Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à France-Info le 19 septembre 2017, sur la réforme du code du travail, le climat social et le dialogue avec les partenaires sociaux.

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Média : France Info

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Et notre invitée ce matin sur France Info, c'est la ministre du Travail, Muriel PENICAUD, avec Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous allons, bien sûr, parler du climat social, de la réforme du code du travail, mais auparavant, je voudrais évoquer avec vous les informations que rapporte ce matin le journal Le Parisien, nous sommes dans une période où le budget de l'Etat est en train d'être mis au point, on est plutôt dans la phase terminale d'ailleurs de cette mise au point. Et le journal donc annonce que votre budget, l'année prochaine, baissera de manière significative, il est aujourd'hui de 15,3 milliards, il devrait baisser à 13,5 milliards. Vous confirmez ces chiffres, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Non, je ne confirme pas ces chiffres, parce qu'ils ne sont pas exacts. Le budget du ministère du Travail sera donc comme tous les autres budgets, au moment de la loi de Finances, la semaine prochaine, sera annoncé dans le détail, sera précis. Il est globalement stable. Par contre, il est…
JEAN-MICHEL APHATIE
Globalement stable, il est en baisse, non ?
MURIEL PENICAUD
Vous verrez la semaine prochaine, mais vous verrez qu'il est globalement stable, par contre, oui, c'est un budget de transformation. Et donc à l'intérieur du budget, il y a des sujets qu'on veut pousser beaucoup plus, la formation professionnelle, parce que c'est ça qui donne en période de croissance la chance d'avoir un emploi durable, c'est d'avoir la bonne qualification, et d'autres dispositifs, qui sont moins efficaces, qui seront diminués. Donc il y aura du plus et du moins, et il y aura, surtout, un budget qui va permettre de transformer et d'aider à lutter contre la précarité, et obtenir des emplois.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel sera le volume de contrats aidés dans le budget l'année prochaine, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Alors, vous le verrez aussi la semaine prochaine, il y a des chiffres qui sont dans Le Parisien, c'est bien au-dessus, donc bon, je ne vais pas commenter des… moi, je ne commente pas des chiffres qui sont faux, la semaine prochaine, je commenterai les vrais chiffres.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a noté que vos collègues n'ont pas vos pudeurs, puisque la ministre de la Défense, celui de l'Intérieur, de l'Education, de l'Ecologie, ont annoncé que leur budget allait augmenter l'année prochaine, ils ont déjà donné des chiffres. Et donc j'en déduis que si vous, vous attendez la semaine prochaine, c'est plutôt que votre budget ne va pas augmenter, parce qu'en général, quand il y a des bonnes nouvelles, on les annonce.
MURIEL PENICAUD
Vous savez, je crois que ce qui intéresse les gens, ce n'est pas de savoir qu'il y a plus ou moins de budget, je crois que, d'abord…
JEAN-MICHEL APHATIE
… Bien sûr que ça nous intéresse…
MURIEL PENICAUD
Si, si, mais, c'est ce qu'on en fait ! Non, ce qui intéresse –…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, bien sûr, aussi, oui…
MURIEL PENICAUD
J'espère – nos concitoyens, c'est ce qu'on en fait. Et moi, je pense que, on va avoir un budget qui va permettre, on l'a déjà dit, de faire un grand plan d'investissement dans les compétences, aujourd'hui, il faut savoir qu'il y a 5 % des gens qui ont un bac +2 qui sont au chômage, et par contre, c'est 19 % pour ceux qui n'ont pas de qualification. Donc ce qui est important, c'est pour quelqu'un qui est au chômage ou un jeune qui cherche sa voie, de se dire : est-ce que j'ai un métier qui est valable, est-ce qu'il y a un métier qui correspond aux métiers de demain, et est-ce que je vais pouvoir me former, et trouver un emploi. Donc ça, ça sera la priorité dans le budget.
BRUCE TOUSSAINT
Muriel PENICAUD, des postes vont-ils être supprimés à Pôle emploi, comme l'annonce Le Parisien, ce matin ?
MURIEL PENICAUD
Alors, moi, je découvre souvent des chiffres que je ne connais pas dans la presse, donc je vous le confirme, non, à part cette boutade, je vous confirme que les chiffres qui sont…
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'était pas ma question, des postes vont-ils être supprimés ?
MURIEL PENICAUD
Il y a 50.000 salariés…
JEAN-MICHEL APHATIE
54.000…
MURIEL PENICAUD
Oui, un peu plus de 50.000 salariés chez Pôle emploi, il y aura quelques centaines qui seront en évolution, comme chaque année. Il faut savoir que la croissance repart, donc c'est normal, c'est proportionnel, donc tout ça, ça sera annoncé la semaine prochaine.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'externalisation du service…
MURIEL PENICAUD
Alors, oui, j'ai lu avec stupéfaction dans Le Parisien que quelqu'un a imaginé la privatisation de Pôle emploi, c'est complètement hors de sujet, et là, je m'inscris en faux totalement.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, vous considérez que Pôle emploi fonctionne bien, qu'il est efficace ?
MURIEL PENICAUD
Je pense que 73 % des employeurs et des demandeurs d'emploi disent que c'est efficace, c'est à la fois très bien, et à la fois, avec les équipes de Pôle emploi, on est tous d'accord pour dire que ce n'est jamais assez bien, par rapport à la lutte contre le chômage. Mais Pôle emploi a fait des transformations formidables les dernières années, j'étais, il y a quelques semaines, à Pôle emploi à Lyon, par exemple, où l'usage du numérique, apprendre aux gens à se servir du numérique pour dématérialiser ce qui est administratif, et qu'il soit à l'aise dans le monde numérique, et avoir du coup plus de temps pour faire un accompagnement personnalisé pour ceux qui en ont besoin. Donc il y a beaucoup d'innovations en ce moment chez Pôle emploi, donc je suis très confiante sur ce qui s'y passera.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, on renvoie les auditeurs, si ça les intéresse, à une lecture plus complète du Parisien, vous avez dit que les chiffres sont faux…
MURIEL PENICAUD
Et surtout, la semaine prochaine, nos vrais chiffres.
BRUCE TOUSSAINT
Enfin, vous confirmez quand même que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Que ça va plutôt baisser ?
BRUCE TOUSSAINT
Ça va plutôt baisser…
MURIEL PENICAUD
Non, c'est globalement stable…
JEAN-MICHEL APHATIE
Parce que si ça augmentait, vous nous l'auriez dit…
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais attendez…
MURIEL PENICAUD
Globalement stable…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, globalement stable, je suis désolé…
BRUCE TOUSSAINT
Globalement stable, c'est bizarre…
MURIEL PENICAUD
Eh bien, vous verrez la semaine prochaine !
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un peu langue de bois, si je puis dire…
MURIEL PENICAUD
Si, vous verrez ! Non, non, en gros, c'est à peu près la même chose, mais il y aura…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ça baisse un peu…
MURIEL PENICAUD
Non, il va y avoir des grandes transformations, des plus et des moins.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas un budget statique. Le but, c'est de… voilà, c'est d'accompagner la politique qu'on mène.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les mots d'ordre d'opposition à la réforme du code du travail que vous menez, Muriel PENICAUD, se multiplient, beaucoup de manifestations cette semaine, la CGT, la France Insoumise, on note qu'un syndicat, l'UNSA, à la SNCF, appelle aussi à participer à ces mouvements, et puis, les routiers aussi se mettent en ordre de bataille contre votre réforme. On écoute un responsable CFTC des transports, qui menace de bloquer le pays. On l'écoute.
THIERRY DOUINE, PRESIDENT DE LA FEDERATION DES TRANSPORTS CFTC
Pour l'instant, je dirais, on est à un galop d'essai, on est en train de faire de l'information, si jamais le gouvernement s'obstine de passer des réformes à tout va et qui percutent fortement la branche transport, nous, on peut envisager effectivement de durcir le mouvement, et de faire un blocage du pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, on pense au précédent de 1995, Alain JUPPE qui avait dû retirer sa réforme. Ça vous inquiète ces mots d'ordre des routiers, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord, le droit de manifester dans une démocratie, c'est un droit, vous savez, que je respecte complètement, et je pense qu'on peut s'exprimer sous toutes les formes qu'on souhaite. Ensuite, dans le domaine des transports, donc les syndicats CFDT et CFTC ont été reçus à mon cabinet hier, ils seront reçus demain au cabinet du ministre des Transports, comme vous le savez, il y a des spécificités au secteur du transport, donc on est en train de regarder ce sujet. C'est aussi pour ça d'ailleurs que la directive « détachés », le président de la République, et moi, avec les ministres du Travail, nous nous battons aussi pour améliorer, parce qu'il y en a beaucoup dans le transport, donc c'est un ensemble qu'il faut regarder, et on est en train de regarder ce qui est spécifique au transport.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sont des négociations qui se sont ouvertes ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Avec les transporteurs ?
BRUCE TOUSSAINT
Avec les transports ?
MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas un lieu de négociations, mais attendez, là, si on nous pose une question qui pose un problème spécifique à un secteur, et il faut… enfin, c'est la moindre des choses que de le regarder.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on voit que les ordonnances ont été présentées le 31 août, tous les sondages depuis le 31 août montrent, alors, ce ne sont que des sondages en même temps, c'est toujours intéressant, vous devez les regarder avec attention, tous les sondages montrent que votre réforme est rejetée par une majorité de gens sondés, pourquoi ?
MURIEL PENICAUD
Je pense que dans toute réforme de fond, ce qui est le défi, c'est que chaque citoyen puisse être informé réellement de ce qu'il y a dedans. Ce n'est pas deux slogans ou trois phrases qui résument un projet de réforme qui a pour but vraiment de libérer les énergies du pays, encourager les entreprises à investir, va être complété par la formation et l'apprentissage…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez du mal à convaincre les gens visiblement. Vous avez du mal à convaincre, quand on regarde…
MURIEL PENICAUD
Et ça ne peut pas se faire en une journée, et moi, ce que je souhaite dire, là, c'est des choses que ça apporte aux salariés, ils vont avoir plus leur mot à dire dans l'entreprise, on va aussi renforcer le dialogue social en renforçant les délégués syndicaux, les élus du personnel, à pouvoir avoir une carrière et une formation, à ce propos-là, d'ailleurs, je souhaiterai dire que je lance aujourd'hui une mission où j'ai demandé à Dominique SIMONPOLI, qui est un ancien syndicaliste, président de Dialogues, et à Gilles GATEAU, qui est le DRH d'AIR FRANCE, qui est connu pour sa capacité à dialoguer sur le plan social, de mettre en oeuvre dix mesures que nous avons décidées, pour accompagner les ordonnances, pour aider les syndicats à se développer dans notre pays ; on n'a pas assez de fait syndical, les ordonnances vont permettre de renforcer le dialogue social au plus près du terrain, là où les intérêts de l'entreprise et les intérêts des salariés convergent, et pour ça, il faut des personnes qui soient armées, qui soient formées, et qui aient confiance, qui peuvent avoir une carrière, aujourd'hui, pour un délégué syndical, honnêtement, c'est un mandat qui est difficile à prendre, parce que, on n'est pas sûr de pouvoir continuer sa carrière. Donc il faut aussi faire ça, et dans la loi, il y a beaucoup de choses pour les salariés, le télétravail, qui va devenir un droit, je peux vous faire une heure sur les droits des salariés…
JEAN-MICHEL APHATIE
On va y revenir.
BRUCE TOUSSAINT
Restez avec nous, on va poursuivre dans un instant, bien sûr.
/// Journal ///
BRUCE TOUSSAINT
La ministre du Travail, Muriel PENICAUD, est donc l'invitée de France Info ce matin.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, le contenu des ordonnances est évidemment divers, vous en avez évoqué quelques points, Muriel PENICAUD, je voudrais évoquer avec vous ce qui avait été annoncé comme une contrepartie, aux syndicats, du plafonnement des indemnités prudhommales. Vous aviez dit que les salariés licenciés bénéficieraient d'une revalorisation de 25 % de leurs indemnités, et puis on a compris qu'en fait tous les salariés n'en bénéficiaient pas, ça vaudrait pour les 10 premières années dans une entreprise, mais au-delà l'augmentation des indemnités serait moindre, ce qui a d'ailleurs conduit Jean-Claude MAILLY, le secrétaire général de Force Ouvrière, il y a quelques jours, à vous demander, par l'intermédiaire d'un tweet, « le respect de l'engagement de plus de 25 % pour tous les salariés. » Alors, est-ce que vous pourriez donner satisfaction, sur ce point, à Jean-Claude MAILLY, puisque, visiblement, ce qui avait été annoncé n'est pas ce qui a finalement été retenu ?
MURIEL PENICAUD
Alors, de quoi on parle ? On parle des indemnités légales de licenciement, ça veut dire les indemnités que tout salarié aura automatiquement s'il est licencié, donc ce n'est pas un sujet de Prud'hommes qui ne concerne que ceux qui vont.... ça concerne tout le monde.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, les indemnités légales de licenciement.
MURIEL PENICAUD
Tous ceux qui peuvent être licenciés. Elles n'ont pas été augmentées depuis 2008, donc nous avons décidé d'augmenter ces indemnités légales, les indemnités de 25 % pour les 10 premières années, au-delà de 10 ans elles sont déjà plus élevées, elles vont continuer à augmenter aussi, mais ça ne sera pas 25 %.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, d'accord, mais vous voyez bien qu'entre l'annonce qui a été faite, je crois que c'est vous qui en aviez parlé sur BFM, et puis la réalité, il y a une distance, puisque même Jean-Claude MAILLY, qui connaît quand même ce dossier-là, dit « 25 % pour tous », conformément à ce que vous aviez dit dans un premier temps.
MURIEL PENICAUD
70 % des salariés, quand ils sont licenciés, c'est en dessous de 10 ans, donc 70 % des personnes ça sera plus de 25 %, ce qui est énorme, il n'y a pas beaucoup de choses qui augmentent de 25 %.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous n'augmenterez pas de 25 % pour tous les salariés ?
MURIEL PENICAUD
Ecoutez, on a discuté des centaines de sujets, depuis 3 mois, il y a eu 300 heures de concertation, on a parlé de tous les sujets, je pense que sur ce sujet il y a eu, honnêtement, un manque de communication, puisque certains l'avaient compris, que ça évoluait après 10 ans, et d'autres ne l'avaient pas compris. Donc, juste autorisez-nous de…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un malentendu ?
MURIEL PENICAUD
Je vais vous dire que…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne bougera pas ?
MURIEL PENICAUD
Non, ça ne bougera pas ; je dirais c'est un malentendu, mais ce qui est important de comprendre c'est que ça va être, quand même, une sécurité beaucoup plus grande pour tous les salariés licenciés, 25 % c'est énorme, mais ça augmente aussi pour tous qui seront licenciés, quelle que soit la durée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, il y a un autre point de crispation dans les ordonnances, c'est la rupture conventionnelle collective, c'était une vieille revendication du MEDEF, exprimée par Laurence PARISOT, par exemple, en 2012, qui se retrouve dans les ordonnances à la surprise de certains syndicats, mais là aussi, peut-être, tout n'avait pas été compris par tout le monde. Les syndicats craignent que les salariés qui quittent l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle collective ne bénéficient pas des mêmes garanties que lorsqu'ils le quittent avec un plan social, c'est ce qu'exprime Laurent BERGER de la CFDT, on l'écoute.
LAURENT BERGER
La rupture conventionnelle collective, qui, en gros, va permettre de faire partir des salariés sans qu'ils aient la protection que leur offre un plan social et sans que la difficulté économique de l'entreprise soit avérée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, cette rupture conventionnelle collective, qui est critiquée par les syndicats, est-ce que vous pourriez éventuellement l'amender ou revenir dessus ?
MURIEL PENICAUD
Je crois qu'il faut comprendre ce que c'est. Quand il y a un plan social, c'est-à-dire des licenciements, il est très important que tout le dispositif juridique, assez lourd, que nous avons aujourd'hui, soit respecté, parce que c'est une protection pour les salariés, ça permet d'évaluer le motif, est-ce qu'il y a vraiment raisons de faire un licenciement économique, et d'avoir les protections ad-hoc. Mais il y a des cas de figure qui ne correspondent pas à des licenciements, où il n'y a pas de licenciements, mais où il y a un certain nombre de salariés qui souhaitent, et qui sont d'accord pour partir de l'entreprise, à certaines conditions, parce qu'ils souhaitent, par exemple, reprendre une entreprise ou faire un autre projet professionnel. Si les deux parties sont d'accord, et il y aura une vérification de cela par la Direccte, c'est-à-dire par l'administration du Travail au plan régional…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vérification, c'est-à-dire il pourrait y avoir un veto ?
MURIEL PENICAUD
C'est-à-dire une homologation, il faut un feu vert…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il pourrait y avoir un veto ?
MURIEL PENICAUD
Oui, oui, absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça revient à une autorisation administrative de licenciement ?
MURIEL PENICAUD
Non, parce qu'il faut un accord signé par la majorité des syndicats et par le patronat. Vous croyez que les syndicats – enfin moi j'ai confiance dans les syndicats – vous croyez que les syndicats ils vont signer quelque chose où des personnes partent volontairement ? De toute façon il n'y a pas d'autre possibilité que ce soit volontaire, il n'y a pas d'autre possibilité que ce soit le dialogue social.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous convenez que ça a été une surprise cette mesure ?
MURIEL PENICAUD
Nous on avait parlé de plans de départs volontaires, la jurisprudence les reconnaît, aujourd'hui elle les reconnaît, mais elle n'autorise pas les salariés, les syndicats et les patrons, a… enfin, la loi n'a pas donné de cadre, donc on donne un cadre, ce qui existe déjà dans la jurisprudence. Vous savez, moi j'ai tout à fait confiance… je crois que le plus important dans cette loi, sur le renforcement du dialogue social, c'est est-ce qu'on fait confiance, ou pas, que des chefs d'entreprise et des syndicats de salariés, des élus du personnel, ensemble, il y a de l'intelligence collective…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quels sont les syndicats qui vous soutiennent, aucun ?
MURIEL PENICAUD
Mais, c'est normal, ils jouent…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y a pas un syndicat qui vous soutient ? Vous dites il faut faire confiance aux syndicats et il n'y a aucun syndicat qui vous soutient.
MURIEL PENICAUD
Eh bien vous verrez sur le terrain. Vous savez quelle est la proportion d'accords qui sont signés dans les entreprises ? 80 %. Eh bien vous verrez que sur la rupture conventionnelle collective…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous éludez ma question !
MURIEL PENICAUD
Non…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous nous dites : il faut faire confiance aux syndicats, et aucun syndicat ne soutient votre réforme.
MURIEL PENICAUD
Eh bien vous verrez. Moi, je suis persuadée que comme c'est les syndicats qui doivent signer, si les syndicats ne sont pas d'accord ça n'aura pas lieu, la rupture conventionnelle collective. Attendez, chacun est dans son rôle, c'est normal que les représentants syndicaux, qui sont là pour représenter les salariés, ils mettent… mais, ce que je vous dis c'est que, regardez le texte de loi et vous verrez que rien ne se passera sans l'accord des syndicats. Je ne peux pas dire mieux.
BRUCE TOUSSAINT
On entend ce matin vos explications, Muriel PENICAUD, mais il y a, vous ne le niez pas d'ailleurs, une contestation, et on sait aussi que certains syndicats, qui ne sont pas forcément dans la rue, ne sont pas non plus comblés. Quelle est la marge de manoeuvre, qu'est-ce que vous seriez prêts à discuter, rien, un petit peu, beaucoup ?
MURIEL PENICAUD
Quand je disais qu'on a eu 300 heures de concertation…
BRUCE TOUSSAINT
Ça veut dire que c'est fini.
MURIEL PENICAUD
On a énormément discuté, et qu'il y a beaucoup de choses… je peux vous dire que la loi actuelle elle est meilleure parce qu'il y a eu ce dialogue, avec les organisations patronales, et avec les organisations syndicales de salariés. Il y a beaucoup de choses qui ont été ajoutées, ou modifiées, grâce à cette concertation. Maintenant, le code du travail n'est qu'un volet, je pense que ce qu'il est important de comprendre c'est qu'on a besoin à la fois de libérer les… enfin, c'est les entreprises qui créent des emplois, et il faut qu'ils aient un cadre qui leur permet de le faire.
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est le fond de la réforme, en effet…
MURIEL PENICAUD
C'est le fond de la réforme, mais il y a aussi la formation…
BRUCE TOUSSAINT
Mais il y a jeudi une journée de manifestation, samedi une autre journée de mobilisation…
MURIEL PENICAUD
Oui, c'est 1 syndicat sur 5 qui appelle à la mobilisation, et ce n'est pas le premier en France, le premier c'est la CFDT, je le rappelle.
BRUCE TOUSSAINT
Il y avait entre 200.000 et 400.000 personnes la semaine dernière, ça ne vous a pas échappé ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui ne soutient pas votre réforme, le premier syndicat…
MURIEL PENICAUD
Mais vous ne m'avez pas laissé répondre à ma question. La contrepartie, ce n'est pas une question de contrepartie, uniquement, c'est une question de cohérence. Qu'est-ce que souhaitent les salariés ? Pouvoir se développer dans leur carrière et être sécurisés en termes d'emploi. Qu'est-ce que souhaitent les demandeurs d'emploi, qu'est-ce que souhaitent les jeunes ? Trouver un emploi. Donc, l'équilibre c'est, à la fois, il faut permettre aux entreprises d'avoir confiance pour créer, et notamment les TPE-PME, créer des emplois, mais il faut aussi investir à fond sur la formation, sur la qualification, qui vous permettent d'accéder à l'emploi, ou, quand on est salarié, d'évoluer tout au long de sa vie, de pouvoir choisir sa carrière, de pouvoir choisir son métier, de pouvoir choisir de quitter l'entreprise si on ne s'y trouve pas bien, et ça c'est tous les sujets, d'Assurance chômage, de formation, d'apprentissage, qui démarrent dans les semaines qui viennent.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez parlé récemment à monsieur MAILLY, là, ces derniers jours, à monsieur BERGER ?
MURIEL PENICAUD
A tous les représentants patronaux et syndicaux, je parle très souvent, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais récemment, je veux dire cette semaine ?
MURIEL PENICAUD
Très souvent, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Bien, vous restez avec nous Muriel PENICAUD.
/// Journal ///
BRUCE TOUSSAINT
Muriel PENICAUD, ministre du Travail, est notre invitée ce matin.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour fixer les esprits et pour en terminer avec la réforme du code du travail, nous avons noté des gens satisfaits de votre réforme du code du travail : François ASSELIN pour les PME et Pierre GATTAZ pour le MEDEF. On ne trouve pas l'équivalent dans les syndicats. On écoute.
PIERRE GATTAZ, PRESIDENT DU MEDEF
Cette réforme nous apparaît comme une étape importante et intéressante qui peut aider à conforter la confiance des chefs d'entreprise.
FRANÇOIS ASSELIN, PRESIDENT DE LA CGPME
Nous avons assisté à un contenu des ordonnances qui est particulièrement pragmatique, qui colle à la réalité de terrain et qui n'enlève rien à l'équilibre de la sécurité dont ont besoin les salariés malgré tout ce que vous pouvez entendre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Ça, c'est une photographie objective, si je puis dire. Les seuls qui sont contents, c'est du côté des employeurs. Les employés, ça grince.
MURIEL PENICAUD
Ce qui m'intéresse, c'est que je pense qu'on fait là une réforme qui est nécessaire pour la France et qui va créer un climat de confiance pour l'investissement et pour l'emploi. Je vois beaucoup d'investisseurs étrangers qui me disent : « Ça nous donne confiance. » Maintenant, on va prendre au mot…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est votre point de vue mais vous avez eu du mal à convaincre les partenaires sociaux du côté des salariés.
MURIEL PENICAUD
Attendez, du côté patronal, d'abord.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils sont contents, vous voyez.
MURIEL PENICAUD
Mais non, nous on va prendre au mot les investisseurs, les TPE et les PME. Je pense qu'on connaît tous des artisans, on connaît tous des entrepreneurs qui avaient des carnets de commandes possibles - avec la reprise de la croissance, il y en a de plus en plus – et qui n'embauchent pas. Pourquoi ? Soit parce qu'ils ont peur d'embaucher à cause du droit du travail, soit parce qu'ils ne trouvent pas les compétences. Il faut agir sur les deux parce que l'emploi, ça ne se fait pas par décret.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un million d'emplois crées depuis dix ans, c'est ça ? Un million d'emplois crées dans les dix-huit mois qui viennent, on a déjà entendu cela.
MURIEL PENICAUD
Oui. Enfin, le maximum d'emplois.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MURIEL PENICAUD
Et donc, je pense qu'aujourd'hui ce qui est important, c'est que cette dynamique se transforme par des initiatives ; deuxièmement, qu'elle se complète par le sujet compétences. Par exemple, l'apprentissage : est-ce que vous savez qu'aujourd'hui on a un million de jeunes qui n'ont aucune solution sur rien mais on a des dizaines de milliers de places en apprentissage. 70 % maintenant sortis dans les filières aujourd'hui en tension où on manque de gens, il y a 80 % d'embauches donc il faut aller vers tout ça. Il faut aussi que les entreprises se mobilisent sur le sujet. Du côté organisations syndicales, je le disais, on va travailler avec eux et avec la mission que j'ai confiée à Jean-Dominique SIMONPOLI et Gilles GATEAU car je crois qu'il faut renforcer le fait syndical.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit.
MURIEL PENICAUD
Et donc, il ne faut pas arrêter d'opposer uniquement entreprises et syndicats ou entreprises et personnels. On n'avancera dans ce pays que si on trouve où convergent l'économique et le social. Et moi j'ai quarante ans d'expérience, je peux vous dire que ça marche, qu'on fait confiance au dialogue social. Ça amène de la compétitivité et ça amène de la justice sociale. C'est ça qu'on cherche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous verrons tout ça, réforme du code du travail.
MURIEL PENICAUD
Sur le terrain. La vraie évaluation, vous savez, elle va se faire dans les entreprises.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc, on suivra tout ça, vous l'imaginez bien. Mais une autre personne que vous n'avez pas réussi à convaincre, c'est quelqu'un avec qui vous avez travaillé il y a vingt-cinq ans de cela, c'est Martine AUBRY. Elle était l'invitée de France Inter et elle parle de vous ; c'était la semaine dernière.
LEA SALAME
On entend votre sévérité ce matin à l'endroit de la réforme du travail, mais le fait qu'elle soit préparée, pensée, portée par Muriel PENICAUD qui a travaillé avec vous, qui a fait partie de votre cabinet, ça ne vous rassure pas un peu ?
MARTINE AUBRY, MAIRE DE LILLE
Pas du tout parce que c'était il y a vingt-cinq ans, tout le monde peut changer. On me dit que je l'ai formée, je la trouve très déformée en tout cas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est méchante Martine AUBRY avec vous.
MURIEL PENICAUD
Vous savez, c'est un peu touchant à mon âge qu'on me parle encore de ma formation, ça me rajeunit. Non, mais sérieusement, Martine AUBRY…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça vous a fait mal ?
MURIEL PENICAUD
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si.
MURIEL PENICAUD
Honnêtement non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, d'accord.
MURIEL PENICAUD
Je connais Martine AUBRY, je sais pourquoi j'ai travaillé auprès d'elle. J'ai apprécié de travailler auprès d'elle. Maintenant, elle a choisi d'être dans l'opposition ; moi j'ai choisi de modestement essayer de mettre mon expérience au service du pays pour le transformer et on n'a pas fait le même choix.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne vous a pas touchée plus que ça ?
MURIEL PENICAUD
Non. Ça ne m'a pas surprise non plus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre avenir ministériel, Muriel PENICAUD, est en pointillés. Une enquête préliminaire se déroule actuellement sur les conditions d'organisation d'un déplacement d'Emmanuel MACRON à Las Vegas au début de 2016. Il était à l'époque ministre de l'Economie. Ce déplacement, c'est vous qui l'avez géré, vous étiez à la tête d'un organisme public, Business France, que vous dirigiez à l'époque. Avez-vous été entendue par la police ou allez-vous l'être dans le cadre de cette enquête préliminaire, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Je n'ai pas été entendue et comme j'ai répondu à peu près cinquante fois à ce sujet, qu'il n'y a rien à dire à part que je suis très sereine et voilà, je n'ai pas tellement d'autres commentaires à faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas été entendue ? Etes-vous convoquée pour les prochains jours ?
MURIEL PENICAUD
Non, je ne suis pas convoquée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une rumeur circule disant que vous pourriez être convoquée dans les semaines.
MURIEL PENICAUD
Vous savez, les rumeurs, il y en a beaucoup dans beaucoup de domaines.
JEAN-MICHEL APHATIE
Si une instruction judiciaire était officiellement ouverte, cela mettrait en péril votre poste de ministre ?
MURIEL PENICAUD
J'ai déjà répondu cinquante fois sur le sujet et il n'y a rien de neuf, voilà. Et donc comme les journalistes en général aiment les news, voilà, il n'y a pas de news.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et si vous êtes mise en examen, vous acceptez cette règle, vous démissionnerez ?
MURIEL PENICAUD
J'ai déjà répondu…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous avez déjà répondu, mais là, qu'est-ce que vous dites alors ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, je dis la même chose que d‘habitude, voilà…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et c'est quoi ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien, que, il n'y a pas de sujet, et que je suis très sereine…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous êtes mise en examen, est-ce que vous acceptez la règle…
MURIEL PENICAUD
Mais vous connaissez… vous savez très bien la réponse, voilà, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, laquelle est-elle ?
MURIEL PENICAUD
Je suis très sereine, j'ai confiance en la justice…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous êtes mise en examen, vous démissionnez ?
MURIEL PENICAUD
C'est moi qui ai lancé l'enquête, donc vous me parlez d'un monde qui…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si vous êtes mise en examen, je vous pose la question simplement, est-ce que, selon vous, cette règle doit s'appliquer ou pas, je ne sais pas, je vous pose la question ?
MURIEL PENICAUD
Je ne crois pas qu'il y a un intérêt à redire ce qui a été dit cent fois, donc il y a une règle…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous pourriez le répéter ce matin…
MURIEL PENICAUD
Les mises en examen personnelles de ministres, ça a des conséquences, mais ce que je vous dis, et je le redis, c'est moi qui ai lancé cette enquête, puisque j'ai vu qu'il y avait une anomalie, et donc je connais les rapports, et je fais confiance à la justice, je suis très sereine.
BRUCE TOUSSAINT
C'est normal qu'on s'intéresse au déroulement de l'enquête…
MURIEL PENICAUD
Oui, je ne sais pas, il n'y a pas de nouvelles, ça fait trois mois, on ne parle que de moi, moi, j'aimerais mieux parler des ordonnances, de l'apprentissage, je pense que ça intéresse…
BRUCE TOUSSAINT
On vient d'en parler pendant 25 minutes, on vous a juste demandé s'il y avait du nouveau, vous nous avez répondu non…
MURIEL PENICAUD
Eh bien, je vous dis : il n'y a pas de nouveau, et vous me répétez douze fois, alors, je vous redis : il n'y a pas de nouveau, voilà !
BRUCE TOUSSAINT
Bon, ça, cette séquence vient de durer quarante secondes, on ne pensait pas vous avoir harcelée avec ça…
JEAN-MICHEL APHATIE
On en a parlé, et chacun pense que nous sommes presque au bout de l'épisode de l'enquête préliminaire, et que sans doute la justice va prendre une décision…
MURIEL PENICAUD
Et qu'il n'y a rien de neuf, voilà…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et on peut imaginer que des gens sont informés de ceci, mais voilà, donc…
MURIEL PENICAUD
Enfin, moi, je n'ai pas plus d'informations que vous, voilà…
JEAN-MICHEL APHATIE
Que nous cherchions l'information ne me paraît pas illégitime.
BRUCE TOUSSAINT
Une dernière question, vous avez vu le président de la République signer la loi de confiance, vous avez trouvé ça, c'est juste une question sur la forme, ça sert à quoi, c'est intéressant de voir le président de la République faire ce genre d'acte symbolique, filmé ?
MURIEL PENICAUD
On est dans… le président de la République a été élu, et l'Assemblée nationale, sur un mandat des Français qui est clairement la transformation du pays. Donc des lois, la première loi, c'était la première loi qui a été signée, eh bien, qu'il y ait une certaine solennité, oui, à la transformation par la loi, oui, c'est bien.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Muriel PENICAUD. Merci d'avoir été notre invitée ce matin sur France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2017