Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quelles énergies pour demain ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L'orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l'occurrence le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, disposera d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.
(...)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à vous remercier pour l'occasion que ce débat nous offre d'aborder ce vaste sujet de l'énergie.
M. le sénateur Dantec, vous m'avez interpellé sur les mille aspects de ce débat. Je vais tenter de faire de la pédagogie en expliquant, à l'aune des six mois de l'action gouvernementale, le sens de cette dernière. Je crois savoir que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre d'État auront l'occasion, dans les jours ou semaines qui viennent, de préciser encore un certain nombre de points.
Je sais combien la Haute Assemblée et les élus qui la composent sont sensibles à ce sujet, qui est un sujet stratégique, parfois abordé, malheureusement, de manière un peu caricaturale, là où il conviendrait d'adopter une approche scientifique.
Parler de l'énergie, c'est parler de la France, de sa sécurité, de son indépendance et de sa souveraineté. C'est parler de ses relations internationales, européennes au premier chef nous y reviendrons , mais également mondiales, dans le cadre des négociations climatiques vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur Dantec. Le discours du Président de la République, la semaine dernière, à Bonn, dans le cadre de la COP23, l'a encore illustré.
Parler de l'énergie, c'est parler vous l'avez dit de nos territoires, de leur aménagement et de leur développement, de leur beauté, à travers la question des paysages, du littoral, du patrimoine. Et c'est parler des Français, qui règlent chaque mois leur facture de gaz et d'électricité, et paient, le cas échéant, le carburant pour leur véhicule ou le combustible pour leur chauffage.
La politique conduite par le Gouvernement, et en premier lieu par le ministre d'tat Nicolas Hulot, sous l'autorité du Premier ministre Édouard Philippe, se décline, sous tous ses aspects, selon deux principes simples : la prévisibilité et la sincérité.
La prévisibilité est une condition absolue pour les acteurs du secteur, privés comme publics. C'est le sens de la programmation pluriannuelle de l'énergie, dont nous parlerons beaucoup en 2018 vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement souhaite associer le Sénat de manière très étroite à son élaboration.
La sincérité va de pair avec la prévisibilité ; elle est une des exigences qui président à l'action du Gouvernement. D'aucuns diront que cette sincérité a un coût nous l'avons vu, tout récemment, avec la publication du rapport de RTE, Réseau de transport d'électricité, et les déclarations du ministre d'État sur la date à laquelle nous atteindrons l'objectif de 50 % d'électricité d'origine nucléaire. Ce coût de la sincérité, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est le coût d'un investissement destiné à ce que nous construisions tous ensemble sur des bases solides.
Le débat d'aujourd'hui je vous remercie encore de l'avoir organisé est ainsi l'occasion d'éclairer cette politique dans sa cohérence globale c'est là le plus difficile.
Commençons donc par le commencement, c'est-à-dire par la question des énergies fossiles. Le débat parlementaire sur le projet de loi Hydrocarbures se poursuit. Par-delà les divergences qui s'expriment, l'ambition de la France est claire : nous serons le premier pays au monde s'imposant à lui-même de laisser ses hydrocarbures sous le sol.
Avec la présentation du plan Climat, en juillet dernier, nous avions déjà annoncé notre intention de ne plus produire d'électricité à partir de charbon j'aurai l'occasion d'y revenir. Cet engagement de la France a trouvé un écho sur la scène internationale avec la constitution d'une coalition pour la sortie du charbon, issue de la COP23 et incluant le Canada et le Royaume-Uni.
Enfin, cet engagement se décline concrètement dans l'accélération de la trajectoire carbone, qui paraît peut-être une évidence aujourd'hui, mais ne l'était pas encore il y a seulement quelques semaines ou quelques mois. La taxe carbone passera à 44 euros par tonne de CO2 au 1er janvier 2018, contre 30,5 euros par tonne aujourd'hui.
Ce sujet des énergies fossiles est indissociable de celui des transports, qui en sont les premiers consommateurs et représentent, excusez du peu, 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Pour briser notre dépendance aux hydrocarbures, des solutions alternatives existent. Je pense naturellement au développement des véhicules électriques. Mais je pense aussi au gaz naturel pour véhicules, le GNV, dont nous soutenons le développement un appel à projets inscrit dans le programme d'investissements d'avenir, le PIA, pourrait aboutir, dans les toutes prochaines semaines, à la création d'une centaine de nouvelles stations d'avitaillement et au soutien à l'achat de plus de 2 000 véhicules. Nous discutons en outre actuellement, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, de nouvelles mesures fiscales de soutien au GNV.
Ces sujets sont débattus dans le cadre des Assises de la mobilité, avec pour objectif, évidemment, de soutenir les nouveaux carburants, mais surtout d'imaginer des modèles de mobilité différents : intermodalité ou plateformes de partage en faveur des mobilités du quotidien, autant de solutions qui permettent de diminuer nos consommations de carburant.
Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs : à l'arrière-plan, c'est la question de l'innovation qui se joue. Et nous avons tous à l'esprit diverses perspectives de développement, notamment de l'hydrogène.
De ce point de vue, les transports sont plutôt un exemple. Il ne suffit pas d'inventer de nouvelles sources d'énergie ; il faut aussi en consommer moins.
En matière d'énergie, la sobriété ce mot fait en ce moment son apparition dans le discours public sur l'énergie est et sera la condition et le gage de notre souveraineté. C'est pourquoi le ministre d'État annoncera dans les prochains jours le début des concertations sur un plan majeur de rénovation thermique des bâtiments. Ce plan représentera un effort d'investissement de 9 milliards d'euros, intégré au grand plan d'investissement ; il s'agit d'une somme sanctuarisée, politiquement protégée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le combat pour la maîtrise de notre consommation d'énergie se joue aussi dans l'innovation je le disais à l'instant s'agissant des mobilités.
Les champs ouverts par la révolution numérique sont immenses, qu'il s'agisse des transports nous l'avons dit , de l'autoconsommation, des réseaux intelligents, de l'effacement de pointe dans la gestion des réseaux électriques, avec pour ligne de mire la recherche sur le stockage. On le sait, le stockage de l'électricité est désormais le palier technologique, le noeud à franchir, qui déterminera le mix électrique qui sera le nôtre à l'avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est seulement dans ce cadre global, comprenant réduction de la dépendance aux ressources fossiles, maîtrise de notre consommation d'énergie et progrès technologiques, qu'il faut aborder la question du mix électrique, et donc, en premier lieu, la question du nucléaire. En la matière, un point, me semble-t-il, fera consensus : il s'agit bien sûr de la sécurité et de la sûreté, qui demeurent, dans le modèle français, une priorité partagée et absolue.
Pour le reste, la question posée est celle de la place de l'atome dans notre mix électrique. Cette question se pose à la France comme à tous les pays qui maîtrisent aujourd'hui l'énergie atomique. L'orientation de la loi de transition énergétique est maintenue : nous ciblons toujours 50 % d'énergie nucléaire, mais à un horizon réaliste, sincère, disais-je, que nous définirons dans le cadre de la PPE, la programmation pluriannuelle de l'énergie, en le fixant à 2030, à 2035, en tout cas le plus tôt possible, monsieur le sénateur Dantec.
Pour y parvenir, nous connaissons le chemin : il faut organiser une libération, un développement massif, des énergies renouvelables. Nous y travaillons d'ores et déjà, comme en témoignent les récentes annonces sur la prise en charge à hauteur de 40 % du coût de raccordement des unités de production d'énergie renouvelable par le TURPE, le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, mais également le groupe de travail sur l'éolien, dont j'ai pris la responsabilité dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, ou les Assises de l'économie de la mer, qui se déroulent aujourd'hui même, et au cours desquelles le ministre d'État évoque le sujet de l'éolien en mer le Premier ministre s'est exprimé hier sur le sujet.
Nous y travaillons et continuerons d'y travailler ; nous allons même accélérer.
Monsieur le sénateur, vous y êtes revenu, ce débat sur l'énergie ne serait pas complet s'il n'abordait pas la dimension sociale du sujet.
L'attention du Gouvernement, sur ce point, est constante et claire. Ainsi du plan Climat, qui prévoit la rénovation des « passoires thermiques » des ménages les plus modestes. Ainsi du paquet de solidarité climatique, qui comprend la généralisation du chèque énergie, la prime de conversion des vieux véhicules, élargie et renforcée pour les ménages non imposables, et ce de manière universelle, et l'évolution, prévue en 2019, du CITE, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, en prime versée rapidement, qui facilitera l'investissement des ménages modestes.
Cette attention constante se traduit également par la préoccupation du Gouvernement pour les territoires concernés par la transition écologique, et donc énergétique, et notamment par l'arrêt de la production d'électricité à partir de charbon, qui aura lieu pendant le quinquennat.
À ce titre, nous engagerons, en 2018, la dynamique des contrats de transition écologique dans quinze à vingt territoires démonstrateurs, en nous appuyant sur une nouvelle philosophie, laquelle ne copie pas les méthodes habituelles ces dernières ont certes été couronnées de succès, mais là n'est pas le sujet. Il faut inventer une philosophie nouvelle, partant des besoins des territoires, taillant pour chaque territoire, en quelque sorte, un costume sur mesure, et intégrant le monde du privé, de l'entreprise, au processus de reconversion. Le modèle minier, dans les Hauts-de-France, doit nous conduire à envisager les transitions de demain de manière différente.
Dans chacun de ces territoires, les contrats de transition comporteront un volet territorial et un volet destiné aux entreprises, ainsi qu'un volet social, dont l'objet sera précisément d'accompagner les salariés concernés par la transition écologique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, j'aborde ce débat avec intérêt, avec passion, dirais-je même. Je souhaite que nos échanges permettent, sur les points que vous soulèverez, d'approfondir cette vision dans sa globalité et dans sa cohérence, sachant que le Gouvernement se tiendra évidemment, sur ce sujet, à la disposition du Parlement et du Sénat tout au long de la mandature. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur quelques travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
- Débat interactif -
M. le président. Je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d'y répondre pour une durée équivalente.
Mes chers collègues, j'en appelle à votre sens de la responsabilité : si cette règle n'était pas respectée, et dans la mesure où un autre débat doit avoir lieu dans la foulée, les derniers des intervenants risqueraient de ne pouvoir s'exprimer.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants République et Territoires.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelles énergies pour demain ? Ce débat prospectif nous invite à réfléchir à la France que nous voulons léguer aux générations futures. Nos échanges sont d'une actualité brûlante : la COP23 a de nouveau dressé un constat alarmant sur l'urgence climatique, constat lui-même amplifié par l'appel récent de 15 000 scientifiques dans le journal Le Monde. Nous ne pouvons plus attendre !
Les énergies marines ont un rôle important à jouer dans le mix énergétique futur de la France. Le Premier ministre et le ministre d'État Nicolas Hulot l'ont tous deux rappelé, à Brest, dans le cadre du CIMER, le comité interministériel de la mer, et au Havre, aux Assises de l'économie de la mer, il y a peu.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, attirer votre attention sur le cas particulier de l'énergie marémotrice, ou énergie des marées, qui n'est à mon sens pas assez évoqué.
Utilisée depuis l'Antiquité en Grande-Bretagne, depuis le Moyen-Âge dans la vallée de l'Adour, cette énergie représente un grand potentiel pour notre pays, en particulier dans le Cotentin et au large de la Picardie maritime. Dès 1966, le général de Gaulle avait inauguré en Bretagne l'usine de la Rance, qui constituait une révolution à la fois technique et écologique.
Depuis, rien sur ce sujet !
Début 2018, la société Tidal Lagoon Power inaugurera un projet prototype démonstrateur de lagon marémoteur d'une capacité de 320 mégawatts au large de la baie de Swansea, au Pays de Galles. Ce type de projet, s'il était développé le long des côtes françaises, en particulier de celles qui présentent un fort marnage, permettrait une production électrique équivalente, par lagon, à une demi-centrale nucléaire. En effet, des volumes d'eau très importants, deux fois par jour, tous les jours de l'année, conduisent à un résultat très régulier, très important pour être admis sur le réseau, fonction à la fois de la hauteur de la chute activant la turbine et de la superficie du lagon.
Outre la production énergétique, la conception du lagon a vocation à protéger la côte et ses habitants contre les aléas climatiques ; elle améliore la gestion des crues et favorise les usages économiques locaux tels que la pêche ou l'aquaculture.
Ma question est simple : quel regard le Gouvernement porte-t-il sur l'implantation éventuelle d'un ou plusieurs lagons marémoteurs ? Quelle stratégie industrielle pouvons-nous envisager de développer à l'appui de cette possibilité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bignon, vous avez raison, la France fut pionnière en la matière. L'usine marémotrice de la Rance a bel et bien été inaugurée en 1966.
M. Ladislas Poniatowski. Ah, le général de Gaulle !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. C'est un modèle du genre : 250 mégawatts-heure de puissance ! La question marémotrice et le modèle gallois nous intéressent, dans les limites de nos contraintes naturelles, que nous connaissons et qui sont importantes nous y sommes attachés, et vous-même, dans votre département, y êtes attaché, monsieur le sénateur.
La véritable question est celle du modèle de rentabilité économique. Et le modèle britannique nous intéresse au plus haut point, nous, autorités françaises, s'agissant de notre capacité, dans les mois ou années qui viennent, à créer à notre tour, en la matière, des opportunités, en France métropolitaine, mais également en outre-mer.
Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, de commencer ce débat en rappelant l'importance de ces énergies dans notre mix énergétique de demain.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Agence internationale de l'énergie s'est félicitée du cadre politique ambitieux adopté par la France en faveur du développement des énergies renouvelables, via la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Elle estime toutefois que la France ne s'est pas dotée d'une visibilité à long terme pour ce qui concerne le financement de ces mesures. Cela est particulièrement vrai s'agissant des projets menés par les collectivités territoriales, auxquels a fait allusion mon collègue Ronan Dantec : 500 territoires environ ont été labellisés et se sont engagés, par la signature de contrats et de conventions. Or, sur les 750 millions d'euros d'engagements conclus par l'État, seuls 400 millions d'euros de crédits de paiement ont été inscrits au budget. Il se dit, sans que nous en ayons la confirmation, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement s'apprêterait à décider, dans quelques jours ou quelques semaines, d'allouer à ces projets 75 millions d'euros supplémentaires, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017.
Restera néanmoins un déficit de 275 millions d'euros, qui manqueront à l'appel pour concrétiser les contrats qui ont été signés par ces collectivités.
Au moment même où le Président de la République déclare que le seuil de l'irréversible a été franchi et que les équilibres de la planète sont près de rompre, il est assez incompréhensible que la parole de l'État ne soit pas respectée.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est toute simple : quels seront en définitive les crédits confirmés afin de permettre à ces territoires dits TEPCV de faire face aux contrats signés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je souhaite vous rassurer, comme le ministre l'a déjà fait il y a quelques jours au Sénat lors des réponses à des questions d'actualité au Gouvernement : la parole de l'État sera respectée, même si le gouvernement précédent a été bien imprudent de confondre autorisations d'engagement et crédits de paiement. (M. Roland Courteau s'esclaffe.) Il s'agit donc d'un héritage du passé que le Gouvernement et le Parlement devront régler lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative.
Effectivement, la ministre précédente a demandé à des collectivités locales de signer des conventions avant même que celles-ci n'aient délibéré, avec un écart important entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Voilà pour la pédagogie.
Je vous le confirme, monsieur le sénateur, 75 millions d'euros seront prévus dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, ce qui, au regard des autorisations d'engagement et de ce qui est déjà réalisé point qui semble absent de votre calcul , permettra de passer l'année 2018 sans aucun problème.
Par ailleurs, nous ne tiendrons pas rigueur aux collectivités qui, à l'époque, avaient été invitées par le Gouvernement et par l'État à signer les conventions TEPCV, territoire à énergie positive pour la croissance verte, alors que leur organe délibérant ne l'avait pas fait en général, le conseil communautaire, plus rarement le conseil municipal. Le ministre d'État a donné instruction aux préfets d'exécuter comme telles ces conventions, même si la délibération est intervenue ultérieurement.
La seule chose que le Gouvernement demandera aux territoires concernés, c'est d'avoir commencé à engager le projet avant le 31 décembre 2017, ce qui n'est pas une nouveauté puisque cela figure dans la convention. L'État tiendra donc sa parole, à condition que les collectivités territoriales visées aient engagé le projet avant le 31 décembre, sachant que, sur ce point également, nous avons demandé aux préfets de faire preuve de clémence par rapport à la notion d'engagement. Un acte en régie, un bon de commande peuvent suffire à prouver que le projet est sur le point de démarrer. Bref, chacun a su faire preuve de bienveillance sur cette question et nous en sortons par le haut.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Si les territoires en sont là, c'est qu'ils ont été pris dans une spirale d'accélération dont ils ne sont pas coupables. Ils ont été convoqués dans des délais extrêmement brefs pour signer des conventions, avant même qu'ils aient pu faire voter leur assemblée. Il ne faut donc pas les pénaliser !
De surcroît, le volet concernant les certificats d'économie d'énergie est très important puisqu'il représente des ressources considérables. Si ces crédits ne sont pas respectés, cela fera autant de ressources en moins pour ces territoires, essentiellement ruraux ou périurbains.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Gremillet. Nicolas Hulot a reconnu, ce que M. le secrétaire d'État vient de confirmer à l'instant, que le calendrier initialement prévu de réduction de 50 % de la part du nucléaire dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte n'était pas tenable. Les objectifs étaient-ils trop ambitieux ? La mise en oeuvre d'énergie de substitution a-t-elle été trop timide ? Surtout, nous avons frôlé la rupture en 2017. On sait que la situation sera de nouveau très tendue durant l'hiver 2018 du point de vue de l'approvisionnement.
Où en sommes-nous du mix énergétique ? Quid de la sécurité d'approvisionnement au quotidien ? L'éolien, c'est bien lorsqu'il du vent ; le solaire, c'est bien quand il y a du soleil ! D'où ma question sur le stockage des énergies. J'aimerais vous entendre sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, car nous avons besoin de sécurité en matière d'approvisionnement, à la fois pour nos concitoyens, pour l'économie et pour nos entreprises. Nous avons surtout besoin d'y voir clair sur à la volonté énergétique de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, c'est toute la différence entre se dire qu'il faut perdre du poids et entreprendre réellement un régime, et j'en sais quelque chose (Sourires.)
Les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, M. Poniatowski qui était rapporteur de ce texte ici présent ne me contredira pas, étaient ambitieux. Le problème, c'est que la question véritable, qui est celle du « comment », n'a pas été déclinée.
C'est la tâche qui nous incombera dans les prochains mois avec l'écriture de la programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE. Comme je l'ai souligné à de nombreuses reprises, je souhaite de la prévisibilité pour des raisons industrielles évidentes. On le doit bien aux grands opérateurs. La sécurité d'approvisionnement en matière d'énergie est l'un des points cardinaux de l'élaboration de la PPE.
Vous m'avez paru quelque peu pessimiste en évoquant le risque de rupture que nous avons connu en 2017. Rassurez-vous, nous n'avons pas risqué le black-out ! La sécurité en matière d'approvisionnement énergétique n'a pas été remise en cause, y compris en 2017, une année où nous avons rencontré quelques difficultés par rapport à la régularité d'approvisionnement d'un certain nombre de centrales nucléaires. J'ai fait un point il y a quelques jours, en début de saison hivernale, avec les équipes de RTE, réseau de transport d'électricité. Nous associons de près à notre réflexion l'ensemble des acteurs. C'est un aspect majeur de l'écriture de la PPE.
J'imagine que nous reviendrons sur la question des énergies renouvelables dans le cours du débat. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir accepté d'intégrer le groupe de travail « éolien ». Se posera effectivement la question du stockage, mais nous avons de bonnes nouvelles en ligne de mire, pourvu que l'on s'y mette !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Le coût de l'énergie est un élément stratégique pour la reconquête industrielle de notre pays et la lutte contre la précarité des ménages. Le mix énergétique, le stockage, l'innovation, mais aussi les moyens prévus dans le budget pour 2018 et dans les budgets à venir donneront un signal.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai évoqué le risque de rupture. Si nous voulons que notre pays retrouve un bon niveau d'emploi, il faut développer l'industrie. Or qui dit production industrielle, dit consommation électrique. Voilà pourquoi il faut rassurer ceux qui investissent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dennemont, pour le groupe La République En Marche.
M. Michel Dennemont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France se fixe depuis plusieurs années maintenant des objectifs très ambitieux en matière de développement des énergies renouvelables. Ceux-ci ont été confirmés lors des différentes COP, mais aussi dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015, ainsi que dans le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement récemment discuté au sénat.
Le texte de 2015, voté par la précédente majorité, a introduit un nouvel outil de pilotage de la politique énergétique : les programmations pluriannuelles de l'énergie. Ces PPE concernent l'intégralité du territoire français : la métropole, mais aussi les zones dites non interconnectées, c'est-à-dire qui ne sont pas connectées au réseau électrique métropolitain du fait de leur éloignement ; je pense à la Corse et aux outre-mer.
Les PPE sont le fondement d'une bonne gestion énergétique. Elles fixent et analysent les enjeux sur le sujet. Elles ont comme objectif global l'autonomie énergétique à l'horizon de 2030.
Il y a quelques semaines, l'organisme qui gère le transport d'électricité, RTE, a publié son bilan prévisionnel accompagné de différents scénarios. Ce document va servir de base technique à la révision de la première période des PPE qui arrive à son terme l'année prochaine. Alors que la première période se concentrait sur le volet électrique, la prochaine période semble concerner toutes les consommations énergétiques. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, quelles seront les priorités retenues et quel sera, dans les grandes lignes, le calendrier ?
De plus, j'attire votre attention sur les zones non interconnectées. Du fait de leurs singularités géographiques, les PPE y sont coélaborées avec les autorités locales pour s'assurer qu'elles sont adaptées à ces territoires.
Parmi les caractéristiques de ces derniers, je cite pêle-mêle : les réserves d'énergies fossiles, les coûts de production plus élevés, plus d'ensoleillement, des sources d'énergie intermittentes. Ces atouts et ces faiblesses doivent être l'occasion d'innover en matière énergétique.
Comment comptez-vous tirer parti de ces particularités et décliner les nouvelles PPE à l'égard de ces territoires ? Comment placer, en particulier, la question des transports au centre de cette nouvelle période ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir soulevé cette question qui me permet d'aborder les outre-mer dans le cadre de la transition énergétique.
Depuis ma prise de fonction, j'ai eu l'occasion de me rendre en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, en Guadeloupe, en Martinique ; j'irai prochainement en Nouvelle-Calédonie ; mais je ne me suis pas encore déplacé à La Réunion.
Néanmoins, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les élus régionaux de ce territoire, notamment avec le président du conseil régional, Didier Robert. Votre intervention me permet de faire une annonce : nous devons changer complètement de stratégie en ce qui concerne la déclinaison des PPE dans les territoires d'outre-mer ; je ne parle pas des PPE en tant que telles, qui correspondent à un niveau d'ambition que vous avez rappelé.
L'ambition d'une autonomie énergétique en 2030 fait de nos outre-mer des modèles pour la métropole. Au-delà des objectifs inscrits dans les PPE, le niveau de résultat, d'ambition est excellent. La vraie question est donc : comment faire du sur-mesure pour les territoires d'outre-mer ? J'ai le plaisir de vous annoncer que nous sommes en train de travailler de façon que les prochains appels d'offres en matière d'énergies renouvelables se fassent territoire par territoire.
Ainsi, sur une île aussi importante que celle de la Réunion, nous devons être capables de développer véritablement les ENR le photovoltaïque, par exemple, puisque j'ai cru comprendre qu'un certain nombre de projets pointaient leur nez ici ou là , en garantissant le coût de rachat de l'électricité et en prévoyant une utilisation du foncier intelligente. Sur ce dernier point également, j'ai entendu que quelques projets allaient dans le sens de ce que nous souhaitions.
Les territoires non interconnectés, en clair les territoires en situation d'insularité, notamment l'île de la Réunion, doivent pouvoir bénéficier d'une véritable réponse sur mesure et tirer profit de la compétitivité des énergies renouvelables. Il y a dix ou quinze ans, ces énergies n'étaient pas compétitives sur le plan industriel. Aujourd'hui, au regard du prix du carbone et de l'arrivée massive des énergies renouvelables, ainsi que de l'énergie verte photovoltaïque, éolien, biomasse, etc. , ce n'est plus le cas. Je serai donc ravi, monsieur le sénateur, de vous retrouver à La Réunion pour développer ces énergies.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les enjeux de la transition énergétique sont des enjeux de société qui portent sur l'organisation des systèmes, sur nos façons de vivre, de produire et de consommer, pour faire face à l'urgence du réchauffement climatique.
La question de l'énergie est, certes, essentielle, mais, je suis d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État, la problématique est globale. (M. Roland Courteau opine.) Vous avez évoqué notamment la question des transports.
Par ailleurs, quand on discute des énergies de demain, la première question à se poser est, à notre sens, la suivante : qui y aura accès ?
Aujourd'hui, près de 8 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique en France ; 2 milliards d'êtres humains sur les 7 milliards que compte notre planète 10 milliards en 2050 ! n'ont pas accès à l'électricité. L'énergie de demain doit être avant tout accessible à toutes et à tous.
Nous croyons au développement des énergies renouvelables dans un mix énergétique. Cela demande tout d'abord de continuer à investir non seulement pour la sécurisation des centrales nucléaires, qui fournissement aujourd'hui près de 75 % de notre énergie, mais aussi dans la recherche et le développement pour le traitement des déchets.
Il faut surtout investir massivement dans la recherche, le développement et la formation en matière d'énergies renouvelables de demain : géothermie, hydraulique, etc. Cela ne peut se faire, à notre sens, que dans le cadre d'un investissement public massif et de la création d'un pôle public de l'énergie, seul capable de réaliser les investissements dont nous récolterons les fruits dans vingt ans.
Changer de modèle est coûteux et des investissements publics considérables sont indispensables. L'État, les collectivités locales doivent retrouver des marges de manoeuvre et de la capacité à se projeter dans le temps long.
Or si le budget du ministère est en légère hausse, il s'inscrit toutefois dans une politique d'austérité, de baisse des dotations aux acteurs de cette transition et de renoncement à la lutte contre l'évasion fiscale, qui prive notre pays des moyens indispensables à cette révolution énergétique.
Ma question est simple : pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que les 500 millions d'euros supplémentaires dont bénéficie le budget de l'écologie sont à même de répondre à l'urgence climatique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je partage votre constat, mais j'ai bien peur de ne pas réussir à vous convaincre.
M. Ronan Dantec. Ne partez pas perdant ! (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Votre question aborde plusieurs points. Vous évoquez la solidarité et vous nous faites part de votre volonté de ne pas abandonner les personnes les plus fragiles dans la mise en place de cette transition.
Le paquet « solidarité climatique » proposé par le Gouvernement constitue à mon sens un virage majeur en la matière. Tout d'abord, le chèque énergie, jusque-là expérimenté dans quatre départements, sera étendu à toute la France. Il passera de 150 euros en moyenne en 2018 à 200 euros en 2019. Nous généraliserons également la prime à la casse pour opérer une transition du parc automobile, y compris pour les véhicules d'occasion, ce qui constitue une nouveauté. Cette prime sera portée à 2 000 euros pour les personnes non imposables. Bref, je ne récapitulerai pas l'ensemble des mesures que vous connaissez, monsieur le sénateur, mais le Gouvernement aura besoin du Parlement pour évaluer l'efficacité de ces dispositifs.
Vous avez également évoqué l'investissement public massif. Le Grand Plan d'investissement fait tout de même la part belle à la transition écologique 20 milliards d'euros, dont 9 ou 10 milliards seront consacrés à la seule performance énergétique, toutes cibles « bâtimentaires » confondues, sur l'ensemble du quinquennat.
Pour le coup, cet argent soutiendra la commande publique, y compris la commande publique locale : la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, et la dotation de soutien à l'investissement public local, la DSIL, sont des outils pérennisés et sanctuarisés. Nous devons parvenir à les orienter le plus possible vers des questions écologiques.
Des travaux sont en cours sur la contribution climat-énergie, en lien avec les projets des territoires. C'est le plan climat-air-énergie territorial, le PCAET, aujourd'hui ; mais demain des projets peut-être encore plus ambitieux verront le jour pour aller vers des contrats de transition écologique.
M. Ronan Dantec. Faites déjà le PCAET !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Quant à votre question sur le budget du ministère, je vous donne rendez-vous début décembre pour l'examen du projet de loi de finances, moment où j'aurai l'occasion de vous rassurer !
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie M. Dantec, car il a résumé tous les questionnements qui sont les miens. Son intervention a été très complète ; la mienne sera, hélas !, redondante.
Vous avez commencé à nous répondre, monsieur le secrétaire d'État. Cependant, j'insisterai sur un point qui me tient particulièrement à coeur.
Nous devons bâtir de toute urgence une vraie stratégie, réaliste techniquement, qui nous permette d'aller vers les énergies renouvelables.
Cependant, les récents débats sur l'exploitation des hydrocarbures et les conclusions timides de la COP23 montrent combien les contraintes économiques sont souveraines.
Les politiques que nous sommes, en tant que représentants des territoires, ont aussi le devoir de défendre les bassins d'emploi. Pour des milliers de salariés, transition énergétique est synonyme de reconversion professionnelle. L'emploi est l'une des variables clefs de la transition énergétique que l'on ne doit pas oublier.
Nous ne pourrons avancer que si les stratégies de reconversion sont claires, accompagnées et anticipées par les pouvoirs publics.
Ayant été moi-même élue dix ans à quelques kilomètres de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, je mesure combien un bassin entier peut être lié à une activité dominante.
La décision est prise d'interdire l'exploitation des hydrocarbures selon un calendrier qui se précise. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte entend réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025. La perte de poids dont vous parlez, monsieur le secrétaire d'État, est vertueuse, mais les régimes sont toujours un peu pénibles à mettre en oeuvre, nous le savons tous plus ou moins (Sourires.)
Qu'a-t-on prévu concrètement et rapidement pour accompagner tous les travailleurs concernés par ces mutations ? Vers quelles reconversions les orienter utilement, rapidement et de façon pérenne ? Je me permets d'insister afin que la problématique de l'emploi ne soit pas de nouveau un frein majeur.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous avez raison : une transition en pousse une autre !
Votre question aborde beaucoup de sujets, qui ont des calendriers différents : la fin des hydrocarbures est prévue pour 2040 ; l'industrie automobile et le diesel, c'est plutôt du temps court ; le nucléaire, plutôt du temps moyen ; les centrales à charbon, c'est de nouveau du temps court. Bref, il est compliqué de traiter en deux minutes une question aussi sérieuse et sensible, d'autant que les clefs des différents calendriers ne sont pas toutes identiques.
Néanmoins, nous devons toujours garder de la prévisibilité. J'ai évoqué tout à l'heure les mines : l'État a dû mettre de l'argent sur la table pour traiter les friches minières, des établissements publics ont été créés ; il a fallu aussi prévoir des dispositifs, importants pour le budget de la Nation, pour le traitement social des mineurs et de leur famille, y compris dans le projet de loi de finances que vous allez prochainement examiner, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais personne ne s'est posé la question de l'évolution économique du territoire. Nous n'avons pas su anticiper la suite là où des territoires ont fait leur révolution sur la base de la deuxième révolution industrielle fondée sur l'utilisation des énergies fossiles. Voilà pourquoi, vingt ou trente ans plus tard, des acteurs économiques, comme dans les Hauts-de-France avec Rev3, la troisième révolution industrielle, se servent de la transition écologique et de la transition numérique pour créer de nouveau de l'emploi : 10 000 emplois ont été produits ces dernières années.
Pour autant, dans ces régions, vingt ou trente années se sont écoulées sans qu'il ne se passe rien. Nous devons donc veiller à mieux enchaîner les transitions entre elles, d'autant que bien souvent des savoir-faire le permettent si l'on y consacre de l'argent et des moyens humains en matière de formation professionnelle, par exemple.
C'est tout l'objet des contrats de transition : volet territorial plus classique ; volet entrepreneurial plus innovant ; volet social, y compris en mettant l'accent sur la formation professionnelle, le développement des compétences, l'éducation nationale. Une telle démarche permet une véritable stratégie de filières.
Une fois encore, je ne crois pas que la réponse puisse être uniforme et décidée depuis Paris. Il me paraît préférable de chercher des solutions au cas par cas : une centrale nucléaire n'est pas une usine qui fabrique des voitures !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Roland Courteau. Ma question concerne le stockage de l'électricité. Les énergies issues du vent, du soleil, notamment, ont une caractéristique, celle d'être variables et intermittentes, car elles dépendent des fluctuations de la météo.
Autrement dit, ces énergies intermittentes produisent de l'électricité, mais pas forcément quand on en a besoin. Par ailleurs, elles peuvent saturer les réseaux lorsque des vents forts soufflent en même temps à l'échelle européenne.
Or le fait de pouvoir stocker l'électricité permet de la restituer lorsque le besoin s'en manifeste, par exemple, lors des pointes de consommation. Le stockage permet donc de restituer l'énergie accumulée, en décalé, dans le temps, mais aussi là où se trouvent les besoins, c'est-à-dire dans un endroit différent du lieu où elle est produite.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est-on du stockage de l'électricité ? On nous dit depuis longtemps que les solutions avancent.
C'est très important, car cette nouvelle technologie conditionne un fort développement des énergies renouvelables qui sera rendu nécessaire, d'une part, par les comportements de plus en plus écoresponsables des consommateurs et, d'autre part, par la croissance massive de l'électromobilité dès lors qu'elle aura pris le pas sur l'essence et le diesel.
Quelles sont donc dans ce contexte, les perspectives en matière de stockage ou de technologies nouvelles permettant de répondre aux enjeux actuels que sont, premièrement, une meilleure intégration des énergies renouvelables aux réseaux, lesquels devront répondre plus demain qu'aujourd'hui à une demande massive d'électricité avec le déploiement de l'électromobilité et, deuxièmement, une véritable sécurité d'approvisionnement électrique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Il s'agit d'une question centrale, y compris pour la sincérité du mix énergétique dans le cadre des travaux de la PPE.
Je rappelle, dans un souci de pédagogie collective, que le stockage existe déjà pour ce qui concerne l'hydroélectricité avec les stations de transfert d'énergie par pompage, les STEP.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Il s'agit aujourd'hui de la première source de stockage dans le pays.
Comme je l'ai souligné tout à l'heure dans mon propos liminaire, il faut déverrouiller ce noeud technologique, franchir ce palier pour résoudre le problème que pose le manque de régularité d'approvisionnement en termes d'énergies renouvelables.
Certes, nous avons de la chance puisqu'une innovation en pousse une autre. Nos amis constructeurs automobiles, en particulier, financent aujourd'hui de nombreuses innovations pour promouvoir la mobilité électrique. Je pense à la Renault Zoé notamment, dont le coût de même que celui des batteries ont considérablement diminué. Bref, les innovations arrivent sur le marché, pour un prix au final stable pour les usagers.
Ces innovations technologiques pour la mobilité servent bien évidemment d'inspiration pour les énergies renouvelables, voire plus rarement pour l'autoconsommation. Que font les pouvoirs publics en la matière ?
Michel Dennemont, sénateur de La Réunion, m'a posé une question sur les outre-mer. Ces territoires sont intéressants en matière d'expérimentation. En raison de l'insularité et du fait qu'ils se trouvent dans une zone non interconnectée, le stockage est encore plus précieux pour eux.
Nous continuons, en particulier dans le cadre du dispositif de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, à financer un certain nombre d'innovations autour du stockage, mais davantage en lien avec les industries automobiles.
Je ne veux pas faire d'annonce prématurée, mais le Premier ministre a évoqué lundi dernier, en réunissant le Conseil national de l'industrie, un certain nombre de pistes fondamentales pour les années à venir.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Le stockage de l'électricité est effectivement la première condition du développement des énergies renouvelables. Ce développement est indispensable non seulement pour la réduction des gaz à effet de serre, mais aussi pour la création d'emplois et pour la diminution de notre facture énergétique, qui est de l'ordre de 60 milliards d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Maryse Carrère. Ma question concerne le renouvellement des concessions hydroélectriques, ainsi que les perspectives du Gouvernement dans ce secteur.
Lors de l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, notre pays s'est doté d'objectifs ambitieux en matière de développement des énergies renouvelables : celles-ci doivent représenter 40 % de la production d'électricité en 2030, alors que cette part s'élève actuellement à un peu plus de 20 %.
L'hydroélectricité a un rôle important à jouer, la France étant le deuxième pays européen producteur avec environ 13 % de sa production totale d'électricité d'origine hydraulique. Cette source d'énergie, disponible à tout moment, s'inscrit pleinement dans la politique énergétique de notre pays ; il est primordial que l'État continue de garder la maîtrise sur cette production, qui participe à notre sécurité d'approvisionnement.
Or la France fait aujourd'hui l'objet de démarches contentieuses concernant sa gestion du renouvellement des concessions hydroélectriques qu'elle a gelé depuis 2011, dont une mise en demeure par la Commission européenne en octobre 2015.
Le régime des délais glissants, qui s'applique à de nombreuses concessions échues, est juridiquement très fragile. Il entrave la création de sociétés d'économie mixte instituées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont l'objet est d'exploiter des contrats de concession sur une vallée, afin de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l'eau, et de maintenir le contrôle public de l'État sur le parc hydroélectrique français comme sur l'ensemble de la production énergétique.
Le retard pris dans le renouvellement des concessions hydroélectriques empêche également le perfectionnement structurel et fonctionnel du secteur, et engendre un manque à gagner considérable pour les collectivités territoriales et pour l'État lui-même, privés de la redevance prévue par l'article L. 523-2 du code de l'énergie.
La Cour des comptes a évalué, dans un référé de 2013, que cette situation impliquera une perte de recettes budgétaires cumulée de 600 millions d'euros d'ici à 2020 ; le département des Hautes-Pyrénées estimait pour sa part en 2015 à plus de 1,125 million d'euros le manque à gagner pour les collectivités territoriales concernées.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement prévoit-il d'engager rapidement le renouvellement des concessions arrivées à échéance, avec un éventuel dédommagement des collectivités lésées ? Enfin, quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour l'avenir et le développement de l'hydroélectricité dans notre pays ?
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Cette question me permet de rappeler à quel point nous avons besoin de l'hydroélectricité, à la fois pour le développement économique des territoires et pour atteindre nos objectifs en matière d'énergies renouvelables.
Le droit français, en conformité avec le droit européen, prévoit que les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées via une mise en concurrence, ce que personne ne refuse. Néanmoins, cela a entraîné quelques contentieux, ce qui me conduira, madame la sénatrice, à vous répondre sans trop me détacher de mes notes pour ne pas ajouter du trouble au trouble.
La transition énergétique a notamment prévu la possibilité pour les collectivités locales d'être associées à la concession dans le cadre d'une société d'économie mixte hydroélectrique et a retenu l'option de regrouper des concessions hydrauliques liées, pour faciliter leur exploitation et favoriser la sûreté.
Le statut des personnels sera préservé dans tous les cas et les cahiers des charges devront prévoir la reprise des personnels par le nouvel exploitant.
Actuellement, de nombreux échanges, commencés sous le précédent gouvernement, ont lieu avec la Commission européenne, afin de parvenir à une mise en oeuvre équilibrée de ces dispositifs. Aucun accord n'a pour l'instant été trouvé. Le Gouvernement compte poursuivre les discussions dans le même état d'esprit, à savoir en prenant en compte l'ensemble des enjeux et l'intérêt public.
L'objectif est d'aboutir rapidement à une sortie du statu quo qui nuit aux investissements dans le secteur, suscite beaucoup d'inquiétude chez les élus locaux, et est source d'incertitude pour les entreprises et pour les salariés.
La France continuera à défendre les regroupements de concessions, indispensables à la cohérence des vallées, les projets de prolongation, transmis à la Commission, ainsi que la possibilité pour EDF de participer au processus de mise en concurrence.
La remise en concurrence est une politique nationale que nous souhaitons mener pour optimiser la gestion de nos barrages et relancer l'investissement, tout en redistribuant des ressources financières vers les territoires. Il ne faut pas oublier que les barrages appartiennent à l'État et que nous devons les valoriser !
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d'État, la pollution de l'air tue prématurément 40 000 personnes chaque année dans notre pays. L'objectif de la France est d'instaurer un taux moyen d'émission de 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru pour les voitures neuves d'ici à 2020.
Or, cette année, le Gouvernement baisse le seuil de 127 à 101 grammes pour les véhicules de société. Afin de le réduire davantage, le Sénat, dans sa séance du 16 novembre, a adopté un dispositif plus ambitieux au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a étendu l'exonération de la taxe sur les véhicules de société pendant une période de 12 trimestres aux véhicules fonctionnant au super-éthanol E 85, à l'instar du gaz naturel ou liquéfié, ce qui permet de répondre aux objectifs de réduction de CO2.
La France a la chance d'avoir des carburants vertueux, qui réduisent notre dépendance énergétique. L'emploi du super-éthanol contribue à réduire les émissions de 65 % à 75 %.
Alors, monsieur le secrétaire d'État, encourageons notre pays dans cette démarche. Pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement, qui avait émis un avis favorable à l'adoption de l'amendement que je viens d'évoquer, tiendra bien ses engagements et introduira des dispositions en conséquence dans le projet de loi de finances pour 2018 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la réponse est oui. Je ne peux pas faire plus efficace que cette réponse sans détour ! Je tiens à vous remercier des travaux que vous menez sur ce sujet, dans le cadre du projet de loi dit Hydrocarbures, sur lequel vous avez déposé un amendement relatif aux biogaz venus d'Amérique du sud. Je n'en dirai pas plus, car je me sens observé par la Commission européenne
La stratégie et l'ambition que vous avez rappelées dans votre question sont bien celles du Gouvernement. Elles participent des réflexions que nous menons actuellement dans le cadre des Assises de la mobilité ; elles permettent d'être en accord avec la trajectoire carbone que nous voulons définir de la façon la plus pragmatique possible.
C'est donc un autre membre du Gouvernement qui vous l'assure, monsieur le sénateur : l'avis qu'il avait émis sur l'amendement que vous avez mentionné reste inchangé.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Merci pour ce oui franc, monsieur le secrétaire d'État ! Encourager et développer cette filière vertueuse, c'est sécuriser notre approvisionnement en matière énergétique et alimentaire. C'est aussi une réponse à la très forte crise agricole et aux défis environnementaux.
Un gouvernement qui s'engagerait sur cette voie gagnerait en crédibilité, en encourageant encore plus largement l'utilisation des carburants vertueux, et en préservant ainsi plus de 30 000 emplois directs.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour La République En Marche.
M. Julien Bargeton. Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux commencer mon propos sans un clin d'oeil au plan Climat adopté à l'unanimité du Conseil de Paris lundi dernier, ce qui prouve que les élus peuvent s'entendre sur l'essentiel.
Mais les Parisiens, contrairement à leurs voisins normands, ne pourront pas faire appel aux éoliennes offshore. Le plan compte beaucoup d'actions, mais pas celle-là ! (Sourires.)
Le Gouvernement, de ce point de vue, a pris la mesure des enjeux, en faisant du développement des énergies renouvelables un axe de sa politique de transition écologique.
Développer les énergies renouvelables, notamment l'éolien, c'est une ambition. Mais c'est aussi un impératif : veiller aux conditions de développement des entreprises à fort potentiel de ce secteur. Or, comme tous les secteurs, l'éolien a besoin de simplification, d'un cadre stable, qui s'impose à son activité. Je ne plaide évidemment pas pour l'abandon pur et simple des règles qui encadrent les énergies renouvelables en général, et l'éolien en particulier. Mais je partage la préoccupation du Gouvernement sur le bon niveau de contraintes pesant sur ce secteur.
De manière générale, au-delà de l'éolien, favoriser les innovations technologiques en matière d'énergies renouvelables requiert un juste équilibre entre l'encadrement normatif et la souplesse pour encourager les initiatives.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez cité dans votre intervention liminaire le groupe de travail dédié à l'éolien ; vous avez également indiqué que le Gouvernement souhaitait que les choses s'accélèrent dans ce domaine.
Ma question est donc triple, de prospective comme de curiosité : quel est le périmètre exact de ce groupe de travail ? Où en sont les réflexions sur l'éolien terrestre ? Si propositions il y a, quelles seront les traductions législatives, réglementaires, budgétaires ou autre ? (M. Michel Dennemont applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Pour la première fois de ma vie, grâce à vous, monsieur le sénateur, j'ai l'occasion de faire un clin d'oeil à Anne Hidalgo. Il y a bien une première fois à tout ! (Sourires.)
Nous avons souhaité mettre en place le groupe de travail sur l'éolien au cours de la Conférence nationale des territoires. Cette question concerne en effet, au premier chef, les maires et les élus locaux de France, dont je crois savoir qu'un certain nombre d'entre eux est présent dans les tribunes du Sénat ; j'en profite pour les saluer.
L'idée est de lever certains obstacles, existant pour de bonnes ou de mauvaises raisons, au développement de l'éolien.
Tout d'abord, il convient de mener une réflexion sur le cadre réglementaire. Simplifier et adapter, ce n'est pas assouplir pour le plaisir. Le débat doit avoir lieu, car, on le voit bien, dans ce domaine, c'est souvent le juge administratif qui tranche les litiges. Or, dans un État qui fonctionne, il me paraîtrait préférable que les élus locaux et les représentants de l'État, notamment le corps préfectoral, gèrent ces questions plutôt que de les laisser entre les mains du juge.
Il convient ensuite, monsieur le sénateur, de traiter des retombées fiscales et du modèle économique de financement des énergies renouvelables. Là aussi, on doit pouvoir être moderne et mener une politique de libérer-protéger. L'intéressement, par exemple, ou la participation peuvent améliorer l'acceptabilité locale des projets.
Il est nécessaire, en outre, de mener une politique de protection des paysages et de la nature. La transition énergétique ne peut se faire à tout prix. Il s'agit plus ici de protéger que de libérer.
La question se pose, enfin, du repowering, c'est-à-dire du renouvellement des parcs existants.
Quant au point spécifique que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, et relatif aux éoliennes offshore, les Normands veulent bien produire pour les Parisiens, même s'ils ont quelques difficultés en ce moment pour le faire. Je préfère néanmoins ne pas m'étendre sur le sujet.
Le groupe de travail en question associe les parlementaires députés et sénateurs les associations d'élus locaux, les représentants de la filière, mais aussi des ONG, le ministère de la culture, le ministère des armées. Bref, il travaille de manière transversale, avec des résultats que nous pourrons sûrement annoncer au début de l'année 2018.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d'État, en France, l'hydroélectricité représente plus de 15 % de la production électrique nationale. C'est de loin la seconde source de production électrique derrière le nucléaire, la première source d'énergie renouvelable, ainsi que la seule source d'électricité renouvelable et stockable, en l'état actuel de la recherche.
Dans le monde, en 2017, la puissance hydroélectrique est légèrement supérieure à 1 000 gigawatts, pour un potentiel estimé par l'Agence internationale de l'énergie à 3 700 gigawatts. C'est donc moins du tiers du potentiel hydraulique mondial qui est utilisé aujourd'hui.
De fait, le développement de l'hydroélectricité dans le monde est en croissance constante pour des raisons objectives. C'est aujourd'hui le mode de production électrique le plus compétitif et le plus durable.
Les barrages de type STEP stations de transfert d'énergie par pompage permettent à la Suisse de subvenir à nos besoins aberrants d'électricité de chauffage, lors des pics de consommation, les soirs de grand froid à dix-neuf heures.
Ces dispositifs, qui seront en 2030, selon l'ADEME, les seuls à permettre de stocker l'électricité de manière rentable, sont la fierté de l'entreprise GE Hydro de Grenoble. Cette entreprise, pourtant rentable, fait aujourd'hui l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoit le licenciement de 345 des 800 salariés, menaçant la survie même du site.
La filière hydroélectrique possède une histoire riche à Grenoble et dans les Alpes. L'entreprise a toujours été en pointe dans ce domaine, et ce depuis de nombreuses décennies. Ce savoir-faire industriel centenaire a notamment contribué à la construction du barrage des Trois Gorges en Chine, le plus grand au monde.
Pourtant, le Gouvernement n'a, pour l'instant, pas souhaité intervenir dans ce dossier, en refusant notamment d'entrer au capital d'Alstom, ou en rachetant les actions louées par Bouygues.
Dans le même temps, le ministre de la transition écologique et solidaire annonce le report des objectifs d'évolution du mix énergétique fixés par la récente loi relative à la transition écologique pour la croissance verte, objectifs qui devaient être atteints en 2025, faute de solutions suffisantes en matière d'énergies renouvelables.
Nous peinons à comprendre la stratégie industrielle du Gouvernement en matière de transition énergétique. Cette transition est pourtant urgente et indispensable pour respecter nos engagements de l'accord de Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, en l'absence de grand débat national sur la transition énergétique qui semble pourtant indispensable, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la stratégie du Gouvernement concernant le développement des énergies renouvelables en général et de l'hydraulique en particulier ?
M. le président. Veillez, mes chers collègues, à bien respecter votre temps de parole.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Il y a plusieurs questions dans votre question, monsieur le sénateur.
La situation de l'entreprise GE Hydro est suivie de près par les services de Bercy. Vous avez insinué que le Gouvernement ne s'occupait pas de ce dossier : je préfère donc vous faire cette précision.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur la stratégie globale du Gouvernement en matière d'énergies renouvelables et de transition énergétique lors de mon intervention liminaire, et il y a quelques jours encore devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. S'il faut le refaire, je le referai, mais pas en deux minutes : je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole, monsieur le président
Vous m'avez également interrogé sur l'accompagnement industriel en matière d'énergies renouvelables et sur la stratégie relative à l'hydroélectricité. Vous le savez, monsieur le sénateur, la France est particulièrement bien dotée en gros équipements hydroélectriques. Cela est dû à sa géographie, à sa topographie : des régions ont ainsi pu devenir pionnières en la matière. Le recours à l'énergie hydroélectrique est donc important : on ne peut pas dire le contraire.
La question se pose en revanche pour la petite hydroélectricité. Le Gouvernement continue par conséquent d'accompagner son développement par la voie des appels d'offres. Nous réaffirmerons cet engagement lors de la confection de la programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE, qui sera l'occasion de tenir le grand débat sur la transition énergétique que vous appelez de vos voeux, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la stratégie nucléaire française est à la croisée des chemins ; c'est pourquoi elle manque de lisibilité. Voulons-nous sortir du nucléaire ou promouvoir un autre nucléaire ? Telle est la question fondamentale à laquelle nous devrons clairement répondre dans les années à venir.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte semble aller dans le sens d'une sortie du nucléaire, en fixant l'objectif de réduire sa part dans le mix électrique français à 50 % à l'horizon 2025.
Mais même cet objectif intermédiaire va réclamer des efforts monstrueux. Je suis bien placé pour le savoir : un de mes proches est responsable du démantèlement de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Ce démantèlement dure depuis 25 ans et devrait prendre fin en 2100. Sur le site, 2 000 tonnes de graphite sont confinées dans des silos en attendant d'être enfouies, et 4 500 tonnes restent encore à extraire du réacteur.
L'arrêt des centrales les plus anciennes va représenter un coût pharaonique. Dans ces conditions, envisager une sortie totale du nucléaire est sans doute utopique. C'est pourquoi la stratégie consistant à faire évoluer le nucléaire est plus que jamais d'actualité. C'est tout l'enjeu de l'EPR, mais c'est aussi l'enjeu de technologies révolutionnaires, comme la fusion, avec le projet ITER, ou les réacteurs au thorium et sels liquides.
Monsieur le secrétaire d'État, où en est ITER ? La France peut-elle renouveler son parc nucléaire grâce au thorium ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Répondre en deux minutes à votre question ne sera pas facile, monsieur le sénateur. Vous m'interpellez en effet sur la stratégie et la programmation en matière nucléaire, sur leur sincérité et leur faisabilité, ce qui nous amène, une fois de plus, à la part des énergies renouvelables que nous sommes en mesure d'atteindre.
Cela nous oblige également à évoquer un point que j'ai mentionné dans mon intervention liminaire, mais dont nous ne parlons pas assez : la sobriété énergétique. La principale énergie que nous allons produire à l'avenir est celle que nous n'aurons pas consommée. La performance énergétique des bâtiments est indispensable pour réduire la facture énergétique des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales.
Vous m'interrogez également sur les filières industrielles d'avenir dans le secteur du démantèlement de centrales nucléaires. Étant chargé de suivre le dossier de Fessenheim, je me penche évidemment sur le sujet. Mais dans la minute qui me reste, je n'ai pas le temps de l'évoquer plus avant.
Votre question a trait, plus spécifiquement, à la part du nucléaire dans le mix énergétique, mais aussi à la place qu'occupera l'innovation en matière nucléaire.
Je l'ai dit tout à l'heure : la barre des 50 % reste bien l'horizon du Gouvernement. Toute la question est de savoir quand cet horizon sera atteint ; c'est une affaire de sincérité des calendriers exposés. Ce point va nous occuper toute l'année prochaine, avec la rédaction de la PPE.
En tout état de cause, personne n'a dit que l'horizon était d'atteindre un mix énergétique où la part du nucléaire serait de 0 %. Cette part va réduire, de 75 % aujourd'hui à 50 % dans un horizon raisonnable et sincère.
Pour ce qui est de la recherche nucléaire, le Gouvernement alloue 1,2 milliard d'euros de crédits au projet ITER jusqu'à l'année 2020.
Le soutien à l'innovation est important. Quel nucléaire voulons-nous en effet pour sa part restante ? Là encore, la PPE permettra de faire des choix industriels, qu'il ne m'appartient pas de formaliser devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Le chef de l'État le fera certainement, le moment venu.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'énergie la plus propre est celle qu'on ne consomme pas, celle dont on n'a pas besoin. Et nous devons porter une attention particulière aux multiples façons d'économiser l'énergie.
La transition énergétique s'appuiera pour beaucoup, on le constate déjà, sur les initiatives locales. À cet égard, plus de 500 territoires ont montré le chemin à suivre en s'inscrivant dès 2016, et à l'incitation très forte de l'État, dans le dispositif des territoires à énergie positive pour la croissance verte, ou TEPCV.
Aujourd'hui, après s'être engagés auprès de leur population, de très nombreux maires, présidents d'intercommunalité et leurs conseils se voient contraints de renoncer à leurs projets d'économie d'énergie ou de production d'énergie renouvelable.
Monsieur le secrétaire d'État, les maires et présidents d'intercommunalité qui se sont inscrits de manière exemplaire, par ces projets, dans le droit fil des objectifs de la COP21 ne doivent pas être désavoués.
Après une première circulaire envoyée aux préfets de région, très restrictive pour ce qui est de l'éligibilité des projets en cours, une seconde circulaire assouplirait les critères de sélection. Pouvez-vous nous l'exposer et rassurer les très nombreux élus qui montrent l'exemple de la responsabilité en matière de lutte concrète contre le réchauffement climatique ?
La nécessaire évolution du mix énergétique de notre pays, du fait de la multiplication des points de production et d'injection de l'électricité sur les réseaux, transforme profondément notre modèle d'organisation, jusqu'ici centralisé, pour ne pas dire verticalisé.
Ce phénomène nous oblige à penser, pour la partie liée à l'acheminement de l'énergie, l'évolution de notre modèle de tarification, ainsi qu'à prendre en considération la question de la préservation du principe, fondamental dans une perspective d'égalité des territoires, de péréquation tarifaire.
Où en êtes-vous de vos réflexions sur ces deux sujets très importants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Votre première question porte sur les TEPCV, monsieur le sénateur. Je pense avoir été clair à ce sujet dans mon intervention liminaire. Mais puisque vous me permettez d'y revenir, laissez-moi vous faire part de cette remarque : voilà ce qui arrive lorsqu'un gouvernement se laisse aller à des stratégies d'annonce un peu précipitées
Je vous prie de croire que je ferai attention à ce que l'on ne mette pas, comme ici, la charrue avant les boeufs pour les contrats de transition écologique. Car vous avez raison de le dire, c'est toujours l'élu local qui en fait finalement les frais, dans ce genre de circonstances. J'ai été maire, élu communautaire, président de conseil départemental : je sais de quoi je parle
Un élu local attend que la parole de l'État, par la bouche du préfet, soit tenue. Je suis donc heureux, et je suis sûr que vous l'êtes aussi, que le Gouvernement et le Président de la République assument les engagements pris par François Hollande et Ségolène Royal, au nom de la continuité de l'État.
Votre seconde question porte sur la péréquation, plus particulièrement sur l'accès au réseau et la distribution des énergies renouvelables.
Ladislas Poniatowski pourrait vous répondre sur le point relatif à la distribution, mais il n'est hélas pas d'usage qu'un sénateur apporte une réponse à la place du Gouvernement.
C'est pour répondre à la question de l'accès au réseau des énergies renouvelables que le Gouvernement a décidé de financer à hauteur de 40 % les coûts de raccordement, via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, ou TURPE. Cela vaut pour tous les producteurs d'énergies renouvelables : les agriculteurs, avec la cogénération et la méthanisation, les entreprises, les commerçants et les collectivités territoriales.
Le financement à hauteur de 40 % des connexions au réseau offre la capacité d'améliorer le modèle économique ou la rentabilité du projet tel qu'initialement imaginé. Dans le milieu rural, point qui vous intéresse particulièrement, cette aide offre tout simplement la possibilité de se rapprocher du réseau.
Les deux minutes qui me sont imparties sont insuffisantes pour répondre complètement à vos interrogations relatives à la péréquation et au tarif de l'électricité. Il faudra que nous y revenions, notamment lors de nos discussions autour de la PPE.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Ma première question relève en réalité d'un choix politique. Je note que la parole de l'État en la matière sera tenue.
La seconde est technique. Comment mêler puissance et énergie en matière de péréquation tarifaire ? Il faudra y revenir.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Notre-Dame-des-Landes est devenu le symbole des blocages auxquels sont confrontés beaucoup de nos grands projets.
Qu'importe l'enjeu du projet ; qu'importe le processus décisionnel long et souvent minutieux ; qu'importent les procédures et les validations scientifiques ; qu'importe qu'un vote démocratique approuve le projet !
Partant du constat d'une France où les décisions publiques sont de plus en plus contestées, où la défiance des citoyens s'accroît vis-à-vis de leurs représentants, comment parvenir à lever les blocages et susciter l'adhésion ?
D'un rapport sénatorial de grande qualité, intitulé Le temps d'une démocratie coopérative, rédigé par Philippe Bonnecarrère à l'issue des travaux de la mission d'information sur la démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire, présidée par Henri Cabanel, mission à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, on peut tirer un certain nombre d'enseignements.
Prenons l'exemple du développement de l'éolien en mer, qui, selon la loi, doit contribuer à hauteur de 40 % à la production d'électricité renouvelable à l'horizon 2030.
Le premier appel d'offres a été lancé en 2011. Cinq lauréats ont été retenus. Les premières autorisations administratives ont été délivrées et, pourtant, tous les projets font l'objet, encore maintenant, de recours en justice.
Citons aussi Bure et la question cruciale de la gestion des déchets radioactifs ; mais aussi la filière hydraulique française dans son ensemble, notamment le barrage hydraulique de Poutès en Haute-Loire, qui a été renouvelé après vingt ans de négociations et de procédures judiciaires, parce que les écologistes demandaient son démantèlement complet.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : comment l'État parviendra-t-il à faire appliquer des décisions publiques prises au terme de procédures d'expertises et de consultations publiques ? Comment, par ailleurs, le Gouvernement entend-il concilier l'évolution envisagée du mix énergétique, pour plus d'énergies renouvelables, avec la difficulté liée à son acceptabilité dans la population ? Comment, enfin, conjuguer simplification et allégement des procédures ce sont les annonces du Gouvernement et acceptation des ouvrages ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous sais très investi sur ces questions, monsieur le sénateur. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger à ce sujet lors de l'examen du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à l'évaluation environnementale : les procédures lancées par l'autorité environnementale doivent nécessairement passer par le dialogue.
Ce sujet est absolument fondamental. Il mêle plusieurs enjeux : le pragmatisme, l'intérêt à agir de nos concitoyens, la sécurisation des porteurs de projets et l'autorité de l'État, pour laquelle je milite, vous le savez.
Ces questions sont aussi d'ordre philosophique ; elles se rapportent à la culture de notre pays, culture du droit comme culture du peuple. Il est difficile d'y répondre en deux minutes.
Je le ferai donc, si vous me le permettez, au couteau, en vous présentant quelques éléments de réflexion sur l'action du Gouvernement.
Un : il faut assumer de perdre du temps en amont sur certains projets, pour ne pas en perdre en aval. Les blocages affectant certains projets auraient été de toute façon inéluctables. Mais il y a des blocages dont on aurait totalement pu se passer. Une concertation préalable impliquant riverains, élus locaux, tiers ayant intérêt à agir aurait pu estomper les craintes s'étant fait jour à propos de projets d'éoliennes ou de méthaniseurs, par exemple. Il y a des marges de manoeuvre sur ce type de projets.
Deux : il faut améliorer les procédures. Elles sont parfois inadaptées. Laisser le juge administratif trancher les différends liés à l'éolien à la place même du préfet, de l'État ou des collectivités territoriales dans les trois quarts des cas n'est pas une bonne chose. Cette situation crée des appels d'air à contentieux, entraînant eux-mêmes des blocages plus violents.
Trois : il faut améliorer l'exemplarité des projets. Le bon sens peut conduire à ce qu'on s'oppose à certains, par exemple ceux qui ne sont pas assez respectueux de l'empreinte environnementale.
Quatre : il faut revenir à l'idée gaulliste d'intéressement et de participation. Les citoyens peuvent avoir intérêt à regarder avec bienveillance certains projets.
La question est large : de Notre-Dame-des-Landes à Bure, en passant par des projets plus locaux, les situations sont à chaque fois différentes.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les engagements pris lors de la COP21, la France a clairement affirmé son positionnement en faveur d'une énergie durable et diversifiée.
Les collectivités territoriales auront désormais un rôle accru dans l'évolution de notre modèle énergétique. La gouvernance de l'énergie va évoluer en conjuguant les atouts d'un système très centralisé avec ceux des dynamiques territoriales : telle est l'analyse du président de l'ADEME, que je partage entièrement.
La loi NOTRe, en désignant les régions comme chef de file de la transition énergétique à l'échelon local, porte également, en filigrane, cette notion de territorialisation de l'énergie.
Cependant, les acteurs locaux sont de plus en plus souvent à l'initiative de projets de production locale d'énergie, y compris participatifs, donc acceptés socialement. Mais ils se heurtent à des freins institutionnels ou administratifs de la part de l'État. Installer des turbines sur nos cours d'eau, des parcs photovoltaïques ou éoliens, ou valoriser la biomasse ne devrait plus s'apparenter à un parcours semé d'embûches. Ces projets devraient être, au contraire, facilités.
À un moment où les ressources des collectivités territoriales proviennent de moins en moins de l'État, il faut laisser ces dernières réinventer leur équilibre économique à l'échelon local ; la production énergétique en est assurément un facteur déterminant.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer l'approche du Gouvernement pour faire de l'État un facilitateur en la matière ? Il n'y aura pas, en effet, de transition énergétique réussie sans un État volontariste, qui accompagne les collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, il y a plusieurs niveaux de réponse à votre question. J'essaierai de les dévoiler en deux minutes, ce qui n'est pas évident !
Il faut tout d'abord accompagner la commande publique des collectivités territoriales qui rejaillit sur le tissu économique. Cela passe par le Grand Plan d'investissement, dans lequel la Caisse de dépôts et consignations aura un rôle à jouer. Cela passe aussi par la DETR et la DSIL Je n'en dis pas plus, sauf pour vous signaler que, sur ce plan, l'État est très présent. Il affiche une volonté sans précédent de consacrer de l'argent pour investir et aider à investir en faveur de la transition écologique.
J'ajoute que plusieurs documents-cadres permettent d'orienter ces investissements locaux. Je pense notamment aux fiches-action découlant des plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET, chers à Ronan Dantec, qui ont succédé aux agendas 21 locaux. Tout cela va dans le bon sens.
Ensuite, et je reviens un peu à ma réponse au sénateur Bargeton, il faut rechercher l'équilibre entre libérer et protéger du point de vue réglementaire. Je vous souffle un exemple pour donner du concret à ma réponse, mais il vous reviendra, mesdames, messieurs les sénateurs, de trancher cela le moment venu : le groupe de travail sur l'éolien s'est interrogé pour savoir s'il fallait à tout prix repasser par une étude d'impact intégrale pour du repowering, là où une étude au cas par cas pourrait peut-être suffire, dès lors que l'on reste dans les mêmes dimensionnements de projet et que l'acceptabilité locale du repowering est acquise. C'est quelque chose d'évident sur lequel nous devons trouver des réponses plus rapidement.
Enfin, pour ce qui concerne les contrats de transition écologique, l'année prochaine, avant une généralisation, que je souhaite, comme on comptera de quinze à vingt contrats démonstrateurs, il faudra prévoir l'adaptation des normes environnementales en la matière, puisque tous les acteurs locaux se seront mis d'accord, par voie de consensus en « mode Grenelle », sur les fiches-action et sur les projets qu'il convient de mettre en oeuvre sur le territoire. Dès lors, on peut très bien imaginer que l'autorité environnementale ait un rôle un peu différent, plus accompagnateur, a posteriori plutôt qu'a priori, sur le sujet. En tout cas c'est la volonté du Président de la République que d'être assez innovant sur la question.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Alain Duran. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la programmation pluriannuelle de l'énergie, issue de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a fixé comme objectif de porter, en 2020, à au moins 23 % la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, contre 12 % en 2006. Parmi ces énergies renouvelables, la consommation de biomasse forestière, qui est la première ressource renouvelable en France, devrait ainsi passer de 9 millions de tonnes équivalent pétrole à plus de 13 millions dans la même période.
Il est d'autant plus pertinent d'encourager les installations de cogénération utilisant la biomasse qu'elles sont riches en emplois locaux et par nature délocalisables. Elles participent ainsi au maillage territorial et à l'entretien des forêts. Par exemple, une centrale de cogénération installée dans mon département, voilà tout juste deux ans, a eu un fort impact local. Au-delà des mégawatts produits, elle a contribué à la création d'une centaine d'emplois directs et indirects en ayant recours à du bois récupéré, environ 100 000 tonnes par an, sur un rayon qui n'excède pas 50 à 100 kilomètres.
Ce projet participe ainsi à l'entretien et à la régénération d'une forêt, qui gagne tous les jours dans nos montagnes des pans entiers de nos territoires, en raison de la déprise agricole.
Pourtant, le rythme de développement de cette filière paraît insuffisant pour atteindre les objectifs. La compétitivité, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, n'est toujours pas au rendez-vous. La concurrence du gaz naturel est forte et, face à celle des énergies fossiles, des volumes importants de bois ne trouvent actuellement pas de débouchés. Les tarifs d'achat sont insuffisants par rapport aux coûts de revient, en particulier pour les petites installations, qui sont pourtant celles dont l'impact en matière d'emploi et de bilan carbone est le meilleur.
Le doublement du fonds chaleur n'est pas pour maintenant j'ai d'ailleurs cosigné un amendement en ce sens avec ma collègue Nelly Tocqueville et l'ADEME voit ses autorisations d'engagement diminuer dans le projet de loi de finances pour 2018.
Dès lors, comment le Gouvernement envisage-t-il la place de la filière bois-énergie dans le programme de développement des énergies renouvelables, une filière qui a toute sa place, comme vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'État, dans nos territoires ruraux de montagne ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Il y a plusieurs éléments dans votre question, monsieur le sénateur. La biomasse comprend aussi les nouveaux carburants, la méthanisation, hormis la question du bois. Je tiens à le redire, nous pouvons être fiers du modèle français de biomasse, notamment en ce qui concerne la méthanisation. Avec nos amis agriculteurs, nous avons fait le choix courageux de nous concentrer sur les matières organiques, sans utiliser des cultures spécifiques dédiées à l'alimentation des méthaniseurs. D'autres modèles européens sont différents.
Ensuite, s'agissant du bois, il y a un enjeu de structuration de la filière. C'est absolument indispensable. La durabilité de la production d'énergie à partir du bois doit être évaluée. On ne va pas déforester pour ne produire que de l'électricité. Il faut être en cogénération et davantage utiliser les chutes de bois d'un certain nombre de métiers, de scieries, d'entreprises. Nous croyons à cette filière, notamment dans un certain nombre de territoires d'outre-mer. J'étais avec le Président de la République en Guyane, où le bois ne manque pas. La question de la biomasse est donc intéressante là-bas.
Enfin, monsieur le sénateur, le fonds chaleur ne diminue pas.
Je rappelle la différence entre autorisations d'engagement et crédits de paiement ; il faut regarder ces derniers. C'est la même chose dans une collectivité locale entre le budget primitif et le compte administratif ; il faut regarder ce dernier.
Je le répète, le fonds chaleur ne diminue pas.
M. Jean-François Husson. Si !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Il s'élève à 200 millions d'euros pour l'année 2018, chiffres à l'appui, et le compte rendu fera foi.
En plus, la trajectoire carbone permet d'améliorer la compétitivité des projets. Le nombre de projets exécutés tels quels par le biais du fonds chaleur augmentera donc l'année prochaine. L'un ne va pas sans l'autre.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelles que soient nos passions ou nos préférences pour les énergies de l'avenir, force est d'admettre que les énergies sont fortement consommatrices de capitaux, d'investissements. À ce titre, elles ont besoin de règles du jeu prévisibles et stables.
Le débat n'est pas simplement franco-français, vous le savez, il est naturellement mondial. Nous ne sommes jamais à l'abri d'un risque international, qui peut modifier singulièrement et fortement l'approvisionnement énergétique ; nous ne sommes pas à l'abri de l'apparition d'une nouvelle technologie ; nous ne sommes pas à l'abri de décisions politiques de pays étrangers, qui sont parfois nos partenaires. À cet égard, je veux évoquer le cas de l'Allemagne, qui a décidé, après l'accident survenu à Fukushima, de renoncer au nucléaire, et donc de relancer à la fois des énergies renouvelables aléatoires, comme l'éolien, et des énergies fossiles, à savoir le charbon et le lignite.
Ce développement, en particulier de l'éolien, aboutit à déstabiliser les prix de l'énergie électrique en Europe, puisque, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'État, l'électricité ne se stocke pas encore aujourd'hui dans des conditions acceptables.
Aussi, allez-vous prendre des initiatives franco-allemandes pour que les règles du jeu de l'investissement énergétique puissent être prévisibles et ne soient pas remises en cause par des décisions de nos partenaires qui sont, certes, compréhensibles, mais qui mériteraient d'être prises à la lumière de l'intérêt collectif européen et du centre de l'Europe?
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Longuet, vous avez raison, il y a les trajectoires franco-françaises et les réalités du prix du marché.
En fait, votre question comporte deux éléments.
Il y a tout d'abord la réalité technologique, dont les représentants de RTE parleraient bien mieux que moi : les équilibres entre import et export d'électricité, les phénomènes de prix négatif de l'électricité lorsqu'il y a beaucoup de vent dans le nord de l'Europe. Cependant, la vraie question que vous posez, c'est celle de la trajectoire carbone européenne, notamment à l'échelle de la relation franco-allemande. Une fois de plus, et je le disais à l'instant pour le fonds chaleur, tout est relatif, puisque nous sommes face à des effets de levier de compétitivité, qui permettent d'engager des transitions.
Si les projets récents d'éoliennes en mer du Nord n'ont plus aucune subvention publique, c'est que le prix de l'électricité a permis d'améliorer les modèles. Mais on voit bien qu'on arrive au bout du bout de la logique sans accord de régulation, ou en tout cas d'entente, sur un coût du carbone commun à la France et à l'Allemagne.
Cela fait partie des conversations que le Président de la République a avec Mme Merkel. Je ne suis pas ces questions moi-même, vous m'en excuserez, monsieur Longuet, mais je crois qu'un certain nombre de conseils consacrés à l'énergie et composés des ministres concernés se sont tenus ou vont se tenir dans les semaines qui viennent.
En tout cas, c'est vrai, à un moment donné, la PPE va devoir s'appuyer sur une visibilité du coût du carbone, parce que c'est celle-ci qui donnera la prévisibilité de notre trajectoire en matière d'énergie. Je crois que nous sommes convaincus de la même chose sur le sujet. À nous maintenant d'agir pour arriver à un résultat le plus rapidement possible. Si nous avons une trajectoire carbone nationale, en même temps, selon la formule consacrée (Sourires.), une trajectoire carbone européenne est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour la réplique.
M. Gérard Longuet. Je veux simplement remercier le ministre Hulot de son sens des réalités.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Joël Bigot. Monsieur le secrétaire d'État, ma question n'est pas sans lien avec le devenir des territoires à énergie positive, évoqué par mon collègue Franck Montaugé. Je souhaite en effet vous interroger sur les difficultés de la filière solaire en France, qui ne connaît malheureusement pas le dynamisme de celle de l'éolien. L'énergie solaire est pourtant la plus compétitive, avec un prix qui peut descendre à 55 euros le mégawattheure, soit un coût nettement inférieur à celui de l'éolien.
Si des parcs photovoltaïques sortent aujourd'hui de terre, je crois que nous devons aller beaucoup plus loin pour rattraper notre retard en la matière.
Le projet de ferme solaire porté par la commune des Ponts-de-Cé, dans le Maine-et-Loire, est un bel exemple de ce qui peut se faire. Il s'agit de reconvertir une ancienne décharge en centrale solaire sur 13 hectares. Dommage qu'il ait fallu attendre huit ans avant que la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, ne valide le projet.
Ne serait-il pas judicieux, monsieur le secrétaire d'État, de lancer une vaste opération de recensement des fonciers non agricoles qui pourraient faire l'objet de telles reconversions pour doper la filière ?
Toujours en Maine-et-Loire vous avez souligné tout à l'heure l'importance du côté participatif pour dynamiser certains projets , les collectivités territoriales peuvent également compter sur une mobilisation citoyenne extraordinaire, grâce à des associations ou des coopératives comme CoWatt ou Énercoop, qui se proposent d'accompagner les particuliers dans la transition énergétique. Cet engouement démontre que nos concitoyens sont prêts et attendent un soutien sans faille de l'État.
Alors que les discussions concernant la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie portant sur la période 2023-2028 s'engagent, quelles sont, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous envisagez pour encourager massivement la filière solaire en vue de rattraper nos voisins européens comme l'Angleterre ou l'Allemagne, pays pourtant nettement moins ensoleillés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, afin de respecter le temps qui m'est imparti, je vais aller droit au but.
Tout d'abord, je partage votre analyse.
Ensuite, si c'est parfois la faute de l'État, en l'occurrence, pour le photovoltaïque, les difficultés dans la structuration de la filière ne sont pas de la responsabilité des pouvoirs publics. Je pourrais évoquer, chiffres à l'appui, un certain nombre de défaillances qui ne proviennent pas d'un problème réglementaire, ce qui n'est pas le cas pour l'éolien, notamment l'éolien offshore.
Enfin, sur le foncier, j'ai prévu de sensibiliser les établissements publics fonciers pour recenser les friches, puisque, bien évidemment, sur des périodes données, dans le cadre d'un projet d'aménagement, dans les ZAC ou dans les concessions, utiliser ces friches pour produire de l'énergie est une solution qui peut être intelligente et intéressante, y compris pour celui qui possède le foncier.
En revanche, pour ce qui relève de la compétence de la puissance publique sur le solaire, dans les années qui viennent, nous allons imposer la pluriannualité sur tout le quinquennat dans les appels d'offres et, surtout, une massification, une augmentation du niveau et des seuils de ces appels d'offres pour créer de véritables effets de levier en réponse, afin de « dumper », si j'ose dire, par le haut, le modèle économique et la rentabilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie à 23 % en 2020 et à 32 % en 2030.
Cette transition énergétique pèse déjà, et va peser encore davantage demain, sur nos finances publiques : le soutien aux énergies renouvelables électriques s'élèvera à plus de 5 milliards d'euros en 2018, et sur le quinquennat, il représentera 30 milliards d'euros.
Or, dans les faits, le Parlement est aujourd'hui contourné, absent des décisions prises par le Gouvernement en matière de soutien aux énergies renouvelables, alors qu'il devrait pouvoir encadrer cette politique, pour bien la soutenir, en fixant dans une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie le plafond par filière des nouvelles opportunités de production, ainsi que le plafond des surcoûts compensés aux opérateurs au titre de l'achat d'électricité issue de sources d'énergies renouvelables.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : le Gouvernement a-t-il aujourd'hui l'intention de proposer au Parlement de se prononcer sur ces sujets décisifs pour l'avenir économique du pays, notamment en lui permettant de prendre toute sa place et toute sa part ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Husson, je vous remercie de votre question, qui en comporte en fait deux.
Tout d'abord, sur les trajectoires financières, puisque le contribuable est amené à financer les ENR, bien malin celui qui sait ce que cela va coûter dans les années qui viennent, le coût de l'électricité étant tel aujourd'hui que jamais les ENR n'ont été si compétitives. Je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit, mais, vous le constaterez lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, il reste de l'argent ce n'est pas très conforme à la « parole de Bercy » de parler ainsi sur le compte d'affectation spéciale « Énergies renouvelables ». Le contribuable n'a jamais été aussi peu sollicité en termes de transition, puisque, là aussi, il s'agit du coût d'un marché. Il serait d'ailleurs intéressant de l'évaluer.
Ensuite, s'agissant de l'association du Parlement, je répète que c'est indispensable. Au-delà de ce qui relève du domaine réglementaire et de la loi, il est essentiel non seulement que le Parlement soit associé à l'élaboration de la PPE, mais aussi qu'un grand débat public ait lieu sur ces questions. Le sénateur Raison parlait tout à l'heure d'acceptabilité : en 2018, on ne peut plus parler d'énergie en catimini entre membres du corps des Mines Dieu sait que je respecte ce corps, qui m'assiste dans mes fonctions actuelles.
Nicolas Hulot a évoqué ce débat, mais il faudra que l'on précise, dans les semaines et les mois qui viennent, la méthodologie et la manière d'associer les uns et les autres, y compris les élus locaux, les filières économiques concernées, les associations environnementales. Le Parlement aura tout son rôle à jouer dans l'animation des grands débats énergétiques.
Les énergies renouvelables ont un aspect local, quotidien, et la performance énergétique ne consiste pas seulement à faire des travaux d'isolation ; c'est aussi changer le comportement des Françaises et des Français. Les syndicats d'électricité, d'ailleurs, y concourent. Bref, il faut que le débat soit le plus large possible, faute de quoi il ne fonctionnera pas.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Ma question était courte, pour me laisser le temps de la réplique.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous trouverez toujours aux côtés du Gouvernement, lorsqu'il s'agira, un peu dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, d'associer les collectivités, le Parlement et les Français. Sur ces sujets difficiles, on a besoin de cohésion et de soutien si l'on veut réussir.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, conséquence de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a pour objectif le développement de la mobilisation et de l'utilisation de la biomasse, qu'elle soit forestière, agricole ou de déchets, en énergie, notamment pour atténuer le changement climatique, tout en respectant l'articulation des usages entre ses différents débouchés.
Dès lors, la France possédant une importante ressource en biomasse, cette stratégie a également pour objectif de permettre une meilleure indépendance énergétique du pays et de tendre ainsi vers l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables en 2020 et de 32 % en 2030.
Néanmoins, malgré des initiatives convergentes offrant des perspectives au secteur de la biomasse, il semble qu'une véritable stratégie publique fasse défaut dans notre pays.
En effet, la France ne dispose pas de réelle stratégie de bio-économie permettant de hiérarchiser les différents usages des ressources et de dépasser la question du partage de la ressource pour envisager les moyens de produire mieux et davantage.
D'ailleurs, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de 2016 portant sur l'exploitation de la biomasse a rappelé les avantages associés à celle-ci : une énergie renouvelable dont la disponibilité est réputée permanente ; des ressources susceptibles d'être stockées ; un facteur de réduction d'émissions de gaz à effet de serre
Ce rapport a souligné également le manque de vision globale à long terme et de stratégie publique pour une exploitation optimale de cette ressource.
Enfin, l'exploitation de ces énergies est freinée par des lourdeurs administratives. Il faut en effet en France entre trois et quatre fois plus de temps que chez nos voisins italiens ou allemands pour obtenir les autorisations nécessaires.
Depuis, un certain nombre de projets, je pense notamment à la transformation de la centrale à charbon de Gardanne, sont toujours en phase expérimentale.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont vous entendez surmonter ces difficultés persistantes et faciliter la réalisation de projets de cette nature ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous me permettez de finir en beauté avec cette question (Sourires.), qui ouvre en plus quelques perspectives. Comme je le disais voilà un instant à votre collègue, la question de la biomasse en général, de la filière bois en particulier, demande des efforts de structuration qui sont extraordinairement importants.
C'est la rencontre de nos outils, des appels à projets notamment, j'y reviendrai, et d'une filière. Sont concernées des réalités territoriales qui sont très fortes, comme vous l'avez dit.
La stratégie relative à la filière bois et à la cogénération d'électricité sera présentée par le Gouvernement dans les jours ou dans les semaines qui viennent. Elle a été coécrite avec l'ensemble des acteurs de la filière, c'est-à-dire les forestiers, les exploitants de scierie, entre autres acteurs, pour arriver justement à un modèle qui fonctionne.
Nous allons faire des appels d'offres dédiés pour aider cette filière à trouver son marché. Nous allons également régionaliser un certain nombre de ces appels d'offres pour essayer de coller au plus près des besoins du territoire.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'enjeu pour la filière bois est de disposer d'une véritable visibilité sur la durabilité de ce que nous faisons. Il ne s'agit pas d'investir de l'argent public pour s'apercevoir dans cinq ans ou dix ans qu'un modèle complet n'a pas été déterminé, à la différence du photovoltaïque ou de la méthanisation, pour prendre un autre élément de biomasse, qui, lui, fonctionne.
Si ces questions vous passionnent, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes prêts à vous associer très directement, puisque l'on voit bien que ces questions de la biomasse et de la filière bois sont peut-être plus sensibles que celles portant sur d'autres sources d'énergie renouvelable.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. Je remercie tous les participants à ce débat thématique, qui ont respecté leur temps de parole, permettant que le débat suivant commence à l'heure prévue.
Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quelles énergies pour demain ? »
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
source http://www.senat.fr, le 27 novembre 2017