Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à France-Inter le 14 septembre 2017, sur les inscriptions universitaires et le budget de l'enseignement supérieur.

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Média : France Inter

Texte intégral


NICOLAS DEMORAND
L'entrée à l'université restera-t-elle un droit pour tous les bacheliers de France ? Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de l'Innovation. Je veux comprendre, et sincèrement comprendre Madame la ministre, quelle est la différence entre les fameux prérequis qui vont être demandés au bachelier avant d'être accepté dans telle ou telle filière, et l'introduction d'une forme de sélection à l'entrée à l'université ?
FREDERIQUE VIDAL
La sélection ça se produit dans un certain nombre de filières et la réponse aux interrogations des candidats c'est oui ou non ? ce que nous souhaitons mettre en place, et ce sur quoi l'ensemble des groupes de travail se penchent, c'est lorsqu'un étudiant souhaite poursuivre une filière, est-ce qu'il est en capacité de le faire avec les acquis qu'il a déjà obtenu lors de sa scolarité passée, ou est-ce que nous devons lui proposer un accompagnement, et lui proposer des remises à niveau, et lui proposer une aide plus spécifique. C'est ça la différence.
NICOLAS DEMORAND
Entrons dans le détail. J'ai un bac pro, ou un bac technique, je veux faire une licence de socio, aurai-je le droit ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument. On va regarder qu'est-ce qui vous manque en termes de fondamentaux, en termes de matières, qui vous permettent de réussir dans cette licence de socio, parce que l'objectif ce n'est pas simplement de rentrer, c'est aussi d'être diplômé et de réussir, et on va proposer à cet étudiant un accompagnement qui va correspondre à… enfin qui va permettre de l'aider là où il a le plus de mal, pour le mettre dans une situation de réussite.
NICOLAS DEMORAND
Mais il rentre dans ce cursus de sociologie ou il reste à la porte le temps d'avoir le niveau ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ça c'est vraiment ce qui est en train d'être discuté. Il y a plusieurs formats qui sont en débat, soit c'est effectivement une remise à niveau indépendamment du fait qu'il soit aussi inscrit en sociologie, soit, si on pense à des parcours plus personnalisés, et à des formations plus à la carte, il peut commencer à avoir des cours de sociologie, ce qui vont lui permettre de confirmer que c'est bien ce qu'il a envie de faire, et en parallèle d'autres cours qui vont être dédiés à le remettre à niveau et à lui donner les prérequis nécessaires. Ce qu'il faut comprendre c'est que la réussite c'est aussi un état d'esprit, et aujourd'hui la façon dont les filières sont organisées fait qu'à la fin de l'année on a raté ou on a réussi son année, alors que si dans de contrat de réussite on propose à l'étudiant de valider trois unités d'enseignement, on lui dire « tu as réussi ces trois unités d'enseignement », et ça, ça participe aussi à la réussite.
NICOLAS DEMORAND
Toujours pour comprendre, qu'est-ce qu'il advient, en dernière instance, Frédérique VIDAL, des étudiants qui n'ont pas le niveau, ils vont où et on en fait quoi ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ne pas avoir le niveau c'est ce qui se passe à l'instant T, la question c'est quelle est leur motivation, est-ce qu'ils ont envie de travailler pour obtenir ce niveau…
NICOLAS DEMORAND
Mais ils vont où, et on en fait quoi ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ils vont dans l'enseignement supérieur, ça c'est vraiment…
NICOLAS DEMORAND
Mais plus à l'université ?
FREDERIQUE VIDAL
Pas forcément à l'université, les cours de remédiation, ils peuvent être envisagés à l'université, ils peuvent être envisagés… on peut imaginer même qu'ils démarrent avant les épreuves du baccalauréat, si on a des élèves qui sont motivés, on peut leur dire « attention, si vous voulez faire ça, ce serait bien de vous préparer. » Donc, tout ça c'est vraiment… Moi ce que je souhaite c'est que les gens fassent des propositions qui vont être réellement applicables.
NICOLAS DEMORAND
Mais quelle est la position de l'Etat ? Vous dites qu'il va y avoir concertation, l'Etat arrive, j'imagine, avec une philosophie, avec des désirs, qu'il va mettre sur la table, comment les formuler en quelques mots ? L'université n'est plus un droit en France pour tous les bacheliers, est-ce qu'on peut le dire comme ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ce qui est un droit en France, pour tous les bacheliers, c'est accéder aux études supérieures, et nous, ce que nous devons organiser, c'est cette accession aux études supérieures, et comment on les prépare, et qu'est-ce qu'on leur propose. Il faut inventer probablement de nouvelles filières, il faut qu'on soit en capacité de bien les orienter, de bien les informer sur ce qu'ils vont trouver, ce n'est pas toujours le cas.
NICOLAS DEMORAND
Vous refusez l'obstacle et le fond de la question, Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Pas du tout, pas du tout, parce que…
NICOLAS DEMORAND
Mais si. Je vais vous citer le président de la République, qui a beaucoup moins de pudeur que vous : « nous ferons » - citation – « en sorte que l'on arrête de faire croire à tout le monde que l'université est la solution pour tout le monde. »
FREDERIQUE VIDAL
C'est exactement ce que je suis en train de vous dire.
NICOLAS DEMORAND
Mais oui, mais c'est la définition pure et parfaite de la sélection ça !
FREDERIQUE VIDAL
Pas du tout.
NICOLAS DEMORAND
Mais pourquoi le mot vous fait peur ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, mais le mot ne me fait pas peur…
NICOLAS DEMORAND
Alors pourquoi vous ne le prononcez pas, puisqu'il va y avoir une forme de sélection ?
FREDERIQUE VIDAL
Parce que je vous l'ai dit, la sélection c'est dire oui ou dire non, et l'objectif ce n'est pas de dire non, c'est de dire oui mais. Et il y a une grande différence, croyez-moi, quand vous êtes un jeune et que vous avez envie de construire un parcours de formation, il y a une grande différence entre le fait qu'on vous dise « non, ce n'est pas pour toi et ça s'arrête là », ou dans le fait qu'on vous dise « voilà ce qu'on te propre pour que tu réussisses. » 60 % de taux d'échec en licence, c'est bien la preuve que dire aux étudiants, « bien sûr, venez en licence, quel que soit ce que vous avez fait avant, choisissez simplement ce que vous avez envie de faire », et on ne les accompagne pas vers la réussite, eh bien moi je trouve que c'est un vrai sujet.
NICOLAS DEMORAND
Donc chacun pourra continuer à faire les études qu'il veut à la rentrée prochaine ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est l'objectif, et on les accompagnera pour qu'ils réussissent.
NICOLAS DEMORAND
Et c'est un droit ou pas, ça reste un droit en France ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça reste un droit en France, bien sûr, l'accès à l'enseignement supérieur ça reste un droit.
NICOLAS DEMORAND
Une dernière question rapide sur ce sujet-là Frédérique VIDAL. Il y a beaucoup d'autres pays comparables et très dignes, qui ont une approche beaucoup plus simple de ces questions-là, qui acceptent la sélection comme l'un des principes. Pourquoi en France est-ce si compliqué ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, en France, il faut bien comprendre que l'une de nos fiertés c'est que l'éducation est gratuite, ou quasiment gratuite, et ça c'est déjà une première différence avec un certain nombre des pays que vous évoquez et auxquels vous pensez. Le baccalauréat est le premier examen d'entrée dans le supérieur, et ça c'est aussi une particularité française, quand l'OCDE dit en France il n'y a que 10 % des étudiants qui accèdent au supérieur après un examen, je pense que c'est une erreur d'interprétation. Maintenant, évidemment, il faut aussi qu'on retravaille le baccalauréat et ça, ça se fait évidemment avec Jean-Michel BLANQUER.
NICOLAS DEMORAND
Une dernière question d'argent, de budget, qu'en est-il du budget de votre ministère, en baisse, stabilisé, en hausse ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, le gouvernement a choisi d'investir dans l'éducation et de montrer qu'il avait confiance dans sa jeunesse, et a choisi d'investir aussi dans l'avenir, donc le budget de l'Education nationale a augmenté, et le budget de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, augmentera de 700 millions d'euros en 2018 par rapport au budget initial 2017.
NICOLAS DEMORAND
Donc c'est un grand et gros coup de pouce pour vous ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est la preuve de la confiance qui est faite dans la jeunesse et dans l'avenir.
NICOLAS DEMORAND
+700 millions donc ?
FREDERIQUE VIDAL
+700 millions.
NICOLAS DEMORAND
Frédérique VIDAL, on vous retrouve juste après la revue de presse avec les auditeurs d'Inter
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 septembre 2017