Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à BFM/TV le 26 septembre 2017, sur les priorités du budget 2018 de la santé et de la sécurité sociale.

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Média : BFM TV

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée ce matin est Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé. Bonjour.
AGNES BUZYN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant de parler du Levothyrox, avant de parler des vaccins, du tabac et autres sujets, je voudrais que nous parlions de votre budget pour 2018. Augmentation de 11 %, notamment en raison de la prime d'activité qui augmentera à partir d'octobre 2018, c'est bien cela ?
AGNES BUZYN
Oui. On commence l'augmentation en octobre 2018. 20 euros supplémentaires pour les personnes qui sont autour du smic avec une augmentation progressive dans les prochaines années pour aboutir à 80 euros, tel que le président de la République l'avait annoncé dans sa campagne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
+ 50 % en cinq ans avait dit le président de la République. On est bien d'accord ?
AGNES BUZYN
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
4,4 millions foyers concernés par cette prime d'activité. Le budget, votre budget, vous allez annoncer jeudi des efforts en direction des familles les plus modestes.
AGNES BUZYN
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquels ?
AGNES BUZYN
C'est quelque chose qui est très important pour moi, c'est la pauvreté des enfants. Aujourd'hui, il y a trois millions d'enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Beaucoup d'entre eux vivent dans des familles monoparentales. J'ai donc souhaité mieux aider les familles monoparentales, notamment pour l'accès en crèche car elles ont des difficultés à financer l'accueil des jeunes enfants soit en crèche, soit chez les assistantes maternelles, ce qui ne leur permet pas d'accéder à l'emploi. Il y aura des mesures pour l'accès à la garde d'enfant, une augmentation de 30 % de l'allocation qui est donnée à ces familles pour accéder à un mode de garde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc augmentation de 30 % de l'allocation versée aux familles monoparentales pour frais de garde. C'est cela ?
AGNES BUZYN
Absolument. Ce sera une augmentation de pratiquement plus de 130 euros pour certaines familles pour aller jusqu'à 600 euros, un global de 600 euros d'aide donnée à ces familles monoparentales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
600 euros par an.
AGNES BUZYN
Non, 600 euros par mois. Donc plus 138 euros par mois pour accéder à une garde d'enfant pour ces familles en grande difficulté. Ça n'est pas la seule, c'est l'une des mesures.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y. Qu'est-ce qu'il y a d'autre ?
AGNES BUZYN
Il y a également des mesures autour du complément familial majoré, autour de l'allocation de soutien familial qui va être revalorisée au-dessus de l'inflation, plus de 50 % de revalorisation au-dessus de l'inflation. Et puis, nous allons également dégeler un certain nombre, de prime de naissance notamment, dont l'évolution ne suivait pas l'inflation et nous dégelons. C'est-à-dire que nous faisons en sorte que la prime de naissance et d'adoption suive maintenant l'inflation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La prime de naissance sera adossée à l'inflation.
AGNES BUZYN
Absolument, ce qui n'était plus le cas depuis plusieurs années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Action qui reprend d'ailleurs.
AGNES BUZYN
Absolument. Donc trois mesures en faveur des familles les plus pauvres de façon notamment à aider les familles monoparentales et à aider les femmes à retrouver un emploi en faisant garder leurs enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, première annonce. Agnès BUZYN, parlons de votre budget et celui de la Sécurité sociale. Vous allez être obligée de faire des économies.
AGNES BUZYN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un peu plus de 4 milliards d'euros d'économies. Comment ? Baisse de prix des médicaments, c'est du grand classique ; promotion des génériques, c'est du grand classique ; poursuite de l'ambulatoire ; lutte contre la fraude. Est-il vrai que vous allez augmenter le forfait hospitalier ?
AGNES BUZYN
Les annonces seront faites jeudi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais ça ! Mais non, mais est-il vrai que vous allez augmenter le forfait hospitalier ?
AGNES BUZYN
Il y aura une augmentation du forfait hospitalier simplement pour rattraper l'inflation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De 18 à 20 euros.
AGNES BUZYN
Simplement pour rattraper l'inflation puisque le forfait hospitalier n'a pas augmenté depuis 2010. Par contre, vous dites que c'est classique de réduire le coût des médicaments.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est classique pour faire des économies.
AGNES BUZYN
Oui, mais on arrive à un moment où les négociations deviennent difficiles. Demander aujourd'hui à faire plus d'un milliard d'économies sur le prix des médicaments, cela va demander des efforts considérables, non seulement aux industriels – mais tant mieux – mais également aux professionnels pour qu'ils favorisent la prescription de génériques et aussi aux Français qui doivent être raisonnables et qui consomment trop de médicaments.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le forfait hospitalier va passer à 20 euros ?
AGNES BUZYN
Monsieur BOURDIN, les annonces seront faites jeudi au PLFSS.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès BUZYN, je vous pose la question. Répondez-moi non.
AGNES BUZYN
Je vous réponds ni oui, ni non. Les annonces seront faites jeudi, monsieur BOURDIN. Le forfait hospitalier augmente.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le forfait hospitalier va passer à 20 euros. Il va augmenter.
AGNES BUZYN
Il rattrape l'inflation. Depuis 2010, il n'a pas bougé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Donc il va passer à 20 euros, autant le dire. Au 1er janvier ? Au 1er janvier ?
AGNES BUZYN
Il y a une chose importante, monsieur BOURDIN, très importante. Le forfait hospitalier aujourd'hui est payé par les mutuelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord.
AGNES BUZYN
Ce ne sont pas les Français qui le payent. Donc l'effort qui est demandé est demandé aux mutuelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Donc il va passer à 20 euros au 1er janvier. On est bien d'accord, Agnès BUZYN. Autant le dire. Pourquoi ne pas le dire ?
AGNES BUZYN
Je le dirai et je dirai ce que j'ai à dire jeudi, monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, d'accord. Nous verrons jeudi alors qui a raison.
AGNES BUZYN
Je vous réserve d'autres annonces, monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, bon, bon. Est-il vrai que vous allez demander plus de rigueur dans les transports sanitaires ? Des VSL au lieu des ambulances par exemple.
AGNES BUZYN
C'est un chantier que nous ouvrons. Pour l'année 2018, il n'y a pas de mesures spécifiques dans le PLFSS mais il est important qu'on travaille sur le sujet du transport sanitaire qui ne fait que croître aujourd'hui et qui est un budget très important pour la Sécurité sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre sujet pour faire des économies, est-il vrai que vous allez limiter les durées de séjour à la maternité ? Non ? Non ? La maman rentre chez elle avec son bébé 72 heures après l'accouchement ?
AGNES BUZYN
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas vrai. Bon. Est-il vrai que vous allez développer la chirurgie au forfait ?
AGNES BUZYN
Alors, nous allons modifier le mode de tarification des hôpitaux. Ça, c'est vrai. Aujourd'hui, les hôpitaux sont financés à l'activité, ils ont besoin de faire beaucoup d'activité, ce qui favorise en fait parfois de faire des gestes pas forcément utiles. Et donc nous souhaitons favoriser des financements au forfait, au parcours de soin, ce qui veut dire que même si un patient doit être réopéré, ça rentrera dans le budget, dans le tarif global de la prise en charge par exemple pour une prothèse de hanche ou de genou. Donc ce sont des expérimentations, il y aura énormément d'expérimentations de tarification au parcours et au forfait. Ça ne parle pas beaucoup aux Français, ça parle beaucoup aux professionnels de santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, évidemment. Le tiers payant généralisé, obligatoire ou pas ?
AGNES BUZYN
J'attends le rapport, monsieur BOURDIN, mais je reviendrai avec plaisir vous donner les conclusions. Le rapport sera rendu mi-octobre. C'est un rapport que j'ai demandé à l'IGAS pour savoir si c'est faisable ou pas faisable. En fait, c'est la seule question aujourd'hui. Les professionnels disent : « Ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas. Ce n'est pas faisable. » Moi, j'ai un devoir : c'est de favoriser l'accès aux soins aux Français les plus démunis et le tiers-payant avait cet objectif.
Et donc il faut entendre que des patients aujourd'hui ne peuvent pas aller voir leur médecin parce qu'ils ne peuvent pas avancer l'argent, donc il faut le tiers payant et il faut le favoriser. Aujourd'hui, il est obligatoire pour les patients avec maladie chronique, ce qu'on appelle les ALD, les femmes enceintes et tous les patients les plus pauvres qui ont la CMUC notamment. Mais l'idée, c'était encore de le favoriser plus pour les jeunes par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le rendre obligatoire, vous y êtes favorable ?
AGNES BUZYN
Le rendre obligatoire, c'est la loi aujourd'hui. Je ne sais pas si cette obligation pourra être tenue. Si ça n'est pas faisable, il faut être raisonnable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne le ferez pas.
AGNES BUZYN
Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Médicaments à l'unité ?
AGNES BUZYN
C'est une idée qui intéresse tout le monde. Ça paraît être une bonne idée, c'est en fait assez complexe parce que quand vous vendez les médicaments à l'unité, vous perdez en fait la traçabilité de la boîte et donc il y a des risques pour les malades. Il y a une expérimentation en cours, on attend les résultats – cette expérience est en Bretagne – pour savoir si ça fonctionne, quels sont les risques. En tous les cas, il y a lieu de réfléchir autour de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ? Vous y êtes favorable ?
AGNES BUZYN
Je suis favorable à tout ce qui permet de faire des bénéfices pour la Sécurité sociale et éviter la gabegie de médicaments qu'on jette, notamment parce que les boîtes sont trop vieilles, dans les poubelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va parler du Levothyrox, mais tout de suite le minimum vieillesse. Avril 2018, plus 30 euros, c'est bien cela ? Je ne me trompe pas ?
AGNES BUZYN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2019, plus 35 euros.
AGNES BUZYN
Janvier, janvier 2019.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Janvier 2019, plus 35 euros.
AGNES BUZYN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ensuite 2020, il atteindra 900 euros. C'est cela ?
AGNES BUZYN
Voilà. Donc dans un peu plus de deux ans, nous aurons revalorisé le minimum vieillesse de 100 euros. C'était la promesse du président de la République, nous la tenons en deux ans et demi. Donc au 1er janvier 2020, le minimum vieillesse sera à 903 euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
903 euros. Le Levothyrox, Agnès BUZYN, quand sera disponible l'ancienne version de ce médicament soignant les dérèglements de la thyroïde ?
AGNES BUZYN
D'abord rappeler que cette ancienne version, on ne la réserve qu'aux patients qui vraiment n'ont pas pu s'habituer à la nouvelle version et qui ressentent des effets secondaires très, très invalidants. Ceux qui sont bien avec le nouveau médicament, ce nouveau médicament est excellent, il est plus stable. C'est pour ça que l'ANSM avait d'ailleurs demandé une modification de formule. Donc le nouveau médicament, surtout si on est bien avec, il ne faut surtout pas en changer. Pour ceux qui vraiment ne le tolèrent pas, l'ancienne formule sera disponible à partir du 2 octobre dans les pharmacies.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 2 octobre ? La semaine prochaine.
AGNES BUZYN
C'était la promesse que j'avais faite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est lundi prochain.
AGNES BUZYN
Lundi prochain. Il arrive en France vendredi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Combien de temps ? Pendant combien de temps sera-t-il disponible ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, je ne sais pas. Les négociations ont lieu avec l'industriel pour savoir quels sont les stocks. L'objectif surtout, c'est que les patients aient le choix. Pourquoi il y a eu cette crise autour du Levothyrox ? C'est parce que les patients non seulement n'ont pas été prévenus du changement de formule, mais en plus le laboratoire avait un monopole et donc les malades n'ont pas pu changer. Moi je comprends le désarroi quand on n'est pas bien avec un produit de ne pas pouvoir essayer un autre médicament à la place. Donc le monopole ne sera plus le cas à partir de mi-octobre. Mi-octobre, nous avons fait en sorte qu'il y ait différentes offres de médicaments pour les troubles de la thyroïde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura d'autres choix.
AGNES BUZYN
D'autres médicaments qui sont vendus aujourd'hui en Europe et qui seront disponibles sur le marché français à peu près mi-octobre, ce qui permettra aux personnes de trouver la formule qui leur convient.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La formule qui leur convient, bien. Donc mi-octobre, des alternatives à ce médicament.
AGNES BUZYN
Absolument. Diversification de l'offre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Où est fabriqué le Levothyrox nouvelle formule ?
AGNES BUZYN
En Allemagne, je crois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est fabriqué en Chine peut-être, non ? Il n'est pas fabriqué en Chine ?
AGNES BUZYN
Non. La fabrication est totalement européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La nouvelle formule, elle est complètement européenne.
AGNES BUZYN
Elle est totalement européenne et je crois même que l'excipient est fait en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Pourquoi est-ce que l'ANSM a demandé une nouvelle formule à MERCK, au laboratoire MERCK ? Là, j'aimerais savoir.
AGNES BUZYN
En fait, pour tous ceux qui ont des troubles de la thyroïde, ça va leur parler. Souvent il est difficile d'équilibrer les patients avec des médicaments de substitution des hormones thyroïdiennes. Pourquoi ? Parce qu'en fait le médicament n'était pas stable. En gros, quand la boîte était neuve, le médicament était fortement dosé. Et plus la boîte était ancienne, plus la stabilité du médicament était mauvaise, et plus le médicament en fait était sous dosé. Donc les patients, en fonction du moment où ils prenaient le médicament dans la boîte, au début, juste après l'achat, ou très longtemps après l'achat, avaient des doses différentes.
Donc l'ANSM a demandé à l'industriel d'avoir une formule plus stable, de façon à ce que, quand on est en début de boîte ou en fin de boîte, on ait le même dosage. C'est ce qu'a fait l'industriel visiblement, ça date de l'année dernière. Les nouvelles boîtes ont été mises en vente en avril et au fur et à mesure que les patients achetaient ces nouvelles boîtes en mai, juin, juillet, certains ont commencé à ressentir des effets secondaires. Beaucoup de ces effets secondaires sont liés à la difficulté à équilibrer la dose. Donc on a dit aux patients : « Allez voir votre médecin et rééquilibrez votre traitement. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le médecin n'avait pas de réponse souvent. Le pharmacien non plus d'ailleurs n'avait pas de réponse à apporter aux patients.
AGNES BUZYN
Les pharmaciens et les médecins ont été prévenus du changement de formule mais n'ont probablement pas suffisamment écouté le désarroi des malades qui disaient : « J'ai beaucoup d'effets secondaires. » Comme le changement d'excipient est rarement la cause d'effets secondaires, puisque c'est un excipient très banal, je pense qu'il y a eu une sous-évaluation clairement de l'ensemble de la communauté, y compris des médecins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucune notice d'information n'a été donnée aux patients.
AGNES BUZYN
Ça n'est pas le rôle de l'ANSM d'envoyer un courrier aux patients. Légalement, ils n'ont pas le droit de le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le rôle de qui alors ?
AGNES BUZYN
En fait, de personne. Donc j'ai lancé une mission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. a, c'est gênant, oui. De personne : c'est-à-dire que le patient n'est pas informé, personne ne l'informe.
AGNES BUZYN
Alors, vous pouvez le faire par voie de presse mais en fait, légalement, l'Agence du médicament… Attendez, c'est une question de secret médical. Elle n'a pas accès aux adresses des gens pour envoyer un courrier. Donc j'ai lancé une mission sur l'information des malades autour du médicament. Il faut impérativement qu'on trouve des solutions, qu'on puisse parler aux gens directement quand il y a ce genre de changement de formule.
Et donc le docteur Michel KIERZEK (sic) qui est médecin urgentiste, qui est également journaliste, qui fait beaucoup d'information médicale, animera cette mission avec l'ensemble des parties prenantes, des associations de malades, des agences réglementaires bien entendu, des professionnels de santé, des journalistes, parce qu'il faut qu'on trouve une solution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Pour que les malades soient mieux informés.
AGNES BUZYN
Il faut impérativement qu'on trouve une solution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que vous allez mettre en place une commission nationale d'indemnisation ? Parce qu'il y a des centaines et des centaines de victimes qui demandent, qui ont déposé plainte.
AGNES BUZYN
Ils ont déposé plainte. Aujourd'hui, il n'y a pas de demande d'indemnisation qui a été rapporté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous pourriez mettre en place une commission nationale d'indemnisation.
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, j'attends d'abord le rapport de pharmacovigilance. Aujourd'hui, j'attends le rapport de l'ANSM pour savoir quels ont été les cas rapportés, quelle est en fait la dangerosité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Combien d'ailleurs de cas ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, 9 000 cas rapportés à l'ANSM.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est beaucoup plus, je vous le dis tout de suite, beaucoup plus.
AGNES BUZYN
Il paraît qu'il en aura encore qui vont augmenter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vu le nombre de témoignages qu'on a reçus, il y en a beaucoup plus de 9 000. Ça, c'est un chiffre…
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, moi les chiffres que j'ai c'est 9 000 cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est des chiffres administratifs, Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Non, non. Vous savez, il y a des centres de pharmacovigilance régionaux, donc petit à petit ils remontent les cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous verrez, on sera à 50 000 au moins. Vous verrez.
AGNES BUZYN
Mais si c'est 50 000, nous analyserons les 50 000. Aujourd'hui, il a été demandé aux centres de pharmacovigilance de retourner dans les dossiers pour savoir, en fait, quels sont les troubles dont souffrent les gens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très graves. Des troubles pour certains très graves.
AGNES BUZYN
Et ça, c'est très, très intéressant. Il faut qu'on parle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, je voudrais reprendre vos déclarations. Le 6 septembre : « Effets notables mais qui ne mettent pas en danger la vie des patients. » 11 septembre : « 9 000 signalements », donc rien de plus aujourd'hui. « Pas de fraude, pas de complot, pas d'erreur. Les effets secondaires s'estompent. » 14 septembre : « J'ai écouté la souffrance des malades. Il n'y a pas eu d'hospitalisation liée à la prise de ce médicament, aucun effet grave. » Ce qui est faux d'ailleurs. 15 septembre : « L'ancien Levothyrox sera disponible dans quinze jours », donc le 2, on est bien d'accord. Et 20 septembre : « On a nié le ressenti des malades. » Qui a nié ? Vous ?
AGNES BUZYN
Non. Moi, j'ai écouté les malades, je les ai reçus. Quand ils ont demandé un rendez-vous, je les ai reçus au ministère, je leur ai parlé longuement. J'ai reçu madame Anny DUPEREY, on a même continué à converser après notre réunion et j'ai entendu la souffrance des patients. J'ai pris une décision en huit jours. Huit jours. Ce que je dis aujourd'hui, c'est qu'il faut analyser les effets secondaires. Il faut qu'on comprenne lesquels ont été graves ou pas graves. Il faut savoir que dans ces déclarations, beaucoup viennent des malades directement. Et donc ce qu'un malade ressent comme un effet secondaire grave n'est pas forcément grave au sens médical du terme en termes de mise en danger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est grave dans sa vie quotidienne.
AGNES BUZYN
Exactement. C'est grave dans sa vie quotidienne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est dramatique même.
AGNES BUZYN
Et c'est pour ça qu'il faut qu'on se comprenne avec les malades parce que quand les médecins parlent d'un effet secondaire grave, c'est un effet secondaire qui met en jeu la vie des gens. Et donc, il faut qu'on authentifie quels ont été les cas graves médicalement parlant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Commission d'enquête parlementaire.
AGNES BUZYN
Bien sûr, pourquoi pas ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ?
AGNES BUZYN
Toujours. Toujours. Si les gens veulent voir ce qui s'est passé, je pense que c'est important. J'ai d'ailleurs moi-même demandé une enquête au sein de l'ANSM pour comprendre l'enchaînement des choses puisqu'en fait, beaucoup de décisions ont été prises avant mon arrivée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux questions, l'une sur les vaccins et l'autre sur le tabac. La première sur les vaccins. Onze vaccins obligatoires le 1er janvier, on est bien d'accord, pour les enfants nés à partir du 1er janvier ; c'est bien cela ?
AGNES BUZYN
Exactement. Donc l'obligation ne sera pas rétroactive. Les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 devront se vacciner selon le calendrier vaccinal. Je veux rassurer les gens. Les vaccins obligatoires sont ceux du calendrier vaccinal. Aujourd'hui, 8 enfants sur 10 en France fait déjà ces onze vaccins obligatoires. 8 enfants sur 10 sont déjà vaccinés. Donc pour toutes ces familles, ça ne change rien.
Qu'est-ce qu'on cherche à obtenir ? On cherche à obtenir qu'il n'y ait pas d'épidémie et pour ça, il faut augmenter le nombre d'enfants vaccinés jusqu'à 9 enfants sur 10. Ça, ce sont les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé. C'est un enjeu planétaire, les épidémies, ce n'est pas un enjeu français.
Aujourd'hui, nous avons absolument la nécessité d'augmenter ce taux de vaccination parce que dans notre pays reviennent des épidémies qui ont disparu ailleurs dans le monde. Vous vous rendez compte ? En Amérique latine, monsieur BOURDIN, ils ont éradiqué la rougeole. Ils ont éradiqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas chez nous.
AGNES BUZYN
Et nous, nous avons eu 10 enfants qui sont morts de la rougeole ces dernières années. En Amérique latine, grâce à la vaccination, il n'y a plus de rougeole. En France, grâce à la vaccination, il n'y a plus de variole et dans le monde grâce à la vaccination, il n'y a plus de variole. Donc il faut éradiquer les maladies infantiles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura une clause d'exemption ? Si des familles s'opposent absolument à la vaccination ?
AGNES BUZYN
Donc la concertation citoyenne avait évoqué la clause d'exemption, nous l'avons beaucoup testée juridiquement et en fait, elle n'est pas tenable. Donc il n'y aura pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non. Il n'y aura pas de clause d'exemption.
AGNES BUZYN
Juridiquement, elle ne tient pas la route. C'est-à-dire qu'on ne peut pas à la fois obliger et permettre de ne pas tenir une obligation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les familles qui disent non seront sanctionnées ou pas ?
AGNES BUZYN
Alors pas de sanction pour les familles qui disent non. Je refuse les sanctions. L'objectif de cette mesure n'est pas de sanctionner, c'est vraiment de rendre la confiance dans les vaccins puisque quand les vaccins sont obligatoires, les gens sont en confiance. Personne ne doute de la sécurité du DT-polio que tout le monde fait, 98 % des enfants. Et donc simplement, je veux rendre la confiance par l'obligation et il n'y aura pas de sanction évidemment pénale ou une amende pour les personnes qui ne seront pas vaccinées. Par contre, il existe une mesure générale concernant la protection des enfants. Donc ça, c'est la loi : en général, les parents sont censés protéger leurs enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils pourront être poursuivis, les parents ?
AGNES BUZYN
Et donc si un enfant un jour se retourne contre ses parents parce qu'il a un handicap, parce qu'il n'a pas été vacciné, qu'il est amputé par exemple à la suite d'une septicémie à pneumocoques, si cet enfant se retourne contre ses parents, légalement il a le droit de mettre en cause pénalement ses parents. Et là, les parents sont susceptibles d'avoir deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, mais c'est une mesure de protection de l'enfance générale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question sur le tabac avec une réponse courte si vous pouvez, Agnès BUZYN. Est-ce que vous allez mettre en place un système de traçabilité des paquets de cigarettes ?
AGNES BUZYN
On y travaille. On y travaille d'arrache-pied. C'est un problème européen donc il y a déjà des mesures européennes. La France pense que nous n'allons pas assez loin donc nous travaillons avec nos homologues européens. 1 : Pour harmoniser le prix du tabac en Europe pour éviter la fraude, et 2 : pour favoriser la traçabilité pour repérer la fraude. Et puis, le tabac c'est un enjeu de santé publique, ce n'est pas juste un problème de fraude.
Aujourd'hui, il faut que les personnes en France prennent conscience que nous sommes le seul pays au monde où les enfants fument autant, où les femmes fument autant, où nous avons autant de maladies liées au tabac, cardiovasculaires ou cancers, et que les autres pays européens sont à moins de 20 % de fumeurs quand nous sommes à plus de 30 % de fumeurs. Donc cette augmentation massive, elle a pour but de sensibiliser les Français au fait que ça suffit, il faut arrêter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2017