Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec LCP le 17 novembre 2017, sur la question climatique, l'énergie nucléaire en France et sur la désignation de Christophe Castaner comme délégué général de La République en Marche.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral


BRIGITTE BOUCHER
Brune POIRSON, est-ce que c'est une COP pour rien cette COP23 ?
BRUNE POIRSON
Vous savez je crois qu'on peut voir cette COP de deux façons. Soit comme un verre à moitié vide, soit comme un verre à moitié plein. Et je pense qu'en l'occurrence il faut vraiment le voir comme un verre à moitié plein. Juste un élément de contexte qui a d'ailleurs été souligné dans le reportage, les Etats-Unis ont décidé de se retirer de l'Accord de Paris, les Etats-Unis sont un des pays les plus pollueurs, les plus émetteurs de CO2 au monde. Ils auraient pu dans cette trajectoire mortifère emmener beaucoup d'autres Etats avec eux, parce qu'on le sait c'est difficile à la fois de se développer économiquement et en même temps de prendre des mesures de lutte contre le changement climatique.
BRIGITTE BOUCHER
Mais rien que l'absence des Américains, deuxième plus gros pollueurs de la planète, est-ce que ça ne remet pas en cause la COP21 ?
BRUNE POIRSON
Ça ne remet pas en cause la COP21. Moi j'étais sur place, comme je vous le disais, et j'ai vu énormément de parties prenantes américaines mobilisées, présentes. On l'a vu dans le reportage, il y avait une ONG américaine qui s'était mobilisée et donc le reste de la société américaine, l'ensemble des Etats fédérés mais aussi des entreprises étaient mobilisés, étaient présents et ont répondu présents. Et donc on voit que …
BRIGITTE BOUCHER
Ça veut dire qu'on va pouvoir contourner la décision de Donald TRUMP ?
BRUNE POIRSON
Je ne sais pas si on peut parler de contournement, mais en tout cas on peut parler de mobilisation et c'est ça qui compte. Maintenant vous savez on a l'Accord de Paris et il s'agit de le mettre en oeuvre, et c'est ça d'ailleurs, c'était l'objet de la COP23 et c'est à ça que sont concentrés les acteurs américains et même l'ensemble des parties prenantes qui était présent à la COP23.
BRIGITTE BOUCHER
La COP21 elle dit que l'objectif c'est de limiter à 2 degrés le réchauffement climatique, or à Bonn on a dit que là les engagements ne permettaient pas de limiter à moins de 3 degrés. Comment parvenir à cet engagement de la COP21 ?
BRUNE POIRSON
Ce qu'il faut déjà c'est continuer à mobiliser. Moi j'étais sur place à Bonn est j'ai vu une mobilisation vraiment étonnante et vraiment grande des acteurs. Mais au-delà de la mobilisation une volonté véritablement de mettre en oeuvre. J'ai passé du temps par exemple, pour vous donner des exemples, avec le ministre d'Etat, ministre des Forêts du Gabon ou encore avec un commissaire européen, et il y avait un réel souci, non seulement un leadership de la France attendu, mais aussi un réel souci de décliner concrètement l'Accord de Paris dans leur pays et sur leur territoire. J'ai aussi passé du temps avec des entreprises, il ne s'agissait pas là de faire des grandes annonces, j'ai passé du temps avec des entreprises qui étaient réunies et qui travaillaient ensemble pour essayer de trouver des solutions concrètes. Et par exemple là dans le cas précis la discussion portait sur l'hydrogène. J'ai aussi passé du temps avec des ONG qui …
BRIGITTE BOUCHER
Mais est-ce qu'il y a des engagements concrets justement qui ont été pris ? On a bien entendu qu'il fallait que les pays du nord aident davantage les pays du sud, quels sont les engagements concrets qui ont été pris à Bonn ?
BRUNE POIRSON
Mais vous avez entendu le discours du président de la République. Concrètement, quand les Etats-Unis disent qu'ils vont arrêter de financer le GIEC, c'est ce groupe d'experts qui travaille à analyser le changement climatique et ses conséquences-là et qui et utilisé par l'ensemble des pays du monde pour justement informer les politiques publiques, eh bien quand les Etats-Unis décident qu'ils ne financeront plus le GIEC, eh bien Emmanuel MACRON lui s'est prononcé très en faveur…. veut que les pays européens le fassent, on s'est prononcé aussi clairement contre le charbon propre…
BRIGITTE BOUCHER
Mais on est sûr que les financements sont assurés justement pour le GIEC, est-ce qu'il y a suffisamment d'argent aujourd'hui pour assurer le financement de ce groupe d'experts ?
BRUNE POIRSON
Oui je pense vraiment que nous y arriverons. La France se mobilisera, les autres pays européens aussi, nous reconnaissons l'importance fondamentale du GIEC, elle ‘n'est pas remise en question. Les Etats-Unis ont décidé d'arrêter de le financer mais c'est leur décision et elle leur appartient.
BRIGITTE BOUCHER
Vous parlez de l'engagement d'Emmanuel MACRON, c'est vrai qu'il a dit qu'il ne lâcherait rien, notamment sur le climat, mais après la décision qu'il a prise de finalement reporter la part de nucléaire dans la production d'électricité, qui devait passer de 75 à 50 % en 2025, est-ce que vraiment la voix de la France peut porter sur le climat au plan international, alors que sur le plan national il ne prend pas les mêmes engagements ?
BRUNE POIRSON
Emmanuel MACRON agit en parfaite cohérence, en cohérence aussi bien au plan international qu'au plan national. Sur le plan international il était attendu, il s'est rendu à la COP, il a fait des annonces importantes, comme je vous le disais, par exemple en faveur du GIEC, contre le charbon propre, des annonces aussi courageuses, comme par exemple celle que nous allons travailler sur un prix plancher du carbone. Il est aussi très attendu par beaucoup de pays, par aussi des entreprises, on le sait ; moi j'étais dans les couloirs, et même dans les réunions, et j'ai parlé ; et partout Emmanuel MACRON était très attendu. Et sur le plan national, c'est très cohérent. Nous avons déjà commencé à mettre en oeuvre l'Accord de Paris. Je le rappelle, en juillet dernier nous avons lancé un grand plan Climat qui vise la neutralité carbone d'ici 2050, qui est plus ambitieux encore que l'Accord de Paris, nous avons aussi annoncé, et commencé déjà à mettre en oeuvre, toute une série de mesures en faveur des plus modestes. Vous savez que, ici même, à l'Assemblée nationale, un projet de loi a été discuté, projet de loi qui vise à mettre fin à l'exploitation des hydrocarbures d'ici 2040. Et donc, en toute cohérence, aussi bien au niveau international, que national, nous sommes mobilisés pour maintenir cet esprit de l'Accord de Paris, mais aussi, surtout, pour le mettre en oeuvre.
BRIGITTE BOUCHER
Alors, au moment où Emmanuel MACRON, justement, se bat sur la scène internationale pour défendre le climat au niveau national, force est de constater que le discours ne semble pas toujours le même. Il y a quelques jours Nicolas HULOT a dû reporter l'objectif de réduire de 75 à 50 % cette part du nucléaire dans la production d'électricité, le nouvel objectif n'a pas encore été fixé. On fait le point avec François GOULIN, on en parle avec vous juste après.
(…)
BRIGITTE BOUCHER
L'objectif de 50 % de part du nucléaire dans la production d'électricité était-il vraiment inatteignable en 2025 ?
BRUNE POIRSON
C'est un objectif que nous voulons atteindre, nous voulons à terme réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 75 à 50 %, mais nous voulons le faire justement et donc nous en donner les moyens et donc, ça, on sait – et vous l'avez précisé dans le reportage – que d'ici 2025 ce n'est pas réaliste...
BRIGITTE BOUCHER
Même en mettant le paquet sur le renouvelable ?
BRUNE POIRSON
Nous allons et nous mettons déjà le paquet sur le renouvelable, mais ce n'est pas réaliste, ça supposerait... vous savez on a tous besoin d'électricité en continu d'énergie et pour le faire il faut justement que nous en ayons suffisamment d'énergie et d'électricité disponible et fermer... en tout cas d'ici 2025 ça supposerait de fermer des centrales - pardon des réacteurs nucléaires – et pour compenser ça supposerait soit que nous développions des énergies renouvelables mais nous ne pouvons pas le faire parce que nous n'avons pas encore les moyens de stocker cette énergie, soit ça supposerait d'ouvrir une nouvelle centrale thermique et, ça, elle serait fortement émettrice de CO2 et donc nous ne saurions pas en mesure justement de remplir nos engagements de l'Accord de Paris.
BRIGITTE BOUCHER
Quel est votre nouvel objectif ?
BRUNE POIRSON
Notre nouvel objectif, il n'a pas changé, il est de réduire la part du nucléaire de 75 à 50 %...
BRIGITTE BOUCHER
Oui, mais à quelle date ?
BRUNE POIRSON
Je ne peux pas vous donner de date maintenant, parce que ne nous faisons pas comme le gouvernement précédent, nous nous donnons les moyens de remplir les objectifs et donc ça nous allons commencer à travailler sur une programmation pluriannuelle de l'énergie qui va rassembler autour de la table l'ensemble des prenantes – c'est-à-dire des citoyens, des entreprises, des agents de l'Etat - c'est-à-dire tous ceux qui sont concernés de premier chef par la politique énergétique de la France et c'est ensemble que nous allons décider comment atteindre cet objectif-là ,mais nous ne dérogeons pas de cet objectif-là, nous en donnons simplement les moyens, nous ne faisons pas de grandes annonces, de la communication. Finalement vous voyez c'était un peu un trophée, ça sonnait bien, et puis ce trophée il a été posé sur la cheminée et il a pris la poussière, eh bien nous ce n'est pas dans cette logique-là que nous souhaitons travailler.
BRIGITTE BOUCHER
Mais est-ce que Nicolas HULOT est totalement en adéquation avec cette décision ? Il y a Le Point qui nous révèle cette semaine qu'il était fou de rage en apprenant le report de cet objectif : « ça ne peut pas se passer comme ça, ça ne peut plus continuer comme ça » a-t-il dit, est-ce que lui ne pensait pas que cet objectif était possible si on s'en donnait les moyens ?
BRUNE POIRSON
Vous savez moi je suis secrétaire d'Etat auprès de Nicolas HULOT, je travaille donc avec lui de façon étroite, je ne sais pas si on peut parler de quelqu'un qui était fou de rage, on peut surtout parler de quelqu'un qui a des convictions et qui les met en oeuvre, Nicolas HULOT il est dans le faire et donc il veut se donner les moyens de réaliser ces objectifs-là. C'est ce qu'il a commencé à faire, il a annoncé par exemple la tenue d'un new green deal sur lequel nous allons commencer à réfléchir à partir de janvier prochain ; il y a cette PPE, Programmation Pluriannuelle de l'Energie, sur laquelle nous commençons, nous avons déjà mis en oeuvre des politiques publiques qui visent à soutenir les énergies renouvelables et, donc, nous nous donnons les moyens, c'est véritablement dans cet optique-là que Nicolas HULOT travaille.
BRIGITTE BOUCHER
Vous nous confirmez la fermeture de Fessenheim au plus tard en 2019 ?
BRUNE POIRSON
Je vous dis que cela dépendra aussi de l'EPR de Flamanville, mais c'est un engagement de campagne du président Emmanuel MACRON et nous nous y tiendrons.
BRIGITTE BOUCHER
Vous restez avec nous, on va poursuivre l'actualité avec La République En Marche qui désignera demain Christophe CASTANER comme délégué général du parti, un manque de démocratie qui dérange certains, si l'actuel porte-parole du gouvernement est seul candidat quatre listes vont se départager pour le bureau exécutif, hier les prétendants au poste ont débattu sans afficher de divergence sur le fond.
(…)
BRIGITTE BOUCHER
Brune POIRSON, est-ce que vous entendez ces voix qui s'élèvent pour dénoncer un manque de démocratie, comment vous comptez y remédier ?
BRUNE POIRSON
Vous savez moi je passe du temps dans le département dans lequel j'ai été élue, dans le Vaucluse, je passe du temps avec des députés, je suis membre du gouvernement et je vois une chose c'est que Christophe CASTANER fait l'unanimité. Ce n'est pas nécessairement courant d'avoir comme ça dans un mouvement politique quelqu'un qui fasse l'unanimité à ce point-là, mais c'est le cas, Christophe CASTANER rassemble véritablement et en tout cas il a l'adhésion de chacun et, donc, il...
BRIGITTE BOUCHER
Vous ne voulez pas vraiment entendre ce manque de démocratie, il y a quand même quatre listes pour le bureau exécutif ?
BRUNE POIRSON
Il y a plusieurs listes, vous l'avez dit, elles ont débattu et elles vont continuer, il y a un vote demain, moi je trouve ça normal, moi en tout cas je voterai et je suis véritablement derrière Christophe CASTANER.
BRIGITTE BOUCHER
Il y a un vote demain mais qui est prévu à main levée, certains demandent un vote à bulletin secret, est-ce que, vous, vous y êtes opposée ?
BRUNE POIRSON
Moi je ne suis opposée à rien du tout, ce n'est pas à moi de m'occuper de ça, je voterai en tout cas quoi qu'il arrive de mon côté pour la liste de Christophe CASTANER.
BRIGITTE BOUCHER
Merci Brune POIRSON d'avoir été avec nous ce matin, je rappelle que vous êtes secrétaire auprès du ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas HULOT et vous reveniez tout juste de Bonn, merci d'avoir été avec nous ce matin.
BRUNE POIRSON
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2017