pourquoi monsieur MELENCHON ne s'est pas érigé plus fort sur le fait que sur des besoins permanents des collectivités, par exemple les cantines scolaires, on embauche des chômeurs qui sont en contrat précaire, souvent à temps partiel, et qu'un sur quatre seulement trouve un emploi après.
On crée un faux espoir. Donc le contrat aidé aujourd'hui c'est, pas toujours mais souvent, la création d'un faux espoir et pendant cela, on ne répond pas à un besoin permanent. Donc il y a un sujet qui est à discuter avec les communes : c'est comment ils assurent leurs besoins permanents et moi, encore une fois, ça me choque qu'on mette des gens en emploi précaire sur des besoins type les cantines.
Et puis deuxièmement, il y a le besoin financier des associations et là, les baisses de charges qui vont arriver, et puis le travail qu'on va faire avec eux, moi ce que je souhaite c'est que les contrats aidés à partir de 2018 ça soit vraiment des tremplins. C'est-à-dire qu'on sélectionne ceux où il y a un projet d'insertion, un projet de formation. C'est ça qui donne une chance de trouver un emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Prochaine réforme, apprentissage-formation professionnelle, c'est pour quand ?
MURIEL PENICAUD
Les concertations sur l'apprentissage, la formation professionnelle et l'Assurance-chômage vont démarrer en octobre avec les partenaires sociaux et puis, pour formation et apprentissage, avec les régions, et elles aboutiront à un projet de loi qui sera présenté à la session de printemps 2018 au Parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Printemps 2018. Est-ce que la rémunération des apprentis sera inscrite dans la loi ?
MURIEL PENICAUD
Il y a toute une série de sujets qu'il faut traiter. Aujourd'hui, nous n'avons que 7 % des jeunes qui sont en apprentissage en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. 15 ou 20 % en Suisse ou en Allemagne.
MURIEL PENICAUD
15 ou 20 % en Suisse et en Allemagne, et les pays qui ont plus de chômage de masse des jeunes, ils ont tous un apprentissage à 15-20 %. Donc la question, c'est comment on lève tous les obstacles pour arriver… Aujourd'hui, ça commence par les jeunes et les familles. Est-ce que les jeunes et les familles savent que 70 % sont embauchés en CDI après l'apprentissage ? C'est une des meilleures voies.
Et avec la transformation des métiers qui arrive, vous savez, la meilleure sécurité c'est vraiment la compétence, c'est la formation. Aujourd'hui, il y a 5,6 % des gens qui ont un bac + 2 qui sont au chômage. C'est 19,6 % des gens qui n'ont pas de qualification qui sont au chômage.
La vraie différence d'égalité des chances par rapport au chômage, c'est la qualification, c'est la formation. C'est pour ça qu'il faut mettre le paquet sur l'apprentissage et sur la formation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez mettre le paquet.
MURIEL PENICAUD
On va mettre le paquet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la rémunération des apprentis sera inscrite dans la loi ? Je vous pose la question.
MURIEL PENICAUD
Si c'est nécessaire de la modifier, oui, mais on verra.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais c'est important. C'est important.
MURIEL PENICAUD
On a un groupe de travail qui sera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très important.
MURIEL PENICAUD
La rémunération des apprentis fera partie de la vingtaine de sujets à traiter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Muriel PENICAUD, l'Assurance-chômage. Là, c'est pour l'année prochaine, on est bien d'accord.
MURIEL PENICAUD
Aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aussi, vous avez beaucoup de travail. Alors assurance universelle si j'ai bien compris, puisque les indépendants, professions libérales, commerçants, et cætera, et cætera, les agriculteurs, les artisans, les entrepreneurs, bénéficieront du chômage, on est bien d'accord ? D'ailleurs, on ne pourra plus appeler ça une assurance-chômage, parce que comment allez-vous faire pour calculer le montant des allocations chômage ?
MURIEL PENICAUD
D'abord un mot sur le pourquoi, pourquoi on fait ça. Il y a trente ans, quarante ans, quand commençait sa vie professionnelle, on avait un emploi à vie dans la même entreprise et, en tout cas, dans le même statut. On pouvait être agriculteur, on pouvait être artisan, on pouvait être journaliste, et cætera, fonctionnaire, tout ça était à vie.
Aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui passent à travers des statuts différents. On peut être entrepreneur un jour, salarié trois ans plus tard ou l'inverse. Mais toute notre organisation de protection des salariés a été organisée par statut historiquement. Aujourd'hui, il faut que ça soit lié à la personne.
C'est-à-dire que quelqu'un qui est salarié, qui va prendre un risque entrepreneurial, il a ce risque des affaires. Ça, c'est normal, c'est ça l'esprit entrepreneurial. Mais qu'il soit assuré que s'il y a un problème, il a un filet de sécurité et donc c'est ça qu'il faut faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc droit au chômage.
MURIEL PENICAUD
Donc le droit au chômage. Droit au chômage, droit à la formation, et cætera. C'est ça qu'il faut améliorer et sur lequel on va travailler avec les partenaires sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc droit au chômage pour tous, on est bien d'accord.
MURIEL PENICAUD
Droit à l'Assurance-chômage. Non, droit au chômage, non : droit au travail. Droit au travail pour tous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Droit au travail, Assurance-chômage, oui.
MURIEL PENICAUD
Le but, c'est le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais dites-moi, mais comment allez-vous calculer les allocations chômage ? Parce que je ne comprends pas. Plus de cotisation payée par les salariés.
MURIEL PENICAUD
Alors, vous avez vu pour le Code du travail qu'on n'avait pas des réponses sur tout avant de poser les questions, eh bien ça va être pareil, on va passer des centaines d'heures de concertation, c'est aussi pour avoir les meilleures idées, pour voir comment on va faire. On part de cette intuition forte, qui a été une promesse de campagne, que tous puissent, quel que soit le risque qu'ils prennent, avoir un filet de sécurité dans la vie, je pense que les Français ils attendent un filet de sécurité, ils attendent de la liberté et la capacité à être audacieux, mais aussi des filets de sécurité, et je pense que l'Assurance chômage est essentielle, et l'autre volet c'est la formation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le financement ?
MURIEL PENICAUD
Oui, le financement, les modalités, la gouvernance, tout ça on va en discuter, mais je reviendrai vous en parler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez quelques idées sur le financement, vous avez déjà travaillé dessus.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais moi je suis profondément convaincue de la concertation, et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi aussi, mais vous avez des idées que vous pouvez confronter à d'autres idées.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais je les confronte d'abord avec les gens avec qui je fais la concertation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la gestion de l'Assurance chômage à trois, Etat, patronat, syndicats ?
MURIEL PENICAUD
La gestion de l'Assurance chômage, si elle doit évoluer, ça sera une conséquence de ça, mais il ne faut pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A trois donc ?
MURIEL PENICAUD
Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, il faut d'abord, il faut se dire c'est quoi l'ambition, comment on fait avec l'indépendant, et du coup, qui s'en occupe ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Chômage pour tout le monde, droit à l'Assurance chômage pour tout le monde, on est bien d'accord ?
MURIEL PENICAUD
Oui, et du coup, comment on fait ? Eh bien on va aussi discuter de ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment on fait ?
MURIEL PENICAUD
On va aussi discuter de ça, parce que les partenaires sociaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que je me trompe lorsque je dis gestion de l'Assurance chômage à trois, je me trompe ou pas ?
MURIEL PENICAUD
Je ne sais pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas, mais si vous savez.
MURIEL PENICAUD
Mais non, mais attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voulez pas me dire.
MURIEL PENICAUD
Parce qu'en France, dès qu'on fait une réforme, on veut parler des institutions, il faut d'abord parler de l'enjeu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais pardon, excusez-moi Muriel PENICAUD, mais enfin, si j'ai bien compris, plus de cotisation pour les salariés dès le 1er janvier.
MURIEL PENICAUD
Non, mais attendez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus de cotisation chômage pour les salariés, dès le 1er janvier…
MURIEL PENICAUD
Oui, mais le même droit, je le rappelle, c'est important pour vos auditeurs et auditrices, c'est le même droit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il va quand même bien falloir financer.
MURIEL PENICAUD
Oui, c'est la CSG qui va financer ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va voir.
MURIEL PENICAUD
Et un salarié qui touche 2000 euros par mois, c'est à peu près le salaire moyen, par la baisse des cotisations, même avec l'augmentation de la CSG, il aura +500 euros l'année prochaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Muriel PENICAUD, l'information judiciaire, vous vous attendez à être mise en examen un jour ou pas ?
MURIEL PENICAUD
Je suis extrêmement sereine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous êtes mise en examen, vous démissionnez ou pas ?
MURIEL PENICAUD
Attendez, c'est moi qui ai lancé l'enquête, c'est moi qui ai donc déclenché l'enquête…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a eu appel d'offres ou pas dans cette affaire ?
MURIEL PENICAUD
Il n'y a pas eu appel d'offres, et quand on m'a alertée sur ce sujet, c'était une erreur, c'est moi qui ai déclenché une enquête, un audit, ensuite il y a eu une Inspection des finances, qui a auditionné 30 personnes, et le juge…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Erreur parce qu'il n'y a pas eu d'appel d'offres, on est bien d'accord.
MURIEL PENICAUD
Voilà, donc moi j'ai fait mon travail de directrice générale, c'est de faire une enquête, de faire faire un audit indépendant, ensuite l'Inspection des finances a confirmé cet audit. Maintenant, c'est normal, c'est la procédure, c'est la justice, c'est normal, tout organisme public où il y a eu une erreur, ça doit être signalé, et j'ai tout à fait confiance dans la justice, et je suis très sereine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Merci.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venue nous voir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2017