Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour.
PATRICK COHEN
Vous avez beaucoup de dossiers qui touchent à la vie quotidienne des Français : tabac, minimum vieillesse, vaccine, Levothyrox... je voudrais d'abord vous entendre sur deux débats de société, le premier c'est la fin de vie, l'euthanasie, le geste d'Anne BERT ... cette femme atteinte de la maladie de Charcot qui a choisi d'aller abréger ses souffrances en Belgique-est-ce que la loi française qui interdit aujourd'hui l'euthanasie et le suicide assisté pourrait évoluer d'ici la fin du quinquennat ?
AGNÈS BUZYN
Aujourd'hui ce n'est pas du tout dans l'esprit du gouvernement que d'ouvrir ce débat puisqu'une loi récente, qui s'appelle la loi Clayes-Leonetti, qui a été votée en janvier 2016, permet déjà aux personnes qui le souhaitent de faire part de leurs directives anticipées sur un site Internet où elles font part de leur désir d'abréger les souffrances et cela permet au médecin d'offrir une sédation profonde et prolongée pour les personnes en toute fin de vie...
PATRICK COHEN
Ca n'offre pas une solution à des personnes comme Anne BERT ?
AGNÈS BUZYN
Anne BERT décide en fait d'abréger sa vie plutôt que la période à laquelle elle va être réellement extrêmement de sa mort et donc c'est un choix personnel, ça correspond à assez peu de demandes en réalité, la plupart des demandes de fin de vie pour abréger les souffrances des gens correspondent à des patients atteints de cancer en phase terminale et la loi Clayes-Leonetti permet déjà à ces personnes-là d'être accompagnées.
PATRICK COHEN
On l'a entendu à 7 h 30, il y a tous les jours des Français qui viennent en Belgique pour demander à mourir, on a l'impression... Anne dit qu'elle a l'impression d'être abandonnée et on a l'impression que la France se déleste sur d'autres pays pour régler ce type de situation ?
AGNÈS BUZYN
Moi je souhaite qu'on fasse déjà un état des lieux des demandes et notamment aussi un état des lieux de à quel point la loi Clayes-Leonetti est appliquée ou pas dans notre pays, parce que peut-être que c'est cela le problème, c'est que la loi n'est pas suffisamment connue, pas suffisamment appliquée, donc je souhaite faire déjà un état des lieux d'une loi récente qui permet aux gens d'être très bien accompagnés et de donner leur avis préalablement à la maladie ou préalablement à la période de fin de vie.
PATRICK COHEN
En octobre 2015 vous étiez à la tête de l'Institut du cancer, Agnès BUZYN, vous vous étiez prononcée à titre personnel en faveur de l'espace de liberté belge ?
AGNÈS BUZYN
Je n'ai pas le souvenir de cette phrase-là !
PATRICK COHEN
C'est une citation qui a été imprimée dans Le Monde.
AGNÈS BUZYN
Non, c'était avant la loi Clayes-Leonetti, et en fait j'étais en faveur de la sédation profonde et prolongée pour les personnes en fin de vie...
PATRICK COHEN
L'espace de liberté belge ça fait référence à la loi telle qu'elle existe en Belgique ?
AGNÈS BUZYN
Non. Sincèrement je pense savoir exactement de quoi je parlais à cette période-là, je pensais que nous n'avions pas suffisamment encadré la volonté des personnes et la volonté des médecins de pouvoir abréger des souffrances et, donc, j'étais à l'Institut du cancer effectivement, je m'occupais de patients atteints de cancer en phase terminale et je trouvais qu'il fallait une loi, entre temps la loi Clayes-Leonetti est venue réglementer autour de cette problématique de fin de vie et je pense qu'il faut maintenant en faire un bilan.
PATRICK COHEN
En tant que médecin, Agnès BUZYN, vous n'avez jamais été confrontée à une demande de patient pour abréger ses souffrances ?
AGNÈS BUZYN
Si, en toute fin de vie, c'est à dire vraiment des personnes qui étaient en très grande souffrance physique. Je n'ai jamais eu en fait la demande de madame BERT et je m'en suis ouvert auprès d'elle lors de notre conversation parce que ce sont plutôt des patients qui souffrent de maladies dégénératives qui n'étaient pas ma spécialité. En l'occurrence je pense qu'il est très important qu'on ait un état des lieux des besoins, des demandes et de comment la loi actuelle est appliquée depuis un an.
PATRICK COHEN
Et encore un mot, Anne BERT vous a répondu : « soit Agnès BUZYN, soit la ministre est de très mauvaise foi, soit je ne sais pas dans quel monde elle vit ».
AGNÈS BUZYN
Je pense simplement être honnête par rapport à ma pratique médicale qui était d'accompagner des patients atteints de cancer.
PATRICK COHEN
Deuxième débat de société, Agnès BUZYN, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, engagement de campagne d'Emmanuel MACRON, ce sera pour quand ?
AGNES BUZYN
Je souhaite que l'on respecte un calendrier qui est prévu par la loi qui est l'ouverture des Etats généraux de la bioéthique, ces Etats généraux sont animés par le Conseil national d'éthique, ils auront lieu dans l'année 2018 et permettront à tous les citoyens de faire part de leur avis sur les questions d'éthique en général et sur la question de la PMA en particulier. A l'issue de cela, le président de la République l'a réaffirmé, il souhaite proposer à toutes les femmes célibataires ou femmes vivant en couple homosexuel d'avoir accès à la PMA et il y aura donc un projet de loi déposé par le gouvernement, mais simplement à l'issue de ces débats et après que tout le monde ait pu s'exprimer.
PATRICK COHEN
La question posée par plusieurs associations : êtes-vous sûre que c'est une question bioéthique ? En écoutant Emmanuel MACRON pendant sa campagne on comprenait que c'était à ses yeux une question de justice, d'égalité des droits, je le cite, février 2017 : « le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable » disait-il.
AGNES BUZYN
En tout cas tout ce qui encadre les questions de procréation médicalement assistée sont débattues dans les lois bioéthiques, tout ce qui concerne les embryons, tout ce qui concerne la fin de vie, ce sont dans les lois bioéthiques que ces sujets-là sont discutés.
PATRICK COHEN
Donc discussion l'an prochain pour un éventuel projet de loi en 2019, si je vous suis bien ?
AGNES BUZYN
Oui, il n'y a pas de calendrier pour l'instant.
PATRICK COHEN
Le budget 2018, votre budget Agnès BUZYN, il y aura bien une hausse du minimum vieillesse, 433.000 bénéficiaires, quelle hausse l'an prochain ?
AGNES BUZYN
Il est important de revaloriser le minimum vieillesse, nous avons maintenant des retraités qui vivent avec de toutes petites retraites et qui sont vraiment en très grande difficulté...
PATRICK COHEN
A l'heure actuelle c'est 800 euros par mois pour une personne seule.
AGNÈS BUZYN
803 euros, le président de la République s'était engagé pour une revalorisation d'une centaine d'euros sur l'ensemble du quinquennat. J'annonce dès à présent la revalorisation du minimum vieillesse dès le mois d'avril 2018 de 30 euros, puis il y aura 35 euros en 2019 et 35 en 2020, donc cette hausse débutera dès le budget 2018.
PATRICK COHEN
Est-ce que ça vaut aussi pour le minimum alloué à un couple qui est aujourd'hui de 1.246 euros ?
AGNÈS BUZYN
Absolument ! Donc l'augmentation sera réelle aussi pour les couples, aujourd'hui les couples touchent autour de 1.240 euros, ils auront à la fin du quinquennat et avec l'augmentation prévue plus de 155 euros de revalorisation.
PATRICK COHEN
Le prix du tabac, Agnès BUZYN, on va vers un paquet à 10 euros, à quel rythme ?
AGNÈS BUZYN
Les arbitrages ont été rendus, nous allons dès la fin de l'année harmoniser le prix du paquet du tabac et notamment les plus faibles donc en augmentant en moyenne de 35 centimes d'euro d'ici la fin de l'année pour aboutir à des paquets à 7,10 euros à la fin de l'année, puis il y aura une hausse de 1 euro en mars prochain et puis il y aura ensuite des hausses de 50 centimes d'euro en avril et en novembre 2019 et de 50 centimes d'euro en avril 2020 et 40 centimes en novembre 2020. Ce qui veut dire que...
PATRICK COHEN
Donc, une hausse très étalée et non pas brutale
AGNÈS BUZYN
En trois ans, ce qui était mon souhait, une hausse brutale de 1 euro l'année prochaine, 35 centimes d'ici la fin de l'année, c'est une hausse brutale et ça permet aux gens de se préparer et de trouver les moyens d'arrêter de fumer, c'est un calendrier qui permet à chacun de se mettre dans la perspective de l'arrêt.
PATRICK COHEN
La crise du Levothyrox, ce médicament contre l'hypothyroïdie utilisé par trois millions de personnes en France et dont la nouvelle formule provoque des effets secondaires chez au moins 9.000 patients, la justice est saisie, des plaintes sont déposées. Quelle leçon tirez-vous de cette crise, Agnès BUZYN, d'abord la nécessité d'une meilleure information des patients ?
AGNES BUZYN
Oui. C'est une histoire très ancienne, puisque la demande de l'Agence du médicament de transformer la formule date d'il y a plus d'un an, le laboratoire MERCK a donc changé sa formule à la demande des autorités sanitaires et a mis en vente cette nouvelle formule en début d'année et, donc, j'ai vu arriver effectivement un certain nombre de remontées de terrain d'effets secondaires qui ont été interprétés par le corps médical essentiellement comme des effets secondaires liés à des déséquilibres hormonaux, mais je pense que les gens n'avaient pas été prévenus, donc avec une forte angoisse ils découvraient qu'on avait changé leur produit, qu'ils devaient rééquilibrer leur traitement...
PATRICK COHEN
Oui, ce n'était pas indiqué par le laboratoire sur l'emballage.
AGNÈS BUZYN
Ce n'était pas indiqué, ça n'a pas suffisamment prévenu, accompagné, donc il y a eu vraiment un défaut d'information des malades -et moi je comprends leur désarroi quand ils se sont retrouvés avec des effets secondaires multiples- et donc je lance une mission sur l'information des malades, dans les semaines qui viennent j'annoncerai exactement la composition de cette mission, parce que, à l'heure des réseaux sociaux, à l'heure où les gens ont besoin d'être acteurs de leur santé, où ils veulent être impliqués fans les choix. Je pense que ça ne peut pas être uniquement une information descendante, très institutionnelle, elle n'a pas fonctionné, les médecins et les pharmaciens n'ont pas été forcément aussi très informés, n'ont pas été les bons relais et, donc, il y a eu une forme de... on a nié le ressenti des malades, et c'est ça qui crée aujourd'hui cette colère que l'on ressent chez les patients parce qu'on a minimisé leur désarroi.
PATRICK COHEN
L'ancienne formule du médicament sera bien disponible d'ici la fin du mois, comme vous l'avez annoncé ?
AGNÈS BUZYN
Absolument. Donc j'ai reçu des associations de malades, je me suis engagée pour diversifier l'offre -puisqu'une des raisons pour laquelle ça se passait mal c'est qu'il n'y avait qu'un médicament accessible, un monopole -et donc je me suis engagée pour diversifier l'offre le plus rapidement possible, ce sera dans le courant du mois d'octobre, mais surtout de faire en sorte que l'ancien médicament redevienne accessible sur le marché français- c'est assez compliqué techniquement-mais je me suis engagée pour qu'il soit dans les pharmacies avant la fin du mois de septembre.
PATRICK COHEN
Dernière info qui touche nos vies quotidiennes, les 11 vaccins obligatoires, vous confirmez la date du 1er janvier ? Ca va se faire, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Ca va se faire ! Et je voudrais rassurer les gens, les 11 vaccins ce sont ceux du calendrier vaccinal des enfants aujourd'hui, ce sont ceux que reçoivent déjà les enfants qui souhaitent être vaccinés - c'est-à-dire 80 % des enfants Français - donc ce que je rends obligatoire c'est un calendrier vaccinal qui existe déjà et qui est déjà réalisé par 80 % des enfants Français.
PATRICK COHEN
Merci Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé, d'être venue ce matin au micro d'Europe 1.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2017