Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à RTL le 11 septembre 2017, sur les défis sanitaires et les aides médicales à Saint Martin après le passage du cyclone Irma.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez donc aujourd'hui Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la santé.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour à tous. Et merci d'être sur RTL ce matin, Agnès BUZYN. Les défis sanitaires sont immenses après le passage d'Irma. Vous suivez la crise depuis le début. Le président MACRON s'envole ce soir, vous l'accompagnez ?
AGNES BUZYN
Oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous serez dans l'avion avec aussi des secours à bord ?
AGNES BUZYN
Oui, avec des équipes de secours et beaucoup de matériels qui vont permettre d'accroître évidemment, la possibilité de loger des gens, de les soigner, même si, aujourd'hui, on constate que la situation de l'hôpital revient à une activité…
ELIZABETH MARTICHOUX
L'hôpital de Saint-Martin…
AGNES BUZYN
L'hôpital de Saint-Martin…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui a été en grande partie détruit.
AGNES BUZYN
Absolument, il a été détruit à 70 %. Aujourd'hui, il y a la capacité d'hospitaliser 17 personnes, le bloc opératoire fonctionne, les stocks de médicaments ont été renfloués, et donc l'hôpital peut fonctionner, mais nous allons accroître sa capacité avec des tentes mobiles, avec des postes de secours mobiles, qui vont fonctionner comme un dispensaire.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un hôpital de combien de lits ?
AGNES BUZYN
Il a 70 lits d'habitude.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et les blocs opératoires ont été épargnés par les dégâts ?
AGNES BUZYN
Alors, ils ont été inondés, infiltrés par l'eau en fait, car la toiture s'est effondrée, mais l'un des blocs a été remis en état, ainsi que les blocs obstétricaux, ce qui permet aux femmes enceintes de pouvoir accoucher dans de bonnes conditions.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on peut être opéré aujourd'hui à Saint-Martin ?
AGNES BUZYN
On l'a été dès le premier jour, puisque dans les gravats, une personne a été retrouvée en urgence absolue, en fait, avec une éventration, et elle a pu être opérée sur place avant son transfert à la Guadeloupe, elle va bien, à ma connaissance. Et donc le bloc opératoire fonctionne.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais pour être précis, si on a besoin d'être opéré d'urgence, on est évacué vers la Guadeloupe ou on est pris en charge éventuellement par le bloc dont vous me parlez ?
AGNES BUZYN
Selon le degré d'urgence, ce que je tiens à dire, c'est que nous avions pré-positionné des équipes avant l'ouragan…
ELIZABETH MARTICHOUX
Avant, avant Irma ?
AGNES BUZYN
Avant Irma, d'abord, le centre de crise était ouvert dès le lundi, nous avions, dès le mardi pré-positionné des équipes qui sont venues de la Martinique…
ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de personnels ?
AGNES BUZYN
Alors, 5 urgentistes chirurgiens qui étaient capables donc d'augmenter les capacités des personnels de l'hôpital qui étaient sur place, ils étaient pré-positionnés, et ont pu, dès les premières heures, prendre en charge les blessés.
ELIZABETH MARTICHOUX
J'entends par-là que vous répondez à une accusation qui monte sur place, je pense que vous entendrez des habitants de Saint-Martin, demain, quand vous y serez, vous dire : mais pourquoi vous nous avez laissés tomber, pourquoi rien n'a été anticipé, ici, aussi, Eric CIOTTI, hier, au « Grand Jury », qui effectivement accusait le gouvernement d'incurie ; est-ce qu'il aurait pu y avoir moins de blessés ? Est-ce qu'il aurait pu y avoir plus de personnes évacuées avant Irma ?
AGNES BUZYN
Alors, premièrement, sur les évacuations, vous le savez, le week-end qui a précédé l'ouragan, il était encore classé en catégorie 3. Et donc il n'y avait pas lieu d'évacuer. Il est monté progressivement en catégorie 5. C'est une île lointaine, les transports ne permettent pas en 24 ou 48h d'évacuer 80.000 personnes. Par ailleurs, personne n'a jamais vécu un ouragan de catégorie 5, donc l'ampleur des dégâts est à la hauteur de la puissance de cet ouragan, nous avions pré-positionné 120 pompiers et personnes de la sécurité civile pour venir en aide aux blessés. Il y a eu à peu près 300 personnes qui ont des blessures multiples, qui vont de petites coupures jusqu'à des blessures plus graves, mais relativement peu de blessés graves, quand on voit l'état des dégâts, on est assez surpris, et aujourd'hui, nous pensons qu'il y a une douzaine de morts et quelques disparus, les chiffres ne sont pas encore totalement définitifs…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas définitif…
AGNES BUZYN
Mais quelque part, la priorité des premières heures, et je voudrais revenir sur cette polémique, la priorité des 24 premières heures a été de dégager les gens, parce qu'on pensait que des gens pouvaient être sous des décombres, et de soigner les blessés, et de prendre en charge les personnes malades. Donc je pense que ceci a été fait, il n'y a eu aucun décès après l'accident de personnes qui ont été blessées…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui auraient effectivement négligées par faute de moyens…
AGNES BUZYN
Absolument, les moyens ont été mis en oeuvre pour aller voir tous les bâtiments, et éventuellement, dégager des gens qui auraient pu être sous les décombres…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites le contraire ce matin, vous dites : il y a eu dix morts, c'est un bilan qui n'est pas encore définitif côté français, et l'on va être prudent…
AGNES BUZYN
Très prudent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous dites, une douzaine ou une dizaine d'ailleurs, vous dites… ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, nous sommes à onze ou douze décès, je préfère être prudente parce que…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas définitif et c'est onze ou douze, vous nous dites ce matin, et vous dites que s'il n'y avait pas eu ces pré-positionnements, ça aurait pu être plus grave, et tout le monde a été soigné à temps pour éviter un bilan plus grave.
AGNES BUZYN
Oui, oui, je trouve qu'on refait l'histoire, je pense que la priorité après un événement comme ça, et c'est ce qui a été fait, c'est de vérifier tous les bâtis détruits, d'aller dégager des personnes qui sont éventuellement blessées, de les amener à l'hôpital et de les soigner. Et ça a été fait.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous choque cette polémique ?
AGNES BUZYN
C'est ce que j'appelle de la politique politicienne, et je tiens à ce qu'on revienne sur la chronologie des événements, d'abord, beaucoup de choses ont été pré-positionnées, y compris en Guadeloupe et en Martinique pour que les forces soient prêtes à intervenir et ne soient pas toutes exposées d'emblée à l'événement. Et donc il y avait 1.000 personnes qui ont été projetées sur la zone en moins de 48h, donc je pense que les choses ont été faites dans l'ordre.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, vous parlez effectivement de la sécurité sanitaire, il y a la sécurité tout court, vous avez entendu parler des pillages, là, en termes de sécurité, la population s'estime totalement livrée à elle-même.
AGNES BUZYN
Absolument. Je rappelle quand même qu'il a fallu 24h pour mettre en état l'aéroport, qui était partiellement détruit aussi, et que c'est le temps qu'il a fallu pour que l'aéroport soit fonctionnel, et qu'il permette en fait d'envoyer des forces…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, le contraste avec les forces de l'ordre du côté néerlandais, c'est vrai, frappe beaucoup aujourd'hui, mais…
AGNES BUZYN
Il y a aujourd'hui plus de 1.000 personnes, il y en aura 2.000 dès aujourd'hui… enfin, pardon, hier déjà, il y avait plus de 1.000 personnes, aujourd'hui, il y aura 2.000 personnes, il y a encore des forces de l'ordre qui vont être envoyées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, ça, c'est Gérard COLLOMB qui répond à cet aspect. En ce qui concerne, encore une fois, la partie médicale, il y avait une pénurie de médicaments, huit pharmacies sur onze ont été détruites, les autres ont précisément été pillées, peut-être par des personnes qui avaient besoin de médicaments d'ailleurs en urgence. Qu'en est-il maintenant ?
AGNES BUZYN
Alors, les stocks ont été complètement reconstitués, d'abord, le grossiste...
ELIZABETH MARTICHOUX
Complètement ? Il n'y a plus aucun problème de médicaments sur place ?
AGNES BUZYN
Il n'y a plus aucun problème de médicaments pour les médicaments vitaux, évidemment, les stocks…
ELIZABETH MARTICHOUX
L'insuline, etc., pour les diabétiques…
AGNES BUZYN
L'insuline, les vaccins éventuels ou le sérum antitétanique, les antihypertenseurs, enfin, tout a été reconstitué. D'abord, le grossiste a retrouvé une partie de son stock, l'hôpital a été livré de médicaments de la Guadeloupe et de la Martinique hier. Et donc il n'y a plus de problèmes de médicaments, je vous l'ai dit, l'hôpital est opérationnel aujourd'hui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Les habitants peuvent aller à l'hôpital aujourd'hui se faire soigner, il y a suffisamment de personnels ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, il y a environ 80 personnels soignants qui ont fait des rotations sur l'île, parce que certains ont accompagné des blessés dans les transports, donc il y a des allées et des venues, 80 personnes, chirurgiens, anesthésistes, urgentistes, coordinateurs, infirmiers, il y a aussi une cellule d'aide médico-psychologique qui a été envoyée dès jeudi, sur place, il y a une cellule d'aide médio psychologique également en Guadeloupe pour accueillir les…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est important, on entend le traumatisme à l'antenne des personnes qui ont vécu ce choc.
AGNES BUZYN
Absolument, c'est pour ça que, il y a des renforts partout aussi aujourd'hui de Paris, pour aider à la prise en charge psychologique des personnes qui ont été extrêmement traumatisées par l'événement. Mais il y a déjà une équipe sur place, à Saint-Martin, une équipe à Saint-Barth, et une équipe en Guadeloupe.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous craignez les épidémies, le manque d'eau potable, le dénuement, l'eau stagnante, tout ça, tout ça favorise l'apparition de maladies ?
AGNES BUZYN
Alors, d'abord, l'eau stagnante est une eau salée, et donc qui détruit un certain nombre de larves, alors, c'est assez technique, mais donc, nous ne craignons pas la pullulation de moustiques tout de suite. Aujourd'hui, toutes les personnes qui se présentent à l'hôpital n'ont pas de symptômes de diarrhées ou de fièvres qui feraient craindre une épidémie. L'eau potable a été livrée en grande quantité, elle est maintenant auprès de la population partout, parce que, effectivement, à un moment, elle a pu être stockée, mais la population ne savait pas exactement où venir la chercher, donc il n'y a plus de problème d'eau…
ELIZABETH MARTICHOUX
D'eau potable, tout le monde peut avoir accès à de l'eau potable ?
AGNES BUZYN
D'eau potable. Il y a eu 145.000 bouteilles livrées dès jeudi, de nouveau 145.000 bouteilles hier et aujourd'hui, donc je pense que l'eau potable est en quantité suffisante.
ELIZABETH MARTICHOUX
L'eau potable, et vous nous dites ce matin : vous ne craignez pas les épidémies ?
AGNES BUZYN
Non, pas aujourd'hui…
ELIZABETH MARTICHOUX
Après ce type de catastrophe, c'est vrai que…
AGNES BUZYN
Si, on les craint après ce type de catastrophe…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, vous les craignez, mais vous pensez que ça peut être évité ?
AGNES BUZY
D'abord, nous avons envoyé deux épidémiologistes, c'est-à-dire deux médecins de santé publique spécialistes des épidémies, jeudi sur site, pour vérifier des pullulations de microbes, voir l'état de l'eau, etc. Donc aujourd'hui, il n'y a pas de risque épidémique à Saint-Martin.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un petit mot, Agnès BUZYN, avant de se quitter, sur le Levothyrox, une polémique est née en métropole, un médicament qui soigne l'hypothyroïdie, prescrit à trois millions de patients en France, deux questions, d'abord, combien de patients sont concernés par les effets secondaires, d'autre part, qu'est-ce que vous répondez par exemple à Anny DUPEREY qui vous accuse d'indifférence coupable par rapport à tous ceux qui souffrent, est-ce que ce n'est pas votre rôle de ministre de les prendre en charge, plutôt que de dire, comme vous l'avez fait, pas question de revenir en arrière ?
AGNES BUZYN
Alors, d'abord, j'ai reçu les associations, et j'ai reçu Anny DUPEREY vendredi, malgré la crise, donc j'ai trouvé le temps de voir toutes les associations. Nous sommes tombés d'accord sur le fait que les effets secondaires ne concernaient évidemment pas les trois millions de personnes traitées…
ELIZABETH MARTICHOUX
Combien ? Est-ce qu'on a une idée ?
AGNES BUZYN
Eh bien, nous ne savons pas le dire aujourd'hui, si on suit la pétition, ça devrait être 200.000 personnes, mais si on regarde les enquêtes de pharmacovigilance, et ce qui nous remonte du terrain, nous sommes à 9.000 signalements sur les trois millions de personnes. Donc il y a certainement des personnes qui ont des effets secondaires, qui sont liés à un changement de formulation, il n'y a pas de fraude, il n'y a pas de complot, il n'y a pas d'erreur, il y a eu un problème d'information des malades, l'information n'est pas descendue, et donc les patients se sont retrouvés surpris d'une formulation qui avait changé et qui, pour certains, donnait certains effets secondaires. Beaucoup de ces effets secondaires sont liés à des difficultés à re-doser correctement le Levothyrox, mais ils s'estompent quand on arrive à bien doser le traitement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Agnès BUZYN d'avoir été avec nous ce matin sur RTL.
YVES CALVI
Agnès BUZYN qui annonce la réouverture de l'hôpital de Saint-Martin avec des blocs opératoires qui fonctionnent, notamment pour les accouchements. La priorité des 24 premières heures a été de s'occuper des blessés pour éviter un événement plus grave, nous dit la ministre. Beaucoup d'équipes ont été pré-positionnées en termes de santé, répond Agnès BUZYN, en réponse, elle-même, aux polémiques, qu'elle qualifie de politiciennes lors de ces derniers jours. Et on notera enfin que l'eau potable et les médicaments sont accessibles sur l'île. Merci à toutes les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2017